La puissance d'exister
L'exercice d'une puissance, selon Spinoza, sa fameuse puissance d'exister, provient du conatus (l'effort pour persévérer dans son être -ni physique ni psychologique, mais plutôt expression de l'affirmation de soi. Du verbe latin conari : entreprendre une action*). C'est la structure désirante de l'homme, "l'appétit avec la conscience de lui-même", écrit-il dans L'Ethique. Lisant avec passion, sur le sable d'une plage corse, le précieux hors-série consacré à Spinoza, "Le maître de liberté", que publie Le Nouvel Obs, je me suis arrêté longtemps sur ceci : ce n'est pas pour connaître que l'homme désire, mais c'est pour déployer son être qu'il s'efforce d'imaginer ou de connaître. Ainsi, avec Spinoza (en rupture totale avec des pans entiers de la philosophie depuis Platon), il n'est pas nécessaire de manquer pour désirer. "Nous ne faisons effort vers aucune chose, que nous ne la voulons pas et ne tendons pas vers elle par appétit (appetere) ou désir, parce que nous jugeons qu'elle est bonne; c'est l'inverse : nous jugeons qu'une chose est bonne, parce que nous faisons effort vers elle, que nous la voulons et tendons vers elle par appétit ou désir", L'Ethique (III, prop. IX, scolie). Le désir fonde le désirable. S'attacher aux plaisirs, aux richesses, aux honneurs, détruit davantage notre puissance d'exister (notre joie), qu'elle ne l'augmente. Et notre but est de tendre vers une affectivité heureuse, avec des affects (sentiments : surtout la joie, la tristesse et le désir), épanouis, soit libres de toute culpabilité; notamment. L'un des collaborateurs de ce hors-série, Pascal Sévérac, souligne l'originalité fondamentale de l'éthique spinoziste : "rompre avec l'idée judéo-chrétienne d'un péché originel qui nous condamne à la faute et à la misère". L'Ethique "nous libère des chaînes d'une morale ascétique qui sans cesse nous culpabilise de jouir de la vie", enchérit Balthasar Thomass, lequel qualifie Spinoza "d'antidote parfait pour des époques moroses et anxiogènes comme la nôtre, un Prozac philosophioque à avaler en toutes circonstances." Dès lors, pour lutter contre nos passions tristes et tenter d'atteindre l'ataraxie, cette quiétude absolue de l'esprit, il y a la joie, l'irrépressible joie (de vivre) de Spinoza : une certaine forme de liberté, "un étendard, comme la nomme Thomass, dressé contre toute forme d'aliénation", une joie donc, seule capable d'envoyer bouler les systèmes d'oppression qui manipulent notre tristesse pour nous soumettre (Deleuze) par l'entretien méthodique de nos peurs.
*Laurent Bove, précise, à propos du conatus : "cet effort de persévérance en acte est une puissance activement stratégique d'affirmation et de résistance de la chose à tout ce qui pourrait entraver sa persévérance indéfinie." (lire : le hors-série Spinoza de l'Obs).
Commentaires
l'Ethique je savais que ça se pouvait attraper à force de cheminer ( à la Cimino travellant Wilbury, bref on the road et à la façon d'un Montaigne caminando façon wild horses, soit écrire by foot comme vous le savez si bien notre Rick bass d'ici bas) dans quelque forêt obscurément originelle et de ci de là les flaques rieuses des clairières, éclaircies de la pensée, mais votre sable corse me renvoie à un tel ancien constat, au temps où nos jours s'écoulaient dans toutes les salles de ciné que dieu ou les ruelles du Quartier mettait sur ma route et donc le sable de Laurence D'Arabie, film où L'Ethique ne cesse de grattouiller David Lean avec ce fameux "Aqaba il faut aller à Aqaba" lancé fiévreux par O'toole...toujours un bonheur de lire ces posts éclairés...
Ah! Cet inégalable : "Aqaba, il faut aller à Aqaba!.." Qu'il est bon et beau de le réentendre parfaitement, à la seule évocation que tu en fais, Benoît, ici (-bas. Ou : Bah!..). Le bleu des yeux d'O'Toole est juste, alors, un peu trop photoshopé, comme dirait ma fille, enfin : saturés de la mort qui tue. Mais la magie opère : Avec ça (Lawrence en fond d'écran amniotique et en guise de bac à sable), Bouvier va naître, Chatwin bouffe ses corn flakes, Théroux son lait cru. Même Giraudeau hésite... Il y a du pain sur la planche pour les poules, ce soir, dirait Couderc, un dimanche. Un nouveau nouveau monde est en train de germer, qui enfantera des travel-writers ici et là. Plutôt ici, petit! Comme çà on les garde à côté et on peut les surveiller, les drolles...
lisez, tous, "voici pourquoi l'on est rugby", sur le blog de benoît jeantet (16 juillet) : "rugbymane", s'il vous plaît. (merci), salut.
Vous cliquez juste sur lui, dans "Blogs et sites amis", à droite, là, juste. Oui, t'y es.
merci Léon...de vos lectures sagaces
Lisez "Etre heureux avec Spinoza", de Balthasar Thomass, éd. Eyrolles.
Lire le blog en entier, pretty good
merci, énigmatique nina tool (je nai rien pigé au lien internet de votre nom)