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écriture

  • Le fantôme de Red Colombo est revenu!

    Il re-pleut sur Paris (original, nan?..). Le fantôme de la clope (lire "Voile de carotte", ante) est revenu... Donc, s'il re-re-pleut, il reviendra-re(re). Alors je l'ai re-shooté, mais bon...

    medium_DSCF1756.JPGmedium_DSCF1758.JPGmedium_DSCF1759.JPGEn plus, il a failli se faire écraser, le con!

    Sinon, le dernier livre de Kauffmann (la maison du retour, Nil) sur l'acquisition de sa maison de la Haute-lande, au retour de 3 ans de captivité, est une merveille : plus ça va, plus il écrit dense et concis, serré et fort, Jean-Paul. ¡Aplausos!

     

  • En repassant devant Pessoa

    medium_pessoa.jpeg"Sur toute chose la neige a posé une nappe de silence.
    On n'entend que ce qui se passe à l'intérieur de la maison.
    Je m'enveloppe dans une couverture et je ne pense même pas à penser.
    J'éprouve une jouissance animale et vaguement je pense,
    et je m'endors sans moins d'utilité que toutes les actions du monde."

    "je suis un gardeur de troupeaux.

    Le troupeau ce sont mes pensées

    et mes pensées sont toutes des sensations."

  • Association de malfaiteurs

    medium_char.2.jpegmedium_gracq.jpegmedium_rimbaud.jpegmedium_hem.jpegmedium_proust.jpegVous reconnaissez ces types?

    Ce sont des bandits!

    Des bandits de parchemin!

    Des dandys de grand chemin.

    Mais sans eux, je ne peux pas vivre.  

    Ou si peu, si mal, si creux.

    Bon, j'en ai collé une dizaine, j'aurais pu en ajouter douze ou vingt-quatre de plus, qui m'accompagnent aussi sûrement qu'un ami, des chaussures de randonnée, une carte routière, une autre du Tendre, une femme, même, parfois... Oui, la littérature est puissante! Ces dix là, sont, de gauche à droite : René Char, Julien Gracq, Arthur Rimbaud, Ernest Hemingway, Marcel Proust, Gustave Flaubert, Guillaume Apollinaire, William Shakespeare, Jules Renard, Stendhal. Soit le minimum vital. Ajoutez, sans la photo : Cioran, Cervantès, Ponge, Perse, Henein, Conrad, des Forêts, Simon, Blondin, Cendrars, Quignard, Harrison, Neruda, Blanchot, Derrida, Leiris, Torga, Hamsun... Stop it!

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  • Flem

    Lydia Flem ("Comment j'ai vidé la maison de mes parents"), poursuit avec un talent et une émotion égales, son travail -universel- de deuil de ses parents, avec "Lettres d'amour en héritage" (Seuil, comme le précédent). Voir mes notes des 9 et 11 décembre, intitulées Orage émotionnel et Les extraits. C'est d'une pudeur extrême et d'un amour infiniment grand. Le livre retrace la vie de ses parents disparus, à travers trois cartons de leur correspondance amoureuse, depuis les débuts, que leur fille (l'auteure) découvrit, en vidant la maison, une fois orpheline... La tendresse résume ce livre précieux. Il n'est pas innocent que l'écriture soit devenue, très tôt, le terrain de jeu de l'auteure, puis que celle-ci ait fait profession de psychanalyste. Par bonheur, ces deux livres sont exempts de théorie, mais emplis, au contraire, de sensibilité à vif -mais douce, comme ces napperons brodés que nous avons tous vus dans les mains de notre mère, tandis qu'elle les rangeait avec un soin particulier, alors qu'ils sentaient encore le "chaud" du fer à repasser, sur une étagère d'une armoire, quelque part dans une pièce de la maison familiale... 

    une perle parmi cent : "le corps de la mère, c'est la première géographie, le pays d'où l'on vient". 

  • l'épistolaire

    medium_portrait.2.jpgLe dernier roman de Philippe Besson, Se résoudre aux adieux (Julliard), est un bijou de tact, de retenue, de clairvoyance psychologique, et d'analyse d'une rupture. Besson a choisi le roman épistolaire à une voix (elle lui adresse des lettres auxquelles il ne répond pas), pour dire une douleur et un silence, une fuite et une remontée à la surface de la vie, et cela permet au texte d'être plus bouleversant encore. Une réussite, en somme, sur un sujet affreusement banal, donc délicat à traiter.

     J'ai piqué cette superbe photo sur le blog de  [chooseaname]. Merci à son auteur.

  • Courir dans les bois sans désemparer

    C'est le titre d'un premier roman, signé Sylvie Aymard. Publié sous la casaque Maurice Nadeau, c'est un gage de qualité et donc de confiance en la littérature, vraie, celle que ce découvreur a toujours su flairer avant les autres, à la manière des petits clubs de rugby des Landes qui révèlent de futurs internationaux et qui se les font piquer rapidement par de plus gros clubs... (Houellebecq en est le dernier exemple). Maurice Nadeau est un éditeur-pépinière. Ce roman n'échappe pas à la règle, à bisto dé naze. Je l'ai lu d'une traite, hier matin devant la cheminée, en Corse. Et ce fut le bonheur de découvrir une musique, un ton, un humour, une force à dire le terrible, une dérision "uppercutante", un regard sans concession d'enfant sur les adultes, un regard d'adulte vitrioleur sur "le goût des autres" adultes infatués, une mélancolie amoureuse sans faute de goût, ni de style, une pudeur juste pour dire l'état amoureux et la sexualité vaine, parfois. La mort, enfin. Et la nature aussi. Enfin,...  J'aimerais avoir là, tout de suite, son second livre. Mais l'a-t-elle seulement écrit?.. 

  • Bouffées

    Se promener en Champagne (ce matin), et chercher les vignobles dans la plaine morne. Finir par trouver, pouf! un océan de vignes. Déguster un rosé à la bulle infiniment fine, un peu plus tard. Se promener en forêt de Compiègne, à l'aube de cette année, et chercher des cerfs. Ne voir que des milliers de palombes, des nuées grises qui virevoltent à la cime des hêtres. Et tout à coup, l'esprit résigné, sur le chemin du retour qui fend la fûtaie comme le ciseau du couturier, ou la proue la rivière calme, apercevoir trois cerfs majestueux, princiers, qui passent lentement, au pas, avec la douceur d'un mouchoir de soie qui s'échappe de la pochette d'un élégant. Marcher dans les marais et penser bécassine. Y être surpris par un chevreuil qui aboie de frayeur (et de colère?), le feu aux pieds, en voyant l'homme que je suis. Instants volés entre deux aller-retour à Paris. La nature, par petites bouffées bronchodilatatrices, a la saveur d'un rocher Suchards ouvert lorsque l'envie de l'ouvrir est forte. Son effet-ventoline opère immédiatement. Demain, c'est l'extrême  sud de la Corse qui m'attend. Le domaine de Murtoli, ou de la vallée de l'Ortolo, de mon ami Paul, à deux pas de Sartène et Porto-Vecchio. Quatre jours de bonheur en perspective un peu cavalière; j'avoue. Pour un reportage de lujo. Et alors!..

  • Ca fait du bien, pour commencer l'année

    Lu sur le blog de twiggy, que je remercie au passage!

    J'ai de la chance ! je relis du Léon Mazzella.... Je ne lis pas beaucoup, je n'y parviens pas, le silence de la lecture refait vivre mes vieux démons... Cet écrivain c'est un vrai personnage. Il a ses forces et ses faiblesses. Comment a-t-il fait pour écrire de si belles mélodies ? il doit s'échapper souvent, sortir pour vivre avec ses "voisins", s'attabler avec eux, manger, boire... simplement sans négocier ! juste écouter... pour ensuite s'isoler, s'enfermer en étant fermé, appliqué, obstiné, rivé à son petit bureau, face au mur, couper de la vie, et remplir comme un élève acharné des pages de cahier avec l'assiduité d'un Antoine Blondin. Les fou des mots, c'est toujours sans récréation, pas de distraction avant d'avoir écrit la dernière phrase du livre commencé ! Et il a la douceur d'un vrai conteur à la manière d'un Marcel Aymé... Pour pouvoir raconter, pour avoir à raconter, il doit "piller", en toutes circonstances et en tous lieux, observer, scruter, écouter, un renard dans le poulailler du quotidien. Ses razzias ont nourri sa langue d'écrivain. Un voleur de gestes et de mots, un collectionneur de caractères, un receleur de comportements et de phrases, un gobeur des dialogues et de répliques. Rien de ce qui passe à sa portée ne lui échappe. Ses mots sont gorgés de cette vie qu'il engrangeait jour après jour qu'il doit "recracher" sur ses cahiers à carreaux. Rigolards ou nostalgique ? Discussions de maquignon ou propos spontanés. L'alternance de cette grandeur et de ces subtilités fait de lui un spécimen à part : un écrivain-personnage.

  • La saint Gaspard

    "J'adore les huîtres : on a l'impression d'embrasser la mer sur la bouche."     Léon-Paul Fargue.

     

    C'est çà même (tout est dit).

     

    Sinon, les Lumières n'en finissent pas de briller. Voltaire n'est pas franchement mort. Ah, ça non! Regardez autour de vous! On ne parle que de çà. Et tant mieux. Les remparts contre la Barbarie tiendront encore bon longtemps, longtemps...


    Et (par ailleurs), je vous recommande, d'urgence, la lecture des "Antimodernes", d'Antoine Compagnon (Gallimard/La Bibliothèque des idées). Plus vivifiant, plus tonique, plus intelligent aussi, tu meurs!

    Sauf les matins, tôt, de ces derniers jours, dans les Landes et à Bayonne. Jusqu'à ce matin, plus doux. Plus banalement moderne... (et moins intelligent, du coup).

     

    Entre temps, il y a eu une après-midi (celle d'hier), braconnière en diable, dans les barthes. Une après-midi unique. Empreinte de classe davantage que de chasse, de silence grand, de regards détachés, de sagesse déjà là. Une grande après-midi sauvage comme je les aime (qu'est-ce que je fous à Paris!), bottes aux pieds, avec un ciel bleu, un froid de bon aloi, et des oiseaux nobles, comme on dit. L'auteur de cet après-midi fut mon fils Robin. Il a fait oeuvre. D'une sorte d'art. Une nouvelle s'écrit à ce sujet. Patience...

     

  • La soupe de Kafka

    Lisez ce livre subtil, drôle et extrêmement savoureux de Mark Crick (La soupe de Kafka, Flammarion), que La Bienveillante m'a livré par coursier (j'aime ces urgences que l'on accueille comme le verre d'eau tiède dans le désert)... La presse en parle beaucoup et bien, il s'agit d'une histoire complète de la littérature mondiale en 16 recettes "à la manière de" 16 écrivains. En prime, les textes ont été traduits par une pléiade d'écrivains français. Miam!

  • La repentance

    "Faut-il se soumettre aux exigences scélérates du repentir?"

    Je ne sais pas où j'ai prélevé cette phrase, hier... Journal, radio, livre...

    (La réponse va de soi -enfin, pour moi-).

    La question donne l'occasion de réfléchir, en fin d'année -période propice!-, à ce désir de repentance qui resurgit comme la grippe aux premiers frimas, ainsi qu'au pardon bidon, à l'hypocrisie des religions; à l'hypocrisie tout court.  

  • Char

    medium_char.jpeg2007 sera l'année René Char (il est né en 1907) : grande expo en mai à la BNF (et jusqu'en septembre), publications diverses, notamment par Poésie/Gallimard, le Printemps des poètes aura pour thème : "Lettera amorosa" -sans doute le plus beau poème d'amour en prose jamais écrit au XXè siècle (avec "Prose pour l'étrangère", de Gracq), et qui sera réédité pour l'occasion, etc.

    Il fait bon le relire tranquille, en ce moment, avant le grand chambardement. 

    Au hasard, et plutôt que d'inscrire des citations (c'est si tentant de citer une des nombreuses phrases-éclairs de Char!), voici un poème :

    Allégeance

    Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima?

    Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.

    Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.

    Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas?

  • Lorca

    medium_lorca.jpegMon père m'aurait fait ce cadeau à Noël. Je suis allé me l'offrir à sa place, cet après-midi. Les poésies complètes de Federico Garcia Lorca en Pléiade. Sans attendre. Noël n'existe pas. Ou plus de la même manière.

    Dès la première page (passée l'admirable introduction d'André Belamich, son meilleur traducteur, disparu il y a trois ou quatre mois), le premier poème de jeunesse, écrit en 1920 -Federico a 22 ans-, tout Lorca est là, comme dirait un critique littéraire qui se la pète (et ils sont légion). Extrait, en prenant du début : 

     

     

    Vent du Sud,

    Brun, ardent,

    Ton souffle sur ma chair,

    Apporte un semis

    De brillants

    Regards et le parfum

    Des orangers.

     

    Tu fais rougir la lune

    Et sangloter

    Les peupliers captifs, mais tu arrives

    Trop tard.

    J'ai déjà enroulé la nuit de mon roman

    Sur l'étagère!

     

    (...)

  • Le goût de la baie

    Lorsque nous faisons l’amour, nous ne pensons pas gynécologie. Lorsque nous lisons des poèmes, nous ne supportons ni les notes en bas de page ni les annexes universitaires moins décortiqueuses qu’urticantes. Lorsque nous assistons à une corrida, nous avons envie de silence, pas de commentaires. La politique dans un roman, c’est comme un coup de feu dans un concert, disait Stendhal. C’est pareil pour le vin. Œuvre de l’homme dédiée au plaisir, le vin ne supporte pas le discours analytique que d’aucuns tiennent pour paraître savants. Le vin doit d’abord nous toucher, nous plaire ou nous déplaire, et sa dégustation ne devrait pas sacrifier à la recherche obstinée de tout, sauf du raisin ! Le sujet excite les papilles autant que les neurones, mais le discours, loin de se lover dans le sensible, se vautre ailleurs : il fait l’intéressant pour montrer qu’il en sait plus que toi, nananère ! C’est d’un ennuyeux. Au cours de dégustations chics, certains évoquent des vins « couillus » ou « qui ont du poil aux pattes ». Curieusement, les adjectifs féminins disparaissent, sauf à propos des « vins putes ». Avec de tels attributs, nous nous éloignons un peu de l’exposé abscons des chirurgiens du vin qui nous les cassent (les oreilles), et qui sont à des années lumières du principe de plaisir. Dans d’austères salons, on entend (avant de fuir) untel prétendre avec certitude, of course, que c’est la marque du verre qui assèche tel vin. Et l’autoproclamé connaisseur d’exiger tel autre verre dont nous tairons la marque… Laissons les prétentieux à leurs jeux tristes, et buvons un coup.  Je préfère le discours sensuel d’un vigneron un peu fêlé, charnellement épris de sa vigne, le parler fleuri d’un poète du vin, à un laïus de poseur en stage de compta. analytique. Beauté, mon beau souci, titrait Valery Larbaud sur un de ses livres. Plaisir, mon beau souci, mon unique souci, devrait être le credo de l’amateur. Et : j’aime ou j’aime pas, l’expression de la liberté la plus nue. Buvez si vous aimez, puisque la vie est courte. Tour le reste est mauvaise littérature.

  • Les extraits

    " En disparaissant, nos parents emportent avec eux une part de nous-mêmes. Les premiers chapitres de notre vie sont désormais écrits."

     "En les couchant dans la tombe, c'est aussi notre enfance que nous enterrons."

     "Est-ce bien normal d'éprouver successivement ou simultanément une impression effroyable d'abandon, de vide, de déchirure, et une volonté de vivre plus puissante que la tristesse, la joie sourde et triomphante d'avoir survécu, l'étrange coexistence de la vie et de la mort?"

     "C'est dans la solitude que chacun se retrouve (...) Chacun fait ce qu'il peut pour surmonter l'épreuve, bricole à sa manière, toujours bancale, malheureuse, conflictuelle, et se tait."

     "Même après leur mort, ne cessons-nous jamais de vivre pour eux, à travers eux, en fonction d'eux ou contre eux? Est-ce une dette qui nous poursuit toujours?"

     "Se séparer de nos propres souvenirs, ce  n'est pas jeter, c'est s'amputer."

    "Donner est un grand bonheur. Ce que j'offrais, ce n'était pas un objet." 

     "L'écriture naissait du deuil et lui offrait un refuge. Un lieu où se mettre à l'abri avant d'affronter de nouvelles vagues malaisées à contenir."

     "Devenir orphelin, même tard dans la vie, exige une nouvelle manière de penser. On parle du travail du deuil, on pourrait dire aussi rite de passage, métamorphose."

    "Les arêtes vives des premières douleurs s'émoussent, hébétude et protestations font place à une lente acceptation de la réalité. Le chagrin se creuse. Avec des moments de vide, d'absence, de tumulte. Plus tard se répand une tristesse empreinte de douceur? Une tendre peine enveloppe l'image de l'absent en soi. Le mort s'est lové en nous. Ce cheminement ne connaît pas de raccourcis. On n'y échappe pas. La mort appartient à la vie, la vie englobe la mort."

    "Mail il est un temps pour le chagrin, et un temps pour la joie." 

    © Lydia Flem, Comment j'ai vidé la maison de mes parents, Seuil. 

     

     

     

  • Orage émotionnel

    "A tout âge, on se découvre orphelin de père et de mère. Passée l'enfance, cette double perte ne nous est pas moins épargnée. Si elle ne s'est déjà produite, elle se tient devant nous. Nous la savions inévitable mais, comme notre propre mort, elle paraissait lointaine et, en réalité, inimaginable. Longtemps occultée de notre conscience par le flot de la vie, le refus de savoir, le désir de les croire immortels, pour toujours à nos côtés, la mort de nos parents, même annoncée par la maladie ou la sénilité, surgit toujours à l'improviste, nous laisse cois. Cet événement qu'il nous faut affronter et surmonter deux fois ne se répète pas à l'identique. Le premier parent perdu, demeure le survivant. Le coeur se serre. La douleur est là, aiguë peut-être, inconsolable, mais la disparition du second fait de nous un être sans famille. Le couple des parents s'est retrouvé dans la tombe. Nous en sommes définitivement écartés. Oedipe s'est crevé les yeux, Narcisse pleure".

    Ainsi commence Comment j'ai vidé la maison de mes parents, de Lydia Flem (Seuil), un livre très émouvant et recommandable entre tous. En de telles circonstances ou pas, d'ailleurs. Que philosopher c'est apprendre à mourir, nan?!!... 

  • 303

    Voici "l'argu", soit le texte de présentation du dernier numéro (hors-série) de l'excellente revue nantaise 303, laquelle avait déjà consacré un numéro à julien gracq, début 1986.

    Que sait-on de Julien Gracq ?

    Ce qui est le plus couramment dit de lui : c'est un grand écrivain, entré de son vivant dans la collection de la Pléiade, et un maître de la langue, ce dont on se persuade aisément à le lire. Ecrivain « à part », il a toujours eu horreur des feux de la rampe, à contre-courant d'une époque radicalement médiatique. Beaucoup n'ont vu qu'orgueil dans son refus du prix Goncourt en 1951, se méprenant sur le sens de son geste : l'invitation pressante faite aux lecteurs à revenir au texte et à juger d'abord par eux-mêmes de la valeur d'un livre.

    Cet écrivain si délibérément en retrait n'est pourtant en rien l'homme distant trop souvent décrit. Il a fait le choix -assez inhabituel - d'une vie saine et rangée, mettant à profit une tranquillité jalousement préservée pour lire et pour écrire, se promener et converser. Car Julien Gracq n'a jamais fermé sa porte à quiconque venu échanger avec lui, à la seule condition qu'il soit question d'écriture et de littérature.

    C'est ce personnage à deux facettes - l'homme : Louis Poirier / l'écrivain : Julien Gracq - que 303 s'attache à présenter dans cet ouvrage grâce aux regards croisés d'une soixantaine de témoins privilégiés, célèbres ou inconnus (écrivains, traducteurs, visiteurs, lecteurs...) qui ont eu le privilège de converser ou de correspondre avec lui, d'être reçu dans sa retraite angevine des bords de Loire.

     

  • La bonté

    Funambule au bout de nos sexes
    Lorsque nos âmes font l’amour

    Elle déjoue les accents circonflexes du quotidien
    Qui parfois nous éloigne

    Lionne patiente comme la pierre
    Elle est du bond et de l’éclair


    Toi
    Tu incendies ma vie

    J'accueille ton feu
    Comme un vin de jouvence
    Un alcool de reconnaissance

    Le bain vivifiant de l'aube est notre océan
    Un lac de plénitude où nous lui apprendrons à nager


  • Enfui

    medium_Leon_Mazzella_Naphtali_Bengio_100567_BaySt_Bernard_par_GB_1.2.jpgLa sérénité rétablira peu à peu ses quartiers
    Dans les territoires de l'amour en friche

    Son visage pâle de planète
    Se bronze les entrailles
    Aux forces gigantesques
    De nos sangs mêlés

    C’est notre bonne étoile

    Elle réside, pulvérisée, au fond de nos regards
    Irradie le coeur de nos ventres

  • L'aventurier

    J'aime particulièrement cette définition que Roger Stéphane donne dans son Portrait de l'aventurier (Grasset/Cahiers rouges).

    Elle revient de façon récurrente frapper à mon esprit.

    La voici, ramassée (débarassée de ses digressions historiques sur Ernest Von Salomon, T.E.Lawrence et André Malraux) :

     

    "J'appelle aventurier celui qui s'engage au service d'une cause sans y adhérer : qui engage sa vie plus pour son propre salut que pour la victoire. (...) 

    L'aventurier : le contraire du militant; étranger par essence au fanatisme et même au manichéisme. L'aventurier : un irréductible solitaire".
  • 2.12, 22h

    (de mémoire) : la vie, c'est une barque posée dans l'herbe du matin (françois bott),

    et : la mort est une prairie émue par le silence (tahar ben jelloun).

    jamais le cd comprenant le choeur des prisonniers (nabucco, de verdi) n'aura résonné aussi fort à ses oreilles et aux miennes, dans cette chambre aux fenêtres grandes ouvertes sur la montagne.

    hier soir j'ai vu sombrer un long et beau navire, avec à son bord l'homme qui lui faisait corps.

    pour la première fois, le navire et son capitaine n'étaient qu'un.

    le sister-ship se nommait Douceur.

    s'il faut le rebaptiser un jour, son nom sera Sérénité.

     

  • La bienveillante

    Une main bienveillante (rien à voir avec le Goncourt 2006) m’a adressé par la poste une copie en couleur d’un entretien que Julien Gracq donna au Magazine littéraire daté de décembre 1981 (et qui reparaît ces jours-ci dans un numéro anniversaire). Un entretien publié donc il y a pile 25 ans ce matin. Car je viens juste d’ouvrir le courrier –mon premier depuis deux mois, là où je me trouve provisoirement, et j’y ai trouvé ce bonheur grand…
    Un quart de siècle après, la parole de Gracq, au sujet de l’écriture et de ses lectures adolescentes et fondatrices (il s’agissait pour Jean Roudaut d’évoquer avec lui le capital En lisant en écrivant, qui était paru en 80 chez José Corti), n’a pas davantage pris une ride, que son œuvre dans sa totalité –elle débuta en 1934 avec Au château d’Argol-, n’en possèdera jamais une seule. Julien Gracq, l’homme –que j’ai l’immense chance de connaître, avec lequel j’ai entretenu une correspondance de 1985 à 1999, et auquel je rends visite de temps à autre, depuis, à Saint-Florent-le-Vieil, est un jeune homme vert de 96 ans et demi. Mieux ! C’est un classique vivant (c’est plus fort qu’une légende). D’ailleurs, lorsque je me rends à St-Florent, j’ai l’impression de rendre visite à Flaubert et à Stendhal réunis, ressuscités, tant l’envergure de J.G. est immense, à mes yeux de « lecteur partisan » (c’est ainsi qu’il m’a défini un jour, à propos de ma connaissance de son œuvre). Je l’affirme sans risque : Julien Gracq est le plus grand écrivain français, depuis ces deux géants (+Proust), aux côtés desquels je le place…
    medium_en_lisant.jpegLe problème est que cet envoi postal, qui m’a touché au plus profond de moi, a aussi réveillé une fringale de replonger dans  En lisant… Seulement, je me trouve à plus de 800 km de ma bibliothèque ! Et, manque (partiel) de bol, ici je n'ai "que" Un beau ténébreux et La Presqu'île. Il va donc me falloir faire dare-dare les pharmacies, cet après-midi (c’est ainsi que je désigne les librairies) avec l'espoir chevillé au corps que l'une d'elles possèdera l'opus.

  • Les suffisants

    J’en ai assez de croiser des gens satisfaits d’eux-mêmes, qui s’autoproclament exceptionnels, se félicitent tous seuls, s’envoient constamment des fleurs, s’écoutent parler, et ne sont jamais à l’écoute de l’Autre. Ils passent le plus clair de leur temps à cirer leur ego et à gérer leur misérable carrière personnelle. Ceux-là sont tellement sûrs de leur (maigre) savoir, de leur opinion (hâtive) sur tout et de leurs certitudes, qu’ils ne s’aperçoivent jamais combien ils sont pitoyables et agaçants. Ils effectuent un voyage immobile dans le paraître, qui va du miroir de leur salle de bains au déballage de leur absence de doute, à qui veut bien les entendre. Les écouter est au-dessus de mes forces. Ce ne sont même pas des sophistes, car pour l’être, il faut un certain talent –condamnable certes-, mais un talent quand même. Untel me sert une psychologie à deux anciens francs, en poseur, avec le ton emprunté d’un consultant, déclarant ce qui est bon pour moi. Un autre affirme à longueur de phrases, ignore la confrontation et la remise en cause, et s’imagine toucher au sublime en reproduisant du ringard. Celle-ci veut m’attirer dans le champ de ses convictions, au mépris de ma liberté de jugement. Celui-là prétend connaître tout de moi et s’invente une mission réparatrice à mes côtés, quand je ne souhaite que solitude et recueillement au bord de la mer. Ce manque de tact m’effare. L’autosuffisance et son cortège de négligence, d’irrévérence, m’afflige. J’ai le sentiment de ne croiser que des êtres boursouflés de narcissisme, des bouffeurs de ma liberté. Au secours Socrate, qui savait seulement qu’il ne savait rien ! Devenu avare du temps que je souhaite consacrer aux autres, je décide de ne plus prêter attention à ceux qui m’enquiquinent avec leur jargon, leurs leçons, leur être bouffi d’égoïsme et leur vide ; en somme. Je préfère la compagnie d’un mauvais livre à une rencontre qui sonne creux, et préfère aux deux, un paysage que j'observe tranquillement. Fuir, esquiver, me cacher des raseurs, ces parasites qui ne vivent qu’aux dépens de ceux qui leur servent de chambre de résonance. Je n’ai pas cette vocation, ni celle de perdre mon temps. La vie enseigne chaque matin qui se lève, qu’elle sera de toute façon trop courte pour pouvoir croiser tous ceux qui valent la peine parce qu’ils nous correspondent. Alors la paix ! Que ces gens, vilipendés ici, passent à côté de ce qui me paraît être une vie plus vraie –ou moins futile-, ne me gêne guère. Mais quand ils se transforment en pompes aspirantes posées en travers de mon chemin, ils constituent un délit d’entrave à ma liberté. Et je vois rouge, n’étant pas toujours à l’aise pour contourner l’obstacle quand il m’impose son indélicatesse, ni suffisamment leste pour sauter d’un seul bond par-dessus...
    Ces rencontres involontaires me font penser à Henri Calet, le délicat auteur des Grandes Largeurs et de Peau d’ours, ce journal intime qui s’achève, la veille de la mort de son auteur, par ces mots : « Ne me secouez pas, je suis plein de larmes ». Calet écrivit, en observant des célébrités à son corps défendant : «  En quelle école enseigne-t-on ces manières de dédain ? Comment acquiert-on cet inimitable regard vide ? »…
    Voilà. Ce trente novembre bleu et (enfin) froid, comme j’aime les journées de novembre sur la Côte basque, m’a fait buter sur deux raseurs, en ville. Par bonheur, je suis parvenu à m’en défaire et à rejoindre la plage de la Chambre d’amour, ma querencia entre toutes les querencias, où je parviens toujours à me laver du gris de la vie, sans le recours à un crawl dans les vagues, mais en contemplant ces filles de l’horizon qui meurent si bellement, le ventre creusé par un modeste vent d’Est.

  • dans L'Expansion/Tendances de décembre...

    ...je publie ce papier sur le patron des "guides rouges" (en tant qu'ancien directeur des rédactions du magazine et des guides GaultMillau, ce fut amusant de réaliser cette interview).

    Jean-Luc Naret
    JE SUIS UN REVELATEUR DE TALENTS
    Le patron des fameux Guides Michelin était marchand de rêves dans une première vie. Il s’emploie aujourd’hui à développer la marque du « bib » à l’international. Analyse d’un succès.
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    medium_bib.jpeg Il est élégant, souriant, fringant, mince, sa voix a le juste timbre –clair et assez grave-, il a le sens de l’accueil et il porte ses 45 ans comme on soulève une plume. Jean-Luc Naret est un homme de tact. Passé par la direction de quelques-uns des plus beaux palaces du monde, il est depuis trois ans à la tête des guides Michelin : le fameux « Rouge » hexagonal et quinze autres éditions, c’est lui. Une première dans le système de l’institution séculaire, car le sixième directeur du guide est le premier à avoir été recruté à l’extérieur et à ne pas faire partie du sérail interne. Il rejoint le groupe du « Bib » en septembre 2003, et après avoir travaillé, six mois durant, en étroite collaboration avec son prédécesseur Derek Brown, il prend ses fonctions le premier juin 2004. Diplômé de l’Ecole hôtelière de Paris, Jean-Luc Naret a commencé fort, à 21 ans : En 1982, lui est proposée –comme premier job-, la direction du Venice-Simplon-Orient-Express, le fameux train de luxe. La suite est un enchaînement de rêves, et un enchantement : il fera son armée comme steward en Polynésie, et prendra la direction adjointe de l’hôtel Bora-Bora, composé de bungalows sur pilotis, en descendant de l’avion militaire. « C’est à partir de ce moment-là que je suis devenu marchand de rêves », dit-il. Retour à Paris, où il est sous-directeur du Bristol. « Mon directeur ma tout appris des subtilités du métier, en particulier le sens du détail, et l’art et la manière de parer à cet imprévu permanent qui rend le métier fascinant ». Il y restera quatre ans. Il a 29 ans, et se dit : « Dans la vie, on fait son éducation de 20 à 30 ans, sa réputation de 30 à 40, et ensuite on transmet de 40 à 50 ». Ambitieux, il se donne une mission : décrocher un poste de direction générale avant son trentième anniversaire. La timbale s’appellera One & Only Saint-Géran, à l’île Maurice. Là, l’expérience s’enrichit : « Au Bristol, je recevais des stars, la jet-set, à Maurice, il m’arrivait de recevoir les mêmes personnes, mais en vacances. À Paris, je leur créais du rêve. Sur les îles, je m’employais à ancrer ce rêve dans leur mémoire ». Pour le même groupe, il ouvrira le Palace de Lost City en Afrique du Sud, et l’Ocean Club aux Bahamas. La suite est édifiante : il ouvre Atlantis hôtel aux Bahamas, il rejoint une année Versailles et son Trianon Palace, repart à Maurice où il crée The Residence. Il refuse d’ouvrir le Burj Al Arab à Dubaï  -il est chassé régulièrement par des cabinets de recrutement. A 40 ans, il ré ouvre le Sandy Lane, à La Barbade, qui sera sacré « Meilleur Resort » du monde. La consécration ! Autant dire que pour Jean-Luc Naret, les Tropiques ne sont pas Tristes… C’est alors que Son Altesse l’Aga Khan lui propose de diriger les opérations de son groupe hôtelier, en Afrique et au Pakistan.
    Il serait aujourd’hui à un haut poste de direction pour le compte de l’Aga Khan, si un chasseur de tête, encore, ne l’avait dérouté vers Michelin. « Ma rencontre avec Edouard Michelin fut certes décisive, mais je pense que mon discours sur la nécessité d’une ouverture sur le monde, d’une marque majeure et leader en Europe, mon parcours dans l’hôtellerie de luxe bien sûr, et ma personnalité, ont plu ». Jean-Luc Naret n’a alors de cesse de faire évoluer la marque tout en consolidant son assise extraordinaire en France (375 000 exemplaires vendus de l’édition 2006 classent « le Rouge » très loin au-dessus de ses concurrents), et en Europe, où se situe 80% du chiffre d’affaires d’une marque déjà présente dans 11 pays. La volonté du nouveau boss : partir à la conquête des USA. Puis de l’Asie, en faisant des guides d’un nouveau genre. Ce sera le guide de New York : véritable succès de librairie (110.000 ex vendus en moins d’un an), c’est une sélection des meilleures adresses d’hôtels et restaurants selon Michelin, soit l’équipe locale de dix inspecteurs « full time » comme le sont tous les inspecteurs des guides rouges. Illustré, assorti de commentaires parfois longs (une à deux pages pour les étoilés), ce qui est nouveau dans la maison, où l’espéranto du pictogramme (permettant depuis toujours aux étrangers de « lire » le guide français), et la réputation de sécheresse, a effectué sa révolution culturelle en introduisant, en 2000, les fameuses deux phrases de commentaires ! Là, les guides de New York et de San Francisco (ce dernier, sorti ces jours-ci, est déjà en tête des ventes sur amazon.com), sont plutôt littéraires, vivants, hauts en couleurs. La notoriété de la marque, la rigueur de la sélection, la compréhension par l’Américain qu’il s’agit de guides pour les lecteurs et pas pour les chefs, ont conquis d’emblée le marché, pourtant occupé par « Zagat », et les pages du « New York Times » ou du « San Francisco Chronicle ». Le miracle est là : le capital confiance, l’image de Michelin, le fait qu’un étoilé de San Francisco ou de France, soit choisi sur des critères identiques, rend les « rouges »  universels, même si, grâce à leur équipe locale, ils sont suisses en Suisse, et espagnols en Espagne. (En Europe, chacun des 70 inspecteurs « full time », dont 10 pour la France, visite plus de 250 établissements par an). « Flattés, les chefs américains en redemandent, et d’autres vont s’installer à New York ou à San Francsico parce que le guide s’y trouve désormais », ajoute Jean-Luc Naret. La récompense est là. Du coup, le boss du rouge va partir à la conquête d’autres métropoles américaines, tout en préparant un ou deux lancements en Asie. Le sens du secret faisant partie de l’esprit maison, le nom de la ville est inconnu pour le moment : Hong Kong, Shanghai, Tokyo ?..
    Le directeur n’oublie pas pour autant la France, loin s’en faut : un guide de Paris (en deux versions : Française et Anglaise), et un autre de Londres vont bientôt paraître, à l’image des guides américains, soit plus modernes, avec des photos, et plus textuels. Le guide de Paris ne sera plus un simple extrait du « guide mère », lequel paraîtra pour la première fois en deux éditions : Française et Anglaise. Mais la philosophie restera la même pour les inspecteurs, bras armés des Rouges : révéler davantage que juger les chefs, à partir de rapports de plus en plus élaborés, précis, et d’une rigueur légendaire. Ce qui permet à Jean-Luc Naret de déclarer : « J’étais marchand de rêves. Aujourd’hui, je suis révélateur de talents. Et notre métier, chez Michelin, ce n’est pas de faire des guides, mais de publier des sélections de restaurants, d’hôtels –et de maisons d’hôte ».
    Face à la concurrence symbolique des autres guides (Michelin est leader dans chaque pays où il est présent), à la fausse concurrence de la presse quotidienne et magazine qui a une vocation croissante à « guider » son lecteur (« Michelin est annuel, la presse éphémère », répond M.Naret, « la presse annonce une nouveauté, quand nous prenons le temps de la jauger avant de l’inscrire si elle le mérite »), les guides choisissent de développer le multimedia. ViaMichelin.com, le site de la marque, traduit en cinq langues, avec ses liens sur les tables et les hôtels, est un succès colossal : 30 000 connections par jour, soit 10 millions par an, pour les seules demandes d’adresses de restaurants et d’hôtels ! Depuis 1996, viamichelin est présent sur la « navigation embarquée » (le GPS de votre voiture), sur les PDA (assistants personnels), et aussi, via Bouygues Telecom seulement  (pour l’instant), sur les téléphones portables : un clic, vous êtes localisé et un choix d’adresses vous est envoyé illico. Michelin a donc compris le nomadisme, et aussi les préoccupations de certaines clientèles : « Je suis fier de mon dernier bébé », déclare le directeur, « Main Cities of Europe ». Il s’agit d’une sélection de 3000 adresses dans 37 villes. Un guide (en langue anglaise), à l’adresse des businessmen qui sautent d’un avion à un autre, et de tous les gourmands et gourmets qui ne laissent rien au hasard, fut-ce pour une nuitée. Un guide transversal, thématique, le premier du genre. Mondialisation oblige ! S’agissant de la mondialisation de la cuisine (nul n’étant épargné), Jean-Luc Naret considère que la particularité de chaque cuisine demeurera. « Cependant, à ce propos, il faut mettre en garde les jeunes chefs qui vont faire leur tour chez Ferran Adria, puis chez Ducasse, et puis qui rentrent chez eux aux quatre coins du monde, et s’imaginent qu’ils sont devenus des Adria ou des Ducasse bis. L’humilité doit les guider. Et la mondialisation, ce n’est pas cela… Non, le positif dans cet univers, c’est la qualité des produits, qui ne cesse de croître depuis dix ans, ainsi que la technicité en cuisine, qui les sert mieux que par le passé. L’effervescence du milieu, aussi : ça bouge sans cesse ! C’est pourquoi, à la fin du guide de New York, il y a par exemple une page, « coming soon », sur les futures bonnes adresses annoncées, repérées, et qui ont ouvert après parution… ». Aujourd’hui à la tête d’une armée de 500 personnes, dont 350 au siège parisien, d’inspecteurs, traducteurs, rédacteurs, cartographes, éditeurs… Jean-Luc Naret ne regrette pas les palaces de sa première vie. Son lagon se trouve désormais avenue de Breteuil, dans le 7ème à Paris, et des canards barbotent parfois sur le plan d’eau, au milieu du jardin, à l’entrée. L.M.  

  • Ambigue...

    medium_images_1-1.jpg...La phrase de Margaret Atwood citée par Jonathan Littell (auteur des Bienveillantes), dans l'entretien qu'il a accordé au Monde :
    S'intéresser à un écrivain parce qu'on a aimé son livre, c'est comme s'intéresser aux canards parce qu'on aime le foie gras.
    Et voici mon autoportrait en vache perplexe, lorsque je ne pige pas une phrase comme celle-là... 
    Mé!.. 

  • Théophile de Viau

    Le sonnet ci-dessous date de 1621. Cherchez, au fond, la ride...

     

    Je songeais que Phyllis des enfers revenue,

    Belle comme elle était à la clarté du jour,

    Voulait que son fantôme encore fit l'amour 

    Et comme Ixion j'embrassasse une nue.

     

    Son ombre dans mon lit se glissa toute nue

    Et me dit : cher Tircis, me voici de retour, 

    Je n'ai fait qu'embellir en ce triste séjour

    Où depuis ton départ le sort m'a retenue.

     

    Je viens pour rebaiser le plus beau des Amants, 

    Je viens pour remourir dans tes embrassements.

    Alors quand cette idole eut abusé ma flamme,

     

    Elle me dit : Adieu, je m'en vais chez les morts,

    Comme tu t'es vanté d'avoir foutu* mon corps,

    Tu te pourras vanter d'avoir foutu mon âme. 

     

    ----

    *baisé, dans une autre traduction

  • A la fin, l'homme se resserre comme un bouton de rose

    medium_DSCN6051.JPGC'est l'après-midi. Un soleil magnifique et d'une douceur incroyable pour novembre inonde la chambre. Par la fenêtre grande ouverte, j'aperçois la montagne Basque. Ses yeux ne peuvent plus la voir. Nous sommes seuls tous les deux. Je caresse doucement sa main et son bras droits velus depuis de longues minutes de grand calme, tout en parcourant les titres du journal ouvert sur la couette. Soudain, il me demande si je pense qu'il en a encore pour trois ou quatre jours à vivre, ou bien un peu plus. Je luismedium_DSCN5989.JPG fais promettre un peu bêtement, avec une voix que je me reproche d'avoir à cet instant (façon infirmière : dans la dénégation punchy -pris au dépourvu, je ne trouve rien d'autre), de fêter Noël en famille, ici même, dans sa chambre! Son regard de vérité fait écho à un terrible silence. Pour faire diversion, je lui demande s’il veut écouter de la musique, car depuis que ma fille a eu la bonne idée d’installer une chaîne hi-fi près de son lit, Verdi, Puccini et Tino Rossi l’apaisent et le font même chantonner faiblement. Tu préfères écouter quoi ? Verdi ou Tino ? Il répond : la meilleure des musiques, en faisant le geste de porter un verre à sa bouche, pouce dressé comme un autostoppeur… Je suis stupéfait. Je vérifie : Tu veux quoi ? Il me dit : Du tariquet glacé. Cela fait quelque temps qu’il accompagne  sa douzaine d’huîtres quotidienne d’un verre de ce vin blanc sec du Gers. Décidé à ne rien lui refuser, je monte la bouteille et un verre. Il me demande de trinquer avec lui... Tchin-tchin. Il siffle medium_DSCN6050.3.JPGdeux verres, lui qui n'a jamais bu ni fumé. La meilleure des musiques… Désir de femme enceinte, d’aquoiboniste en partance, d’hédoniste encore et toujours du côté de la vie, jusqu’à la lie. L'hallali. La la lère...
    Grand corps malade retourne lentement vers l’enfance. Avec la mémoire comme un gruyère, les petits pots donnés à la cuiller. Mais une dernière énergie d'Enfer.
     
     
    Photos : Sans Litre, composition de verres © Marine Mazzella.

  • L'aube est (aussi) un genre littéraire

    "L'aube : genre et forme littéraire du moyen âge, est une poésie lyrique qui a pour thème la séparation de deux êtres qui s'aiment au point du jour . Accompagnée d'une mélodie savante, elle comporte 3 grands thèmes : séparation des amants à l'aube; chant des oiseaux et lever du soleil, intervention du guetteur qui interdit à tout importun de s'approcher et prévient les amants qu'avec l'aube vient la séparation." (wikipedia.org, portail Littérature / Poésie).