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British Bordeaux

Papier d'ambiance. Hier, samedi 23 mai, dans l’après-midi, au hasard des places et des rues piétonnes de Bordeaux…
(VSD m’avait envoyé spécialement couvrir le match des Girondins, car ils risquaient d’être sacrés champions de France à l’issue du match. Ils l’ont gagné mais dans le même temps, Marseille a gagné aussi, comme chacun sait : rendez-vous est par conséquent pris samedi prochain à Caen, pour Bordeaux).
C’était l’été. Comme à Paris aujourd’hui. Les terrasses, pourtant nombreuses et longues comme la marée basse à Arès, au fond du Bassin, étaient bondées comme une plage au mois d’août. Mais rien, nulle part, à l’exception de rares maillots du club marine et blanc, chiffrés Kia, portés par des supporters calmes (sauf aux abords du stade, dès 18h), ne laissait deviner l’enjeu national qui s’ourdissait dans tous les esprits comme un complot.
Prêter l’oreille nous convainquit que la fameuse retenue bordelaise et son british touch opéraient avec discrétion : on ne parlait que de ça, ici et là. Et si la plupart des conversations affectaient un tact local sur le mode rien n’est joué, une liesse communicative donnait à penser que le mot stress serait l’apanage du Rocher (Bordeaux affrontait Monaco). Et celui de confiance, le carburant girondin. Cette circonspection trahissait à peine un enthousiasme anticipé, dans l’évocation de cette nuit de mai 1999 qui vit s’embraser Lescure (le stade ne s’appelait pas encore Chaban-Delmas) et toute la ville, par contagion. Dix ans déjà…
Vendredi, le président des Girondins, Jean-Louis Triaud, que je devais interviewer une heure avant le match, lâchait un « cool » pour résumer la situation. British jusque dans le refroidissement des esprits d’une équipe prête à en découdre, assise sur trois coussins –ses points d’avance sur Marseille (74 contre 71). La tension, légitime, fut trahie par les propos fugaces et un brin inconsistants de l’entraineur Laurent Blanc, qui avait choisi le mode dénégation, pour tiédir l’atmosphère du point presse : « les joueurs n’y pensent pas ». Tu parles, coach !
A la veille d’une victoire qui aurait pu achever une saison splendide (10 victoires consécutives en championnat, des Girondins invaincus chez eux depuis le 7 octobre 2007, un troisième ticket en Ligue des champions : un millésime de garde), on évoquait, aux terrasses des bistros, les départs annoncés des stars : surtout ceux de Gourcuff et de Chamakh. Triaud me confia qu’il ferait tout pour garder une équipe cohérente, qui gagne et qui est dotée d’un esprit de groupe rare –comme on en rencontre au rugby…
A observer tant d’effervescence contenue, nous en étions à nous demander si Bordeaux n’était pas en train de vinifier, à l’ombre fraîche et salutaire de ses chais, un champagne maison qui aurait explosé dans le ventre du stade à l’issue du match. La fête ne fut pas au rendez-vous, malgré le but de la tête de Chamakh. Les Girondins peuvent cependant être champions samedi prochain pour la sixième fois.

La ville était donc tout foot, sans fanfaronner (bien lui en prit), comme Toulouse sait être tout rugby, version baroque.
N’était la coiffure à la Chamakh : crête de coq et côtés ras, arborée par de jeunes fans, il n’y avait aucun débordement dans les rues de la ville, dont la rumeur mezza voce allait sereinement à la rencontre d’un compte à rebours. Sans fièvre. A l’image de cette 37ème journée de la Ligue 1. C'est tout Bordeaux, ça.

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Lectures TGV. Les Onze, de Michon, sont décevants. Limite chiants. En revanche, Un an, d'Echenoz, c'est la littérature à l'état pur. Un grand bonheur de lecture, tandis que des paysages archi connus défilaient...

Commentaires

  • Salut Léon tout Echenoz est littérature à l'état pur, un phrasé, une sorte de jazz blanc, c'est le soleil de Minuit, depuis les débuts, un an, Les grandes blondes et comme tu le rappelais L'occupation de sols, concernant les onze, à lire le soir ou tôt le matin, mais viens de relire l'Empereur d'occident ou le roi du bois qui restent éminemment supérieurs, comme la grande beune ou d' autres...le " problème " avec Michon c'est cette manière un peu hautaine, entrevue dans Trois auteurs voire " le roi vient quand il veut'", qu'il a de se complaire dans le rôle du "grand écrivain" et qui mine de rien participe à son auto sanctification, mais bon ça reste Michon...le soir...ou tôt le matin quand le jour blanchit

  • Oui... Dans le Michon, je disais il y a peu, ici même, que tout est bon. Je rectifie : presque tout est bon. Il pontifie, avec ces "Onze", il fait style-genre costumes et langue d'époque, mais sans le talent du Quignard de "Tous les matins du monde", par exemple. Et comme j'aime lire Michon, j'éprouve de la déception. On dit que ce livre ('Les Onze", donc), est tendance. J'aurais du me méfier...
    Echenoz : je ne sais pas par lequel continuer, parmi les premiers que je n'ai pas encore lus : "Cherokee"? "L'Equipée malaise"? "Nous trois"? "Lac"?..

  • moi je te dirais de les lire tous, et de t'apercevoir sans mal qu'à ses débuts une certaine fascination pour le roman noir américain, Chester Himes, et un côté Manchettien dont il était assez proche, bref une écriture un peu moins " Blanche", mais je te dis ça, je suis assez fan de et peut-être pas assez critique sur ce coup-là...

  • Oui. J'ai déjà lu tous les autres, non cités, sauf son hommage à Jérôme Lindon : avec Echenoz, j'avance lentement et à rebours (je l'ai découvert fort tard : avec son Goncourt!). Son écriture très, très Minuit (à croire que les Viel, Gailly, Oster, etc se donnent "les mots") me plait de plus en plus. Son apparence froide recèle avec subtilité une grandeur d'âme, une chaleur singulière, qui distingue le sentiment de la sensibilité. Rare. Et prodigieusement "monté", cousu, tricoté, écrit. Très travaillé quoi, jusqu'à l'obtention de ce polissage de Compagnon qui efface sous le rabot toute trace, tout soupçon de sueur. La classe.

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