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Haro sur les passions tristes!

L'Ethique, livre majeur de l'oeuvre de Baruch Spinoza, s'impose de jour en jour comme le livre essentiel. Signe : je le range à côté des Essais de Montaigne et de Socrate pêle-mêle (les dialogues divers de Platon). Gilles Deleuze, dont le Spinoza Philosophie pratique (Minuit) constitue, à mes yeux, un complément d'objet direct précieux de cette oeuvre, résume clairement la question des passions tristes, qui pourrissent la vie de l'être humain, quelle que soit sa confession, ou obédiance, soumission, adhésion... Depuis la naissance du premier monothéisme. Depuis l'invention du Politique. Depuis que le pouvoir existe. Donc, depuis longtemps, etc.

A propos de l'humoriste barbu au regard de cocker Arnaud Guillon, par exemple (et si je puis dire), cible privilégiée d'Eric Besson et, par voie de conséquence, de l'Elysée, et de la méthode géométrique selon Spinoza  : la satire, écrit le génial philosophe de la joie, du désir et de la puissance d'exister, c'est tout ce qui prend plaisir à l'impuissance et à la peine des hommes, tout ce qui exprime le mépris et la moquerie, tout ce qui se nourrit d'accusations, de malveillances, de dépréciations, d'interprétations basses, tout ce qui brise les âmes (le tyran a besoin d'âmes brisées, comme les âmes brisées, d'un tyran).

Car Spinoza, souligne Deleuze, ne cesse de dénoncer dans toute son oeuvre trois sortes de personnages : l'homme aux passions tristes; l'homme qui exploite ces passions tristes, qui a besoin d'elles pour asseoir son pouvoir; enfin, l'homme qui s'attriste sur la condition humaine et les passions de l'homme en général. L'esclave, le tyran et le prêtre...

Traité théologico-politique (car, en effet, il n'y a pas que L'Ethique dans l'oeuvre de S.), préface, extrait : Le grand secret du régime monarchique et son intérêt profond consistent à tromper les hommes, en travestissant du nom de religion la crainte dont on veut les tenir en bride; de sorte qu'ils combattent pour leur servitude comme s'il s'agissait de leur salut.

Deleuze : Le tyran a besoin de la tristesse des âmes pour réussir, tout comme les âmes tristes ont besoin d'un tyran pour subvenir et propager. Ce qui les unit, de toute manière, c'est la haine de la vie, le ressentiment contre la vie.

Au rang des passions tristes, Spinoza compte -énumère, même, dans cet ordre : la  tristesse, la haine, l'aversion, la moquerie, la crainte, le désespoir, le morsus conscientae, la pitié, l'indignation, l'envie, l'humilité, le repentir, l'abjection, la honte, le regret, la colère, la vengeance, la cruauté. (Ethique, III).

Spinoza oppose à cela la vraie cité, qui propose au citoyen l'amour de la liberté plutôt que l'espoir des récompenses ou même la sécurité des biens. Car, c'est aux esclaves, non aux hommes libres, qu'on donne des récompenses pour leur bonne conduite.

Donc, foin des passions tristes! Car, en écoutant Spinoza, et Nietzsche après lui (et les éclairages qu'en a donné Deleuze), il faut dénoncer toutes ces falsifications de la vie, toutes ces valeurs au nom desquelles nous déprécions la vie : nous ne vivons pas, nous ne menons qu'un semblant de vie, nous ne songeons qu'à éviter de mourir, et toute notre vie est un culte de la mort...

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Commentaires

  • A moi aussi l'éthique ça me gratte le cortex...Lectures et re salutaires...

  • Et té, un dernier pour la route!
    Deleuze : "L'Ethique" est nécessairement une éthique de la joie : seule la joie vaut, seule la joie demeure, nous rend proches de l'action, et de la béatitude de l'action. La passion triste est toujours de l'impuissance.

  • Notre grand philosophe Cantona, a dit lui: "Que l'identité Nationale française, c'est avant tout être un révolutionnaire. Parler Français, chanter la Marseillaise ou lire la lettre de guy Mocquet, c'est surtout être un peu con..."

    Peut-être un peu de Spinoza chez notre Canto!?

  • Sacré Eric! Je me souviens d'une interview de lui, réalisée pour L'Express, dans les vestiaires du stade de Lescure (devenu Chaban-Delmas) à Bordeaux : le news faisait une cover sur la psychanalyse et on m'avait missionné en me disant seulement : vois Canto, il en suit une!.. Ce type m'a bouleversé en me disant ceci : "ma vie a basculé lorsque j'ai lu "Ma vie" de C.G.Jung". Cantona!.. Mon papier a, du coup, bouleversé aussi pas mal d'idées reçues sur le gonze, le foot, les sportifs, la trilogie kro-pizza-écran... Donc, Pierrot, merci de ce rappel en forme de pied de nez aux intellos de tous bords, Besson Eric compris...

  • Des tyrans il peut y en avoir à tous les étages de notre société. On peut briser un enfant, une femme ou un homme dans l'entreprise. Pas facile d'être rebelle et de lutter pour être libre, exprimer tout haut ce qui vous révolte peut vous isoler, les autres ont peur, mais tant pis, rester digne est ce qui est le plus important, être en harmonie avec soi même n'a pas de prix. Toujours se méfier d'une dictature qui peut s'installer insidieusement, les actes peuvent paraître bénins mais peuvent se révéler terribles un jour, et nous serons muselés. Ce ne sont que des mots mais....Ceci dit Cantona est intéressant, ne serait ce que par sa liberté de parole.
    Si vous n'avez pas lu "Les heures souterraines" de Delphine de Vigan, lisez le
    un exemple de violence au sein de l'entreprise, entreprise de démolition d'un être humain. Ce n'est pas du Spinoza mais c'est bien écrit.

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