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KallyVasco - Page 14

  • Perplexe 2

    Suite de la note précédente : Sur le site de l’éditeur, se trouvent 56 pages de larges extraits du livre, de l’intéressante  préface d’Arnaud Blin, aux différentes « leçons », allant de l’attitude à avoir au moment de l’achat d’une arme, aux secrets de l’utilisation de l’encre sympathique (la seule chose qui semble l’être dans ce livre, d’ailleurs), en passant par le self-control nécessaire de l’assassin au moment de son exaction, ou bien s’il est lui-même capturé et qu’il subit un interrogatoire « musclé »…

    Extraits de l’avant-propos et de la préface : « Il ne s’agit pas d’un texte philosophique qui poserait les fondements idéologiques du combat mené par les dirigeants d’Al-Qaida. De tels textes existent et ils sont bien connus. Il s’agit au contraire d’un manuel pratique écrit par les dirigeants et les cadres d’Al-Qaida et destiné aux hommes chargés de la mise en œuvre des exactions. »

    « Il s’agit d’un manuel de tactique plutôt que d’un traité de stratégie ou un texte de propagande. »

    « Le Manuel pratique du terroriste est un texte redoutable dont le but n’est ni plus ni moins que d’inciter et de pousser des jeunes hommes –même de très jeunes hommes- à aller perpétrer des attentats et commettre des assassinats contre des innocents un peu partout dans le monde. Ceci avec la caution morale d’une organisation se réclamant d’Allah… »

    « Nous avons pris le soin de supprimer les passages qui expliquent dans le détail comment frapper mortellement un individu, produire des poisons ou fabriquer des explosifs. »

    Je demeure perplexe...

  • Perplexe


    alqaidamanuelweb.jpgJe ne sais que penser de ce livre (je ne l'ai pas encore eu en mains) qui paraît chez André Versaille

    Al-Qaida : Manuel pratique du terroriste

    Présentation de l'éditeur :

    Voici Al-Qaida elle-même, dans sa parole la plus secrète : voilà comment les jihadistes de la Base parlent et se parlent. Dans leur violence la plus crue. Ce manuel rédigé par Al-Qaida explique comment doit se comporter le parfait terroriste. Il détaille, en 18 leçons, comment échapper aux poursuites, recruter, recueillir de l’information, fabriquer de faux papiers, détruire, commettre des attentats, fabriquer des poisons, assassiner, résister aux interrogatoires, s’évader, le tout au nom du Jihad “contre les régimes athées et apostats” peuplés “d’infidèles”…

    Nous avons décidé de le mettre à la disposition du public au nom du principe qui veut qu’on ne se défende efficacement contre un péril que si l’on en comprend la nature.

    Votre avis sur l'idée de publier un tel manuel m'intéresse (hors considérations économiques sur un possible coup éditorial).

    Car cela me rappelle les dégâts réels que fit la publication, au début des années 80, d'un livre intitulé Suicide mode d'emploi, et à côté desquels la vague de suicides romantiques qui suivit la publication, en Allemagne, des Souffrances du jeune Werther, de Goethe, relève de la dérive poétique...

    Car enfin, comment croire au principe douteux (souligné par moi ci-dessus) de l'éditeur, lequel semble vouloir se dédouaner par avance?

    Que m'apporte de connaître, de manière technique, la façon d'agir aveuglément (comme aucun animal n'agit jamais car l'instinct est davantage "guidé" que dans ce cas humain) d'un terroriste animé par l'acte de tuer aveuglément un maxium d'innocents (André Breton et son acte surréaliste pur : descendre dans la rue et tirer dans la foule au hasard, sont -heureusement- restés au stade du fantasme, de la geste esthétique douteuse, bref, de la provocation. Les terroristes, eux, passent à l'acte), pour mieux comprendre les ressorts de sa démarche? Rien, a priori. Tout au plus une satisfaction voyeuriste désintéressée et acquise par effraction. Mais c'est trop mortifère pour me procurer du plaisir comme je l'entends et l'apprécie depuis toujours. Et pour vous?..

    Je pense tout à trac à ces ados de Columbine, et de tant d'autres collèges américains où pénétrer armé n'est même pas une formalité, je pense aux effets d'identification funestes du film Scream, je pense à la dérive profondément abyssale des milliers d'ados qui s'emmerdent à longueur de journée en France. Je frissonne de me voir si frileux, si réac. Mais il m'apparaît que l'idée (éditoriale) n'est pas bonne, parce que je fais de moins en moins confiance en la nature humaine, surtout par temps de crise, favorable, nous le savons, à l'émergence, à l'éclosion, à la renaissance instantanée de la Barbarie la plus horrible. Mais bon...

    A une époque, il y eut le manuel du savoir-vivre. Voici celui du savoir mourir. En tuant. Signe des temps.

  • Si peu de bruit

    Tandis que les jurys livrent leur listes ressérées de candidats aux grands prix littéraires d'automne, et bien que je ne puisse m'empêcher de faire mes propres pronos, comme chacun, j'ai plaisir à lire des livres dont on parle peu, qui ne font de bruit que celui des pages que l'on tourne et qui possèdent pourtant des qualités immenses et insoupçonnées du grand public; ce que je regrette. Et la fureur ne s'est pas encore tue, d'Aharon Appelfeld, par exemple (à l'Olivier), nouveau livre du grand humaniste hanté par les camps, n'est pas un larmoiement à la Elie Wiesel, mais plutôt un hymne à la fraternité, un éloge de la dignité humaine, qui rapproche Appelfeld de Primo Lévi. L'horreur innommable nous est ici décrite calmement, sans haine, car toujours percent le courage et l'espoir à la surface de l'Enfer. C'est d'un grand message d'humanité et d'humilité qu'il s'agit, avec, au bout d'une interminable errance dans la neige et la forêt -avec la peur du nazi, la faim, le froid, les loups, après une évasion d'un camp, le cadre d'un chateau dans la ville de Naples pour havre, ouvert aux survivants, avant le chemin du Retour, si existent encore pour chacun, et ce chemin et des Lieux. Le bonheur de lecture ne vient pas à l'improviste, avec les livres d'Appelfeld, mais il surgit doucement à la faveur d'une sorte de petit miracle : je pense à l'allégorie de la musique de Bach ou Brahms jouée par un trio, et à la lecture du Livre, qui parviennent à transfigurer les visages des réfugiés. Ainsi reviennent-ils à la vie, s'échappent-ils un instant de l'horreur qui les hante et les hantera tout leur vie... Le narrateur au moignon ajoute alors : Tout ce qui n'est pas compréhensible n'est pas forcément étrange.

  • Libérez l'arbitre

    L'homme libre, pour Spinoza, n'est pas l'homme qui ne suit que son bon vouloir, c'est au contraire l'homme qui agit en connaissance de cause, l'homme qui se connaît lui-même, l'homme raisonnable. L'ignorance empêche l'homme d'être libre, et lui fait croire en l'existence du bien et du mal.

    Balthasar Thomass, Etre heureux avec Spinoza (Eyrolles).

    La musique est bonne pour le mélancolique, mauvaise pour le désespéré, et ni bonne ni mauvaise pour le sourd.

    Spinoza, Ethique, IV, préface.

    La béatitude n'est pas la récompense de la vertu, mais la vertu même.

    Spinoza, Ethique, V, Prop. XLII

  • Du grille-pain

    Ce matin, il y a deux choses que je ne parviens pas à m’expliquer : pourquoi le grille-pain, et lui seul, fait tout disjoncter chez moi ? Et : comment peuvent bien se supporter ceux qui se savent antipathiques ? S’agissant du grille-pain, je devrais trouver rapidement une explication. Pour la seconde, vous avez sans doute remarqué comme moi, que les gens qui s'estiment supérieurs (mais nous sommes tous > à et < à) utilisaient les outils modernes pour se donner de l'importance à bon compte. Par exemple, en ne répondant plus aux mails que les gens qu'il jugent inférieurs leur adressent. Le phénomène est relativement nouveau dans la « culture d’entreprise ». Ce nouvel habitus (dirait Bourdieu) m’afflige. L’impolitesse du silence, si elle frise parfois l’élémentaire manque de rigueur professionnelle, ne vaut ni approbation ni contestation, mais seulement mépris. C’est humiliant, donc grave;  intolérable. Que se passe-t-il lorsque l’on vient légitimement « aux nouvelles » : d'aucuns –encore jeunots, voire humains, prétendent ne pas avoir reçu le message. D'autres (les faux-culs, qui sont légion) anguillent en disant qu'ils n'ont pas (eu) le temps de vous répondre. Les vrais pros de la suffisance restent murés dans l’inox de leur silence sovietsuprêmiste. Cette attitude, sans doute inspirée d’un manuel de management croquemortel rédigé par un robocop du serrage de vis avec harcèlement indécelable sous carbone 14 prud’hommal, me fait rire. Sauf que je frissonne pour mes enfants, à la réflexion. Lorsqu’ils entreront dans la vie active, l’attirail, le fourbis, le carquois de ces manifestations de jeux de pouvoir (qui ne sont pas en voie de disparition), leur sautera dessus en faisceau. Et à l’idée d'avoir à les blinder, j’oppose dès aujourd’hui un devoir de résistance, voire de renversement de la méthode. Leur proposer de lire Sun Tzu, tiens ! « L’Art de la guerre ». Ainsi que « Les 36 stratagèmes. Traité secret de stratégie chinoise ». Puisque je veux leur paix, je dois les aider à préparer leurs combats.

  • Char inédit

    arton15191-cd4fb.jpg21 ans après sa disparition, voici un nouvel inédit de René Char. Oh, il s'agit de peu, mais Le Trousseau de Moulin Premier, qui paraît ce mois-ci à La Table Ronde, est un ravissant petit livre-objet sous emboîtage, une sorte de fac-similé d'un carnet de cartes postales anciennes de l'Isle-sur-la-Sorgue (point d'ancrage dans le monde durant toute la vie du poète), rehaussé d'une poignée de vers aphoristiques, d'amorces de poèmes  (tous manuscrits) publiés l'année d'avant (le recueil Moulin Premier paraît en 1936) : Fais cortège à tes sources, lit-on par exemple au bas d'une vue du Bassin du village (cet éclat de vers se retrouve dans le fameux poème Commune Présence, II). Char rédigea ce "troussseau" en 1937 donc, au sortir d'une grave septicémie dans laquelle le poète verra la métaphore du Mal en marche (le nazisme ici, la guerre d'Espagne là), et dont il sortira fortifié, accru par la brûlure de phosphore de la poésie. Char offrit ce "trousseau" à Gréta Knutson-Tzara en novembre 1937. Il s'agit bien d'un objet personnel (publié d'ailleurs avec l'autorisation de la Bibliothèque Jacques Doucet, et grâce, encore et toujours, à Marie-Claude Char). D'une pierre de plus à l'édifice qui se construit calmement depuis 1988, et qui donne forme à l'arrière-histoire d'une oeuvre capitale et toujours en marche.

     

  • poésie de la douleur

    Définitions de la douleur : "La douleur lancinante est une douleur proche de la douleur exquise c'est-à-dire comportant des épisodes de lancement survenant par paroxysmes. La douleur fulgurante est une douleur dont l'intensité est particulièrement vive et qui survient de manière spontanée. Les patients la comparent d'ailleurs à des coups de poignard ou à des éclairs. Ce genre de douleur survient au cours de la dégénérescence nerveuse (neuropathie) comme celle apparaissant pendant les complications neurologiques du diabète entre autres. La douleur exquise est une douleur localisée dans des zones bien limitées et qui survient par acmé c'est-à-dire par épisodes pendant lesquelles elle est plus intense. Cette douleur est caractéristique entre autres de l'appendicite ou encore de l'hyperuricémie (goutte). La douleur térébrante est une douleur profonde semblant correspondre à la pénétration d'un corps susceptible de causer une infraction dans l'organisme (vulnérant). La douleur pulsative se caractérise par des élancements sous forme de battements douloureux qui sont perçus dans les zones présentant une inflammation entre autres. La douleur pongitive est une douleur comparable à celle obtenue après pénétration profonde d'un objet contondant . Ce type de douleur est celle de la pleurésie entre autres. La douleur tensive est une douleur s'accompagnant d'une sensation de distension. Cette douleur est celle de l'abcès, de l'inflammation d'une muqueuse digestive ou respiratoire entre autres. La douleur erratique est une douleur labile, qui n'est pas fixe, changeant souvent de place. Cette douleur est caractéristique des rhumatismes. La douleur tormineuse correspond à une atteinte du gros intestin, ou plus généralement d'un viscère abdominal quel qu'il soit (voie digestive, voies urinaires, ...) et correspondant à la colique. Ce type de douleur survient sous forme d'accès. La douleur ostéocope appelée également ostéodynie est une douleur profonde de type aiguë. La caractéristique majeure de ce type de douleur est l'absence de coïncidence avec un symptôme extérieur. La douleur gravative est une douleur qui s'accompagne d'une impression de pesanteur."

    Ces lignes sont extraites de : vulgaris-medical.com , où je me suis rendu par hasard, en googlisant pour voir, savoir, lorsque j'appris ce matin que je souffrais d'une douleur exquise... L'expression m'apparût si splendide, sur le compte rendu hospitalier, qu'elle eut presque un effet soulageant -enfin, dans l'idée que je m'en fis seulement. Tout à coup la médecine me sembla plus douce, plus sensible. En un mot, poétique oui. Ecoutez : Palpation des épineuses cervicales indolore... Pas de signe de la sonnette... Pas de systématisation radiculaire de la douleur... Douleur exquise à la palpation de l'insertion des tendons de la coiffe au niveau de l'humérus. C'est simplement beau (pour désigner une jolie tendinite calcifiée du sus-épineux). J'entends Laurent Terzieff prononcer ces mots, voire Jean Vilar les déclamer. N'était ce : au niveau de -toujours malvenu, l'extrait de cet "examen clinique initial" pourrait s'être échappé d'une page de Ponge. Magie des mots qui surgissent, comme enluminés, là où on ne les attend jamais.

  • Rempart

    Cette France moisie (l'expression est de Sollers) me dégoûte d'un cran chaque jour. Au lieu de m'affliger seulement, ou me mettre en colère, ou encore me faire rire nerveusement, le népotisme de la famille Sarkozy m'éloigne davantage du passage des oiseaux migrateurs et des principes de Jules Ferry. C'est pire. L'arrogance brutale pour carburant d'un cynisme de bulldozer ayant désormais force de loi, j'envie Marie Ndiaye et Jean-Yves Cendrey, son homme, d'avoir eu la force de quitter ce pays vérolé lorsqu'il bascula dans ce que l'on voit, avec le dernier  scrutin présidentiel. Comme paravent, cet après-midi, j'ai trouvé le court et dense roman de Jean-Marc Parisis, Les aimants (Stock). Je le brandis, à présent. La sincérité y sautant à chaque page, je me crus un instant projeté dans un autre monde que celui-ci, vu de ma fenêtre, avec ses sirènes de flics tout-puissants, poussées à leur guise. Là, chez Jean-Marc, et pour écrire -dire à peine, si cela est possible, un tel amour-, tout n'est que regard franc, sentiment cru, pudeur naturelle et rectitude élégante. Le livre refermé, des nouvelles du monde m'ont resauté à la gorge. J'ai alors envié les gnous en migration : la prédation des lions et des hyènes en embuscade ne ralentit pas leur trot.

  • Nos années Beach Boys

    DSCF4468.JPGLes hasards du surf... sur le Net m'ont fait tomber sur le site de mon club de surf dans les années 70 : le O Surf Club * : www.osurfclub.fr La Chambre d'Amour, Peyo, à l'eau toute la journée, toute l'année, sauf à marée haute...

    Ces années insouciantes, ensoleillées, me donnent un vague à l'âme aujourd'hui.

    Mais je porterai le tee-shirt du club lorsqu'il sera disponible.

    Et si les crampes aux mollets, au contact de l'Océan de novembre, me fichent la paix, je resterai à l'eau avec mon fils pendant les vacances de Toussaint, té.

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    * Je l'évoque d'ailleurs à la lettre A comme amour, Chambre d', dans Le Sud-Ouest vu par ma pomme, parti se faire imprimer en Italie et qui se posera dans toutes les bonnes libraiires le 5 novembre.

  • Méfiez-vous de votre Ponto

    images.jpgPonto est un chien tyrannique, despotique, qui absorbe John Limpley, son maître, lequel est monomaniaque : il ne peut aimer qu’un être à la fois. Il voue un amour immodéré, presque indécent, au chien. Puis Betsy, sa jeune femme, attend un enfant. Limpley délaisse donc brutalement Ponto, lequel déprime, puis couve une vengeance terrible. L’enfant naît, c’est une fille, aussitôt adulée, idolâtrée. Ponto cherche la faille : une porte entr’ouverte, un jour, et il bondit sur l’enfant, qui lui échappe de justesse, au prix d’une lutte âpre avec le maître. Sa rage une fois contenue, Limpley se sépare du chien, le confie au boucher voisin. Ponto rôde, mais nul n’y prête vraiment attention. Puis, un jour, plus tard, à la faveur d’un moment d’inattention, le temps d’un thé pris à l’étage, le landau de la petite est laissé un instant. Il dévale inexplicablement le jardin, s’abîme dans le canal proche, l’enfant se noie. Le malheur majuscule s’abat comme une chape de plomb irrémédiable. L’enquête policière ne donne rien. Le mystère a force de loi, et c’est le plus terrible. « Un soupçon légitime », titre de la nouvelle (Grasset), restera à l'état d'énigme, laissera chacun sans voix. Terrible texte très court, où le talent narratif de Stefan Zweig (photo) s’exprime une fois de plus. L’on pensait l’œuvre de l’auteur de tant de petits chefs d’œuvre, pressée comme un citron. Je confesse avoir subodoré -à tort-, le mauvais fond de tiroir en ouvrant ce tout petit livre qui, s’il n’était pas donné -inutilement- en version bilingue, comme le précédent, aurait l’épaisseur d’un chocolat After Eight. Et non. La surprise revient, cette année encore, après le si émouvant « Voyage dans le passé » (lire ici à la date du 3 novembre 2008, « Un inédit de Zweig »). Incroyable Stefan…

    En librairie le 15 octobre.

  • Lacs et barrages

    COUVbarrage.jpgRéservez-le chez votre libraire. Lacs et barrages des Pyrénées paraît dans moins d'un mois chez Privat. Aquarelles splendides de Philippe Lhez (et mes textes). 144 pages.

    Première page :

    "Le courant passe. Au bout de trois heures de marche, au-delà du dernier « ressaut herbeux » indiqué par le topoguide, tandis qu’un couple de milans royaux plane au-dessus d’une clairière plate comme la main ouverte de Gulliver, nous ne nous sentons plus empêtrés par la sinuosité du sentier, les hésitations de la météo et cette semelle Vibram qui menace de se décoller à gauche en nous obligeant à traîner le pied depuis deux mauvais kilomètres de sentier de chèvre. Surgit le barrage. Gigantesque carlingue, longue coque, armure cuirassée de béton, il figure une muraille ne pouvant s’accoupler qu’avec le silence, dans une solitude heureuse, contemplative. Celle qui aide à poétiser la vie en ne faisant rien. Rien d’autre que s’asseoir, le cul sur une pierre à peu près plate. Oublier tout. Sauf ça. Admirer, débarrassé de toute culture, en immersion dans une nature qui tolère ce qui l’épouse avec  beauté. Car un barrage, c’est beau, en altitude. Les pieds cimentés dans l’eau, gagné à ses bordures par une végétation sauvage qui est parvenue à apprivoiser ce monstre dressé au ventre plat, ce chevalier sans tête brise l’horizon pour mieux le faire rebondir dans le regard du randonneur, au-delà du lac et sous les pins à crochets."

  • Le Sud-Ouest vu par

    COVER_SUDOUEST02.jpgRéservez-le chez votre libraire. Il paraît dans moins d'un mois chez Hugo & Cie.

    320 pages pleines de photos et de textes classés en abécédaire.

    4è de couverture :

    "De la Charente à l’Espagne, de l’Atlantique aux pics les plus hauts des Pyrénées, le Sud-Ouest est une planète aux contours souples, une carte du Tendre que chacun dessine à sa guise. Pays de cocagne –c’est entendu, espace où il fait si bon vivre que l’évoquer seulement exprime le bonheur insolent, le Sud-Ouest nous est ici raconté par un amoureux fou de son pays, n’aimant rien comme le décrire pour le faire goûter. Léon Mazzella, viscéralement ancré en Gascogne, est le chantre d’une région dont il connaît chaque couleur, parfum, musique, regard, sourire, pavé, brin d’herbe, vague, rayon de soleil, oiseau, mets. De A comme Adour, fleuve d’amour, à Z comme Zugarramurdi, village de sorcières, en passant par Armagnac, Bordeaux, Chocolatine, Jambon, Palombe, Rugby, Saint-Jean-de-Luz et Surf, voici le dictionnaire secret d’un guide-écrivain qui ouvre grand les portes de la maison Générosité. Le Sud-Ouest vu par Léon Mazzella est le bréviaire du quart le plus épicurien de l’hexagone. C’est un lexique de charme qui nous apprend, dans la joie, à parler le Sud-Ouest comme on tutoie l’art de vivre. Avec chaleur et en partage. Faites passer !"

    www.fnac.com

  • Que boire avec le jambon de Parme?

    IMG_0840.JPGVINS DE CHOIX

    L’Île de Beauté produit d’excellents vins rouges issus du cépages Niellucciu, inféodé à Patrimonio, frère jumeau du Sangiovese toscan qui donne les chianti, et du Sciaccarellu, plus présent au sud de l’île. Les vins blancs corses sont issus du cépage Vermentinu, appelé aussi la Malvoisie de Corse. Volumineux, ample, doté d’une arrière-bouche fruitée (pomme, amande), le Vermentinu est élégant et puissant, parfait sur le Parme dégusté pour lui-même. La foire aux vins annuelle de Luri (Cap Corse) permet de découvrir, au cœur de l’été, nombre de vins rouges et blancs de grande qualité, et d’extraordinaires rosés, lesquels se marient peut-être le plus naturellement du monde avec le jambon de Parme –et la charcuterie corse. Le Clos Fornelli a notre préférence. Sa cuvée Robe d’Ange, déclinée en trois couleurs, donne des vins qui allient force et finesse, nez généreux et bouche longue : une petite merveille. Nerveux et vifs, les rosés Harmonie, du domaine Pero Longo, le sont autant que ceux du Clos Alivu : 100% Niellucciu en pressurage direct. Tout comme les cuvées du Gouverneur (rouge) et Felice (blanc) du domaine Orenga et Gaffory. Citons enfin le rosé du domaine de Piana et, si l’on marie un rouge capiteux à du Parme cuisiné, le formidable Clos Capitoro, avant de quitter la Corse pour l’Italie. Le seul vin sur le territoire de Venise, réintroduit sur l’île de San Erasmo par Michel Thoulouze, s’appelle Orto et il a été élu meilleure malvoisie d’Italie. Ce blanc exceptionnel est issu de Malvasia Istriana. S’il excelle sur l’asperge, ce qui est rare, minéral et architectural, il est souverain sur l’artichaut et le jambon de Parme tel quel. Mais, à la fin, les Chianti de haut-vol, bios de surcroît, de Tenuta La Novella en Toscane, sont « instinctivement » indiqués pour escorter le jambon de Parme avec maestria. Où l’on s’aperçoit que le Parme est un jambon ouvert qui se fiance volontiers avec des vins sudistes à forte personnalité, ayant en commun le désir d’exprimer leur couple puissance-finesse.  ©L.M.

    www.closfornellli.com
    www.domaine-orengadegaffory.com
    www.perolongo.com
    www.domainedepiana.com
    www.clos-capitoro.com
    www.vinsdecorse.com
    www.ortodivenezia.com
    www.tenutalanovella.com

    Papier à retrouver en p.44 de M, mensuel du journal Le Monde paru ce soir à Paris (demain en province)

  • Avis de recherche

    Les Procidiens d'Oran

     

    par Jean-Pierre Badia. L'histoire de l'immigration des habitants de Procida vers Oran et Mers-el-Kébir, au travers d'anecdotes et de faits historiques (ouvrage paru en 1956).

    Si vous l'avez, je vous l'achète volontiers.

     

  • À bord du père fantôme

    wp31352a47_02.jpgLe second roman de Sophie Poirier règle les comptes avec ces pères, jeunes "adultes en chantier" en 68, devenus matznéviens, comme on a pu être hussard ou mao. De ces pères libertins et désinvoltes, amateurs de chair fraîche, cyniques et finalement pathétiques, que le destin –appelé justice par les médisants au regard torve-, rattrape un jour ou l’autre. Ils ont négligé les enfants qu’ils ont faits avant de mûrir, et à côté desquels ils sont passés, préférant courir, égoïstes au cœur d’artichaut sec, après des chimères pour pub Lolita de Lempicka. C’est la fille de l’un d’eux qui parle. Sans concessions. Avec la douleur en elle et au bout du stylo, comme des hameçons plantés au cœur et à la lèvre. Sophie Poirier nous avait déjà donné La libraire a aimé (lire ici à la date du 30 novembre 2008 : En lisant, en bloguant). Là, elle se lâche avec un bref roman admirablement construit, aux accents que je persiste à trouver durassiens, enrichi d’une écriture plus serrée encore, plus sûre, plus dense et sachant rebondir d’une idée l’autre ; à la manière d’un chat. Sujet : le père, encore jeune, n’en finit pas de mourir, sur sa chaise roulante. Sa fille Marianne va avoir quarante ans. En visite chez lui, elle « tombe » sur un carnet contenant une liasse de coupures de presse faisant état d’étranges disparitions de jeunes femmes. Le doute l’étreint. Elle engage un détective pour savoir, davantage que pour faire la lumière, sur une possible et innommable horreur. Stop…

    Comment se construire à l’ombre d’une telle image du père, de l’homme, lorsqu’on est une fille qui porte le prénom du premier amour de papa, et que l’on est devenue femme, puis mère? Sophie Poirier a le tact de ne pas tirer sur l’ambulance. C’est un cri d’amour qu’elle pousse, mais avec une infinie pudeur, le cri d’une qui veut comprendre. C’est un long cri poignant. Car elle en est là : « Avec la peur des hommes. Un manque de confiance impossible à combattre. » Alors Marianne fout le camp à Venise. Pas pour provoquer en duel, et Byron et Casanova. Pour ne plus voir dans la glace, au creux de son visage, « ces minuscules stries, la vie d’avant (...) les rêves, les promesses, les illusions. » Elle y fera le point. Sur elle –pour s’en sortir. Et sur ces pères inachevés. Au lieu d’attendre fébrilement un seul mot d’amour, le mot gentil, la fierté qui viendra, ou pas, de la part du père, ce modèle, elle accuse une génération perdue, victime d’une certaine insouciance de vivre. « Autrefois les hommes, et la solidité des métiers, organisaient la vie de tous. Puis ils sont devenus les premiers chômeurs, les premiers divorcés, et maintenant les premiers à mourir, nos pères se désagrégeaient, incapables de montrer la route. » Il est terrible, ce roman. Et Sophie Poirier, terriblement juste.

    Mon père n’est pas mort à Venise, éditions Ana, 12€

    www.anaeditions.fr  Blog de l'auteur : http://lexperiencedudesordre.hautetfort.com/

  • Des palombes et des femmes


    Un peu de douceur dans un monde de passionnés exclusifs ? Extraits de l'enquête à lire dans la dernière livraison de Pays basque magazine.


    Les femmes qui chassent sont de plus en plus nombreuses. Elles sont plus habiles –plus fines, cela va de soi -, et plus adroites que les hommes. Leur connaissance aussi est plus solide : elles se sont préparées à entrer dans un monde de machos où elles ne sont pas sûres d’être admises. Et au lieu de se faire toutes petites, elles jouent en général la carte de l’égalité, en montrant aux hommes qu’elles n’ont rien à leur envier ni à apprendre d’eux. La chasse est avant tout une histoire de mecs. C’est le pré carré des mâles, leur réserve, leur « privilège de masculinité ». La plupart des modes de chasse interdisent de séjour les femmes, au nom d’une inconsciente méfiance, ou bien pour préserver une niche à la société des hommes entre eux. Parfois c’est au nom de superstitions oiseuses mais respectables qu’elles n’ont aucun droit de cité. Ainsi, les femmes ont-elles été longtemps interdites de palombières lorsqu’elles avaient leur « règles », au motif que ces dernières empêchaient la pose des palombes, voire leur simple passage ! Idem dans l’Est de la France et dans le Bocage, si l’on en croit les sociologues Bertrand Hell et Yvonne Verdier. En gros, la présence des femmes ferait fuir le gibier, selon des croyances que l’on retrouve dans plusieurs régions d’Europe et d’ailleurs. La chasse est une affaire d’hommes passionnés jaloux de leur chose à eux. Pourtant certaines poussent l’audace (selon des chasseurs exclusifs) jusqu’à partager leur passion propre ! Et comme eux, elles aiment attendre guetter, se lever tôt, dresser les filets des pantières des Aldudes ou partir à l’assaut des cols d’Iraty, elles savent braver la ronce et vider un oiseau à la vitesse de l’éclair, écouter la nature et tenir un fusil. Les vraies femmes de chasse expriùent la sagesse, l'adresse, la perspicacité et la modestie. Discrètes, elles savent et ne parlent pas (à l’inverse de ceux qui parlent et bien souvent ne savent pas).

    À Lepeder, la palombière des Aldudes, au Pays basque, c’est un peu spécial : Katixa Ospital, 35 ans dont une trentaine de chasse, dirige cette pantière (filets verticaux) depuis des années déjà. Propriété de sa famille, Lepeder a toujours fait participer le village à la chasse : les filets, les chatars et leurs grands draps blancs agités au bout de longs bâtons, les lanceurs de palettes sensées imitées le vol prédateur de l’autour des palombes, le bien nommé qui attaque par dessous en enserrant sa proie… « Tout le monde y met du sien. Mais depuis les années trente, ce sont des femmes qui dirigent. Et les hommes ne mouftent pas… », dit Katixa, jeune maman qui vit elle-même aux Aldudes. Au début, c’était les grandes tantes de Katixa qui menaient le bal d’une vingtaine de chasseurs. Puis d’autres femmes. Katixa dirige aussi l’association Lepedereko Usotegia (la chasse à la palombe de Lepeder), créée « pour élargir, ouvrir la chasse, trop souvent associée à la famille Ospital, au reste du village. Car Lepeder appartient réellement au patrimoine de la petite vallée des Aldudes ». Au début, le rôle des femmes se limitaient au maintien des filets. Les jeunes filles encore enfants étaient envoyées dans les postes éloignés, ceux des chatars, afin que le bruit n’effraie pas les oiseaux au moment crucial d’abattre les filets sur une volée. Volontiers matriarcale, la chasse de Lepeder vit très bien sa particularité. Les taches subalternes : tuer, plumer, vider, cuisiner, étaient traditionnellement dévolues aux filetiers pour la première et pour les autres, au personnel de maison qui se chargeait également de préparer la cuisine et d’apporter les paniers-repas à l’heure du déjeuner. Aujourd’hui, chacun apporte son casse-croûte et, eu égard aux faibles prises (de 200 à 500 oiseaux par saison !) les palombes sont partagées sur place et préparées dans chaque foyer. « Aujourd’hui, sur la chasse, dit Katixa, il y a toujours 4 ou 5 femmes, sur 13 hommes environ : c’est pas mal ! »…

    Ailleurs, en Gironde notamment, des enquêtes révèlent des cas de divorce pour cause de chasse à la palombe : trop long, trop important, non négociable, passion dévorante… Tout cela a raison de certains couples. Cependant, certaines femmes interrogées démontrent l'évolution des mentalités cynégétiques. Elles aiment suivre leur mari, ne se sentent pas rejetées de la palombière, cette « garçonnière cynégétique », s’y font dorloter, car les hommes deviennent, dans leur résidence secondaire de l’automne, de vraies fées du logis. Pour ces femmes, la chasse c’est la vie, « la palombe » fait partie du quotidien, nul ne songe même à contester son bien-fondé. Certaines tâches demeurent l’apanage des hommes, comme le gavage des appeaux (au bouche à bouche avec du grain mâché par l’homme, puis soufflé dans le jabot de l’oiseau). Finalement, tout est question de tact. Les femmes qui participent ou même qui chassent, n’essaient jamais de prendre toute la place traditionnellement dévolue aux hommes. Ainsi achètent-elles leur droit d’entrée. Katixa est une exception qui confirme la règle.

    © L.M.

    Lire : « Le sang noir », B. Hell, Flammarion/Champs. Et « Façons de dire, façons de faire », Y.Verdier, Gallimard/Folio essais.

    IMG_0329.JPGVoir, dans la même livraison de Pays basque magazine, un papier sur la Venta Burkaïtz, un restaurant niché au Col des Veaux, près du Pas de Roland, après Itxassou, dans la montagne basque (avant-goût) :

    Au fond du restaurant, accroché à un clou, un article élogieux paru dans un hebdo la montre à ses fourneaux. « Parfois, les clients me prennent de haut en entrant dans l’auberge, et lorsqu’ils voient l’article encadré, ils me considèrent soudain avec respect : à quoi ça tient !.. »  Marie-Agnès Riouspeyrous, d’Estérençuby, placide comme l’horizon par les fenêtres de sa venta, règne sur la Venta Burkaïtz depuis 1997 avec son mari Jean-Pierre, originaire d’Anhaux, à côté d’Irouléguy. (...) La palombe flambée au capucin est l’une des spécialités de Marie-Agnès, de la mi-octobre à début décembre. L’oiseau bleu est flambé « au gras de très bon jambon des fermes alentour : c’est capital ! », un xingar que Marie-Agnès laisse fondre donc dans un capucin rougi au-dessus des braises. La palombe cuit sur l’asador environ dix minutes et elle est servie à la goutte de sang. Accompagné de pommes de terre et de piquillos, l’oiseau est également proposé en salmis. Mais les clients accourent pour la déguster flambée. « Il faut pourtant vouloir venir ici ! », dit-elle... Les palombes sont achetées aux pantières (filets verticaux) d’Etxalar, derrière Sare. « Mais je prends seulement celles qui ont été tirées au fusil, derrière les filets, précise Marie-Agnès, car prise aux filets, la palombe est stressée et sa chair est moins tendre. » Puriste, Marie-Agnès ne plaisante pas avec les produits qu’elle cuisine et sert généreusement. Et dans sa venta, à l’heure du coup de feu, elle se sent heureuse comme une palombe en plein vol de migration. Mais elle l’est davantage lorsque, les fourneaux éteints, elle selle l’un de ses chevaux et part galoper sur les cols voisins, ou sur le circuit des contrebandiers qui relie Saint-Palais à Hendaye...    © L.M.



  • coup d'oeil aux stats

    Ca va, ça vient, chaque jour apporte son lot de musardeurs, mais quasiment pas d'acteurs.

    Exemple : le 12 septembre
    262 visiteurs uniques
    2762 pages consultées

    Et...

    Pas un seul commentaire déposé.

    Alors, je m'interroge, à nouveau, sur le bien fondé d'un blog (comme celui-ci).

    Le(a) fermer est peut-être la solution.

     

     

  • Ombre portée dans le temps

    Lire La barque silencieuse, de Pascal Quignard, comme on picore des tapas au comptoir, tout en regardant la mer.
    Y ajouter un Quintet de Schubert, et laisser aller les pensées à partir de la seule évocation, jointe ci-dessous, faite par l'auteur en page treize : Plus d'autre musique dans ce monde que le bruit de l'eau et des barques précautionneuses des pêcheurs qui doucement font glisser l'ancre avant de lancer leurs lignes dans la brume sur l'eau grise. Ou bien garder un index entre les pages du livre, interrompre un instant la lecture pour repenser au coeur de la nuit dernière, fermer les yeux. Quignard, encore : Le corps humain dans le noir est comme une barque qui se désamarre, quitte la terre, dérive. Reprendre cette prose somptueuse, avec un plaisir immense, subtil, comparable à celui de retourner au très précieux
    Ostinato, de Louis-René des Forêts.

    http://www.deezer.com/fr/#music/result/all/schubert%20quintets

    Schubert, Quintet à cordes

    Opus 163 D 956 (2 : Adagio)

    Par le Amadeus Quartet et William Pleeth.

     

  • je ne résiste pas...

    ... à l'envie de reproduire un extrait de la page 40 du "Petit Lapaque des vins de copains" (Actes Sud, lire plus bas) :

    "Qui le croira? Avec Christian Authier et Léon Mazzella, deux amis écrivains qui ont besoin de boire pour croire, nous avons un jour organisé une dégustation-confrontation entre le chardonnay vinifié et pétillant naturel de Pierre Beauger et un champagne de très grande classe. Et c'est le premier qui est sorti vainqueur. Authentique... Après la richesse, la générosité, l'ampleur, les arômes de sous-bois et de sarments de vignes de la cuvée Champignon magique, le champagne avait goût d'eau de piscine." Etc.

     

    Avoir besoin de boire pour croire...
    Je me souviens d'un : Il faut boire contre! d'un autre ami.

    A Méditer.

  • Ne rien faire à Venise

    Ville aimant, ville amante, ville mante, ville menteuse, fardée, ville phare, Venise est un trésor caché sous le manteau, qui éclaire le pas du voyageur. Une flamme fragile. Venise brille sous une pellicule de poussière d’histoires, Venise est une vieille dame qui ne masque plus son âge et dont on devine la beauté enfuie.

    images.jpgByron l’appelait  « le masque de l’Italie ». Derrière le masque, je vois Vénus.

    Là, rien ne presse. Quand je circule sur l’eau, il me semble que je glisse avec le temps et quand je marche, à chaque croisement de rue, surgit quelque chose de nouveau à angle droit, une rupture sensorielle, trois fois rien : un gosse accroupi près d’une rigole, une façade de marbre usée, du linge aux fenêtres, des enfants qui courent (ils sont bien les seuls à le faire dans cette ville) après les pigeons.

    Dans le silence du matin, une gondole semble ouvrir l’eau du canal comme une nappe de tissu et derrière elle, l’eau ne cicatrise jamais tout à fait. Cette impression revient sans cesse à moi. Dans la brume, lorsque l’eau coule comme du plomb fondu, la gondole apparaît comme une maquette de vaisseau fantôme et je pense à Pandora, le film. C’est avec Ava Gardner que j’aurais aimé faire l’amour à Venise, lorsque je m’y suis rendu la première fois. La gondole est un long cercueil de poèmes chuchotés derrière le masque de satin des soirées louches. Moins classe, mais plus agréable, le vaporetto me transporte et plus encore. L’accelerato (le plus lent, curieusement), en hiver, permet de circuler à l’aise dans une Venise prise, en partie paralysée par le letargo, cette léthargie qui donne à la cité la silhouette d’une belle allongée sur les eaux dormantes.

    Les noms des îles principales évoquent un animal monstrueux : Dorsoduro (rond et dur comme le dos),

    Spinalunga (échine longue), Cannareggio (touffes de roseaux dressés sur les eaux). L’animal fétiche de Venise, c’est le lion. Volontiers ailé place Saint-Marc, il balise la ville et certains attribuent l’origine de Pantalone à pianta leone en référence à la manie du marchand vénitien de planter des lions sur toute terre conquise, à compter des années 828.

    Les pigeons vénitiens sont paresseux. Cocteau disait qu’ici, « les pigeons marchaient et les lions volaient ».

    J’aime marcher jusqu’à me perdre dans le labyrinthe des rues et des fondamente cousus de ponts et de sottoportici (passages voûtés) qui images1.jpgcomposent les Sestieri, les six quartiers principaux : Castello, San Piero, l’Arsenal, San Marco, Canal Grande et Canareggio. Certaines rues ont des noms étranges, comme la rue « du soleil qui mène à la cour des ordures ».  D’autres finissent en cul-de-sac, version locale : au hasard de ces rues noires où l’on n’entend que ses propres pas et où nous  ne croisons que des amoureux et des chats, il arrive de trouver un canal pour seule issue. J’aime particulièrement San Michele, l’île cimetière, parce qu’elle sent la résine, la tulipe et la terre fraîchement retournée. L’herbe caresse nonchalamment les tombes comme des anémones de mer et les cyprès, raides comme des morts debout, y figurent un orgue gigantesque et silencieux.

    La meilleure raison d’aller à Venise et de ne rien y faire, de se prélasser à la terrasse du Florian et d’y compter les pigeons –et les canards de l’orchestre qui joue chaque soir des airs vieillots. De marcher le long du Lido, aux charmes comparables, en hiver, aux longues plages landaises et à celle de Biarritz sous les embruns, lorsque l’hôtel du Palais est fermé. Loin du centre très touristique, les Vénitiens vivent leur ville. Le silence habille le geste lent du fabricant de gondoles, le pas du chat et les mouvements de tête de la vieille veuve noire qui se chauffe sur une chaise au soleil.

    Venise elle-même se laisse aller. Elle s’abandonne à son destin sous-marin, mais sans précipiter le cours des choses. Elle s’enfonce de quatre millimètres par an dans la lagune, ai-je appris. L’acqua alta projette à période fixe ce qu’elle sera. Son matelas de bois ne la soutient plus. À Venise, les arbres sont sous les pieds du voyageur : douze millions de troncs venus des Alpes et des Balkans supportent la cité à bout de bras, et sont aujourd’hui à bout de forces. J’aimerais recouvrir Venise d’une cloche de verre pour la préserver encore, ou la piquer à je ne sais quoi pour retarder sa disparition. Au moins l’adoucir. Venise s’engloutit sans se hâter, à la manière d’un transatlantique sombrant vers une cité disparue.

    J’en aime l’idée…

    © L.M.

    Voyageur, un magazine auquel je collabore de temps à autre, publie ce texte, que j'ai écrit il y a des années. Envie, du coup, d'y retourner. Au moins pour aller goûter Orto, le seul vin de la lagune, issu de malvoisia istria, in situ. Et de manger à la Locanda Montin.  Penser à vérifier, d'ailleurs, que la carte du restaurant montre toujours un portrait peint du poète Ezra Pound (enterré à San Michele)...

  • Clin d'oeil à l'Ancestra

    3323325430_d44418f7f5.jpgC'est un gamay nature élevé à Romanèche-Thorins par Karine et Cyril Alonso, lesquels produisent également un beaujolais-villages : Château gonflable, un chardonnay nature appelé Swimming Poule, ainsi qu'un chardonnay perlant, Veau qu'a bu l'R. C'est drôle et bon, tandis que dans de nombreux endroits, surtout vers Bordeaux, ça n'a jamais été drôle et c'est même plus bon.

  • Le Petit Lapaque

    Ils pontifient, font toujours la gueule (ça fait sérieux, ça effraie un peu, ça maintient à distance, donc cela permet d’éviter d’avoir à prouver sa virtuelle compétence), affichent un mépris de serpent dans le regard, pissent du vinaigre froid avec leur voix, saluent à peine leurs confrères, ouvrent leur bec dur pour –eux !-, donner des leçons, apprendre au chef à cuisiner, au vigneron à faire du vin, et pour s’indigner aussi de la miette sur le tapis rouge. Deviennent mimétiques avec la caricature de leur sujet.

    Les Suffisants des déjeuners de presse « vins » me donnent la nausée. Mes congénères se la pètent dès qu’ils ont un centilitre de pouvoir : une pigette ici, une chroniquouille là, un poste là-bas. Aveuglés par leur narcissisme de supérette, ils ne voient plus l’affligeant ridicule qui les habille de cep en cape. Ils portent une morgue sur tout leur être qui fait pitié à voir. Le vin ne leur est jamais source de plaisir, mais strictement sujet d’interrogations oiseuses qui font pro : ça les pose. Les voir déguster donne envie de boire de l’eau, avant de fuir. Jamais un sourire, toujours des mots de la NASA entre leurs dents tanniques, des traits, ou envois, péremptoires, des abréviations d’initiés qui ne se soucient que d’exclure (toi, t’es pas du club Mickey) et jamais de partager, ils goûtent un champagne zéro dosage humblement bien fait, en ayant l’air d’avaler de la pisse de chat aromatisée à l’huile de ricin, tout en affectant une mine d’enterrement. Crachent en se penchant comme on paie son IRPP.

    Mon god, comme je les déteste chaque jour davantage ! Celui-ci, qui ne m’avait pas vu depuis des lustres (je deviens plus ours que par le passé -j’hiberne désormais toute l’année, et pour cause), m’annonce négligemment que c’est lui qui a choisi le restaurant où nous nous retrouvons, et que aussi, il a désormais le poste d’un ex-ponte du pif (comme si le lieu faisait l’homme, la fonction l’organe), le tout avec un air on ne peut plus dégagé, achevant avec pénibilité bien entendu ces deux phrases insipides, d’endive bouillie et non salée, en me tournant la tête, puisque je ne suis qu’un réceptacle de son égocentrisme et puis que, surtout, me sachant lesté de l’info qu’il lui faut déféquer à tout va avant le dessert, il se doit d’affecter un air louis le quatorzième dodelinant à Versailles, merde. Cet autre, au physique de charcutier enrichi déguisé en propriétaire bordelais, les dents du bonheur écartées plus que de raison, pigiste où, je ne le saurai pas puisque le gonze n’a pas daigné répondre à mon « bonjour », en arrivant en retard, à table (ou comment tirer de sa goujaterie une façon de gonfler son importance à l’hélium), parle par onomatopées à la con : « c’est comme à don-pé » (Dom Pérignon, champagne mythique et largement surestimé : voyez Sélosse et Drappier), « vous faites de la malo ? » (fermentation malolactique, la seconde après la fermentation alcoolique, pratiquée surtout sur les rouges), en s’adressant à notre hôte, qui doit, et se fader ces tronches de fiel, et payer grave le taulier. J’étouffe avec peine un fou rire, me crois au théâtre, mais non. Vite, le café !..

    Dans ma banane bien pratique, se trouve mon Petit Lapaque des vins de copains, seconde édition. Je viens d’en achever la lecture. Je me dis d’abord : bon sang, pourquoi suis-je ici, puis : pourquoi n’est-il pas là, le Sébastien, avec l’ami Christian Authier, tant qu’à faire ! On se serait bien marrés. J’ai soudain envie de brandir son précieux bréviaire des vins naturels des gens vrais qui aiment la vie et le vin comme elle, mais ce serait donner de la confiture aux cochons qu’ils sont de toute façon. Donc je rengaine, n’attends pas le café, embrasse mes puissances invitantes (proprio, attachée de presse), et file. Enfin de l’air frais. Respiration à fond. Mes poumons, mon cœur, ma peau, tout ce monde dévasté à la manière d’une plante sensitive repliée, d’une d’antenne d’escargot, sous le doigt d’un gosse, en avait besoin urgemment. L’été fuit. Un premier et timide fond d’air automnal pointe sa fraîcheur, dans la courte rue. Je me pose sur un banc accorte, reprends le bouquin vert, ma lecture annotée partout en marge, du Pitchoun Lapaque (Actes Sud, 16€ : le prix d'un anjou blanc des époux Mosse, d'un morgon rouge, cuvée Corcelette de Jean Foillard, ou d'un moulin-à-vent d'Yvon Métras). Parce que sa lecture est on ne peut plus salutaire, par les temps qui galopent à pas de géant. Une voiture passe à faible allure et par sa vitre avant gauche, s’échappe le timbre d’une voix de ténor qui poursuit l’Ave Maria de Schubert. Je revois tout à trac le regard si doux de mon père lorsqu’il écoutait, à fond, poing fermé sous une joue, la gauche en général, celui de Gounod. Version que nous passâmes dans la cathédrale de Bayonne le matin de son enterrement, il y a deux ans et un tas de poussières. Lapaque, donc. Peu de gens, je crois, peuvent se targuer d’avoir lu comme je l’ai fait, un guide, de la page Une à la page 200, comme on prend un roman à bras le corps, parce qu’ils ne cherchaient pas seulement un nom, une adresse, un conseil, une appellation. Je l’ai fait, et avec un plaisir gourmand, car Sébastien Lapaque est un « page-turner ». C’est le Doug’ Kennedy des guides des vins qui comptent. Dire que son livre est gouleyant seroit une facilité à laquelle je viendrons de céder. Son livre est précieux, à l’heure des Foires aux vinasses, à la sortie des guides fourvoyés, des suppléments pré-achetés par la pube. Il dit tendrement ce que d’aucuns ne diront pas : les vins dopés, la chimie et ses intrants dans les rangs, les chais, partout, la technique qui tue (voyez Ellul, Bordelais d’adoption). Lapaque part en guerre, Jeanne d’Arc sans armure (ce sont ses élytres d’honneur), depuis le velours côtelé des vignes d’un hexagone choisi, jusqu’aux contreforts confits d’orgueil des destructeurs d’intensité, dirait Char, qui ne crachait pas sur le vacqueyras, soit ceux qui espèrent avoir, peu à peu, la peau de l’élégance –puisqu’ils n’y auront jamais accès ; par impuissance. Son credo est celui qui loue les vins simples, ceux qui expriment le fruit, le sol, le soleil, l’accompagnement du vigneron à force de caresses et de « sentido ». Lapaque évoque ces Wagabonds aimant vivre hors des rails, dirait Finkielkraut. Il vante –avec une modestie salutaire et méritoire, les vins de potes, de rigolade et d’anti-grisaille. Dessine au moyen d’un compas qui ressemblerait à un « de gaulle » marin, la géographie nouvelle du goût, la nouvelle cartographie du sang de la vigne. Il ne prêche pas dans le désert. Sait, en sourdine, qu’il a raison. Qu’il est avant-gardiste dans son genre. Humble, le genre. Il défend ce 1% de la population des vignerons, en y croyant dur comme fer. Il met les pendules à l’heure, nous prévient : le bio c’est du flanc, encore, puisque cela concerne (stricto sensu) le fruit appelé raisin, pas encore le produit (à peine !) transformé, appelé vin. Le législateur est à la traîne. Cela ne nous empêche pas de boire. Jeanne d’Lapaque s’en va-t’en-guerre contre ces légions de chimistes appelés wine-makers… Et nous propose de boire des vendanges qui n’exigent pas que nous nous ruinions pour avoir du plaisir. Pour commencer : « Du raisin beau et lent à mûrir honoré du travail d’un jardinier passionné tout au long de l’année, des cépages autochtones plantés sur leurs terroirs d’élection, une vinification non interventionniste sans produits maquillants, un élevage court sans abus de bois neuf. C’est avec de tels vins qu’on retrouve les arômes primaires de la fermentation du fruit pressé. »  Lapaque fait l’éloge des vins vivants et sincères, élaborés par ceux que la morale dominante appelle les « déviants ». Scud bazardé comme une blessure à venir, le projectile est en général reçu comme une flatterie involontaire, souligne Lapaque, lequel conchie  aussi les rats de cave qui contemplent leurs flacons à la lueur d’une lampe de poche. Ils ignorent que, « la cave, c’est ce qui reste quand on a tout bu » (le mot est de Pierre Veilletet, qui fut mon premier rédacteur en chef, à « Sud-Ouest »). Ne vivent pas. Ne rient pas souvent non plus, ou bien de façon snob. Brrr…

    Une autre fois, je reviendrai sur le petit Lapaque pour évoquer certains vignerons dont il fait l’éloge sur 200 pages. En attendant, courez l’acheter. On en reparlera mieux ainsi, ensemble. À la vôtre.

    http://www.deezer.com/fr/#music/claude-nougaro/l-enfant-phare-238944

  • Y rentrer, dedans

    Vous-je-sais-pas-mais-moi, le dernier roman de Laurent Mauvignier, dont j'attendais beaucoup (Des hommes, Minuit), me désole. Je n'arrive pas à y entrer-dedans, comme on entend dire souvent, à propos des romans. De rentrée ou non, d'ailleurs. Je préfère me jeter dans la bio de Flaubert que Pierre-Marc de Biasi (qui doit en être à son septième ou huitième livre sur l'auteur) publie chez Grasset (Une manière spéciale de vivre). Ca foisonne dès les premières pages, ça trucule, ça (se) bouscule, ça me parle. Davantage que le Duras, toujours, compil. d'articles de Dominique Noguez mini-15-11.jpgconcoctée par Laure Adler pour Actes Sud, qui me coud les lèvres. Me cause bien plus Etre heureux avec Spinoza, de Balthasar Thomass (Eyrolles), car c'est un paquet d'érudition jouissive qui ne se la joue jamais : j'adore! Il y a un côté vin naturel, façon Anticonstitutionnellement, cuvée de grenache blanc des Sabots d'Hélène, un vin de pays signé Alban Michel (ça ne s'invente pas), avec du gras, du trouble, voire de l'opaque à l'oeil (il ne manque que les poissons rouges, dirait l'ami Christian Authier) et une belle longueur fruitée en bouche (le nez est pauvre, nothombien : un parfum de fruit surmûri)... Cette manière humble et sûre, de décortiquer L'Ethique, de Spinoza, est infiniment séduisante. Je souligne presque à chaque paragraphe! Comme je me régale du grenache blanc précité à chaque gorgée. CQFB (ce qu'il faut boire) -Et Lire (des fois)...

  • Le chenin dans "Le Monde"

    Dans M, le mensuel offert avec Le Monde, qui paraît aujourd'hui à Paris et demain en province, paraît ma chronique vins, anglée cépages, consacrée au chenin...


    LE CHENIN BLANC, AU FIL DE LA LOIRE

    Les vins du Nouveau monde sont en majorité de monocépage et ceux d’assemblage sont l’apanage de l’Europe. Mais la tendance mondialiste est aux premiers. De nombreux vignerons Français, Espagnols, Italiens se sont mis à produire des vins issus à 100% d’un seul cépage. Le consommateur ne s’en plaint pas, qui trouve là une simplification à ses choix et une meilleure lisibilité gustative : goûter un monocépage, puis d’autres, permet de mieux identifier les raisins, donc les vins entre eux et de mieux « comprendre » les vins d’assemblage et leurs pourcentages complexes de cépages. Le connaisseur et l’alchimiste de la vigne voient dans cette approche monolithique d’un produit magique, une uniformisation du goût et la disparition progressive du travail minutieux du vigneron, qui élabore des vins comme un tableau à partir d’une palette variée. Mais à y regarder de près, nous découvrons que de nombreux vins français sont des vins de monocépage par nature, et pas des moindres. Parmi les meilleurs du monde, La Romanée Conti est un pinot noir et Petrus, un merlot à 95% !

    En Loire, région viticole de premier plan, la plupart des vins sont ainsi issus d'un cépage unique : melon de Bourgogne (autre nom du muscadet) en Pays Nantais, chenin, cabernet et gamay en Anjou, Saumur et Touraine. C’est aussi le cas du sauvignon (blanc) et du pinot noir (rouge), rois en Touraine et dans le Centre, même si l’éventail est riche de cépages marginaux comme les grolleau, pinot meunier, pineau d’Aunis (ou chenin noir), gamay de Chaudeney en rouges, et saint-Pierre, romorantin, arbois, auvergnat gris, folle blanche (ou gros plant), tressalier et malvoisie (plus connue sous le nom de pinot gris) –pour les blancs.

    Prenons l’exemple du chenin blanc, appelé aussi pineau de la Loire, cépage principal en Anjou-Saumur et en Touraine car, sec, il escorte à merveille une volaille rare et raffinée comme la Géline de Touraine.

    Originaire du Val de Loire, le chenin, apparu au IXème siècle à l’Abbaye de Glanfeuil et s’appelait plant d'Anjou. Rabelais popularisa son nom actuel à partir du XVIème siècle*. Cépage tardif, il excelle sur les terroirs ligériens, s'adapte à merveille aux différents microclimats et permet l’élaboration de vins blancs secs racés. Ses capacités sont larges : à la fin de vendanges, lorsque le champignon appelé « pourriture noble » en Sauternes, botrytis cinerea, attaque les baies ou qu’intervient naturellement un passerillage, soit un dessèchement des raisins sous l’effet du soleil et du vent, le chenin –qui produit par ailleurs des pétillants, donne naissance aux grands vins mœlleux et liquoreux du Val de Loire : les vouvray (« vin de taffetas », selon Rabelais), bonnezeaux, quarts-de-chaume, coteaux-de-l’aubance, coteaux-du-layon, montlouis…

    Le chenin, pourtant attaché aux sols calcaires (le tuffeau de Touraine), voyage bien et donne des vins avec des bonheurs forcément inégaux, selon les terroirs où il a été implanté. Il se développe moins bien en Argentine qu’en Australie et en Nouvelle-Zélande, vieillit mal en Californie, prospère dans la province du Cap, en Afrique du Sud, où le steen (son nom vernaculaire), sert à tout, y compris à élaborer xérès, portos et cognacs locaux.

    Pourvu d’une bonne acidité qui masque son sucre résiduel, le chenin, plus floral que fruité, assure une fraîcheur salutaire en bouche et possède des arômes de miel, de coing, de fleurs blanches, d’acacia, d’herbe coupée et de paille. Les vins des appellations savennières et la célèbre Coulée de Serrant sont issus exclusivement de chenin blanc. Ces vins d’exception prouvent à eux seuls les grandes qualités d’un cépage singulier qui continue de donner le meilleur de lui-même sur sa terre natale.  ©L.M.

    ____

    *Le cépage se développa à partir de 1445 chez l’abbé de Cormery, à Mont-Chenin, d’où son nom.

    Voici un choix de jeunes vignerons avisés, audacieux, qui jouent la carte de l’agriculture raisonnée en biodynamie avec succès :

    Anjou

    Coteaux du Loir et Jasnières

    Eric Nicolas joue l’expression totale du chenin sur son Domaine de Bellivière (www.belliviere.com), en proposant à la fois des secs racés : Effraie (Coteaux du Loir) et Calligramme (Jasnières), un blanc tendre original : Les Rosiers (Jasnières), un demi-sec, Vieilles Vignes Eparses (Coteaux du Loir), un moelleux puissant : Haut-Rasné (Coteaux du Loir),  et un liquoreux d’exception : Elixir de Tuf (Jasnières).

    Saumur blanc

    Thierry Germain, du Domaine des Roches Neuves (www.rochesneuves.com), célèbre pour ses Saumur-Champigny rouges (Domaine, Terres chaudes, La Marginale), propose un excellent Saumur blanc, Insolite, issu de chenins de plus de 85 ans.

    3323334476_d8165eb0f8.jpg

    Touraine

    Montlouis

    Valérie Mordelet et Jean-Daniel Kloeckle, au Domaine Les Loges de la Folie (www.les-loges-de-la-folie.com) semblent s’amuser en produisant de grands montlouis secs, minéraux et frais : La Nef des Fous, des liquoreux : Sucre d’Ange, des « fines bulles » : Perles Rares. Et aussi Le Chemin des Loges, sec, demi-sec ou moelleux selon les millésimes, ainsi qu’un intéressant vin de table, Jalousie. Un seul rouge : Velvet, dans une région qui n’en produit guère.

    Coteaux du Layon

    Christine et Joël Ménard, au Domaine des Sablonnettes (http://lessablonnettes.free.fr), outre leurs rouges (Les Copains d’abord, et Les Copines aussi), produisent de précieux liquoreux d’un bon rapport qualité/prix, issus de vieilles vignes : Fleur Erable, Noblesse, Les Erables, Le Champ du Cygne, Bohême, Le Vilain Petit Canard.


    © L.M.

  • Le vin se dévergonde dans VSD

    Dans VSD paru ce matin, mon papier intitulé LE VIN SE DÉVERGONDE, pour parler un peu de ces vins naturels qui ne se prennent pas la tête, qui ont un packaging rigolo et qui sont sacrément bons!

    Leurs étiquettes décoiffent : graphiques, chics, drôles avant tout, elles signent de surcroît de bons vins.

    Fini les étiquettes guindées avec croquis de château, police à l’anglaise, commentaires ronflants et passe-partout sur la contre étiquette. Aujourd’hui, la tendance est à l’humour, au graphisme, au jeu de mots, voire à la gaudriole, à la libre création (en respectant les paramètres obligatoires devant figurer sur l’étiquette). C’est la rupture radicale avec des codes devenus ringards. Ce vent de créativité dépoussière un monde strict qui s’enlisait dans un packaging qui ne disait pas le plaisir, mais plutôt le solennel, le sacré. Or, le vin (consommé avec modération) doit rester un plaisir, sans prise de tête. L’apparition de cette valse d’originalité ne signe pas la consécration du buveur d’étiquettes. Au contraire. La plupart des vins new look sont de bons plans. Certains sont déjà des stars respectées. Chante coucou, d’Elian da Ros, en Côtes du Marmandais, par exemple, ou Claude Courtois, à Soings, en Sologne, avec Les Cailloux du Paradis. Ou encore La Pie colette, un côtes de Duras signé Catherine et Jean-Marie Le Bihan. Et la somptueuse gamme du Domaine Gramenon, de Michèle Aubery-Laurent à Montbrison, dans la Drôme : Poignée de raisin, La Mémé, La Sagesse, Fin septembre, La Sierra du Sud...

    3322493247_5edbd17a1d.jpgLa palme du vin le plus dévergondé (et bon à la fois) revient à Pascal Simonutti, du Domaine du Pré Noir, en appellation Touraine Mesland : On s'en bat les couilles! Vin de bagnole (ou) Boire tue. (un seul vin, mais deux étiquettes au choix).

    Parmi les noms de vins les plus originaux qu’il nous a été donné d’apprécier, citons, pêle-mêle : Dessine-moi un mâcon, Entre chiens et loups, Pour un peu de tendresse, La Glacière à Ferdinand, Grain de peau, Délit d’initiés (fronton) et Délice d’initié, Sang chaud, Le Blanc de Marie, Renard des Côtes, 20 de table, Le Rouge qui tâche (et) Le Blanc qui tente, Le coup de pied à la lune, French wine is not dead,Vent d'Anges (et) L'Ange et l'Hic ; et enfin les excellents Eloge de la Paresse et Eternel antidépresseur, de la cave coopérative de Castelmaure, en Corbières (les « coopé » s’y mettent aussi).

    Ces vins ont tous en commun d’être élaborés par de jeunes vigneron(ne)s très pros : si leur packaging est rigolo, leur travail est sérieux. Ils se rencontrent surtout dans les Côtes du Rhône, le Languedoc-Roussillon, la Loire et l’Alsace.

    Leur production signe le retour des (vrais) vins, au goût de raisin : vins de copains, vins de soif, 3322499815_da3f4b9493.jpgvins canailles, ce sont avant tout des vins naturels. La plupart sont élevés en biodynamie et ne sont donc non filtrés et non soufrés. Ces nouveaux vignerons se fichent des règles drastiques de l’Institut national des appellations d’origine (Inao), qui décide des cépages (et des volumes) selon les régions, préférant « jouer » avec les assemblages et se passer d’une Appellation d’origine contrôlée (AOC). Ils sont ainsi, parfois (dé)classés en « vin de pays » ou en « vin de table ». Cela est vécu comme un gage de liberté, qui n’obère pas un succès grandissant : par chance, la confiance du consommateur ne se limite plus à un mot prestigieux (bordeaux, par exemple), inscrit sur une étiquette, mais davantage au discours relais de leur caviste ou au bouche à oreille. Et via les bistrots à vins et autres brasseries qui les proposent avec enthousiasme. ©L.M.


  • moutons

    pascal-quignard.jpgC'est incroyable le nombre de personnes qui n'ont acheté que deux livres, cette rentrée : le Ndiaye et le Mauvignier, plus, éventuellement, un ou deux autres, comme le Quignard  (photo) ou le Zafon (d'ailleurs j'en fais partie). Plus fou est le nombre de ceux qui lisent le Beigbeder : j'en vois partout dans les transports en commun, et ça me fait peur!

  • canard-vin-négrette

    photos-humour-vaches-chevaux-9_oir.jpgFormidable, la négrette 100% dans un flacon de fronton* 2008 du château de Bouissel!

    Mention spéciale à Thibault de Plaisance 2006, château Plaisance, en Fronton (70% négrette, 25% syrah, 5% cabernet sauvignon).

    Et encore mieux : la demoiselle, les coeurs et l'aiguillette sur l'os, de canard (et son escauton de maïs), d'Alain Dutournier au Trou gascon, pour escorter Délit d'Initiés, un autre fronton (château Laurou, 2008), 100% négrette lui aussi : puissance et rondeur, finesse et corpulence, élégance et rusticité. J'adore (la photo illustre d'une certaine façon, l'effet que cela peut faire, en bouche).

    *lou vignoble toulousain!

  • Despreciado

    Outre la corrida attendue de Victorino Martin, dimanche prochain à Dax, il se murmure que le numéro 41, du fer Victoriano del Rio, et qui ne répond pas au nom qui lui a pourtant été donné, de Despreciado, serait extrêmement vif, leste et large du berceau.

    Si l’on s’intéresse davantage à lui qu'aux cinq autres toros du même lot, c’est qu’en matière de tauromachie, la famille, ça compte : DSC00809_2.JPGc’est la vache qui fait les toros et son sang -donc ses qualités et ses défauts-, circule également dans les veines de ses petits.

    Or, Despreciado* est le frère de Desgarbado, le fameux toro qui fut gracié sur le sable de Dax l'année dernière.

    Et, par les temps qui courent, l'indulto (la grâce du toro pour son excpetionnelle bravoure) est devenu un mythe accessible : ici et là, on brade, en ôtant toute la magie du Graal et tout le mystère du duende dans le même bain.

    A suivre…

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    *A noter qu'il y avait déjà un Despreciado l'an dernier, jour de l'indulto, qui fut sifflé à l'arrastre.

    Photo : A porta gayola, arènes de Puerto de Santa Maria (LM)

  • Septembre à Bayonne

    200909052000_zoom.jpg

    Corridas : El Juli -seul contre six toros de trois élevages différents-, magistral, mûr, un brin esbrouffeur, samedi, mais porteur d'un toreo de verdad. Le lendemain, des figuras (Castella, Ponce) mais pas de toros pour donner le change : ennui. Oublions le fer Valdefresno, s'il vous plaît. Heureusement, il y avait la douceur de septembre sur la Côte basque, les chipirons devant l'Océan au Port-Vieux, le superbe repas d'après match, de Gorka à Xakuta (l'Aviron avait atomisé Bourgoin à Jean-Dauger, entre 15h et 17h. Du Derby : ça compte pas, ou peu. IMG_1825.JPGOn recausera samedi à Anoeta contre le BO). Les chipirons, encore, de Txotx, une certaine movida souple, entre nosotros, dans l'air, dans les rues, dans les regards, qui n'a cours qu'ici, juste après la rentrée. Un truc à part, que Nîmes et même Séville envient. Enfin, je veux le croire.IMG_1818.jpg

     

    El Juli, Bayonne, samedi. Photo © La Dépêche.

    L'Adour, dimanche matin.

    Et cette étrange affiche, sur les quais en bord de Nive...

  • Victor Démé

    Ecoutez Victor Démé (faites connaissance sur deezer.com d'abord) : langueurs, humilité, ingénuité, douceur, franchise des cordes vocales, souplesse des gestes qui caressent les "drums", le reste, tout le Burkina de la brousse est réuni dans sa voix, ses lancers, et c'est salutaire comme le verre d'eau du désert, car ça réapprend à aimer regarder le soleil en face, et la pluie aussi...

    http://www.deezer.com/en/index.php#music/victor-deme

  • J'adore l'ortolan!

    Allain Bougrain-Dubourg, pitoyable militant vieillissant, délaissé par une star de premier choix, Brigitte Bardot, laquelle assurait sa promo perso comme personne, désoeuvré en Médoc faute de ramdam à rejouer chaque premier mai aux pieds des pylônes de chasse à la tourterelle des bois, IMG_0466.JPGs’en prend désormais aux matoles à ortolans de quelques irréductibles hédonistes Landais, au nom d’un légalisme radical. Le scénario est invariable : le président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, bardé de caméras de grandes chaînes de télévision, convoquées pour l’événement planétaire, précédé et encadré d’une confortable escorte policière, fait sa promo, héraut du prime time, en se livrant à un acte d’héroïsme des temps modernes. Et c’est affligeant.

    Par provocation bien sûr, je me définis comme dégustateur d’ortolans sur ma carte de visite. Et je n’aimais rien, un temps, comme aller relever les matoles avec certains amis Landais. J’adore en manger un, voire deux si cela est possible (de plus en plus rare) : le premier me fait la bouche et le second me monte au ciel. Je revendique mon appartenance à la Confrérie de l’Ortolan, qui m’intronisa un soir de novembre 1996 dans la salle des fêtes de Tartas, aux côtés d’autres impétrants : Me Jacques Vergès, Alain Juppé, Pierre Durand (le cavalier), et une ou deux autres personnes de gourmande compagnie.

    Et j’en ai parfois assez de cette hypocrisie : avez-vous « lu » toute la fausseté, l’absence de sincérité dans les yeux de Bougrain à la télé ? Il me faisait penser à la passion qu’un Dechavanne ou un Lepers mettent à exécuter leurs animations débiles… Par ailleurs, les derniers des Mohicans landais, de nobles braconniers (ils ne font que braver la loi), attendent depuis deux ans une étude qu’on leur promet (bizarrement, elle tarde à être pondue), sur l’état réel des populations de bruants ortolans. Car si l’espèce était en danger, il va de soi que les matoles seraient aussitôt rangées.

    Et le nom de cette rue, il faudra le changer, aussi, pour infâme incitation au délit de bon goût?..


    podcast(musique : vino griego)

  • vins, mon carnet de dégustation

    9782812300813-G.jpgoh, ce n'est presque rien, juste un petit livre à remplir soi-même, que j'ai donné aux éditions du Chêne et qui paraît ces jours-ci. Il s'appelle : Vins, mon carnet de dégustation (je me suis rendu compte, en le reçevant ce matin, que je ne l'avais même pas signé, ce "mon" qui est donc le tien, blogeur de passage!). Il s'agit d'un carnet de format moleskine, chic, couleur vin rouge (plus envie d'écrire couleur-bordeaux, car le vin est désormais presque partout, puissamment, ailleurs que "là") et gris pâle avec un élastique pour le maintenir fermé, qui permet de noter ses propres notes de dégustation à toute occasion : au resto, chez des potes, à la maison... avec un tableau des millésimes par grande zone d'appellation jusqu'en 2006, un questionnaire bien pratique à remplir quand on découvre un vin (identité du vin, commentaires de dégustations, notes à l'oeil, au nez et en bouche), et (le plus par rapport à sa première édition il y a deux ans), un glossaire de la vigne, du vin et de la dégustation, que j'ai réduit à une cinquantaine de mots indispensables*. C'est mignon, ça tient dans la poche, c'est pas cher (9,90€ quand même), et c'est une idée de cadeau qui change, je crois, peut-être, de la bouteille achetée, garé en double file, chez le caviste encore ouvert, ou du bouquet de fleurs, lorsque l'on se rend, en ce temps de "rentrée" (je n'aime pas ce mot), à un dîner... Mais bon voilà, ce blog sert aussi à porter à la connaissance d'autrui ce genre de bricoles ludiques et (ici) forcément gaies, propices à l'amour de la vie, provocantes parfois, toujours prêtes à inviter aux plaisirs, et à l'augmentation (axiome!) de votre PUISSANCE D'EXISTER, mon beau souci, comme dirait Valery Larbaud à propos de la lecture (ne lisez pas son énorme Journal, réputé difinitf par Gallimard son éditeur, car ce mecton écrivait bien, très bien même, je reconnais, je relis Barnabooth parfois, mais c'était un horrible réac. Donc beuuaark. Ceci dit en passant, l'air de presque rien, hein... Non?!..). SI.

    *qui n'égale pas le très bon Que sais-je? de Gérard Margeon, chef sommelier des restaurants de l'empire Ducasse, "Les 100 mots du vin", reçu par la poste avant-hier avec une dédicace sibylline de l'auteur, et pas encore l(b)u.31-lpSA0KaL._SL160_.jpg

    en illustration : le nouveau (bicolore) et le précédent (monochrome)

  • Le Bel Antonio

    Marcello : "tu es un don du ciel"

    Claudia : "-je finirai par te croire..."

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    et aussi :

    La scène de la balançoire, dans le film, est bien plus chargée d'érotisme que tout Bataille en poche et tout Sifreddi en dvd collector.

    Claudia, Marcello. Il lui baise le poignet puis le tibia à chaque passage, rythmé par le grincement des anneaux qui retiennent les cordes de la balançoire. Et c'est torride. C'est cela, la magie. La magie du septième art, alliée à celle de la littérature, les deux fondues dans le chaudron de la vie, qui prône le désir et sa satisfaction, mais pas n'importe comment. On n'est pas des beufs.

  • Anoeta

    Historique* :  Le match de ce soir (Aviron Bayonnais - Stade Français, en Top 14, 2ème journée) va se disputer sur la pelouse d'Anoeta, à Saint-Sébastien, San Sebastian, San Seba, Sansé, bref, "de l'autre côté". 30 000 places (sur 32 000) ont déjà été vendues. En plein mois d'août. Il n'y a pas que le surf et les toros... Côté Bleu et Blanc, Beñat Arrayet sera aux tirs au but.

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    *c'est la première fois qu'un match de Top 14 est délocalisé (hors territoire français).

    Le 12 septembre, à Anoeta encore, l'Aviron affrontera le BO (une équipe de jeunes qui s'essayent au ballon ovale, sise à Biarritz, station balnéaire réputée depuis que l'Impératrice Eugénie et nianiania...)

  • Sol originel

    Je suis né sur une terre rendue arable par endroits avec l'aide des amis de mes aïeuls (je ne compte aucun "colon" parmi les miens), et justement rendue aux Arabes, inaliénables propriétaires du sol d'Algérie. Bicot, raton sont des mots haineux, inqualifiables pour quiconque possède un soupçon de discernement, voire d'intelligence, qu'aucun membre de ma famille, d'origines diverses (Andalouse, Napolitaine, Lorraine, Juive de Tétouan), n'a jamais prononcés, même au plus fort des "événements", lorsque les attentats aveugles surgissaient n'importe où. Mon grand-père maternel fut épargné, par une nuit d'embuscades généralisées dans les rues d'un Oran scintillant du reflet de la Lune sur les armes blanches brandies à tout va, au début de l’année 1962 je crois : "Non, pas lui, c'est un Saint!", hurla à temps l'un de ses agresseurs (du FLN), parce qu'il avait reconnu celui qui parlait couramment sa langue et soignait les enfants du bled durant ses week-ends (il était comptable, mais il avait appris les rudiments de la médecine pour ce faire et se rendait en moto dans le Jbel avec sa trousse, sa seringue). Il était fondamentalement humble, il avait compris les conditions -si simples!-, à réunir pour prétendre rester là où il était né (à Laferrière) : parler la langue de son hôte était la première d'entre elles. Mais bon sang, que mon grand-père Bienaimé, et Jules Roy (dans "Les Chevaux du Soleil"), avaient raison, lorsque l'un disait, et que l'autre écrivait : "là-bas, on était tous frères mais rarement beaux-frères"... Mon père, un peu tête brûlée, alors jeune (23 ans) et fougueux, s'enticha mollement des "thèses" sommaires de l'OAS sans grande conviction je sais, donc sans jamais y adhérer. Pour beaucoup, ces trois lettres représentaient un dernier joker, le Baroud d'honneur. Je ne conçois pas cela comme une tache en héritage, car son engagement (très relatif) lui appartint, par définition, en propre. Je ne suis pas de ceux qui subissent le poids des travers paternels ou maternels. J'ai mon existence à moi et elle est depuis toujours affranchie, bien distincte du vécu de mes géniteurs. Pas de mes origines ni de ma culture. Donc rien à cacher. Les équipages des cargos qu'il possédât après 1962, furent toujours composés d'Arabes en priorité, puis de Basques et de Bretons. La "nostalgérie" l'habitât jusqu'à sa mort, il y a deux ans et des poussières. Je ne suis pas encore retourné sur le sol qui m'a vu naître, comme cela se dit dans les romans désuets de Pierre Benoît ou de Louis Bertrand. Et j'ignore pourquoi ces pensées traversent soudain mon esprit, en cette matinée caniculaire d'août, troublée (c’était avant-hier) par le vacarme d’un hélicoptère jaune et rouge qui fait du surplace au-dessus de chez moi et m’empêche d’écrire. Comme je n’en peux plus, au bout d’une bonne heure, j’ouvre une fenêtre et constate qu’un bataillon de policiers a bouclé le quartier. Des membres du GIGN armés jusqu’aux cagoules trottent par endroits. Animé soudain d’une conscience banalement professionnelle, je prends ma carte de presse, mon appareil photo, un carnet et un stylo et je descends, voir. Que se passe-il ? –Motus des flics, qui m’indiquent un point presse improvisé en bas de la longue rue. Sous un soleil de plomb, des caméras s’entrechoquent. Un policier en civil, bronzé, costume gris anthracite à reflets moirés, crâne rasé, deux portables en main, s’avance au bout d’une interminable demi-heure : bousculade sauvage de confrères et de consoeurs (j’ai l’habitude : les technos des télés se croient prioritaires et sont prêts à écraser, de leur arrogance, les indigents de la presse écrite, ces préhistoriques !). L’homme à la démarche soudain chaloupée doit se sentir sur les marches, à Cannes. Il s’arrête contre le ruban de plastique rouge et blanc faisant office de barrière à la meute de sauvages chargés de retransmettre l’info au peuple de France et d’ailleurs, et déclare ceci : « Je ne peux vous communiquer aucune information pour le moment »… L’hélico fait toujours du surplace et un bruit d’enfer. Une heure plus tard, l’homme au costume anthracite nous apprend généreusement qu’un couple de jeunes braqueurs a été interpellé par la 3è DPJ et la PN et qu’une troisième personne est toujours recherchée… Nous connaissons la suite depuis deux jours. Petit fait divers. Je pense davantage à photographier le manège de mes confrères qui se tirent la bourre, et l’hidalgo de western-spaghetti, que l’éventuelle charge de la brigade légère. Puis je me ravise, en me disant que seul "Le Parisien" –forcément surreprésenté, traitera le sujet, et je rentre chez moi. L’hélico se tait enfin... Mais voilà, j’ai perdu le fil algérien. Je le retrouverai plus tard. C’est l’heure de l’apéro.

  • La puissance d'exister

    L'exercice d'une puissance, selon Spinoza, sa fameuse puissance d'exister, provient du conatus (l'effort pour persévérer dans son être -ni physique ni psychologique, mais plutôt expression de l'affirmation de soi. Du verbe latin conari : entreprendre une action*). C'est la structure désirante de l'homme, "l'appétit avec la conscience de lui-même", écrit-il dans L'Ethique. Lisant avec passion, sur le sable d'une plage corse, le précieux hors-série consacré à Spinoza, "Le maître de liberté", que publie Le Nouvel Obs, je me suis arrêté longtemps sur ceci : ce n'est pas pour connaître que l'homme désire, mais c'est pour déployer son être qu'il s'efforce d'imaginer ou de connaître. Ainsi, avec Spinoza (en rupture totale avec des pans entiers de la philosophie depuis Platon), il n'est pas nécessaire de manquer pour désirer. "Nous ne faisons effort vers aucune chose, que nous ne la voulons pas et ne tendons pas vers elle par appétit (appetere) ou désir, parce que nous jugeons qu'elle est bonne; c'est l'inverse : nous jugeons qu'une chose est bonne, parce que nous faisons effort vers elle, que nous la voulons et tendons vers elle par appétit ou désir", L'Ethique (III, prop. IX, scolie). Le désir fonde le désirable. S'attacher aux plaisirs, aux richesses, aux honneurs, détruit davantage notre puissance d'exister (notre joie), qu'elle ne l'augmente. Et notre but est de tendre vers une affectivité heureuse, avec des affects (sentiments : surtout la joie, la tristesse et le désir), épanouis, soit libres de toute culpabilité; notamment. L'un des collaborateurs de ce hors-série, Pascal Sévérac, souligne l'originalité fondamentale de l'éthique spinoziste : "rompre avec l'idée judéo-chrétienne d'un péché originel qui nous condamne à la faute et à la misère". L'Ethique "nous libère des chaînes d'une morale ascétique qui sans cesse nous culpabilise de jouir de la vie", enchérit Balthasar Thomass, lequel qualifie Spinoza "d'antidote parfait pour des époques moroses et anxiogènes comme la nôtre, un Prozac philosophioque à avaler en toutes circonstances." Dès lors, pour lutter contre nos passions tristes et tenter d'atteindre l'ataraxie, cette quiétude absolue de l'esprit, il y a la joie, l'irrépressible joie (de vivre) de Spinoza : une certaine forme de liberté, "un étendard, comme la nomme Thomass, dressé contre toute forme d'aliénation", une joie donc, seule capable d'envoyer bouler les systèmes d'oppression qui manipulent notre tristesse pour nous soumettre (Deleuze) par l'entretien méthodique de nos peurs.

    *Laurent Bove, précise, à propos du conatus : "cet effort de persévérance en acte est une puissance activement stratégique d'affirmation et de résistance de la chose à tout ce qui pourrait entraver sa persévérance indéfinie." (lire : le hors-série Spinoza de l'Obs).

  • Gorgias

    C'est l'un des plus beaux dialogues platoniciens. Socrate y est au plus haut de sa forme, pour exprimer l'art de la réthorique, la tempérance, la bienveillance, la justice (et son mal suprême corollaire : celui de n'être pas puni pour l'injustice que l'on commet); la domination des désirs et donc le bonheur : Qui veut être heureux doit se vouer à la poursuite de la tempérance et doit la pratiquer...

    Tout Socrate y est résumé, jusqu'à la métaphore de l'épisode de la ciguë. L'art de la politique, le rôle du citoyen dans la Cité, la définition du pilote, la vile incapacité pour un homme à se défendre... Bon, évidemment, Platon sépare l'âme et le corps au moment de la mort, et semble curieusement faire l'éloge de la sophistique au détour d'une tirade à l'adresse de Calllicalès. (N'est pas Spinoza qui veut).

    Gorgias ou la lumière sur les sentiments et les comportements. Le relire, c'est prendre un bain de jouvence, plonger dans un jacuzzi électrique. C'est faire le plein de sourire.

  • Marc-Aurèle à la plage

    Ne pas penser aux choses absentes comme si elles étaient déjà là; mais parmi les choses présentes, tenir compte des plus favorables et songer à quel point tu les rechercherais si elles n'étaient pas là. Prends garde aussi de ne pas t'habituer à les estimer au point d'y prendre un tel plaisir que tu sois troublé si elles disparaissaient.

    Fais-toi une parure de la simplicité, de la conscience, de l'indifférence envers tout ce qui est entre la vertu et les vices. Aime le genre humain. Obéis à Dieu.


  • pensées pour la plage

    C'est le propre d'une âme vile et sans énergie de ne s'avancer qu'en terrain sûr : la vertu veut escalader des sommets.
    Sénèque, La Providence.

    Tu me demandes ce que je cherche dans la vertu? Elle-même.
    Sénèque, La Vie heureuse.

    Le vaniteux fait dépendre son propre bonheur de l'activité d'autrui; le voluptueux de ses propres sensations, et l'homme intelligent de ses actions.
    Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même.

    S'ils n'ont pas de part à nos succès, nos amis nous lâcherons quand nous serons dans le malheur.
    Esope, Fables.

    Il est vil et faux de dire : moi, je préfère être franc avec toi. Point n'est utile de l'annoncer; cela apparaîtra de soi-même; cela doit être écrit sur ton front; ta voix doit y faire aussitôt écho; cela se lira dans tes yeux, comme la personne aimée comprend tout dans le regard de ses amants. Bref, il faut que l'homme simple et bon soit comme celui qui pue le bouc, c'est-à-dire qu'en s'approchant de lui on le sente, qu'on le veuille ou non. La pratique de la sincérité est un coutelas. Rien de plus honteux qu'une amitié de loup. Evite cela par-dessus tout. L'homme bon, simple et beinveillant, a ces qualités dans les yeux, elles ne peuvent échapper.
    Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même.

    Aristote se trouva un jour en butte aux interruptions continuelles d'un discoureur qui lui débitait des histoires sans queue ni tête, tout en lui répétant sans cesse : "Epatant, non, mon cher Aristote? -Pas du tout, répondit celui-ci; non, ce qui m'épate, c'est qu'on puisse rester à t'écouter quand on a des jambes."

    Plutarque, Le Bavardage.

  • Rencontre avec Edmond Jabès

    Je tombe sur ce papier, publié en 1985 dans Sud-Ouest Dimanche. L'immense écrivain a disparu depuis longtemps (16/04/12 - 02/01/91). Je le livre tel quel. Car je relisais aujourd'hui l'homme du Livre et du Désert au Livre. Ce fut, je m'en souviens parfaitement, une rencontre rare. Un de ces entretiens qui jalonnent une vie de journaliste.

    jabès [edmond] 03.jpg
    Son œuvre est immense et abondamment étudiée à l’étranger. Les jeunes le lisent de plus en plus.
    Il est inclassable. Je l’ai rencontré alors que j’étais critique littéraire, il y a quelques années, conscient de la rareté de ses entretiens. Jabès était un écrivain difficile et secret, prudent et infiniment bon.
    L’obsession du livre et la réflexion sur le livre, l’obsession du Livre et la réflexion sur le Livre, aussi, ont dominé le travail d’un homme fasciné par le mot et par le langage autant que par le silence de la parole. L’austère travail d’écriture d’Edmond Jabès semblait lui interdire l’usage de la parole orale ; exactement comme s’il avait du toujours respecter le silence. Parler l’effrayait un peu. « Je suis visuel », me dit-il, « mais aussi et surtout à l’écoute du texte. L’expérience fondamentale du désert et de son silence absolu, intolérable, a permis à Edmond Jabès de voir qu’au-delà de ce silence du désert, une parole pouvait émerger du silence de toutes les autres paroles. Une parole non pas appelée, mais reçue. Jabès pensait que son œuvre n’appartenait à aucun genre. Comme l’essentiel de celle-ci, ce qu’il appelle « son » livre se compose du « Livre des questions », en sept volumes, et du « Livre des ressemblances », en trois volumes, on l’appelle « l’homme du Livre » . Lorsque parut son premier ouvrage, un gros recueil de poèmes, « Je bâtis ma demeure », on le qualifia de poète. C’était bien pratique. Pis « Le livre des questions » arriva et Gallimard, son éditeur, fut bien embarrassé pour classer son auteur. « Heureusement », me dit Edmond Jabès, « il y avait la collection blanche, dite de littérature générale… » . Un prestigieux fourre-tout couleur beurre frais. Edmond Jabès n’a jamais eu le sentiment de faire une œuvre littéraire, mais il ne savait pas où son travail s’établissait véritablement. En Egypte, son ambition était d’appartenir à la littérature française. Ses livres le firent entrer dans la famille de ceux qui devinrent ses amis : Max Jacob surtout, René Char, Henri Michaux, Gabriel Bounoure … « Ainsi mes livres existaient bien ;matériellement au moins. Mais à quoi se rattachaient-ils alors ?
    L’université a rapproché le travail de Jabès de l’obsession mallarméenne du livre, mais il s’en distingue dans le sens où l’obsession d’Edmond Jabès est de faire un livre qui se prolongerait dans un autre, exactement comme dans le processus humain de la reproduction. « Je tiens beaucoup à l’ouverture », confiait-il, « c’est-à-dire aux manques par lesquels le lecteur entre dans le livre et grâce auxquels il en fait son livre. Ce sont ces manques qui induisent le dialogue. Son obsession se rapprocherait beaucoup plus de l’obsession du Livre dans la tradition hébraïque. Les livres de Jabès sont profondément juifs. Il se définissait d’ailleurs comme « écrivain » et « Juif », et pas comme « écrivain juif » (mais comme ses livres n’affirment rien, il ne s’est jamais senti investi d’une quelconque mission. Il a écrit : « J’ai, comme le nomade son désert, essayé de circonscrire le territoire de blancheur de la page ; d’en faire mon véritable lieu ; comme, de son côté, le juif qui, depuis des millénaires, du désert de son livre, a fait le sien ; un désert où la parole, profane ou sacrée, humaine ou divine a rencontré le silence pour se faire vocable ; c’est-à-dire parole silencieuse de Dieu et ultime parole de l’homme.
    Son œuvre est l’expression de l’absence de racines, de la non-appartenance, de l’exil majuscule, de la solitude, du désert… D’où la profusion de voix (de rabbins imaginaires) dans ses livres. « J’ai toujours essayé de ne jamais expliciter, mais de donner à voir. Ses rabbins parlent, dialoguent invisiblement.
    Le désert, qui tient une place considérable dans chacun de ses livres, n’est pas une simple métaphore, indissociable de la notion du vide selon Jabès et de la solitude de l’homme devant la page blanche. La leçon du désert est d’abord une parole de l’abîme. « Le désert n’est pas une métaphore, mais un lieu, mon lieu… C’est le silence  nécessaire à toute parole et c’est là où la parole devient subversive », m’a-t-il dit. C’est dans « Le soupçon, le désert », qu’il écrit ceci : « Le désert est bien plus qu’une pratique du silence et de l’écoute. Il est une ouverture éternelle. L’ouverture de toute écriture, celle que l’écrivain a pour fonction de préserver. Ouverture de toute ouverture."
    Edmond Jabès s’est interrogé sans relâche sur l’essence du livre, celui que tout écrivain rêve d’écrire. « Nous avons tous un livre mythique, un livre que nous essayons de faire et que nous ne faisons jamais. C’est une quête qui ne peut se réaliser que dans l’inaccomplissement. Il a écrit quelque part : « Je lis et je relis le dernier livre que je vais écrire », et il commente cette phrase en disant : « on souhaite chaque fois écrire le livre mais en fait nous écrivons toujours sur ce livre.
    arton71.jpgLe livre de Jabès ne ressemble pas au « Livre de sable » de Borgès, c’est-à-dire au « livre-légende », au livre mémoire, au livre anonyme comme un proverbe, même si, comme Jabès le disait lui-même, « mon livre est fait sur du sable et avec du sable. Ce n’est pas non plus tout à fait « Le livre à venir » dans le sens où l’entendait  Maurice Blanchot : « Mon livre », m’a dit Jabès, « se projette toujours dans un autre livre, c’est un nouveau commencement, pas un recommencement. Le livre, c’est la durée. Un projet d’avenir. Un mouvement perpétuel, en somme. A l’instar de ceux qui, comme le poète Yves Bonnefoy, pensent que « l’imperfection est la cime », Edmond Jabès pensait que l’inachevé est la fin et que les chemins qui ne mènent nulle part (chers à Heidegger), valent mieux que ceux qui ont une destination certaine. Citant Valéry : « L’essentiel est de ne jamais arriver », Jabès montrait combien il était convaincu que les seules limites du livre sont nos propres limites. Au fond, cet homme viscéralement incapable de tout enracinement, avait finalement trouvé ses racines dans le livre –en tant que lieu.
    Evoquant un aboutissement possible de sa recherche dans le dialogue, il me dît admirablement : « Le vrai dialogue c’est lorsque l’on se sépare… Car on parle alors réellement avec ce que l’on a retenu. Une autre parole, beaucoup plus profonde, commence alors à circuler… Exactement comme deux amoureux qui, se séparant, s’écrivent aussitôt. Le silence qui s’installa alors entre nous était aussi de lui.
    Après cet entretien, nous sommes allés dîner ensemble, en compagnie de madame Jabès.
    De retour chez moi, je posais ces notes pour un article, et j’écrivais dans mon journal personnel que l’imagination tient une si grande place dans l’amour que nous pouvons parfois avoir hâte de voir partir la femme que l’on aime, car elle nous gêne pour penser à elle…  © L.M.


  • Ostapéouivlove

    Ouiquende (aurait écrit Nimier) à Bidarray, à l'auberge Ostapé. Le bonheur en terre basque, je l'ai déjà écrit ici et là. La sérénité apprivoisée et à peine obérée par le froissement des ailes d'un vautour qui plane au-dessus de la piscine avec vue sur les montagnes dont la douceur rappelle seulement les hanches d'une, ou dune. L'insolent raffinement de la chambre. Et de la table : Claude Calvet, le chef, signe une cuisine franche et noble, caractérisée et audacieuse, mais sage cependant. Les produits basques doivent être, eux aussi, domptés. Splendide déclinaison du cochon d'Oteiza "de la tête aux pieds", extraordinaire pigeonneau... Petit-déjeuner formidable (la charcuterie! le mamia! la vue!).

    Surprise : l'excellence du turbot aux champignons (cèpes, girolles, truffe d'été et champignons nippons dont j'ai oublié le nom) au Blue Cargo, sur la plage de Bidart, eu égard au côté mode/people et donc laissez-aller de l'adresse.

    En revanche, la salade du Paseo Café (à La Chambre d'Amour), est une mezcla de no se que pas très fraîche et hors de prix.
    Enfin, sachez qu'au bar du bout du Port Vieux à Biarritz, à l'emplacement idéal pour regarder le soleil se coucher à la fois sur l'Espagne, la Côte des Basques et le Rocher de la Vierge (à la table du haut à gauche, dans les rochers), la rondelle de citron qui accompagne le Perrier est facturée à  0,20€ sur le ticket. Choquant.

    J'écris depuis la plage des Estagnots, à Seignosse-le-Penon, Landes. Ici, la wifi est au prix de quelques grains de sable fin sur mon nouveau MacBookPro qui n'a que 4 jours d'âge (un café -le plus cher du monde-, ayant tué net le précédent Mac...).
    La houle est souple. Hier, j'avais l'impression de plonger dans la peau d'un dauphin, car un vent de terre s'était levé -rare!- dans l'après-midi, creusant les vagues, lissant la surface de l'eau, éclairant les tubes dans lesquels nous voyions passer des bancs de bars fuselés comme des étourneaux. L'envie de lancer une ligne avec un Rapala au bout me démangea.

    Poursuite de la lecture de Spinoza et de la connaissance du personnage. Savez-vous qu'il exerca, jusqu'à sa mort en 1677, le métier de polisseur de lentilles pour instruments d'optique? Et qu'il excella dans cette tâche qui lui assura toujours l'indépendance financière et la liberté de ne pas se fourvoyer avec l'Université, après son exclusion ou hérem (excommunication) en 1656 -il n'a alors que 24 ans-  de la communauté juive d'Amsterdam?

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  • Le woodland de Gracq

    A lire dans un nouveau magazine de Milan Presse, L'Esprit des LANDES, et dont le premier n° paraît, cette évocation par Julien Gracq de cette « province des arbres » qui le conduisait vers le bonheur. Voici donc le début de mon papier (la suite en kiosque!) :

    La vie est faite de rencontres, de correspondances au sens baudelairien du terme :  il arrive que la connivencia (qui partage avec le duende le talent de surgir quand ça lui chante), apparaisse au détour d’une discussion au sujet des Landes.
    Pendant plus de vingt ans, j’ai eu la chance d’échanger (par lettres et de visu), avec le plus grand prosateur du XX ème siècle (s’il faut inscrire Gracq dans le temps). Au cours de nos conversations, avec la littérature pour sujet principal, Julien Gracq empruntait des chemins de traverse comme il le faisait au volant de sa 2 CV sur les routes de France. En scrutateur du paysage, en entomologiste de l’impression procurée par l’évocation d’un coin de nature, l’entrée d’un village, la lumière d’un couchant. Les deux volumes des Lettrines et les Carnets du grand chemin sont ses livres les plus précieux « sur le motif ». Dans le Sud-Ouest, nous savons qu’il n’aima guère Bordeaux. Des Pyrénées, il retint davantage Prats de Mollo, le Vallespir, que les sommets élancés. « Le Bassin d’Arcachon, me dit-il un jour, comme Noirmoutier et le Gois, je ne les aime pas à cause de ces étendues de sable à marée basse d’où émergent des pignots, des piquets, des barques échouées et des squelettes de bateaux qui m’évoquent un paysage d’après la débâcle. » Curieux de l’autre et soucieux de s’effacer, il me questionnait sur Bayonne, ses corridas (il gardait le bon souvenir d’une), bien que le Pays basque « l’ennuyait ». Les Landes avaient sa préférence : « Parlez-moi de vos barthes de l’Adour ! » Depuis la pièce où il recevait, à Saint-Florent-le-Vieil, et par la fenêtre de laquelle je voyais couler la Loire et devinais des paysages gracquiens, nous évoquions ces prairies humides, ces paysages des confins qui métissent les milieux, et où des eaux étroites se confondent avec une terre chevelue qui les boit. Des Landes, il aimait les odeurs de résine, « de liesse et de vacances », la lumière « jaune et fruitée ». La forêt surtout : « épaisse torpeur végétale », « cuirasse de sous-bois », comme une armée qui « desserre ses rangs vers le Sud »… L’écrivain traversa ce woodland avec gourmandise, via Sanguinet, Parentis, le Pays de Born, Lit-et-Mixe et, loin de le trouver monotone, s’en émut en géographe : « Jamais je ne l’ai prise (la route des Landes) sans être habité du sentiment profond d’aborder une pente heureuse, une longue glissade protégée, privilégiée, vers le bonheur »...  ©L.M.

  • no comment (coton-tige)

    Un chômeur vole pour pouvoir manger à nouveau en prison

    Taïwan - Un demandeur d'emploi relâché de prison a volé des Coton-Tige juste pour se faire arrêter à nouveau car il " ne pouvait oublier les plateaux repas du département de police ".

    A peine a-t-il été relâché de prison pour avoir volé une paire de chaussures, qu'il a volé une boîte de Coton-Tige pour être arrêté à nouveau. L'homme sans domicile fixe a pris l'habitude de commettre régulièrement des vols afin de pouvoir se nourrir gratuitement. "Si quelqu'un ne va pas bien et vient aux alentours de l'heure du déjeuner, nous allons lui préparer quelque chose" déclare pourtant un officier. Ce chômeur n'est pas le premier à agir de la sorte. Il y a quelques mois, un autre homme a volé une moto et l'a conduite directement au bureau de police pour être emprisonné.`

    source : la page d'accueil de Yahoo.fr, cet après-midi. Qui a dit que nous étions devenus trop nombreux sur cette Terre? -Qui?.. Malthus?..

  • Un roman français

    Dans la dernière livraison du magazine Maisons Sud-Ouest, ce portrait que j'ai réalisé de Frédéric Beigbeder. J'ai lu son nouveau livre hier (Un roman français, qui paraîtra fin août chez Grasset) et j'avoue avoir été touché par l'humilité, qui semble à peine feinte*, d'un personnage sensible, a priori à l'opposé de l'image qu'il donne, en tout cas qu'il véhicule ou qui est colportée de lui (l'oiseau de nuit, le pipeule, le publicitaire qui écrit des romans à succès...). Il y est surtout question de son enfance, de sa famille, sur fond (c'est le fil conducteur du livre) de garde à vue dans une "geôle" parisienne. J'ai personnellement vécu la même expérience, deux semaines à peine avant lui, dans une cellule parisienne aussi; je connais ce traumatisme-là. Revivre enfin, à travers le livre de Beigbeder, ma propre enfance à la plage de Cénitz, à Guethary, m'a copieusement ému, hier...  Voici, par ricochet, un extrait du portrait qui paraît en kiosque :


    " Dans le capharnaüm très rangé de son appartement germanopratin, il plonge ses deux bras dans les livres empilés, trouve immédiatement « Lettres à moi-même » de Paul-Jean Toulet, les ouvre sans hésitation à la page datée du 27 octobre 1901, et nous lit les lignes qui évoquent la Villa Navarre, avenue de Trespoey à Pau. La demeure familiale des Beigbeder est aujourd’hui un hôtel Mercure… Frédéric a beau être né à Neuilly et être devenu une proie pour les magazines people, il pense souvent à Pau et au Guéthary de son enfance, à la route de Cénitz, « le sentier Damour », qui conduit à la plage où il pêchait la crevette, avant de découvrir l’ivresse douce des nuits biarrotes : « Ado, j’ai passé mon temps dans les boîtes de l’époque, comme l’Exocet, très hard-rock, très heavy metal. Oh ! Je ne suis pas du tout surfeur, mais plutôt night-clubber, là-bas ». Les origines du romancier sont Limousines et Pérgourdines, côté mère. Et Béarnaises côté père. Chaque été, il prend ses quartiers à Bidart, car sa fille Chloé, neuf ans, adore la Côte basque de son papa.
    Contrairement aux idées reçues sur le personnage, volontiers déjanté, « Beig » est un homme calme qui affiche sa triple fierté d’être citoyen d’honneur de la ville d’Oloron-Sainte-Marie, parrain de la FNAC de Pau et membre de l’Académie des Lettres Pyrénéennes (*). « J’y suis en bonne compagnie, avec Roger Grenier, Jean-Marie Rouart, Paule Constant… Edmond Rostand la fonda en 1917. Cela vaut bien l’Académie française ! ». L’écrivain souhaite désormais mentionner son appartenance à « l’autre » Académie, sur la couverture de ses prochains ouvrages. Il est souvent « descendu » sur la Côte, ces derniers mois, pour retrouver son enfance basco-béarnaise –sujet de son prochain roman, à paraître en septembre chez Grasset. « Un livre pour connaître mes origines. Car jusqu’à quarante ans, un homme veut se couper de ses racines. Après, il veut savoir qui il est et donc d’où il vient. Et le Sud-Ouest est l’endroit où je me sens le mieux sur Terre. Tout m’y plaît : la cuisine –moi qui ne suis pas du tout gastronome, les gens, les paysages. Guéthary est l’un des plus beaux endroits de la Côte basque, donc de France ! ». Aujourd’hui, rien ne l’émeut comme le souvenir des parfums de vent salé et d’hortensias, ou celui, délicat, du temps où il suffisait au petit Parisien qu’il était, d’allonger la main pour cueillir des mûres. Nous sommes loin des nuits chez Castel, rue Princesse, à Paris. L’auteur de « L’amour dure trois ans » a beau déménager chaque fois qu’il change de compagne, le siège social de son cœur est assigné à résidence à cheval entre Pau et Guéthary. Et c’est ainsi que Toulet est grand.  ©L.M.

    *L'auteur est passé maître dans l'art d'écrire : je déteste parler de moi -tout en le faisant sur 280 pages, malgré Mauriac, appelé à la rescousse... Et dans celui de se plaindre de sa condition d'enfant gâté découvrant la copie de La Geôle de Reading... Il reste, à mes yeux, l'écrivant, subtil par endroits, de choses que l'on peut ressentir sur la Côte basque. Envers et contre tout, en dépit du fameux Familles, je vous hais! et du devoir de maturité.

    (*) L’Académie édite La Revue Régionaliste des Pyrénées. Son dernier hors-série est consacré à Paul-Jean Toulet  (7, rue Henri-Faisan, 64000 Pau).

     

  • L'esprit Arzak

    Des photos de François Mouries illustrent ce papier sur le restaurant Arzak, à San Sebastien, que je signe dans le dernier n° de Maisons Sud-Ouest, et dont voici un extrait (le reste en kiosque!) :

    "Elena a quarante ans et en paraît trente. Aïta (Papa en Basque, elle l’appelle toujours ainsi) en a soixante-sept, mais il est hors-d’âge, comme les grands armagnacs. Juan Mari et Elena forment un tandem insécable en cuisine. « Los Arzak » comme on a l’habitude de les désigner, fonctionnent main dans la main depuis 1995, date à laquelle Elena est revenue à la maison mère, fondée en 1897 par les aïeuls Juan Maria Etxabe et Escolastica Lete, après des études hôtelières en Suisse et une tournée des grands chefs européens, y compris Ferran Adria, ami et compagnon d’aventures intello-gastronomiques de Juan Mari. Mais Elena a toujours traîné dans les cuisines d’aïta depuis sa plus tendre enfance. « J’avais onze ans, ma grand-mère paternelle Francesca dirigeait la casona (maison), Maïté ma mère pilotait l’administration et mon père était au piano. Avec ma sœur Marta (aujourd’hui membre de la direction du musée Guggenheim de Bilbao), nous passions deux à trois heures par jour à aider en cuisine, pendant les grandes vacances. Et pendant mon tour des grandes tables, je revenais chaque fois montrer à mon père ce que j’avais appris, nous échangions déjà beaucoup. » (...)

    Pour penser, à l’étage, passée la cave aux 100 000 bouteilles et 2500 références, qui reposent sur des bacs en inox, où la lumière provient de fibres optiques afin de ne pas augmenter la température, fixée à 16°, il y un appartement consacré à ce que nous avons envie d’appeler le « phosphoring ». C’est le labo Arzak. Il n’en existe qu’un seul autre, celui de Ferran Adria. Deux personnes, Xabi et Igor y travaillent constamment, sans jamais descendre en cuisine. Ils goûtent, tentent, pensent, isolés comme des moines du goût, déstructurent les produits comme le philosophe Derrida le faisait avec les concepts, décortiquent jusqu’à l’âme des ingrédients et les fiancent pour produire « de l’inédit bon ». La pièce d’à côté est consacrée au design des plats. Ils y sont dessinés, disposés selon des critères indispensables, on projette leurs photos au mur, on discute sans cesse. Enfin, une dernière pièce de cet étage labo est ce que Juan Mari nomme « la banque d’idées ». Elle contient 1600 produits différents, venus du monde entier, dûment lyophilisés, dans des boîtes transparentes, sur étagères, et cela constitue un trésor qui enrichit chaque jour l’esprit créatif de l’équipe. Celle-ci allie la jeunesse porteuse du savoir le plus talentueux, à l’expérience « maison » la plus sédimentée : Pello, chef des cuisines, compte trente ans de «boîte » à son actif, Antolina, pâtissière, quarante ! Une saga sur fond de longues tables en inox. Dans un établissement « reloaded » par le décorateur Borja Azcarate, lequel travaille avec le mari d’Elena, architecte, Manu Lamosa. Ça reste en famille. Revenons au labo… Machine à déshydrater, machine à lyophiliser : le tandem Arzak expérimente, n’hésite pas à utiliser les outils modernes. Interrogés sur la techno-cuisine, la cuisine moléculaire et autres avatars décriés pour leur utilisation parfois abusive de produits chimiques nocifs, « los Arzak » répondent sagement : il faut manier cela avec prudence, parcimonie et seulement pour sublimer un produit. Exemple : « de l’œuf à la poule et de la poule à l’œuf », est un plat qui est issu d’un bouillon de poule et de chair de poule  lyophilisée (réduite en poudre) laquelle, plus concentrée en goût, vient assaisonner le bouillon en rehaussant les saveurs du produit originel. Ce n’est pas pour faire joli ou tendance, mais parce que c’est bon ainsi ! Excitant pour les neurones comme pour les papilles…
    La philosophie Arzak repose sur cinq principes, comme la cuisine basque (maritime) repose sur quatre piliers : les chipirons à l’encre, la morue à la biscayenne, les kokotxas (bas-joues de merlu) au pil-pil et le merlu en sauce verte. Ces cinq axiomes sont : une cuisine d’auteur, une cuisine basque, une cuisine d’investigation, une cuisine d’évolution et une cuisine d’avant-garde. Juan Mari : « Nous partons d’une culture propre, identitaire, forte. Nous l’enrichissons en la frottant à d’autres cultures, d’autres produits, d’autres façons de faire. Nous adaptons cela au goût local et au goût général (c’est parfois difficile). Au final, nous accomplissons une évolution, nous avons le sentiment d’avoir créé quelque chose. » Aujourd’hui, « los Arzak » rêvent peut-être d’inscrire au patrimoine culturel du goût, qui n’existe pas dans le réel, mais qui transcende un tissu de légendes, un plat, un seul, que l’avenir désignerait, ou pas, comme le cinquième élément de la cuisine basque. Mais ils n’y pensent pas trop. Le tandem se concentre sur l’unité de lieu (l’adresse originelle) et l’unité de production (un seul restaurant), ce malgré des tombereaux de propositions mirifiques. L’envie d’encourager, de conseiller les initiatives formidables comme la future Université gastronomique basque les anime. Ils ont surtout l’ardent désir de continuer de cultiver leurs valeurs propres : l’humilité, la capacité à être constamment ému par le monde qui les entoure. Continuer de penser comme un enfant, enfin… « J’ai commencé dans les années soixante-cinq avec la nouvelle cuisine basque, dit Juan Mari. Vingt ans après, avec Elena, le restaurant a été propulsé dans la modernité. Aujourd’hui, ma cuisine serait impossible sans elle. Mais, surtout, avec Elena, la maison Arzak a gagné au Loto !.. »  " ©L.M.

  • Ecrire, c'est exister contre

    Elisabeth Barillé, dans son Petit éloge du sensible (folio) : "Savourer ses sensations suppose d'en rester un tant soit peu détaché. C'est l'art des oenologues : ils posent dans leur bouche un passage de vin à déguster, en tournant attentivement les pages, en brassent les saveurs. Quand ils le recrachent, leur coup de langue est aussi un coup du cerveau se détachant de ce qu'il vient de savourer en le jugeant. En gros, tout est affaire de diététique (de dieu, d'été, d'éthique). La finesse du sensible dépend d'une diététique de la conscience. D'elle, Roland Barthes disait qu'elle était, au sens banal du terme, un plaisir."

    Plus loin : "S'il suffisait de se lâcher pour écrire, tout le monde écrirait. Se lâcher, c'est à la portée de tous, alors qu'écrire, c'est faire preuve de contrôle, juger ses pensées, peser ses mots. Inventer un langage, son langage. Poser sa voix. Ce n'est pas si simple..."

    Enfin : "Ecrire, c'est résister sans cesse. Ecrire, c'est exister contre."


     

  • L'autre Pays basque

    Le Pays basque intérieur, ça change de la côte. Balade gourmande.
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    Aïnhoa passe pour l’un des plus beaux villages de France et il l’est. C’est sans doute aussi le plus charmant du Pays basque intérieur, n’en déplaise à tant d’autres ! Mais il faut parfois choisir. Ses maisons traditionnelles, sa rue principale, le respect scrupuleux de l’architecture originelle et l’absence de pollution visuelle, le rendent infiniment attachant. Autour du splendide fronton, deux institutions trônent depuis des lustres : Ithurria et Oppoca. Registre classique audacieusement revisité par les chefs Xavier chez Ithurria et Patxi chez Oppoca. Xavier cultive son jardin pour en cuisiner les herbes, les fleurs, les légumes et les fruits (cela devient à la mode chez les chefs), et propose une cuisine franche, avec des produits locaux judicieusement choisis. En témoignent les grosses asperges des Landes (dans les « ventas » proches, vers lesquelles 12 DSCF6114.JPG000 voitures se ruent chaque jour sans s’arrêter à Aïnhoa, des asperges made in China sont paraît-il vendues ! Ici, c’est du local pur jus). Avant le coup de feu, en saison, Xavier part cueillir les figues de son figuier, à Dancharia, pour le jambon aux figues « comme ça elles ne passent pas par le frigo ! », dit-il. Stéphane est en salle, Maritxu et Marion sont à la direction, et plusieurs petits-enfants prétendent à la succession, dont Louis, déjà étudiant au Lycée hôtelier de Biarritz.
    À Oppoca, les chambres, refaites récemment, splendides et aux noms évocateurs, accueillent des voyageurs exigeants en recherche d’un calme absolu : Argi (la lumière), Izar (les étoiles), Ametz (le rêve), Ortzi (le ciel), Mendi (la montagne), Arantxa (l’aubépine). La table de Patxi est claire : porc basque d’Oteiza, truite de Banka de Michel Goïcoechea, agneau de lait des Pyrénées. Du fiable.
    À Sare, Mecque de la contrebande, Arraya tient bon la barre, avec son restaurant classique, rassurant par les temps qui courent, et son hôtel charmant. Là aussi, l’entreprise est familiale : les Fagoaga, à la suite de Paul, retraité méritant, ses fils Jean-Baptiste et son épouse Laurence (hôtel, restaurant), et Sébastien et son épouse Laurentxa (boutique de produits maison, fabrique de gâteaux basques), avec René Dubès et le jeune Olivier Sautel aux fourneaux, perpétuent une tradition saratar. Celle du goût juste et du confort vrai.  En annexe, la maison d’hôte Dominxenea (« la maison de Dominique », qui date de 1505), au cœur d’Ihalar, le quartier historique le plus beau de Sare, est une maison d’hôtes à prix doux, plantée à une minute à peine de l’hôtel. On ne peut oublier le gâteau basque estampillé Arraya (le « pastiza », en Basque) de Sébastien Fagoaga, car il reflète le savoir-faire de l’association Eguzkia (Soleil), laquelle garantit une qualité extrême, via le respect d’une charte exigeante. Ce label réunit vingt-cinq pâtissiers de la région.
    Au restaurant Lastiry, qui fait face à Arraya, Pierre et Louise Etcheverria ont ranimé une maison emblématique du village, qui tombait à l’abandon. Hôtel, restaurant, retrouvent des couleurs : « Ca faisait mal au cœur de laisser ça comme ça », dit Pierre. Le peintre Mattin Partarrieu, un ami, orne les murs, et une cuisine gaie peint généreusement les assiettes : Saint-Jacques au xingar (ventrèche), ris de veau au Moscatel, charcuteries locales comme le tripotx, extraordinaire boudin lié au sang d’agneau !
    DSCF6154.JPGÀ Saint-Pée sur Nivelle, le décor change radicalement, du moins côté face. Pile, la grande Auberge basque étend toute sa splendeur, large, débonnaire, généreuse et classique. Face aux montagnes, la modernité impose un style épuré avec les baies vitrées des chambres et du restaurant. Cédric Béchade et son équipe distillent ici une atmosphère « no stress » qui se ressent à chaque instant et partout. Les cuisiniers, foulard rouge sur la tête, exécutent une gastronomie subtile sans cris ni chuchotements, sous les yeux des clients, comme si tout coulait de source. Le chef passe les plats tout en surveillant l’ensemble. Rare. L’Auberge basque a ouvert en avril 2007 et connaît depuis un succès serein. Des pros, comme Samuel Ingelaere, sommelier exceptionnel et directeur de la boutique générale, épaulent le chef. Des céramiques signées Cazaux font office de dessous de plats, l’art, la sobriété règnent partout, du parc à l’étage des chambres au design subtil et jusqu’au bar. Le minimalisme ne rejaillit pas dans l’assiette, à la faconde de conteur gourmet. Artistique. Comme peut l’être la table historique, qui appartient au panthéon des saveurs du Pays, d’Arrambide père et fils (Firmin et Philippe), à Saint-Jean-Pied-de-Port. L’hôtel-restaurant Les Pyrénées, à l’instar de l’Irouléguy Arretxea, de Rieuspeyrous, ou des eaux-de-vie de Martine Brana, du jambon de Pierre Oteiza ou encore de l’ardi gasna (fromage de brebis) de Maïté Goni (Xistu, à Arrosa), font partie du paysage culturel. L’équipe de « Fifi » Arrambide, avec Jean Etcheparre -quarante-six ans dont trente de maison et Patrick Fillatrieau, passe avec « alegria » des plats toujours irréprochables.
    Artistique, Ostapé l’est aussi. Cette auberge de luxe, mais qui a su garder une rusticité chic, nichée sur les hauteurs de Bidarray, crée par Alain DSCF6104.JPGDucasse et dirigée depuis son ouverture par un hédoniste, François Ricau, Ostapé donc, possède de nombreux atouts, dont un chef de talent : Claude Calvet. Avec des perles comme Julie en salle, une belle carte proposant un veau élevé sous la mère, acheté sur pieds à la ferme voisine de Suraya, de même que le « mamia » (caillé de brebis) du petit-déjeuner, provient d’une ferme que l’on aperçoit en le dégustant depuis la terrasse d’Ostapé ( : « sous la feuille de chêne »), ce lieu magique, qui offre des suites d’un raffinement rare, a tout compris de l’équation du plaisir. D’ailleurs, afin de pouvoir le prolonger sans risque, Ricau propose la nuit à moitié prix, après dîner. Histoire d’oublier les virages de la route d’un retour qu’il est bon de différer.
    Au fond, il n’est qu’un seul retour que l’on redoute de différer, ici. C’est celui qui arrête le train du plaisir, quand on zippe son sac, que l’on relit l’heure du ticket retour, au moment de se dire : bon, quand est-ce que je reviens pour me frotter à nouveau à la Côte, et explorer d’autres villages gourmands de ce Pays qui sait se donner à fond, pour peu qu’on prenne le temps de l’observer, de l’écouter, de le laisser nous parler. Car c’est lui qui nous apprivoise, s’il le désire. Et jamais l’inverse. ©L.M. La suite en kiosque (pages 60 à 65 et 118-119).

    Photos (LM) : C'est à partir d'eux que l'on fait de l'ardi gasna (fromage de brebis). L'auberge Ostapé, à Bidarray : le bonheur sur la terre basque. Un gamin qui sait déjà tout de l'art de faire le behi gasna (fromage de vache), à la ferme Oheta, à St-Martin d'Arosa.

  • Cuisine de crise


    La difficulté est créatrice. Et la crise n’est jamais triste, si l’on réfléchit un peu lorsqu’on est perplexe au marché ou devant son frigo.

    La cuisine est toujours gaie, qui associe avec talent les produits simples à l’inventivité et à l’audace. La crise n’oblige en rien à manger mal. Avec quelques idées pour sublimer les restes, un trognon de chou-fleur a soudain de la gueule et des kilos de nourriture sont sauvés de la poubelle ! Les plats pauvres ont une histoire propre : les « migas » (miettes, en Espagnol), sont un plat composé à l’origine de miettes de pain ramassées aux tables des restaurants par des mendiants qui inventèrent ce mets « à la fortune de la poêle », en y ajoutant de l’ail, de l’huile d’olive et, au gré, chorizo, œuf, raisin frais ou secs. La pizza de base figure la Baie de Naples, la lave (tomate) du Vésuve, et l’écume de la mer (mozzarella). Les « pasta e fagioli » sont un plat italien humble, à base de pâtes diverses de fins de paquets, mélangées à des haricots blancs pour oublier la viande. Les « Moros y Cristianos » cubains (Maures et Chrétiens), à base de haricots noirs et de riz blanc, constituent le plat qui symbolise le métissage, une certaine « créolité » qui tient au corps. Avec la « soupe de pierres » marseillaise –des galets mis à bouillir : l’eau prend le goût de la mer et donne l’illusion du poisson-, nous touchons à la poésie. Tous ces plats réputés pauvres apaisent la faim avec talent et beauté. L’évolution du goût propulse ou rétrograde à l’envi : pêcher une femelle d’esturgeon pleine d’œufs était une plaie pour le pêcheur, il y a environ quarante ans en Gironde. Les canards de basse-cour n’en voulaient plus et les gamins se sentaient punis lorsqu’on leur en donnait à pleines cuillerées. Même chose pour les pibales. Personne ne voulait, il y a quarante ans, au fond de l’estuaire de l’Adour, de ces alevins d’anguilles valant aujourd’hui 1200€ le kilo. Sauf un fabricant de colle, installé dans les Landes, qui en débarrassait les pêcheurs. La cuisine humble a de beaux jours devant elle. Je sais qu’avec trois œufs et des chips broyées à la main et posées dessus, ma fille étudiante offre une omelette croustillante. Et qu’avec une boîte de sardines, un tube de harissa et une fourchette, elle écrase tout, tartine du pain et ravit ses copines. Pour la chef Véronique Melloul, réfléchir à un tel sujet est une occasion de cuisiner innovant et utile. Corrézienne élevée par sa grand-mère Louise, Véronique a travaillé chez les plus grands, comme Ferran Adria, et a bourlingué, notamment outre-mer, avant de se poser chez elle, au Bistro Poulbot, à Paris. La nuit, elle invente des recettes qui font entrer la campagne dans la modernité... ©L.M. (la suite en kiosque, dans VSD paru ce matin, p. 70 et s.)

  • A la santé d'Espagnet!

    festival espagnet leg.jpgEt voilà, et c'est merveilleux : l'ami Patrick Espagnet (1950-2004), qui fut un très brillant journaliste (sportif) à Sud-Ouest et un trop bref écrivain (La Gueuze, Les Noirs, XV histoires de rugby), a son Festival! A Grignols (Gironde) où il naquit. Cela se passe à la fin du mois. Demandez le programme : http://arpel.aquitaine.fr/spip.php?article100002304

    Merci à Christophe Dabitch, organisateur de ce festival, pour l'envoi de l'affiche, mi Far-West, mi Cartel (de luces y de lujo) ci-jointe.

  • British Bordeaux

    Papier d'ambiance. Hier, samedi 23 mai, dans l’après-midi, au hasard des places et des rues piétonnes de Bordeaux…
    (VSD m’avait envoyé spécialement couvrir le match des Girondins, car ils risquaient d’être sacrés champions de France à l’issue du match. Ils l’ont gagné mais dans le même temps, Marseille a gagné aussi, comme chacun sait : rendez-vous est par conséquent pris samedi prochain à Caen, pour Bordeaux).
    C’était l’été. Comme à Paris aujourd’hui. Les terrasses, pourtant nombreuses et longues comme la marée basse à Arès, au fond du Bassin, étaient bondées comme une plage au mois d’août. Mais rien, nulle part, à l’exception de rares maillots du club marine et blanc, chiffrés Kia, portés par des supporters calmes (sauf aux abords du stade, dès 18h), ne laissait deviner l’enjeu national qui s’ourdissait dans tous les esprits comme un complot.
    Prêter l’oreille nous convainquit que la fameuse retenue bordelaise et son british touch opéraient avec discrétion : on ne parlait que de ça, ici et là. Et si la plupart des conversations affectaient un tact local sur le mode rien n’est joué, une liesse communicative donnait à penser que le mot stress serait l’apanage du Rocher (Bordeaux affrontait Monaco). Et celui de confiance, le carburant girondin. Cette circonspection trahissait à peine un enthousiasme anticipé, dans l’évocation de cette nuit de mai 1999 qui vit s’embraser Lescure (le stade ne s’appelait pas encore Chaban-Delmas) et toute la ville, par contagion. Dix ans déjà…
    Vendredi, le président des Girondins, Jean-Louis Triaud, que je devais interviewer une heure avant le match, lâchait un « cool » pour résumer la situation. British jusque dans le refroidissement des esprits d’une équipe prête à en découdre, assise sur trois coussins –ses points d’avance sur Marseille (74 contre 71). La tension, légitime, fut trahie par les propos fugaces et un brin inconsistants de l’entraineur Laurent Blanc, qui avait choisi le mode dénégation, pour tiédir l’atmosphère du point presse : « les joueurs n’y pensent pas ». Tu parles, coach !
    A la veille d’une victoire qui aurait pu achever une saison splendide (10 victoires consécutives en championnat, des Girondins invaincus chez eux depuis le 7 octobre 2007, un troisième ticket en Ligue des champions : un millésime de garde), on évoquait, aux terrasses des bistros, les départs annoncés des stars : surtout ceux de Gourcuff et de Chamakh. Triaud me confia qu’il ferait tout pour garder une équipe cohérente, qui gagne et qui est dotée d’un esprit de groupe rare –comme on en rencontre au rugby…
    A observer tant d’effervescence contenue, nous en étions à nous demander si Bordeaux n’était pas en train de vinifier, à l’ombre fraîche et salutaire de ses chais, un champagne maison qui aurait explosé dans le ventre du stade à l’issue du match. La fête ne fut pas au rendez-vous, malgré le but de la tête de Chamakh. Les Girondins peuvent cependant être champions samedi prochain pour la sixième fois.

    La ville était donc tout foot, sans fanfaronner (bien lui en prit), comme Toulouse sait être tout rugby, version baroque.
    N’était la coiffure à la Chamakh : crête de coq et côtés ras, arborée par de jeunes fans, il n’y avait aucun débordement dans les rues de la ville, dont la rumeur mezza voce allait sereinement à la rencontre d’un compte à rebours. Sans fièvre. A l’image de cette 37ème journée de la Ligue 1. C'est tout Bordeaux, ça.

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    Lectures TGV. Les Onze, de Michon, sont décevants. Limite chiants. En revanche, Un an, d'Echenoz, c'est la littérature à l'état pur. Un grand bonheur de lecture, tandis que des paysages archi connus défilaient...

  • Rapprochements

    Un homme sans femme, c’est un pistolet sans chien : c’est la femme qui fait partir l’homme. Ferdinand Buisson, cité par Julien Gracq dans Lettrines (José Corti).

    À rapprocher de la fin du poème La femme intérieure, de Georges Henein, dans La force de saluer (La Différence) :

    friable
    comme une poignée de mains
    entre deux êtres sans avenir

    dure
    comme le commencement du monde

    visage secret
    visible une fois par vie
    en appuyant sur la gachette


    Lu un petit bijou, L’occupation des sols, de Jean Echenoz (Minuit), ou la force du sentiment par petites touches qui ne donnent pas l’air d’y toucher. Mais qui bouleversent.


    A rapprocher de Ce que c’est que l’amour, extraits des Microfictions de Régis Jauffret (folio) : de l’acide cru sur la vie de couple, ses sournoiseries perverses; le monde du sentiment amoureux comme il se délite. Décapant. À côté de cette prose coupante, l’humour noir, c'est de l’eau de Cologne.

    À rapprocher de cette phrase de Flaubert, dans Madame Bovary : Il ne distinguait pas (…) la dissemblance des sentiments sous la parité des expressions. Et cinquante pages plus loin : D’ailleurs, la parole est un laminoir qui allonge toujours les sentiments.

    Ci-dessous, la tombe de Roland Barthes à Urt (64), sans rapprochement.

    DSCF6222.JPG

  • Syrah

    Voici le début d'une chronique vins, anglée cépages, que j'assure désormais dans M, le mensuel du journal Le Monde. Elle est parue hier à Paris et parâit aujourd'hui en province. Lire aussi dans ce beau 3ème numéro, les papiers consacrés à Paul Andreu, Hokkaïdo et aux façons d'écrire la peinture AVEC les peintres...

    images.jpgSYRAH : LA PUISSANCE SEREINE
    Cépage emblématique des côtes du rhône septentrionales, originaire de Perse, éclatante en Australie, la syrah est une baie rouge de caractère qui adore le soleil et les sols pauvres.

    On l’appelle aussi sereine. Parmi les nombreux synonymes de la syrah, cépage phare des côtes du rhône septentrionales, il y a aussi shiraz, son nom australien –un continent où elle prospère, car elle se rit des fortes chaleurs, fait son miel des sols pauvres, résiste bien aux maladies de la vigne et sait vivre seule, à 100% dans la bouteille, même si elle excelle en se fiancant aux cinsault, grenache et autre mourvèdre. La syrah donne les grands vins de qualité intense et noble : côte-rôtie, cornas, hermitage, saint-joseph, palette, châteauneuf-du-pape. Généreuse et pas narcissique, la syrah est le cépage améliorateur par excellence. Elle servait jadis, les années pluvieuses, à relever les grands bordeaux en mal d’architecture et de profondeur. On appelait (ou chuchotait) cela « hermitager », en référence à l’appellation reine des côtes du rhône septentrionales, qui engendre les meilleures syrah du monde. Il n’est qu’à goûter un Gambert de Loche 2005 en sélection parcellaire, de la formidable Cave de Tain l’Hermitage, dans la Drome, laquelle produit aussi un cornas de haute volée : Arènes sauvages 2005, pour s’en convaincre. Aujourd’hui, certains hermitage et autres côtes-rôtie ne considèrent même plus les grands bordeaux comme des concurrents. Mais si ce cépage élégant, profond et puissant, à la robe grenat, pourpre et brillante, au nez de fruits noirs frais, d’épices douces, aux notes animales, de réglisse, de sous-bois, de tabac blond et de truffe, à la bouche dense, boisée, grillée, voire torréfiée, si ce cépage à la langueur savoureuse et pourvu d’une belle longueur fait corps avec la région du Rhône, il provient néanmoins du Moyen-Orient. D’où son nom, qui évoque la ville persane de Chiraz (Iran). Du pays d’Omar Khayyam, auteur sensuel des fameux « Ruba ‘iyat », le cépage a pris les bateaux phocéens, débarqua à Marseille et se plut immédiatement alentour. Les amphores grecques de Tain-l’Hermitage appuient ce qui n’est plus une hypothèse, même si Probus, empereur romain, l’aurait lui aussi rapporté d’Egypte, via Syracuse (sans jeu de mots), pour la donner aux Gaulois, avec le droit de cultiver la vigne en général... ©LM (la suite en kiosque!)

  • basquonneries

    DSCF6063.JPGreportage en pays basque intérieur.

    tout un programme, l'intérieur...

    surtout celui de ce pays.

    la tripe du sujet, zugarramurdi, urdax, derrière la rhune, en deçà de sare, de l'arraya (quel beau gâteau basque tu fais là, sébastien fagoaga!), de lastiry, du fantôme de popaul dutournier, de l'écho des pelotes contre le fronton, au-delà de l'arza mendi, d'iparla et même des vautours fauves qui planent en silence au-dessus des artisans de l'ardi gasna, et qui savent ce que nous, humains, ne saurons jamais.

    DSCF6072.JPGles oiseaux savent

    et planent

    en silence.

    somptueux dîners chez cédric béchade (l'auberge basque, à saint-pée : chambres sereines), claude calvet (ostapé à bidarray : nuit rare, petit-déjeuner de soleil), pintxos de fou au fuego negro à san seba, la gamba de goiz argi (à inscrire d'urgence au patximoine de l'humanitad de l'unescoloco), tapas classicas à la cepa et alentour, déjeuner DSCF6114.JPGgrrrand chez arrambide à saint-jean-pied-de-port (comme d'hab'), idem à oppoca et ithurria à aïnhoa, incursion intéressante chez philippe à biarritz, au kaïku de saint-jean-de-luz aussi, et la concha la nuit, devant le brouillarta, lorsque le clapot atlantique fait la pige à la méditerranée...

    DSCF6086.JPGun tiop de sagarno (cidre basque) à ostillopitz (sare) chez jean-élie, un tross d'ardi gasna chez maïté goni à saint-martin d'arrossa,

    les collines vertes qui mamellonent mieux que des seins adorés, une chapelle planquée à flanc de crête, derrière des hêtres qui se refont la cerise, en vert, la terrasse plus paisible (sans le flot des bagnoles qui vont aux ventas peio, lapitxuri, etc, acheter des asperges et des piquillos made in china sans le savoir) au café ezkurra perpendiculairement au fronton d'ainhoa (agur Yves!..), la tombe de roland barthes, à urt, juste aller-retour pour la photo (on est pas des DSCF6095.JPGboeufs), relire toulet au bar françois, à bayonne, se perdre les yeux dans le courant de la nive, se redire que sainte-barbe, à saint-jean-de-luz (bon, d'accord, l'intérieur devient ici largement extérieur, mais on n'est pas des veaux marins non plus) possède une vue qui permet, par beau temps (le cas, dimanche dernier) de réserver une tournée de txakoli au txantxangorri, à hondarribia (fontarrabie) quasiment à la voix,

    et

    se direDSCF6145.JPG

    demain

    ici

    je serai

    sûr,

    oui...

     

  • Sensualité d'Ayo

    images.jpgSensuelle Ayo, hier soir au Printemps de Bourges.

    Elle suivait un Arthur H en début de soirée, qui fut très pâle, sans aucune émotion -sauf lorsqu'il rendit hommage au grand Bashung en chantant La nuit je mens (On m'a vu dans le Vercors... J'ai fait l'amour à des murènes...) et une Anaïs, dont la patate est énorme, inattendue et pas seulement loprsqu'elle reprend ses deux tubes.

    Elle précéda Amadou et Mariam, qui mirent le feu à l'immense chapiteau du Phénix, aux alentours de minuit, avec Le dimanche à Bamako.

    La belle Nigérianno-Gitane Ayo possède une voix magique, elle danse à merveille, son allure est pure et sa guitare envûtante. Elle chanta, par égard pour son public, Down on my knees en Français. Ayo ou la beauté musicale à l'état de soie.

    Et vive les vins de Menetou-Salon, qu'ils soient blancs issus de Sauvignon, ou rouges issus de Pinot noir.

  • Mimosa Pudica

    mimosa.jpgReprendre la lecture des Ménines, de Velasquez, faite par Michel Foucault, au début de ses monumentaux Mots et les choses, c’est boire une vision lumineuse et infiniment tonique du peintre et de ses doubles.

    Tandis que… Je repense tout à trac (et va savoir pourquoi, té!) à ma chemise tachée de mûres, à chaque rentrée de septembre, au Lycée, à Bayonne (et à ma peau salée lorsque j'allais surfer à La Chambre d'Amour, les matins où je commencais à dix heures... Ou bien herbacée, les aubes où j'allais, d'un coup de moto, faire, fissa, une passée aux grives...).  En me disant que mes enfants, à Paris, n’ont pas eu le bonheur simple et naturel des mêmes taches...

    Je viens d’écrire et d’envoyer le portrait de Beigbeder, inattendu Basco-Béarnais dans l’âme, sous ses allures déjantées de night-clubber posant volontiers pour les port-folio des magazines pipeule. Il y a du Paul-Jean Toulet des Lettres à moi-même chez ce mec. Ce qui le rend sympathique.

    Et c’est ainsi qu’Allah est grand !, aurait conclu Vialatte le Grand.

    Mais je bifurquerai plutôt, en pensant qu’un blog, c’est quoi ? –Un piètre faire-valoir de son auteur en exposition permanente.

    Voyez : mes petits papiers, mes souvenirs (marins et autres), mes lectures, mes humeurs, mes affinités, mes attachements, ma nostalgie, mes emmerdes... Et pourquoi pas, tant qu’on y est, mes petits grattages de tête, ma propre recherche du temps perdu, mon work in progress, mes manques (à gagner) et mes démangeaisons sexuelles lorsque je croise Laetitia Casta, Sophie Duez ou Emmanuelle Béart en faisant mon marché !..

    Allez, va, ce chien (surnom de KallyVasco) n’est, au fond, qu’un miroir flétri qui ne frissonne plus guère, à l’instar de Mimosa Pudica, cette plante sensitive -magique, plutôt- achetée chez Truffaut samedi dernier, et que je caresse du bout des doigts pour la voir se refermer au contact de ma chaleur humaine –parce que, n’ayant pas la main verte, je néglige de lui donner à boire chaque jour.

  • Sister/Ship

    Surprises du Web : en musardant, je suis tombé sur cette photo, qui représente un cargo qui m'est familier, car j'ai navigué à son bord, à l'âge de 15 ans, comme pilotin, et qu'il portait mon nom. Emotion... Les souvenirs affluent soudain. La traversée, de Saint-Malo jusqu'à Bayonne. Puis le départ de Bayonne pour Saint-Louis-du-Rhône (Camargue), via... Gibraltar!.. L'été, le Tour de France à la télé, dans le mess, le passage effrayant, mais terriblement émouvant, du Détroit (décrit dans Les Bonheurs de l'aube, que j'ai publié à La Table ronde), car je tenais alors la barre (c'était tombé pendant mon quart!). La pêche de dorades grosses comme ça depuis le pont, au mouillage. Les prises de quart de midi à seize heures et de minuit à quatre heures. L'apprentissage de la mer, tracer la route du bateau, tout seul ou presque, avec l'aide d'un sextant. L'échelle, la passerelle de secours au cuivre oxydé, en plein vent tout là-haut. Le Pacha (tonton Doudou était son surnom) : il ignorait l'usage du radar et me laissait me démerder (en me lorgnant d'un oeil faussement assoupi). Il m'enseigna les étoiles, le compas et les cartes marines. La cambuse (je me goinfrais l'après-midi, avec la complicité de Joseph et d'Abdou...). L'équipage, la lecture de Kipling et de mon premier Conrad (Lord Jim). La tenue d'un journal de bord et la reproduction fidèle de tous les fanions et de toutes les bouées, de tous les phares et de toutes les balises et autres signaux et faisceaux, figurés à l'encre de Chine, au fusain et aux crayons de couleurs "aquarellables", sur papier Canson. Les escales, les ports. Les marins Arabes, Basques et Bretons, qui lisaient Union avec avidité (est-ce que ce journal de roman-photo-cul en format télépoche existe encore?), et qui me demandèrent, en descendant la passerelle, à la première escale, à moi puceau, si j'avais besoin de préservatrices... Alors l'espace d'un instant, je me souviens de m'être senti "grand".

    L M.jpg



  • Tenerife

    VSD sort une nouvelle formule ce matin, plus claire, plus moderne, plus agréable. J'y publie un reportage effectué pour eux à Tenerife : "L'île enchantée". Extraits (le reste en kiosque!) :

    DSCF5794.JPG« C’est comme si nous marchions sur la Lune, vous ne trouvez pas ? D’ailleurs, les tests des robots qui iront sur Mars ont été effectués ici il  y a deux mois. Et c’est ici que des scènes de La Guerre des étoiles ont été tournées ». Mary Cabral, guide intrépide au mollet d’acier, de l’association Patea sus montes, saute comme un isard d’une roche volcanique à l’autre. Les sentiers balisés sont  nombreux dans la région phare du Teide, point culminant de l’île, des Canaries, d’Espagne et de l’Atlantique. DSCF5627.JPGAvec ses 3718 mètres d’altitude, le volcan endormi domine un parc immense, riche de concrétions et de rochers  aux formes étranges prisés des fous d’escalade, de coulées de lave couleur réglisse ou chocolat, et où vivent, parmi une flore incroyablement riche pour un paysage si sec, un lézard, le tizon (Gallota galloti) et un pinson (bleu) endémiques. Le refuge d’Altavista, à 3500 mètres, propose un confort spartiate et donne envie de le quitter tôt pour saluer l’aube au plus près du sommet (un téléphérique dépose à 3500 m, mais demande 25€ à chaque passager). Un parador se trouve aussi dans la Caldera (cratère géant produit par l’effondrement de la partie centrale des volcans), parmi les Roques de Garcia, à 2300 m d’altitude quand même. Tenerife ne plaisante pas avec la nature. Ici, on ne ramasse aucune pierre volcanique (leur tas à l’aéroport du retour, derrière le scanner, est néanmoins impressionnant), aucune fleur non plus, et on ne dévie pas d’une semelle : randonner hors-piste peut coûter 600€ d’amendes."

    DSCF5866.JPG




    DSCF5970.JPG"Du côté de Los Cristianos et de la plage de Las Americas (Puerto Colon), au Sud, le béton est heureusement circonscrit dans des complexes touristiques, sur un périmètre restreint. 65% du potentiel hôtelier de Tenerife y sont néanmoins concentrés. Au-delà, c’est aussitôt la campagne et la montagne, des vignes en terrasse qui grimpent à l’assaut du Teide, lequel ferme le paysage, et devant, passé le port de pêche « bio » et sa criée (ici, aucune pêche aux filets : même le thon rouge est pêché à la ligne !), il est possible d’embarquer pour aller observer les baleines (des globicéphales macrorynchus, en réalité), appelées baleines pilotes parce qu’elles guidaient les marins vers les eaux calmes. DSCF5960.JPGSédentaire, la colonie de cette partie de l’île, riche de 400 individus environ, se rencontre à un mille des côtes à peine, à la faveur du relief volcanique qui plonge immédiatement le rivage à des fonds vertigineux. Là où les baleines vont se nourrir de gros calmars la nuit. Le jour, elles se nourrissent de petits calmars en surface. Elles ne sont pas farouches, et nager parmi elles en masque, tuba et palmes, est un bonheur ineffable. Unique. Les baleines avancent lentement, en ligne, plongent suavement, disparaissent soudain dans le noir des profondeurs, puis réapparaissent pour respirer bruyamment à quelques mètres de vous. « Ailleurs, il faudrait faire 20 à 30 milles pour pouvoir en observer », précise Sergio Hanquet, spécialiste des cétacés, auteur d’ouvrages sur le sujet... "

    ©L.M. (texte et photos. Sur la première, en haut : Carlos Muñoz Yagüe, auteur des photos du reportage parues dans VSD).

  • CochonCanaille

    Ribouldingue, dans le V ème à Paris, fait la fête aux plats canailles et on adore ça. La table est tenue par Nadège Varigny (de la bande à Yves Camdeborde, Le Comptoir à l'Odéon, Paris VI). L'adresse : rue St-Julien le Pauvre (là où se trouvait El Fogon d'Alberto Herraiz*), célèbre le cochon et les abats comme personne. Hier soir, pouir patienter, la couenne de cochon finement tranchée reposait sur un mesclun subtilement vinaigré. Puis c'est la salade de tétines de vache, le groin de cochon aux lentilles et les rognons blancs d'agneau en persillade qui ont lancé le bal, car c'est toujours mieux de prendre trois entrées quand on est deux. Suivirent l'oreille de cochon pânée et la tête de veau et sa cervelle, sauce gribiche. Que du bonheur, avec une Poignée de raisin de Gramenon, côtes du rhône d'une évidente simplicité. Ajoutez un saint-marcellin à point et un sablé aux marrons et vous comprendrez pourquoi Ribouldingue, avec un menu-carte à 29€, est l'une de nos adresses préférées. Et au diable la cuisine light des restos chichiteux!

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    * ¡ el rey de los arroces y de los gaspachos !.. est installé, avec une étoile décrochée dans le Rouge 2009, quai des Grands-Augustins (Paris VI ème) depuis quelques années.

  • anCora


    Il m'aura fallu faucher les blés
    Apprendre à manier la fourche
    Pour retrouver le vrai
    Faire table rase du passé
    La discorde qu'on a semé
    A la surface des regrets
    N'a pas pris

    Le souffle coupé
    La gorge irritée
    Je m'époumonais
    Sans broncher


    Angora
    Montre-moi d'où vient la vie
    Où vont les vaisseaux maudits
    Angora
    Sois la soie, sois encore à moi...

    Les pluies acides décharnent les sapins
    J'y peux rien, j'y peux rien
    Coule la résine
    S'agglutine le venin
    J'crains plus la mandragore
    J'crains plus mon destin
    J'crains plus rien

    Le souffle coupé
    La gorge irritée
    Je m'époumonais
    Sans broncher

    Angora
    Montre-moi d'où vient la vie
    Où vont les vaisseaux maudits
    Angora
    Sois la soie, sois encore à moi...

  • Dieu EST gascon, con.

    Lisez "Dieu est-il gascon?" de mon ex boss (oh, de 87 à 91, juste) Christian Millau, car ça trucule et ça grésille, ça bouillonne et ça regarde franc. Bon, c'est publié au Rocher, un éditeur au soufre (et qui souffre), mais c'est bon comme un Grand-Bas sur place, a las cinco de la tarde.

  • PanaMa dans M (Le Monde)

    DSCF5110.JPGLisez "M", mensuel du journal "Le Monde", paru aujourd'hui à Paris et qui sera en province demain. Voici un extrait d'un reportage effectué au Panama, pages 38, 39 & 40 (ma chronique vins a encore sauté!.. Grrr... Vive la pub).

    L'ISTHME VERT

    DSCF5037.JPG« Nous avons fui en pirogue notre province du Darien parce que les guérilleros venus de Colombie nous pillaient et nous agressaient et que la réglementation du Parc national nous a subitement interdit de pratiquer l’agriculture et l’élevage. Ici, dans la province de Panama, nous sommes à l’abri et nous survivons de l’artisanat. » En écoutant Atilano, vêtu d’un simple pagne et la peau peinte de noir au hawa, le fruit d’un arbre local, nous avons l’impression de voir, en couleurs, les photos prises par Claude Lévi-Strauss, qui illustrent ses Tristes Tropiques. Atilano est le chef de la communauté Embera des bords du fleuve Gatun, non loin des écluses éponymes du canal de Panama. Embera Quera –du nom d’un parfum endémique, compte 23 familles totalisant 70 personnes sur les 800 que compte, dans la province de Panama, un groupe pacifique et allergique au progrès. Atilano Flaco n’est pas dupe : « Nous avons conscience d’être des Indiens de Réserve, mais notre peuple ayant toujours été rebelle à toute organisation sociale, nous disparaîtrons en résistant à notre manière. » Il sait que sa communauté participe d’un écotourisme de pacotille, « ethnique », en accueillant des groupes avec de rapides démonstrations de danses folkloriques en costumes de gala, fleurs d’hibiscus dans les cheveux et peintures tribales sur le corps. Atilano ajoute : « C’était ça, ou disparaître rapidement. Et nous tenons au maintien intact de notre culture. »DSCF5133.JPG
    La mélancolie des Tropiques

    Son discours est cohérent. « Le produit de l’artisanat réalisé par les femmes sert à payer le loyer de nos terres : 11 000 $ par an pour 6 ha, une somme considérable pour nos familles accrochées à leurs activités primitives. » En croisant le regard mélancolique d’une enfant, nous pensons au discours que J.M.G. Le Clézio a prononcé devant l’Académie Nobel : il a dédié son prestigieux prix à Elvira, conteuse de la forêt Embera, qui représente à ses yeux « la poésie en action, le théâtre antique en même temps que le roman le plus contemporain ». L’écrivain vécut plusieurs mois avec les Embera, dans la forêt du Darien, au cours des années soixante-dix. Cette communauté lui a procuré « l’une des plus grandes émotions littéraires de mon âge adulte », déclara le Nobel 2008.
    La communauté du fier Atilano se déplace en pirogue dans la lagune poissonneuse où prospère une multitude d’oiseaux. Les crocodiles cohabitent avec les caïmans, les singes capucins avec les paresseux, la nature est scrupuleusement protégée. « Si nous voulons couper un arbre, nous devons prévenir les autorités qui le feront à notre place et en replanteront aussitôt deux  autres », dit-il. L’arrivée au petit hameau de cases, niché dans la plus douce des solitudes, au fond d’un lac féerique, se fait aussi en pirogue. Celle-ci serpente sur le fleuve, parmi aigrettes, perroquets, aigles noirs, iguanes, tortues, d’immenses eucalyptus couverts de lianes, poules d’eau, canards, jacanas, et s’achève en se frayant un passage entre mangroves et nénuphars..."DSCF5076.JPG

    L.M. (©texte & photos)

    La suite en kiosque.

  • Elsa

    Quand même, Aragon, parfois, c'est pas si mal, non...

    Chanson du miroir déserté


    Où es-tu toi dans moi qui bouges
    Toi qui flambes dans moi soudain
    Et ce mouvement de ta main
    Pour mettre à tes lèvres du rouge

    Où es-tu plaisir de ma nuit
    Ma fugitive passagère
    Ma reine aux cheveux de fougère
    Avec tes yeux couleur de pluie

    J’attends la minute où tu passes
    Comme la terre le printemps
    Et l’eau dormante de l’étang
    La rame glissant sur sa face

    Dans mon cadre profond et sombre
    Je t’offre mes grands secrets
    Approche-toi plus près plus près
    Pour occuper toute mon ombre

    Envahis-moi comme une armée
    Prends mes plaines prends mes collines
    Les parcs les palais les salines
    Les soirs les songes les fumées

    Montre-moi comme tu es belle
    Autant qu’un meurtre et qu’un complot
    Mieux que la bouche formant l’o
    Plus qu’un peuple qui se rebelle

    Sur les marais comme à l’affût
    Un passage de sauvagines
    Et battant ce que j’imagine
    Anéantis ce que tu fus

    Reviens visage à mon visage
    Mets droit tes grands yeux dans tes yeux
    Rends-moi les nuages des cieux
    Rends-moi la vue et tes mirages

  • Adjani la Grande

    Allez voir La journée de la jupe, film bêtement boudé par les grands réseaux de distribution en salles parce qu'il a été diffusé sur Arte en avant-première (en clair, il a osé paraître en poche avant de sortir en grand format, du coup ça boude, en haut), car c'est une oeuvre cinématographique qui transcende les genres. Cinéma, théâtre (une tragédie)... Huis-clos, unité de lieu et de temps, circonscription des personnages et contrôle strict du texte, arborescence des sujets, intensité dramatique tenue bride serrée, poupée gigogne des sentiments, alternance des styles, confusion lucide des procédés, interprétation extraordinaire d'Isabelle Adjani... Un bijou, cette jupe, signée Jean-Paul Lilienfeld. Ni leçon de morale, ni film à thèse, mais plutôt exposition sensible de cet essentiel qui touche, un jour, à l'improviste, au plus profond de l'histoire d'une poignée d'êtres, plongés d'un seul coup d'un seul dans le même bain. Celui de l'existence dans son tissu le plus fragile.

  • cigare béarnais

    Voici la fin du papier que je consacre à Noël Labourdette (cigare le Navarre), dans le dernier n° de "Maisons Sud-Ouest" (le reste en kiosque, avec notamment un portrait d'Ivan Levaï et un compte-rendu de visite-test au SPA du Grand-Hôtel de St-Jean-de-Luz. La vie est dure) :

    "..Noël Labourdette voulait que la terre choisisse la variété du tabac. Ainsi, plusieurs furent travaillées à l’aveugle. Au fil des ans, Labourdette et son commando de choc travaillèrent les techniques de séchage, de fermentation, avant de trouver un endroit pour installer la manufacture, proche des plants, pour ne pas faire « voyager » le tabac. À Navarrenx, seize personnes travaillent, dont neuf rouleuses de cigares. Quatre sont Cubaines : Olga, Daymi, Greta et Maory. Christophe, tabaculteur, ou « veguero », vit sur la plantation –dont il est propriétaire-, et veille, avec quinze autres personnes, aux séchoirs et aux « tapados », ces voiles de mousseline qui filtrent 17 à 20% du rayonnement solaire et protègent ainsi les précieuses et fragiles feuilles de cape. Comme à Cuba. « Mieux ! Mes capes sont parmi les meilleures du monde, selon certains acheteurs mondiaux, dit Noël. Mes méthodes de fermentation sont uniques, bien qu’inspirées du travail de la vigne. Je tiens à diriger la fermentation afin de contrôler parfaitement la qualité de chaque feuille de cape. Je définis les degrés d’humidité et de chaleur nécessités par chaque type de feuille : capes, hautes (pour la force), basses (pour la combustion), moyennes (pour les arômes). Les capes ne sont jamais en contact avec l’eau, fut-ce en micro gouttelettes. » Cuba a commencé de s’inspirer de la méthode, « pour améliorer leur production, pas pour m’imiter ! », précise Noël, modeste.
    L’eau qui descend de la Pierre Saint-Martin en devenant la Mielle, rivière d’une pureté rare, arrose le tabac. L’absence de culture intensive et la très faible utilisation d’engrais chimiques autour de la plantation de Moumour sont avérées. La plantation a minoré par quinze les engrais nécessaires au tabac. Le taux de substances cancérigènes y est dix fois inférieur à la moyenne nationale. Nous pouvons écrire que Noël a inventé le cigare bio. Le cigare français bio. Mieux : le cigare béarnais bio.
    En dix ans, Labourdette a réussi le pari difficile de l’élégance, dans un monde de brutes où la subtilité devient rare. Il pourrait faire des cigares « markettés », virils, comme un vigneron peut faire du vin sur concentré, façon confiture de mûres, pour plaire à un Parker au goût étrange mais terriblement prescripteur. Non. Labourdette donne dans le cousu main, il fait naître, élabore, élève des cigares pourvus d’une belle progression de fumage, dotés d’une suavité et d’une complexité étendues. Le Navarre n’est pas un cigare racoleur. Il exige une attention particulière. Sa palette aromatique a même élargi le vocabulaire dédié : on parle de figue fraîche, de châtaigne, à propos du seul Navarre, cigare synonyme de raffinement ; pas le luxe. Labourdette est d’ailleurs tout sauf un homme ostentatoire. C’est un hédoniste discret qui n’entend pas dévier du chemin de la qualité extrême."

  • Ciao Bello Bashung...


    images.jpgCantique des Cantiques : http://www.deezer.com/#music/result/all/cantique%20des%20cantiques%20bashung

    Au-delà de toutes ses chansons, passées en boucle ce soir, Bashung, c’est cette dernière geste, en concert au Bataclan le 7 décembre. L’émotion à l’état pur, comme on le dit des métaux précieux... Du tungstène encore vivant, bougeant à peine, des mouvements langoureux du bras,  une chorégraphie timide et lente comme un tsunami réfléchi, une vague à l'âme du monde entier, et une voix douce et merveilleuse, enveloppante, chaude comme jamais elle ne l'avait été, je crois, dans aucun enregistrement. Une voix, la  voix du passage, du mystère, de l’entre-deux, la voix de l’adieu imprégné de retenue. La voix des mots clairs prononcés avec l’élégance majuscule, la voix cardinale de celui qui, sous son chapeau de politesse, derrière ses lunettes de pudeur, en retrait d’un costume noir d’au-delà déjà, la voix de certitude qui disait la vérité crue. La voix, quoi. La voix de Bashung : une page se tourne, une génération s’interroge, prend peur, se dit qu’elle est soudain propulsée en première ligne, à l’arrière des berlines, oui, et des dauphines aussi –mais pour combien de temps… Réécouter Bashung, se dire c’est lui. Oser Joséphine jusqu’à la corde, parce que rien ne s’oppose à la nuit. Cette nuit, j’impose Bashung aux voisins, comme s’il avait gagné le match. Yep. A fond les balayettes, comme si on avait gagné ce grand mec qu'on a perdu, là. Là. Bashung ou la dignité, le verbe, l'âme au bord des lèvres qui remonte de la gorge.

    Noir ce monde... J'ai des doutes... Angora...  Gaby... Je t'ai manqué... Vénus... La nuit je mens... Vertige de l'amour... Tant de nuits... Ma petite entreprise... Il voyage en solitaire...

    Ciao Bello, ciao...

     

     

  • M

    Lisez M, le nouveau mensuel du journal Le Monde, qui paraît cet après-midi à Paris (gratuit avec le journal) et demain en province. Ce lien permet de le découvrir en avant-première. Personnellement, j'y écrirai sur les voyages, européens et lointains, et tiendrai la chronique vins (laquelle a sauté pour sa première apparition, à cause d'une page de pub... C'est bon signe et tant mieux, en ces temps de morosité ambiante!). Vive l'énergie positive, celle qui va de l'avant et répond à la crise par l'initiative.

  • flem, deuxième

    Ma fille aura vingt ans demain, 2 mars. Emotion. Loin des deux chansons de Reggiani, plus près de la vérité. De la mise en lumière, de l'exposition à la lumière, de l'existence; l'unique. De l'expérience, prodigieuse, de la mise au monde par paternité.


    podcast
    ombra mai fu, haendel (difficile à dépasser...)

    Extrait, encore : "Largués par nos parents qui disparaissent et par nos enfants qui quittent la maison,c'est le plus souvent au même moment de la vie que nous sommes confrontés à ces séparations : nos parents meurent, nos enfants grandissent. Coincés entre deux générations, ceux à qui nous devons l'existence, ceux à qui nous l'avons donnée, qui sommes-nous désormais? Les repères vacillent, les rôles changent. Comment faire de cette double perte une métamorphose intérieure?
    Longtemps j'ai été la "fille" de mes parents, puis je suis devenue une "maman". Cette double expérience, je l'ai vécue avec ses tensions, ses lassitudes, ses émerveillements. Mais qui suis-je désormais? Quel est mon nom?
    Fille, j'ai fini de l'être. Mais cesse-t-on jamais d'être l'enfant de ses parents? Notre enfance s'inscrit dans nos souvenirs, nos rêves, nos choix, nos silences; elle survit en coulisses. Ne devenons-nous des adultes que lorsqu'il n'y a plus d'ancêtres pour nous précéder, nous protéger? Suis-je encore maman alors que mes enfants ne sont plus des enfants? La langue manque de mots pour désigner toutes les nuances de notre identité.
    Comment me situer aujourd'hui dans ma généalogie? Ne faudrait-il pas un mot particulier pour nommer les parents dont les enfants ont quitté la maison? Suis-je une "maman de loin"? Une maman à qui l'on pense, à qui l'on téléphone pour un conseil, une recette, de l'argent, un encouragement, dont on a parfois la nostalgie, mais une maman avec qui on ne sera plus jamais dans le corps à corps premier." ©Lydia Flem et Le Seuil, pour "Comment je me suis séparée de ma fille et de mon quasi-fils".

    Ce mot de Primo Lévi, prélevé sur le blog de l'auteur : http://lyflol.blog.lemonde.fr

    “J’écris ce que je ne pourrais dire à personne.”

  • merveilleuse lydia flem

    elle nous a donné "comment j'ai vidé la maison de mes parents", puis "lettres d'amour en héritage", dont ce blog parla abondamment.

    voici "comment je me suis séparée de ma fille et de mon quasi-fils" (seuil).

    un nouveau bijou de sensibilité qui parle à chacun, de "la danse fragile de l'existence".

    "la littérature permet d'échapper à la vie -celle qu'on croit, à tort, la vraie- pour en inventer une autre, bien plus exaltante...

    "de la littérature on ne sort jamais indemne. on y parcourt la planète dans son ombre...

    "l'art nous transforme. on se surprend à n'être plus tout à fait pareil en lisant, page après page, ces histoires qui deviennent notre intimité extrême, épousant les plis de nos pensées...

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    par ailleurs, voici un chouia d'éluard, qui soutient man ray (les mains libres, poésie/gallimard), pour aérer un peu la fenêtre de ce gentil dimanche premier mars qui nous chuchote le printemps, avec une délicatesse comparable aux adieux lents, monstrueusement émouvants, d'Alain Bashung et au vol des oies des moissons qui strient le ciel de leurs "V" renversants en revenant d'Afrique, là-haut, très haut, si près si l'on sait voir ou mieux : les regarder -sans les entendre-, fendre l'air.

    le don

    elle est noyau figue pensée

    elle est le plein soleil sous mes paupières closes

    et la chaleur brillante dans mes mains tendues


    elle est la fille noire et son sang fait la roue

    dans la nuit d'un feu mûr.

     

  • le chien maigrit

    Délaisser le chien. Ne plus le nourrir. KallyVasco est mon chien. Là, à force de reportages, en Catalogne notamment, et de mille trucs inutiles à faire, on lui voit les côtes à mon chien. Et ce ne sont pas celles que les marins espèrent.

    Tiens, mange çà, Kally...
    En attendant des pâtées meilleures, car je repars.

     

    Pasajes, ou Pasaia, pueblo basque espagnol.

    C'est un village de pierre ocre qui a les pieds dans un bras de mer et que nous nous refuserons à comparer à Venise, même si la ressemblance y est frappante par endroits. Ou bien alors, Venise est le Pasajes italien et n'en parlons plus.
    Passée la zone industrielle et le port maritime hérissé de grues monumentales, par Lezo, le contraste est aussi saisissant que lors du passage inespéré d'un nuage sur le soleil de midi : on tombe  littéralement sur un petit bijou tout en longueur -on aperçoit sa hauteur qu'après- nommé Pasajes, ou Pasaia, comme la montagne change soudain de stature et de statut en s'achevant de manière abrupte sur la côte. Nous parlons alors de falaises et le regard, de montagnard, devient étrangement atlantique même si l'on est au sommet du Jaizkibel.
    Le petit village de Pasajes est, dans cette zone - au sens où l'entendait Apollinaire-, une sorte de jardin intérieur, de territoire secret, d'oasis, de femme élue dans la foule grise. D'ailleurs, la réticence naturelle et délicieuse avec laquelle le passant ne vous indique pas directement le chemin mais plutôt le détour : «Pasajes, lequel?» authentifie ce sentiment jaloux. Il y a plusieurs Pasajes. Pasajes San Juan, le port industriel, les faubourgs (faux bourgs?) bref,  le paysage tourne autour du pot et, à l'espagnole, parle  avec beaucoup de bruit et de gestes amples -les bretelles d'autoroute, les ponts, les bateaux, la colline à flanc, les grues- et, au fond, c'est maternellement que le paysage entoure le village pour mieux le préserver des blessures d'un tourisme qui ne serait plus local et convenu. C'est une perle avec, à gauche, des ruelles en pente qui finissent à l'eau et, à droite, des escaliers étroits en guise de ruelles et munis de  rampes, qui montent jusqu'aux arbres, où le village s'achève. D'un côté, cela sent le figuier et la marée, de l'autre l'hortensia et le tilleul. L'atmosphère est présalée, elle hésite entre la mer et la terre. Le village est adossé à la montagne comme un enfant colle  à sa mère, mais il regarde l'océan. Il est entre deux chaises...
    Le partage du village a été fait au couteau : une rue, une seule, Donibane kalea (rue Saint-Jean) qui est un réservoir de fraîcheur et un conservatoire d'odeurs familières, parallèle au bras de mer, ouvre le village. Tous les cinquante mètres environ, une arche enjambe Donibane kalea, car ici les maisons ont des membres et on passe dessous avec le regard gourmand que l'on porte à une danseuse de flamenco lorsqu'elle retrousse ses lourds volants à dentelles.
    Par bonheur, la rue est conçue pour la semelle et par pour le pneumatique. On entre à Pasajes en rangeant son véhicule comme on ôte ses chaussures sur la margelle d'un lieu saint.
    A cause des balcons au-dessus de l'eau, des nombreuses terrasses de restaurants où le merluza en salsa verde  est roi, à cause des goélands, du triple alignement de barques bleues et du retentissement énorme de la sirène des bateaux qui prennent la mer, Pasajes est un port qui oublie les Pyrénées. Mais à cause des vieux coiffés de bérets qui se chauffent sur les bancs, à cause de la belle place aux balcons débordant de géraniums et de linge mis à sécher, qui donnent l'impression que les maisons, elles aussi, peuvent mettre les voiles ,Pasajes est un village hybride. A cause de ces escaliers-rues qui serpentent dans le village en desservant les maisons, qui sont bordés d'herbes folles, qui finissent dans la verdure et qui grimpent sec, et parce qu'on tourne le dos à la mer lorsqu'on les gravit, Pasajes est pyrénéen.
    Ce singulier village a l'audace d'imposer au voyageur son église principale, celle du rez-de-chaussée  du village, tout au fond (il y en a une autre à l'étage  et une troisième à l'entrée) : Donibane kalea profite de son statut de rue unique et donc incontournable pour finir par l'entrée de l'église! Autrement dit, son intention ou son but est, ma foi, obligatoire, sauf à virer de bord vers la gauche, juste avant le perron, jusqu'à une placette habillée de bancs propices à l'attente et aux bavardages.
    Cette église possède, au bout de son porche, outre une immense grille noire qui semble, paradoxalement, en interdire l'entrée, une grande maquette de goélette sous verre et une porte de sortie latérale, côté mer, où l'on retrouve la placette, les bancs, l'attente et les médisances de bon aloi que l'on murmure sous le clocher.
    Comme Pasajes est un village avec un étage, il faut s'insinuer et parvenir à son balcon pour contempler son crâne de tuiles et sa chevelure d'antennes. Le chemin étroit en ciment, rigole. Les hortensias sont bouffis d'aise. L'église du sommet côtoie le sémaphore et l'épaule dans sa fonction d'avertisseur des âmes.
    D'en haut, tout s'éclaircit. Ce petit joyau de village jalousement tenu à l'écart des flots humains, offert chichement avec une parcimonieuse réserve, mais cependant franche, est comme un quartier d'orange retourné. Il fait le gros dos à la manière d'une gondole à re-goudronner, comme un hérisson en boule. Sa vocation de préservation se lit de là comme une évidence. Et  la cicatrice ou la plaie, je ne sais pas, que déroule le ruban de Donibane kalea, fait soudain figure de porte ouverte à l'outrecuidance. Mais passons.  ©L.M.

  • Les années Table Ronde

    Le nouveau livre de Tillinac, "Rue Corneille", évoque entre autres ses années passées à La Table Ronde, que j'ai un peu connues au tout début*, puisque Denis m'avait appelé à la rescousse dès qu'il prit la barre du bateau alors ancré rue du Bac : "En 1990, au moment où l'on m'a proposé de diriger les Editions de La Table Ronde", écrit Tillinac, "j'allais suivre en Somalie un ami abouché avec les ennemis de Siyad Barré. Dégommer un tyran, c'est toujours une bonne chose. Du moins j'avais envie de m'en persuader. J'ai hésité et finalement j'ai choisi la littérature, contre l'aventure. (...) Voici en substance mon anti-destin." Puis la frégate a accosté rue Huysmans -personne n'aimât : "triste, sombre, grand mais gris", disait José (l'un des piliers de la maison, avec Françoise) cet après-midi, puis rue Corneille, avant d'amarrer rue Séguier, où Denis est venu signer avec stylo bille et nonchalance, son service de presse, aujourd'hui. Alice :  "Alors, tu as vu ton livre? Ca te fait quoi?" Lui : "C'est le 30ème, qu'est-ce que ça pourrait me faire!". Dans ces mémoires, le venin de la mélancolie se mêle à celui de la nostalgie. Les années pédégèsques du Hussard chiraquien qui s'est souvent trouvé en Afrique davantage qu'à Auriac, Corrèze, sont placées sous le signe de la profonde complicité avec Marie-Thérèse Caloni, qui fut son bras droit à La Table, et que la maladie emporta au cours de l'été 2006. Le livre lui est naturellement dédié. Tilli y raconte par le menu "le ressac de ses sentiments, les éclats d'une conscience tantôt en vadrouille, tantôt lovée dans le giron de son village ou à l'ombre des arcades du théâtre de l'Odéon. Deux capitaineries aussi peu modernes l'une que l'autre." Il ajoute ailleurs : "Je ne suis pas branché. Je préfère les idées qui émeuvent à celles qui mobilisent, le sourire de l'humour à la hargne de l'engagisme, les sentiments qui rafraîchissent à ceux qui culpabilisent." Tout DT. Suivent la Chiraquie, le rugby, la Corrèze, l'équipe de LTR (Olivier Frébourg, Alice Déon qui sa succédé à Denis Tillinac...), les affinités  et les inimitiés politiques et littéraires, les indéracinables amitiés : Debray, Kauffmann, Dauzier... Et, toujours, comme un chant de merle au crépuscule de son Petit Liré, le retour au bercail, et un avion qui trace le ciel et file -qui sait-, vers Bamako ou Brazzaville. Marie-Thérèse Caloni plane au-dessus du livre, de la page 7 à la page 206, laquelle s'achève par une remarque, tendre, de lucidité méritoire : "Le coeur, grâce au Ciel, n'a pas le don de la chronologie. Le mien en tout cas. Mes années Table Ronde, je les revois comme si c'était hier, je les revis quand ça me chante et ainsi suis-je fait que mes souvenirs ont la manie de seriner sans relâche des airs d'autrefois. C'est peut-être pour ça que je suis devenu un écrivain, et rien d'autre." Yep, Denis, et tu as eu raison de faire diversion (passe croisée) tout à l'heure, en disant que çà faisait vraiment mal au coeur, cette forêt Landaise que nous aimons tous les deux, couchée en une nuit...

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    "Rue Corneille", La Table ronde, 18€. Un précédent livre de Tillinac, "Dernier verre au Danton" (Pocket) évoquait déjà les premières années Table Ronde.

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    * J'y bouffais du manuscrit deux jours par semaine. Je vivais alors à Bordeaux et le TGV était mon salon de lecture préféré. Cela dura deux années. Après, je migrais à Toulouse où un boulot chez Milan mit fin à ces zig-zags. En 2001, je me retrouvais par hasard "auteur maison". La suite appartient à ceux qui lisent tôt.

  • Klimt réincarné(e)

    Dès que j'ai un peu de sous, je m'offre ma première peinture d' EkAT et je fais provision de nouilles chez Ed, pour compenser. Il y a des choix prioritaires, dans l'existence, surtout en période de crise. Ed en fait partie. Ekat aussi... Allez-y voir et dépêchez-vous d'en acquérir : c'est encore abordable, mais la côte va monter. Et vite. Moi j'adore. Toute la production ne figure pas sur le site, qui en est un timide aperçu. J'ai pu voir les oeuvres récentes, c'est bouleversant. J'écrirai bientôt, ici, sur le motif. Sur l'émotion que cela procure. Sur cette Klimt réincarnée, doucement écorchée et qui s'exprime avec une infinie délicatesse (de tons, de courbes, de suggéré, d'évanescence, de pudeur, de végétal, de soie, d'absence, de dos, de non-dit, de silences criants, d'allusions sensuelles contenues, de gestes inachevés, d'inaccessibles dire et faire, et pourtant!)...

  • En cas d'amour...

    ... Brisez la glace à l'aide du petit marteau qui frappe à l'intérieur de votre tête.

    Anne Dufourmantelle, dans son précieux -bien que parfois complexe, jargonaute, livre : En cas d'amour. Psychopathologie de la vie amoureuse, Payot, cite Pascal (Discours sur les passions de l'amour, in Ecrits sur la grâce).

    "Les âmes propres à l'amour demandent une vie d'action qui éclate en événements nouveaux. Comme le dedans est mouvement, il faut aussi que le dehors le soit, et cette manière de vivre est un merveilleux acheminement à la passion. (...) Dans l'amour, on n'ose hasarder, parce que l'on craint de tout perdre : il faut pourtant avancer; mais qui peut dire jusqu'où? L'on tremble toujours jusqu'à ce que l'on ait trouvé ce point. La prudence ne fait rien pour s'y maintenir quand on l'a trouvé."

    C'est la réflexion du jour. A vos remarques, prêts? -Ecrivez!

  • Amour! -Tes papiers!..

    "Il aurait beau lui dire qu'il l'aime et la trouve belle, son regard amoureux ne pourrait la consoler. Parce que le regard de l'amour est le regard de l'esseulement. Jean-Marc pensait à la solitude amoureuse de deux vieux êtres devenus invisibles aux autres : triste solitude qui préfigure la mort. Non, ce dont elle a besoin, ce n'est pas d'un regard d'amour, mais de l'inondation des regards inconnus, grossiers, concupiscents et qui se posent sur elle sans sympathie, sans choix, sans tendresse ni politesse, fatalement, inévitablement. Ces regards la maintiennent dans la société des humains. Le regard de l'amour l'en arrache." Milan Kundera, L'identité, folio p.52-53.

    A propos de la rougeur qui se diffuse et se répand sur la peau de Chantal, l'héroïne du beau livre de Kundera, et qui constitue le second "motif" du livre (le premier étant l'identité : la femme aimée ne cesse de changer de visage, en rêve, en vrai, ne suscitant pas la joie des métamorphoses vivantes mais plutôt celles de l'horreur et de la terreur face à l'altération, la dégradation), le grand critique italien Pietro Citati écrivait ceci dans la Nrf de janvier 1998 : "Cette couleur dissimule la honte, le regret, le désir, la nostalgie, le mystère surtout."

    Cela n'a rien à voir, mais la phrase est bouleversante : "Des femmes en voiles noirs défilent à l’aube, dans le bruit de chauve-souris de leurs châles, pour aller prendre de l’eau à la source…" Claude-Michel Cluny à propos d'une des nouvelles d'un livre immense : "Le Llano en flammes", de Juan Rulfo...

     

  • fidélité

    Plus on est fidèle, dit le Roumain de Moldavie Panaït Israti, et plus on est généreux, car l'infidèle ne garde rien pour lui. Il féconde la vie et passe. En lui, rien n'est croupissement; tout est orage, orage créateur.

     

  • Si mais non

    Lu Quartier nègre, de Simenon, dans l'après-midi. Comme çà. L'énergie balzacienne avec un souffle plus court, comme volontairement asthmatisé. De ses aventures féminines, il parle comme d'une satisfaction musculaire... Robocop-Georges. Dans Quand j'étais vieux, il note ceci : "J'ai besoin, pour ne pas me sentir prisonnier de la société, de caresser une cuisse au passage, de faire l'amour sans déclaration, sans passion, de traiter le sexe, d'un instant à l'autre, dans mon bureau, n'importe où, comme on le traitait, comme on le traite, dans la forêt équatoriale ou à Tahiti." Ce sentiment est lumineux, qui éclaire tant sur les immenses créateurs comme lui, et Hugo, Dumas, Balzac... Tous auront pantagruélisé les femmes pour nourrir leur oeuvre. Et la délicatesse, dans tout çà?.. C'est le débat du soir. A vous!

  • l'essence, peut-être

    "Le romancier authentique", écrit Dominique Fernandez dans L'Art de raconter (Poche), "crée ses personnages avec les directions infinies de sa vie possible, le romancier factice les crée avec la ligne unique de sa vie réelle."
    Si d'aucuns méditaient cela, et agissaient en conséquence, il y aurait moins de sacs postaux en toile de jute, bourrés d'improbables tapuscrits, chaque matin chez les éditeurs...

     

  • à table!

    Je le re sers, et il n'y aura que ça à manger ce soir. Voilà. Un étrange blues, un certain jazz infiniment sensuel, Chet au meilleur de sa forme.
    En passant, j'ai écouté ce qu'Elvis Costello avait fait de ce sublime Almost Blue : c'est aussi sensible qu'une cafetière en plastique. Son interprétation m'a évoqué un pékinois hargneux aux gros yeux de dorade morte, sous un petit crâne plat de crétin.

    Retour à l'essentiel : fromage & dessert.

    http://www.youtube.com/watch?v=z4PKzz81m5c

     

  • Nu

    http://photosmotstoros.blogspot.com/

    Je recommande ce blog, trouvé par hasard en cherchant des infos sur le grand photographe Sebastiao Salgado, car il allie les mots, les photos et les toros.

    Photo de © Waclaw Wantuch
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