Le woodland de Gracq
A lire dans un nouveau magazine de Milan Presse, L'Esprit des LANDES, et dont le premier n° paraît, cette évocation par Julien Gracq de cette « province des arbres » qui le conduisait vers le bonheur. Voici donc le début de mon papier (la suite en kiosque!) :
La vie est faite de rencontres, de correspondances au sens baudelairien du terme : il arrive que la connivencia (qui partage avec le duende le talent de surgir quand ça lui chante), apparaisse au détour d’une discussion au sujet des Landes.
Pendant plus de vingt ans, j’ai eu la chance d’échanger (par lettres et de visu), avec le plus grand prosateur du XX ème siècle (s’il faut inscrire Gracq dans le temps). Au cours de nos conversations, avec la littérature pour sujet principal, Julien Gracq empruntait des chemins de traverse comme il le faisait au volant de sa 2 CV sur les routes de France. En scrutateur du paysage, en entomologiste de l’impression procurée par l’évocation d’un coin de nature, l’entrée d’un village, la lumière d’un couchant. Les deux volumes des Lettrines et les Carnets du grand chemin sont ses livres les plus précieux « sur le motif ». Dans le Sud-Ouest, nous savons qu’il n’aima guère Bordeaux. Des Pyrénées, il retint davantage Prats de Mollo, le Vallespir, que les sommets élancés. « Le Bassin d’Arcachon, me dit-il un jour, comme Noirmoutier et le Gois, je ne les aime pas à cause de ces étendues de sable à marée basse d’où émergent des pignots, des piquets, des barques échouées et des squelettes de bateaux qui m’évoquent un paysage d’après la débâcle. » Curieux de l’autre et soucieux de s’effacer, il me questionnait sur Bayonne, ses corridas (il gardait le bon souvenir d’une), bien que le Pays basque « l’ennuyait ». Les Landes avaient sa préférence : « Parlez-moi de vos barthes de l’Adour ! » Depuis la pièce où il recevait, à Saint-Florent-le-Vieil, et par la fenêtre de laquelle je voyais couler la Loire et devinais des paysages gracquiens, nous évoquions ces prairies humides, ces paysages des confins qui métissent les milieux, et où des eaux étroites se confondent avec une terre chevelue qui les boit. Des Landes, il aimait les odeurs de résine, « de liesse et de vacances », la lumière « jaune et fruitée ». La forêt surtout : « épaisse torpeur végétale », « cuirasse de sous-bois », comme une armée qui « desserre ses rangs vers le Sud »… L’écrivain traversa ce woodland avec gourmandise, via Sanguinet, Parentis, le Pays de Born, Lit-et-Mixe et, loin de le trouver monotone, s’en émut en géographe : « Jamais je ne l’ai prise (la route des Landes) sans être habité du sentiment profond d’aborder une pente heureuse, une longue glissade protégée, privilégiée, vers le bonheur »... ©L.M.
Commentaires
bien sûr je vais me précipiter sur ce nouveau magazine je pars pour Le Moun & ses fêtes dans une semaine http://annaorlova.blog.lemonde.fr/leo-nemo-leternite-roman-tome-zero-chapitre-vii/