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KallyVasco - Page 15

  • Darroze, prénom Hélène

    Hélène est malade à l’automne, dans son restaurant de la rue d’Assas à Paris, ou au Connaught à Londres, dont elle dirige les cuisines une semaine sur deux (d’un mercredi à l’autre), car elle est loin des Landes et de leurs couleurs, de leurs parfums de sous-bois, de champignons, elle se sent loin des ambiances de palombière, où l’on rigole et ripaille avant tout. Ses Landes lui manquent plus que jamais à cette période de l’année, car elles la renvoient à son enfance, lorsqu’elle relevait les matoles à ortolans avec son père. Elle se souvient des sorties dans la vieille Peugeot blanche de son grand-père, pour aller cueillir les fraises des bois à Vielle-Soubiran, ou bien ramasser des asperges : « c’est l’odeur d’humidité, le journal mouillé sur lequel on les dépose, le « clac » quand on les cueille. » Hélène se rappelle des dimanches soir au restaurant familial de Villeneuve-de-Marsan, lorsque les chasseurs arrivaient avec des sangliers entiers qui la terrorisaient, et les producteurs qui passaient en semaine avec leurs cageots de cèpes et leur canards gras… (la suite du portrait d'Hélène Darroze, que j'ai donné à Maisons Sud-Ouest? -Au kiosque, té! ©L.M.)

  • Comme une poignée de mains

    Ce matin, lorsque j’ai ouvert les deux battants de la porte et que je suis sorti sur le seuil, un chevreuil a fui, le feu aux quatre pieds, en aboyant de surprise. À son passage, le givre qui avait recouvert d’un voile sucré les prairies alentour, crissa. Un soleil timide mais franc du rayon caressait le velours côtelé des vignes pelées, au-delà du fleuve et de la hêtraie…
    Les bûches qui ont dormi dehors sont congelées. Les braises les feront péter doucement, tandis que le café passera. Hier soir, ce sont des sarcelles qui sont passées en rasant l’étang voisin, alors que nous attaquions l’apéro dans le jardin, emmitouflés, avec un foie gras mi-cuit escorté d’un blanc de Cérons, pour changer. Puis, nous avons testé en famille une recette du bouquin d’Hélène, par envie de cèpes et de girolles. Il faut que j’appelle Catherine, tout à l’heure, pour qu’elle m’apporte quelques bocaux de cous farcis et l’irouléguy sans étiquette de son oncle. Un mail de Beñat vient de tomber : il confirme notre virée d’après-demain du côté d’Izotges, près de Riscle, pour saluer Gégé, et chiner un peu sur les marchés, car Beñat a besoin de décorer la grange qu’il a fini de retaper. Puis nous remonterons tranquillement vers l’île de Ré, juste pour les grandes marées, en faisant une halte à Bordeaux, histoire de remplir la malle de flacons. Sur la photo de l’an dernier, Pierrot et Manou, en waders, ont l’air de pingouins chez les scaphandriers, mais ils sont capables de ramasser des coques pour une équipe de rugby. Té, justement, le programme du Tournoi me tente avec Irlande-France, ou France-Galles… Mais j’aimerais mieux refaire le match Toulouse-Bayonne, avec des copains Toulousains et Bayonnais !.. Les autres pages du journal sont désespérantes : la crise mondiale grignote toujours plus de terrain et d’énergies. L’humour est en berne, la bonne humeur vagabonde, la croissance buissonnière et les profils, bas. La frilosité et le repli ne peuvent pas donner le change aux guerres et aux fléaux. Je plie le quotidien et le bazardes de dépit, dans le panier à petit bois et vieux papiers. Face au chaos, « Maisons Sud-Ouest » agira encore comme un rempart contre la déprime, un chasse-spleen inoxydable, une bouffée d’air pur, une poignée de mains. C’est une valeur sûre. ©L.M. (Edito de "Maisons Sud-Ouest" n°34, Hiver 2008/2009).

  • Manger romain

    Le repas-type du Romain (sous la Rome antique)
    Les orgies étaient l’exception qui confirmait une règle de frugalité et l’apanage d’une minorité de riches. La diététique était déjà une préoccupation.
    L’image d’Epinal nous renvoie un Romain oisif, occupé à des orgies perpétuelles, allongé, entouré de victuailles et de courtisanes. Cette image fausse nous renseigne quand même sur les menus d’exception de l’aristocratie romaine : cochonnaille, jambons, boudins, volailles, gibier, mouton, bœuf, poissons et crustacés, fruits, légumes divers. Amphores de vins, en général doux, voire sucrés et lourds.
    Le quotidien est autre dans la Rome antique. La frugalité est de rigueur, soit que la pauvreté force le Romain, soit qu’un souci de santé l’y pousse volontairement. Notons que l’ivrognerie comme la gourmandise excessive étaient condamnées. Au temps d’Apicius, gourmet célèbre sous l’Empire, la cuisine mêle fréquemment le sucré et le salé. Elle est riche en herbes, épices locales ou importées d’Orient : poivre, cumin, ail, thym, oignon, origan, persil, rue, menthe, gingembre, câpres, pignons de pin, laurier, silphium (ombellifère) et garum.
    Le garum, sorte de nuoc-mâm, est une macération au sel, d’intestins de thons et de maquereaux. Très répandu, il est l’indispensable condiment de chaque repas, notamment du soir.
    Trois repas rythment la journée du Romain. Le jentaculum, ou petit-déjeuner, est fait de pain, galette, ail, biscuits secs et sucrés. Le prandium, ou déjeuner, est rapide, souvent pris simplement avec du pain, des fruits, quelques olives. Le soir, la cena est le repas le plus important. Légumes, fruits, poissons, viandes le composent. Le pain est souvent aromatisé avec du pavot, de l’anis, du céleri. Le boulanger, pistor, apparaît dès le II ème siècle av. J .C. Le patissier, pistor dulciarius, prépare la classique placenta, à base de pâte de farine, miel, semoule et fromage.
    Le raffinement de la cuisine poussait l’inventivité à l’extrême : un ragout de langues de flamants roses, symbole du luxe, n’était préparé, par des cuisiniers privés, que dans les grandes familles romaines. Il existait des écoles de cuisine. Parmi les plats principaux, courants, il y avait la patina, ou patella, une sorte de flan à base de légumes, poissons et œufs. Les ofellae sont à base de morceaux de viandes en brochettes. Le minutal est une fricassée de poisson ou de viande avec des fruits. Le vin était consommé additionné d’eau, voire d’eau de mer, de miel, d’aromates divers, afin d’alléger son aspect sirupeux.
    L’art culinaire avait ses coquetteries : il s’agissait de transformer, de masquer, ou de rendre méconnaissable les produits d’origine. Faire passer un quartier de porc pour une volaille en le « sculptant » littéralement, donner à des tétines de truie –plat recherché, l’apparence d’un poisson… Le Romain pratiquait le gavage des coqs, et des oies dont il mangeait déjà le foie gras.
    Les femmes n’assistaient pas aux repas, habituellement. Les courtisanes accompagnaient en revanche les hommes. Mères de famille, épouses, enfants se tenaient donc à l’écart et dînaient ensemble. Les hommes prenaient volontiers leurs repas sur des lits. Le triclinium désignait trois lits à trois places, en fer à cheval autour d’une table. Neuf convives, le nombre des Muses, était un maximum. Debout, esclaves, serveurs composaient l’aréopage d’une certaine aristocratie.

    Un repas sous César
    Rapporté par Macrobe, voici un menu exceptionnel.
    Hors-d’œuvre : coquillages, fruits de mer, grives sur asperges, poules bouillies, marrons à la sauce d’huîtres et de moules. Vin doux.
    Poissons de mer, becfigues, filets de sanglier, pâtés de volaille et de gibier. Tétines de truie, têtes de porcs, ragoûts de poisson, de canard, de lièvre.Volailles rôties.
    Les desserts, sans doute variés de ce repas, sont inconnus.

    Deux Apicius
    Le premier vécut de –25 à 37. Il élaborait des recettes fort complexes. Homme raffiné, il n’hésitait pas à faire de longs et périlleux voyages pour en rapporter des denrées qu’il jugeait nécessaires à son art culinaire.
    Le second Apicius vécut au tout début de notre ère. Il s’est contenté de reprendre nombre de recettes de son illustre homonyme. Son fameux Traité de gastronomie date du Vème siècle. Il renferme un autre traité, riche d’enseignements ethnographiques sur les moeurs culinaires, et donc sur les mœurs tout court des Romains!

    © L.M., versus no light... sta serra.

  • La voix vraie de Bashung

    Alain Bashung à l'Elysée-Montmartre, hier soir. Un concert émouvant, un air de dernière tournée, une musique réglée à la perfection, et puis la gestuelle lente, bouleversante de Bashung, sa voix pure, profonde, vraie, intacte. Mais le chapeau, la peau... Beau à pleurer.

    http://www.deezer.com/track/1111764

     

  • Connaissez-vous Robert Alexis?

    Non... C'est un auteur discret, Lyonnais, publié par José Corti (rien de commun est la devise de l'éditeur de Gracq et de Bachelard). "La robe " (son premier roman), reparaît en format de poche (Points), et c'est un bijou cette robe, un bijou de moins de quatre-vingt dix pages. Austérité, rigueur militaire, libertinage, beauté italienne voluptueuse (façon Bellucci), un air de "Senso", le livre, un air de Visconti aussi -lorsqu'il adapte le texte de Camilo Boito, mais avec une économie janséniste des mots en cadeau sec. Une sorte de roman d'amour constat, mais pas froid. Et c'est la magie de ce petit bouquin : en apparence rebutant comme un réveil de chambrée de caserne, il se révèle, au fil des pages, aussi doux et érotique qu'une grasse matinée très très amoureuse. Fascinant!

  • pampatagonie

    Il est des livres, brefs et coupants, dont on ne se sépare jamais, même si notre oublieuse mémoire les néglige. Ainsi de Chaves, d'Eduardo Mallea, dont mon regard, ce matin, a surpris le dos. J'ai tiré l'ouvrage du rayon et relu certains passages annotés en première lecture. La Patagonie, le silence, l'âpreté, l'aridité des regards, des sentiments, des paysages, des traits taciturnes, des yeux brûlés à force de rester ouverts, une bouche rigide, des cheveux charbon, Chaves (pas de prénom) est un léopard nocturne sans voracité ni proies en tête, qui regarde les choses. Personne ne voit en lui un poète écorché. Il entre dans son univers de silences, s'écarte, mais sait tant écouter les autres. Surgit une femme providentielle nommée Pure. L'amour. Sauvage et beau. Naît une fille. Donc, rien que du banal... Mais dans la langue sèche de Mallea, les petits riens deviennent de l'or en pépites brutes. "Ainsi, la ferveur succédant à la crainte, s'écoulèrent sept années pendant lesquelles la vie les effleura sans s'appesantir, comme un avion frôlant le sol au décollage." Impassibilité, gravité, mutisme, autisme? Chaves, c'est la forteresse du vide. Et ça remplit; fort.

    (éd. autrement).

     

  • Le plaisir aristocratique de déplaire

    L’expression est de Dominique de Roux.

    Donc, à la fin de cette note, je me serai fait deux ennemis de plus… Me reviennent en effet une parole fraîche et un souvenir durable.

    La première : j’ai interviewé Ivan Levaï, cette semaine, qui ne s’est pas caché de son aversion pour Jean-Pierre Elkabbach, son tueur à Europe 1. « Il est né le dos courbé », me dit-il. Tour à tour giscardien, mitterrandien, chiraquien, sarkozyen (who’s next ?), toujours là tandis que Levaï s’est fait virer sans cesse : la gloire de Levaï, homme debout, sa fierté de grande gueule intègre. De Juif absolu et de libre penseur.

    Le souvenir, maintenant : je déjeunais avec Julien Gracq à « La Gabelle », en bas de chez lui à Saint-Florent, au bord de la Loire, à l’issue d’une matinée passée à parler littérature, dans son salon, et à feuilleter (quel cadeau ce fut!) les « grands papiers » somptueux des éditions originales et limitées de certains de ses livres, comme « Les Eaux étroites », « Un Balcon en forêt »... Soudain surgit François Bon avec sa famille. Il vit le Maître, se précipita stupéfait, interrompit notre conversation, notre repas. Sans un regard pour moi, il ploya son dos, fit une grotesque révérence, gestuelle et verbale. Gracq lui coupa net la parole, étendit un bras vers moi et dit, tranchant : « Je vous présente Léon Mazzella. » Soit personne, sauf son invité, ce jour-là de janvier. Le grand écrivain savait vivre (ô combien), il avait cette élégance dont beaucoup –que nous savons apprécier par ailleurs pour leur vérité (je lis Bon avec plaisir, lorsqu’il publie chez Minuit et chez Verdier)-, ne possèderont jamais…

  • en lisant, en bloguant

    Plusieurs personnes, cette semaine, m’ont affirmé tenir « Un bonheur parfait », de James Salter (Points) pour l'un de leurs romans préférés. Je l'ai commencé pour comprendre : ce bouquin vous happe avec son infinie douceur, il possède une voix de fée, en lui nous glissons comme avec Mozart, nous coulons –ou plutôt nous descendons une rivière en pirogue, sans être encore au courant de ce qui nous attend. Pour l'heure (les 70 premières pages) le plaisir est là, d'une simplicité inouïe, enviable, palpable. L'atmosphère est au rêve, mais les images du récit bien réelles. Nous sommes dans ce livre comme dans un grand lit, un dimanche matin, vers onze heures, avec notre amour enlacé, chaud, et l’avenir dessiné dans le ciel bleu par la fenêtre, en fines arabesques blanches... Donc, poursuivons.

    « Le quart », de Nikos Kavvadias (folio), roman-culte en Grèce, est un texte brut sur la vie de marin à bord d’un vieux cargo, une allégorie du désespoir et de la mélancolie. Les images sont crues, car à quai, les bars à putes sont sans poésie et à bord, la mer, intraitable. C’est du Conrad sans concessions ni enjoliveurs chromés à chaque chapitre. Ici, les ventilateurs, en tournant, torréfient le vide, par les hublots les aubes sont jaunes, et la lumière chétive, maladive, sent le phénol. Les marins ont beau se laver, ils sentent une odeur rance d’huile de poisson, de rouille et d’aqua forte… Puissant.

    Jean de Malestroit a bien connu Julien Gracq (Julien Gracq, quarante ans d'amitié 1967-2007). Voisin, viticulteur, il lui a rendu régulièrement visite à St-Florent-le-Vieil. Il nous livre le journal de ces rencontres. Ce livre, paru aux éditions Pascal Galodé (tiens ! le revoilà, celui-ci…), est un véritable document d’étude pour un thésard. Scrupuleusement consignées, les petits riens de l’existence du grand écrivain –dont on vient de disperser les biens personnels-, révèlent, au détour de certaines pages, des indices sur sa vie privée, qu’il tenait aussi secrète que le fond d'un coffre de banque helvète. Cependant, nous ne sommes pas dans les pages de « Voici », heureusement. Gracq y converse, donne son sentiment sur le monde qu’il habite et l’effraie souvent, sur la littérature surtout, ses lectures du moment, les flatteurs qui le courtisent, les classiques qui ne le déçoivent pas, et parfois, en effet, sur Nora Mitrani (la femme de sa vie ?..), sur sa sœur, l’Histoire, le temps qu’il fait… Précieux.

    Jean-Pierre Martinet, c’est noir comme du Bove et gai comme du Kafka. Mais c’est de la littérature à l’état pur. On le ressort ces jours-ci : « Jérôme » (Finitude), « Ceux qui n’en mènent pas large » (Le dilettante), « L’Ombre des forêts » (La Table ronde). Je me souviens de notre enthousiasme à le découvrir et à en parler –dans les années 1986-87-, dans les pages de « Sud-Ouest Dimanche », avec Pierre Veilletet, rédac’chef de ce journal dont j’étais le fier pigiste des pages Lettres. Martinet nous faisait l’effet des « Poulpes » de Raymond Guérin, du Journal d’Henri Calet, des nouvelles d’André de Richaud, des lettres de Joë Bousquet. J’ai repris « L’Ombre des forêts » et retrouvé cette émotion vive, dépouillée, cette écriture essentielle qui avance nue, fragilisée à l’extrême et qui se fraie quand même, incandescente mais discrète, une voie parmi les hommes… « J’ai essayé de peindre dans ce livre, disait Martinet à Alfred Eibel, des êtres au bout du rouleau, des infirmes du sentiment prisonniers de leur enfer intime, et qui, faute de pouvoir échanger des caresses, en sont réduits à échanger des coups ». Bouleversant.

    Le premier roman de Sophie Poirier, « La libraire a aimé » (Ana), est savamment construit sur une idée originale : un homme, Paul et une femme, Corinne, se retrouvent chaque jour à 19h30 à la terrasse d’un café pour parler des livres qu’ils lisent, en buvant du whisky. Peu à peu, elle devient secrètement amoureuse de Paul. Un jour, il n’est pas au rendez-vous. Elle s’aperçoit qu’elle ne sait rien de lui, même pas son adresse. L’angoisse s’installe. Elle part à sa recherche, jusqu’à New York (il m’a semblé que nous laissions Bordeaux), croise Paul Auster, interroge l’oncle de Paul –Franck, appelé Vladimir. Corinne erre mais ne désespère jamais. Je ne vous dirai évidemment pas si elle échoue à retrouver son lecteur de 19h30 ! Mais le ton, la subtilité des dialogues, une sècheresse durassienne, la sincérité qui se dégage de chacun des courts chapitres de ce petit livre, le rendent attachant comme une ficelle tressée au poignet… Prometteur.

    J’achèverai ce résumé des lectures de la semaine en épinglant une mention spéciale aux maillots de Christian Jean et Thomas Bianchin, qui publient « Ruck’n’roll » (éd. Cielstudio) : une déclaration d’amour au rugby, à l’âme de ce sport plus humain que l’humanité, plus généreux et noble qu’une anthologie de la Bible, car le rugby applique le texte, lui. Textes sensibles, photos émouvantes, se font des passes croisées qui portent toutes en elles le souci de la transmission et de la beauté du don pour rien, ou si ! du don pour que ça continue, et qu’importe le but. C’est dans une sorte de traité de savoir-vivre que ce beau-livre nous entraîne, via le sujet rugby, lequel en vaut beaucoup d’autres… Philosophique.

  • Lilith

     


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    "Parfum de Gitane" (Barzakh) in Vague, d'Anouar Brahem

    Lilith, Cœur double, de Marcel Schwob, extrait : « Alors il aima Lilith, la première femme d’Adam, qui ne fut pas créée de l’homme. Elle ne fut pas faite de terre rouge, comme Ève, mais de matière inhumaine ; elle avait été semblable au serpent, et ce fut elle qui tenta le serpent pour tenter les autres. Il lui parut qu’elle était plus vraiment femme, et la première, de sorte que la fille du Nord qu’il aima finalement dans cette vie, et qu’il épousa, il lui donna le nom de Lilith. Mais c’était un pur caprice d’artiste ; elle était semblable à ces figures préraphaélites qu’il faisait revivre sur ses toiles. Elle avait les yeux de la couleur du ciel, et sa longue chevelure blonde était lumineuse comme celle de Bérénice, qui, depuis qu’elle l’offrit aux dieux, est épandue dans le firmament. Sa voix avait le doux son des choses qui sont près de se briser ; tous ses gestes étaient tendres comme des lissements de plumes ; et si souvent elle avait l’air d’appartenir à un monde diffèrent de celui d’ici-bas qu’il la regardait comme une vision ».

  • encore

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    The man who sold the world, in Unplugged in New York, Nirvana.

     

    "Résonances. Cette chambre d'hôtel a ta voix, tes reins, tes pas et ton agacement matinal. Résidence provisoire de notre amour. Le silence qui a suivi ton départ referme sur moi son étourdissement serein. Ses traces sont des sillons d'évidence.

    La nuit souveraine déplie l'étrange jusqu'au coeur des corps, dénoue la douleur fil à fil, renoue nos regards nus, emboîte notre chance unique jusqu'au matin magicien.

    L'amour dépose ses auréoles sur les draps pour sanctifier nos nuits. En eux, je me sens chaud de toi.
    Fondre, se refondre dans ce lit défait où tes beautés dardantes laissent des traces profondes en s'élevant vers le soleil."

    ©L.M. Première page de : "Je l'aime encore", éd. Abacus, 1995.

    Peinture : © EKAT

  • cuccuruccucu


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    juste pour le plaisir de fermer les yeux et de retrouver le souvenir de cette scène, dans le film d'Almodovar, le travelling, la déco et l'emocion un poil bobo (on pardonne), ce pourquoi le son seul, comme au bon vieux temps du poste à galène, est ici offert sans le recours à l'image, cette mère maquerelle de notre mémoire, cette paresseuse qui envoûte notre bonne volonté, cette économiseuse de nos regards aigus...

  • Chasse-spleen


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    Gimme Shelter, by Patti Smith

    Il y a des chasse-spleen, comme çà, qui se lisent et ne se boivent pas, quoique la lecture... J'ai eu Cioran, longtemps, pour vitamine C. Il vivifiait la noirceur (- + - = + !). L'homéopathie agissait comme un onguent. Les Pensées de Flaubert et le Journal de Jules Renard ont ce pouvoir voisin de la douleur, de diffuser du bonheur comme du parfum à l'intérieur de soi. Ce sont des piqûres sur nos fesses d'enfant : l'appréhension, la frousse, puis l'étonnement du même-pas-mal. Enfin, le soupir de soulagement, parfois un hoquet d'émotion et des yeux enlarmés qui sourient large. Une sorte de fading...

    Great Gustave :

    "Sans cesse l'antithèse se dresse devant mes yeux. Je n'ai jamais vu un enfant sans penser qu'il deviendrait vieillard, un berceau sans songer à une tombe. La contemplation d'une femme nue me fait rêver à son squelette. C'est ce qui fait que les spectacles joyeux me rendent triste et que les spectacles tristes m'affectent peu. Je pleure trop en dedans pour verser des larmes au dehors; une lecture m'émeut plus qu'un malheur réel."

    "Quand une fois on a baisé un cadavre au front, il vous en reste toujours sur les lèvres quelque chose, une amertume infinie, un arrière-goût de néant que rien n'efface."

    "Le seul moyen de supporter l'existence, c'est de s'étourdir dans la littérature comme dans une orgie perpétuelle. Le vin de l'art cause une longue ivresse, et il est inépuisable. C'est de penser à soi qui rend malheureux."

     

  • Le gai savoir

    182. "Dans la solitude. Quand on vit seul, on ne parle pas trop haut, on n'écrit pas non plus trop haut : on craint l'écho, le vide de l'écho, la critique de la nymphe Echo. La solitude modifie toutes les voix". Nietzsche.

    Et la voix, c'est ce que nous avons de moins charnel; c'est presque l'âme.

    Ecrire l'âme. Décrire la voix, le moins que charnel; l'écho, la nymphe. La lymphe, l'éther de la voix, l'êtor, la femme de soie, cette brume matinale qui disparaît, timide, aux premières blessures du jour. Le sang noir, la nuit, l'aube à la fin. Qui résoud et recoud les âmes entre elles. Non?..

  • Foie gras, suite

    Dans une note du 6 novembre, j'annonçais la victoire d'ED L'Epicier, au banc d'essai foies gras effectué récemment. En réalité (le magazine Régal est arrivé ce matin au courrier avec le papier correspondant), c'est Dupérier* qui l'a emporté. ED est second et a eu, en prime, le coup de coeur du jury. Son rapport qualité/prix semble imbattable. Hediard est avant-dernier.

    *Foie gras de canard entier des Landes mi-cuit (IGP). 53€ / 550g.

  • Un regard chargé d'envie...

    ...est plus dangereux qu'un fusil chargé de plomb. Proverbe napolitain.


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    Antonio Vivaldi, Dixit Dominus (final) : Sicut erat in principio (Jean-Claude Malgoire, dir. et l'English Bach Festival Orchestra). Pour Alina...

     

    Et l'extrait qui suit est chargé d'érotisme comme un canon de 75 mm : jusqu'à la gueule. Comme quoi, suggérer sera toujours la cime.

    (Deux phrases-phares, avant : Ne pas tout dire mais suggérer. Philippe Jaccottet. L'imperfection est la cime. Yves Bonnefoy.)

    "A Megara on met encore des oeillets aux balcons, et les femmes portent des robes longues; c'est pour cette raison que la simple vision d'une cheville fait littéralement trembler les jeunes gens. Mais ceci arrive rarement, car elles sont prudentes et surveillées; et elles se surveillent elles-mêmes; et s'il pleut, elles préfèrent rentrer à la maison avec l'ourlet de leur robe maculé de boue que d'avoir les bas mordus par des regards chauds comme des baisers." Giuseppe Antonio Borgese, Les Belles (Gallimard).

     

  • San Pietro


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    Ciaccona, de Kapsberger (1640), in : Libro Quarto D'intavolatura Di Chitarone, par Rolf Lislevand (luth).

    Ernst Jünger écrivit une plaquette sur San Pietro, « l'Île » (Sarde) par excellence selon lui, ou il assista, notamment, à une matanza (pêche -radicale et sans issue- au thon rouge) qui le marqua à jamais. Et une pêche à l'espadon, décrite dans ce petit livre précieux.

    Il y est aussi question de l'essentiel du voyageur. Un air de Nicolas Bouvier flotte à la surface du texte magnifique de Jünger, à la manière de la peau du lait à la surface d’un bol chaud. On aime la crème ou on ne l'aime pas. Avant de livrer quelques mots de San Pietro (suivi de Serpentara, précieuse plaquette parue à La Délirante -je me souviens d'une conversation avec le poète Fouad-El-Etr, qui dirige ces éditions, à propos de Jünger, avant de lui acheter ce livre, il y a sept ans, au « Marché de la Poésie » annuel de la Place St-Sulpice, à Paris : émouvante, simple et dénuée d'atours : nul ne tentait de prouver quoi que ce soit à l'autre ; cela devient si rare!), et bien que cela n’ait aucun rapport, le vin de Sauternes, château Gilette 1955, Crème de tête, bu avec mes enfants et quelques fidèles, samedi dernier, en guise de dessert et accompagné juste de la voix de Catpower, dépassait, d’au moins trois franches coudées, tous les opéras italiens et les paysages givrés, d’aube de l’humanité, grâce à ses flaveurs de melon glacé, de confiture de pastèque, de foie gras poivré, de tarte à la rhubarbe, et aussi, oui ! de baies croquantes quoique flétries, de raisin surmûri, gavées de soleil et de brouillards matinaux. Un très grand moment…

    Donc, de Jünger, cet extrait, comme on arrache une dent à la Vénus de Milo (sans gloire, car comment pourrait-elle se défendre ?..) : « Tout voyage doit inclure le pèlerinage au sens ancien du terme. Sinon, il ne reste qu’une accumulation d’images avec lesquelles le promeneur remplit son for intérieur, comme un album avec des cartes, mais cela reste plutôt nuisible, car le moi est dispersé. N’avons-nous pas souvent l’évidence d’une médiocre chasse aux images avec ces voyageurs qui, de spectateurs en éveil, se transforment en preneurs de clichés photographiques, et traversent le monde en aveugles ?  (…) Il n’y a qu’un voyage, le voyage de la vie, et chaque déplacement dans ce monde en est un des segments. Le but de chaque journée est à l’image du but de la vie, et devrait être un pilgrim’s progress. Sinon, nous avons fait un mouvement raté, inutile, nous multiplions le nombre des rotations vaines. »
    Je comprends –tout à trac-, pourquoi Gracq fut le grand ami de Jünger. Il y a là, concentrée, l’acuité d’un regard (porté) sur le monde (in)actuel, que les deux grands écrivains partageaient.

  • Grippe aviaire

    Je viens de fouiller dans les archives de mars 2006 de ce blog. J'exhume cette chronique que j'avais donnée à Métro, parce qu'on n'entend plus trop parler de ce virus, qui doit continuer de cheminer tranquillou...




    Lettre ouverte au canard sauvage

    Mon canard,

    Voilà des années que je n’aime rien comme aller t’observer, toi et tes nombreux congénères, sur les étangs et dans les marais du monde. Aujourd’hui, le regard que l’on te porte change. Tu n’es plus un enfant du Bon Dieu, ni un oiseau de bon augure. Ta liberté de traverser les ciels d’Europe a du plomb dans l’aile. Toi le migrateur, l’oiseau qui court après le soleil et devance le froid, traverse les pays sages et les pays en guerre, à la recherche de zones humides accueillantes, te voilà pestiféré. Si nous le pouvions, nous t’assignerions à résidence. Et nous déciderions de ton éradication. Tes migrations nocturnes colportent le mal. Pire : avec toi, c’est le sauvage qui contamine le domestique, et le nomade qui frappe le sédentaire. Au-delà du virus de la grippe aviaire que tu transportes à ton corps défendant, c’est le tort suprême qui est dans tes plumes : le virus de la liberté. Celle de ne te fixer nulle part et d’aller où bon te semble, en te méfiant constamment des prédateurs. On te regarde d’un œil torve et jaloux. Mon canard, tu es un paria, un déviant. Ta liberté dérange. L’errant a toujours mis mal à l’aise le claquemuré. Aujourd’hui, au lieu de continuer d’être représenté par les peintres animaliers et d’être préparé à l’orange, on se méfie de toi comme du Malin. Une nouvelle chasse a commencé dans l’esprit des humains, qui s’enfoncent plus profondément dans l’ère du soupçon. Ton faciès, d’admirable, est désormais redoutable. Alors réjouis-toi, mon canard ! Saisis cette chance d’inspirer la crainte, de faire renaître des peurs anciennes. T’approcher effraie ! Avant qu’il ne t’emporte un jour, ce virus te protège, puisqu’il te maintient à distance des grands prédateurs qui vivent debout. Et je vais te donner un conseil, mon canard : passe plus haut. Vole au-dessus des nuages. Evite les mares domestiques, même si tu as envie de fricoter avec le canard gras. Ne pense plus aux marécages périurbains. Préfère leur les marais immenses et inhospitaliers, où le danger s’annonce de loin. Ainsi chacun retrouvera la paix. Tu as été conçu pour rester libre. Sauvage et libre. Je respecterai toujours en toi le modèle de nomadisme qui te définit. Et quand ce satané virus t’emportera, j’irai raconter aux oies et aux cygnes des jardins publics, ainsi qu’aux canards à foie gras d’ici et là, le poète du ciel et des marais que tu fus. A présent échappe-toi, mon canard, le jour va se lever. Va, va !

    Léon Mazzella.
    Journaliste et écrivain (dernier livre paru : « Flamenca », roman, La table ronde).
    Tribune parue dans Metro du 17 mars 2006

  • Merci Sagesse

    "Elle aspira de l'éther, sourit au doux froid qui entrait. O le petit salon du premier soir, son petit salon qu'elle avait voulu lui montrer tout de suite, après le Ritz. Debout devant la fenêtre ouverte, ils avaient respiré la nuit d'étoiles, avaient écouté le remuement des feuilles dans les arbres, murmures de leur amour. Toujours, elle lui avait dit. Ensuite, le choral qu'elle avait joué pour lui. Ensuite, le sofa, les baisers, premiers vrais baisers de sa vie. Ta femme, elle lui disait à chaque arrêt et reprise de souffle. Infatigables, ls s'annoncaient qu'ils s'aimaient, puis riaient de bonheur, puis unissaient leurs bouches, puis se détachaient pour infiniment s'annoncer la merveilleuse nouvelle. Et maintenant, maintenant." (Belle du Seigneur, d'Albert Cohen, of course)

  • Goncourt

    Le bref et aéré roman de l'Afghan Atiq Rahimi, Syngué sabour (Pierre de patience), P.O.L, écrit directement en Français, est superbe, poétique, violent et tendre, bouleversant. L'abandon, l'amour, les dégâts du Coran sur le couple, l'abnégation de la femme, la douleur, la guerre, les secrets, la délivrance... Tout cela est dit sèchement, comme un feu qui craque. Rahimi écrit sans gras. Avec un regard  peut-être trop cinématographique (il a adapté lui-même au grand écran Terre et cendres, son premier livre) et pas assez littéraire : on a l'impression de lire des plans, un scénario, à certainses pages, et pas d'être embarqué par le souffle d'une histoire... Bon, en même temps, ce n'est pas un livre inoubliable : je l'ai repris, feuilleté, et j'ai pensé qu'il était apparu comme le moins mauvais des quatre en lice. Les Goncourt ont donc été bien inspirés. C'est rare... Une phrase, une seule, du livre : "Ma tante n'a pas tort de dire que ceux qui ne savent pas faire l'amour, font la guerre." A la relecture, il lui manque de l'épaisseur, au sens romanesque du terme.

    Je n'ai pas lu le Renaudot, du Guinéen Monémembo. Et vous?

    (C'est amusant, en discutant de ces deux lauréats avec des amis, la réflexion sur "l'effet Obama" est revenue dans la discussion. Qu'en pensez-vous?).

  • Pluralisme et émancipation

    Le pluralisme en littérature gagne du terrain et c’est salutaire. Chaque année, un petit éditeur  tire les marrons du feu : Zulma cette année (bravo à l’ami Serge, qui copilote l’affaire !) avec Blas de Roblès (Là où les tigres sont chez eux), du Rouergue avec Gallay (Les Déferlantes) depuis l’été, Sabine Wespieser avec  Michèle Lesbre (Le Canapé rouge) l’an passé, le dilettante il y a quelques années avec le premier Gavalda, L’Aube avec XingJiang (un Nobel chez un micro-éditeur !), etc. Il y a peu encore, d'aucuns pensaient qu'un petit éditeur n'avait aucune chance d'avoir un grand prix littéraire. Les raisons de tout cela ? Le triumvirat « galligrasseuil » a vécu, le lecteur s’est émancipé, qui ne regarde plus l’habit mais renifle le moine, il se fiche du logo, écoute son libraire aussi, qui peut faire du bon boulot. Le bouche-à-oreille supplante la presse spécialisée, dont la crédibilité est en chute libre. Le lecteur n’aime pas qu’on le prenne pour un con. Il construit son jugement lui-même et a appris à faire passer. Les feux de poudre Gallay et Barbéry (là, j’oublie l’éditeur, qui ne semble pas être à l’origine du succès, en dépit de la confiance que l’on peut, encore, avoir en Gallimard), en sont deux exemples. Ce sont des bols d’air dans un système vérolé par les connexions et les petits arrangements.

  • Qui?

    2110 pages de ce blog feuilletées ou lues hier, dont plus de la moitié à 11 heures. Zéro commentaire de la part d'à peine une centaine de visiteurs uniques. Je ne sais pas qui ils sont, qui vous êtes, si vous repassez par là. Mais je m'étonne à chaque fois de cette absence de réactivité. Moi qui pensais qu'un blog était avant tout un lieu d'échange, je m'aperçois que c'est un champ de fleurs sauvages et d'herbes folles où l'on cueille au gré... "Servez-vous".

  • Ed foies gras

    Banc d'essai foies gras l’autre matin pour le magazine Régal au restaurant basco-landais Afaria du jeune et brillant Julien Duboué (lire par ailleurs sur ce chef). A la surprise générale, des 8 foies dégustés à l'aveugle, celui qui s'en sort le mieux est le foie gras que l'on trouve chez ED, l'épicier le moins cher... Fabriqué par Delpeyrat (une bonne maison), il se distingue aussi bien pour son aspect, son nez que pour son goût. Celui qui fut dans les choux est vendu chez Hédiard. Cher et très déçevant. Comme quoi... La Comtesse Dubarry ne s'en sort pas trop mal, mais le prix de son foie est prohibitif. Certains autres, de fabrication artisanale -par égard, pudeur et respect, nous ne les citerons pas-, vendus par Internet, s’en sortent à peine, par derrière, sur la pointe des pieds. Régal ! En période de crise, savoir qu’un bon foie gras est abordable, c’est cadeau. Faites passer!

  • Zweig, Obama et la perruche à collier


    podcast

    Lhasa, La marée haute (The living road)

    La nouvelle inédite de Zweig, Le voyage dans le passé, déjà évoquée ici (splendide de délicatesse et de pudeur, dans ces retrouvailles de deux amoureux qui, malgré une séparation de neuf années et en dépit de la vie -une famille fondée par résignation, une tentative d'oubli iréciproque-,  des thèmes chers à l'auteur de Lettre d'une inconnue, retrouvent leurs sentiments intacts), avait pour titre originel La résistance de la réalité. Grasset aurait été mieux inspiré de le garder.

    A propos d'Obama, cette phrase d'une étudiante française d'origine camerounaise, citée par "Le Monde", résume à mes yeux le souffle qui caresse les continents depuis le 4 : "Jusqu'à hier, je ne mettais pas ma photo sur mes CV. Maintenant, je pense que je vais le faire. Je suis super fière d'être métisse aujourd'hui." Gageons juste que ce souffle ne se transforme pas, ici ou là, en vent arrogant et vengeur. La fierté se mettrait à singer ce contre quoi elle a si longtemps combattu.

    Enfin, la perruche à collier envahit les capitales européennes, car elle est homophile, comme la tourterelle turque, qui partit elle aussi à la conquête de nos parcs et jardins il y a plusieurs décennies. Le réchauffement climatique en est la cause. C'est sympathique, mais inquiétant, cette tiédeur qui bouleverse la migration et l'ensemble des comportements du monde animal. (Quant aux ours blancs, ils ne savent plus où se planquer, car la banquise fond et "la" Palin revient).

    Le rapport entre tout cela? Lorsque la réalité résiste, elle s'adapte avec effort mais sans douleur. La perruche à collier chante, à la cime des arbres fruitiers d'Europe. Et la beauté du métis demeure, je crois, ce qu'il y a de plus formidable au monde.

    L'espèce humaine et notre planète cabossée ont encore de beaux jours devant eux, va!..

  • aquitaineonline

    http://www.aquitaineonline.com/culture-livres-musique/livres-cursives/leon-mazella-philosophie-intime-du-sud-ouest-08083101.html

    La surprise du petit-déjeuner (merci Caroline et Olivier!).

    Impossible de coller un lien dans la colonne de gauche (revue de presse), qui n'accepte que des fichiers. Désolé.

     

  • Inven-terre

    Affligeant. Le 12 novembre prochain, deux commissaires-priseurs, Couton & Veyrac, procèderont à la dispersion du mobilier et des objets personnels de la "succession Julien Gracq", lors d'une vente aux enchères qui se tiendra à Nantes. "L'impression de violer l'intimité de cet intraitable discret", commente avec amertume Pierre Assouline sur son blog (La république des livres). Nous partageons ce sentiment. Pour avoir vu ces objets (peintures, bibelots, télé...), m'être assis dans l'un de ces fauteuils, lors de mes précieuses visites au grand écrivain, je ressens par avance le vide abyssal de la maison du n°3 de la rue du Grenier-à-Sel, à St-Florent-le-Vieil. Et j'entends Gracq évoquer ces paysages dévastés, d'après la débâcle...

  • Défense et illustration

    Certains jours, j'ai envie de créer une association de défense et illustration de quelques produits méconnus, négligés : le lard de Colonnata, la crème de marrons, des coquillages : les bulôts, les percebes (pousse-pieds), les navajas (couteaux), les boulettes, les oreillettes ... Vous en avez bien un ou deux en tête. On allonge la liste ensemble?..

  • Maisons Sud-Ouest spécial Goûts & Saveurs

    Dans la dernière livraison de ce magazine, paru aujourd'hui, je donne les cinq meilleures adresses de Pintxos (bars à tapas) du moment, à San Sebastian. Les gambas de Goiz Argi (en face du restaurant de Martin Berasategui, l'un des meilleurs chefs d'Espagne), rue Fermin Calbeton, valent à elles-seules le déplacement. C'est mon fils, plutôt gueule, qui me les fit découvrir en juillet dernier.

    Par ailleurs, six grands chefs du grand Sud-Ouest, comme Michel Sarran à Toulouse, Jean-Claude Tellechea à Bayonne ou encore Johan Leclerre à Aytré, m'ont parlé de leur mentor. Le plus souvent, c'est l'un de leurs proches parents. Et livrent leur recette fétiche.

    Le numéro, riche en adresses de bons vins, ouvre avec Michel Bras.
    En kiosque.

  • goûté

    Le merlu épais, juteux, à l'ail grillé et au vinaigre (à l'Espagnole) de Txotx, au bord de la Nive à Bayonne.

    Les chipirons du Paseo Café, à La Chambre d'Amour (Anglet).

    Le foie de veau à la Vénitienne et sa polenta "al salto" de Laura (Nonna Inès, rue de l'Arbalète à Paris). –Penser à y retourner pour le risotto à la truffe blanche et aux écrevisses.

    Les trois oeufs de poule mi-cuits, émulsion de truffe noire, et le tournedos de veau en croûte de châtaignes de Romain Brard (Le Genty Magre, à Toulouse).

    L'Oreiller de la belle Aurore (terrine de gibier à poil), un clin d'oeil à Brillat-Savarin et à son épouse Aurore, de L'épigramme, quartier St-Germain à Paris.

    Le tablier de sapeur, et la tête de veau au Resto de Caro, un Bouchon Lyonnais à Valence, ont égayé mes repas de ces derniers jours.

    Des adresses recommandables.

    Et puis il y a ce formidable menu découverte (19€ à peine) de Xato, nouveau restaurant Espagnol, dans le Marais à Paris (avec un superbe merluza en salsa verde aux pois gourmands et petits pois). Maria José Aznar a appris le métier chez Ferran Adria, notamment. Il y a pire comme mentor. Frêle, timide, en France depuis deux ans à peine, elle propose une cuisine qui a bercé son enfance Valenciana : les arroz, les rougets, les mariscos, les boquerones, les légumes de la Huerta, les volailles, la mojama. Son gaspacho andaluz est délicieux. Elle aime cuisiner à la plancha. J’y retournerai pour son arroz negro con chipirones, histoire de le comparer à celui d’Alberto Herraiz (El Fogon), qui est grand.

    Ca donne faim, hein?..

  • Hausse d'épris

    Nietzsche à propos des Essais de Montaigne : La joie de vivre sur terre en a été augmentée.

    C'est magnifique. Cela me rend heureux, ce soir, en rentrant, malgré la nuit qui tombe vraiment trop tôt, vous ne trouvez pas? Té! Alphonse Allais, pour l'escalier : La nuit tombait. Je la ramassai...

  • La lumière de leur nuit

    J'ai écrit ceci dans une nouvelle, Morbidezza (elle ouvre Les Bonheurs de l'aube, La Table ronde) : Un fils ne pense jamais qu'un jour il fermera les yeux de sa mère, qu'il donnera la nuit à celle qui lui a donné le jour... Je venais de le faire. Ce soir, je tombe sur cette phrase d'Edmond Rostand, extraite de C'est dans la nuit qu'on croit à la lumière, citée par Boris Cyrulnik (dans Parler d'amour au bord du gouffre, Odile Jacob) : Il a cru à la lumière parce qu'il était dans la nuit. Moi qui vivais en plein jour, je n'avais rien su voir. Soyons vigilants. Surtout avec nos amis, nos proches. Imitons la lionne, qui dort toujours d'un oeil. La générosité, le partage, sont à la portée de notre attention. Ils n'en demandent souvent pas davantage. Le soutien, l'aide, l'accompagnement, le fortifiant intérieur, le turbo mental, tout cet attirail précieux, nous le possédons tous, mais nous le gâchons par paresse, négligence. Je ne veux pas tenir l'égoïsme pour responsable de l'obsolescence de ce merveilleux outillage, bien que la vie m'ait parfois démontré le contraire. (Ces aveugles-là sont riches sur la forme, mais pauvres, au fond. Ils ne sauront jamais voir, qu'eux. J'ai fini par les mépriser). Alors quand un pote est dans la merde, stoppez tout et allez-y. C'est l'essentiel de votre vie. Et de la sienne, à ce moment-là. (Faites passer).

  • un inédit de Zweig

    C'est le cadeau de Grasset, en ce début de novembre : un inédit de Stefan Zweig, Le Voyage dans le passé.

    Page 28, cet apéritif : Dès leur première rencontre, il l'avait aimée, mais ce sentiment, qui le submergeait jusque dans ses rêves, avait beau être une passion absolue, il lui manquait néanmoins l'événement décisif qui viendrait l'ébranler, c'est-à-dire la claire prise de conscience que ce qu'il recouvrait, se dupant lui-même, du nom d'admiration, de respect et d'attachement,  était pleinement de l'amour, un amour fanatique, une passion effrenée, absolue...

    Page 29 : Cependant l'amour ne devient vraiment lui-même qu'à partir du moment où il cesse de flotter, douloureux et sombre, comme un embryon, à l'intérieur du corps, et qu'il ose se nommer, s'avouer du souffle et des lèvres.

  • mamoon

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    Elle se répand dans ma vie
    comme un air impregné de sel...
    (Baudelaire, Hymne)

    La nuit, autour d'elle, était si lourde de sensualité, qu'elle s'en enveloppa comme d'un manteau pour fuir à toutes jambes vers l'avenir, en imaginant tous les moyens possibles de forcer Dick à l'embrasser...
    (Fitzgerald, Tendre est la nuit)

  • Exil (Hugo)

    Les Equateurs ont la belle idée de reprendre, dans l'élégante collection Parallèles, "Ce que c'est que l'exil", de Victor Hugo. Un texte bref, magnifique, concis et sans concession.
    Extraits en guise de tapas : Chapitre I : "Quand ils dépouillent et découronnent le droit, les hommes de violence et les traîtres d'Etat ne savent ce qu'ils font." (...) Chapitre II :  " L'exil, c'est la nudité du droit. Rien de plus terrible. Pour qui? Pour celui qui subit l'exil? Non, pour celui qui l'inflige. Le supplice se retourne et mord le bourreau." (...) Vous exilez un homme. Soit. Et après? Vous pouvez arracher un arbre de ses racines, vous n'arracherez pas le jour du ciel. Demain, l'aurore." (...) "Un homme tellement ruiné qu'il n'a plus que son honneur, tellement dépouillé qu'il n'a plus que sa conscience, tellement isolé qu'il n'a plus près de lui que l'équité, tellement renié qu'il n'a plus avec lui que la vérité, tellement jeté aux ténèbres qu'il ne lui reste plus que le soleil, voilà ce que c'est qu'un proscrit." (...) Chapitre III : "Guernesey est faite pour ne laisser au proscrit que de bons souvenirs; mais l'exil existe en dehors du lieu d'exil. Au point de vue intérieur, on peut dire : il n'y a pas de bel exil. L'exil est le pays sévère; là tout est renversé, inhabitable, démoli et gisant, hors le devoir, seul debout, qui, comme un clocher d'église dans une ville écroulée, paraît plus haut de toute cette chute autour de lui. L'exil est un lieu de châtiment. De qui? Du tyran. Mais le tyran se défend..."

  • Dire tant qu'il est temps

    Mais l'enveloppe était vide et, comme les feuilles elles-mêmes, elle ne portait ni adresse d'expéditeur, ni signature. "C'est étrange", pensa-t-il, et il reprit les feuilles. Comme épigraphe ou comme titre, le haut de la première page portait ces mots : A toi qui ne m'a jamais connue. Il s'arrêta étonné. S'agissait-il de lui? S'agissait-il d'un être imaginaire? Sa curiosité s'éveilla et il se mit à lire.

    Zweig, Lettre d'une inconnue

  • Les Shorts de B.J.

    9782758801405.pngBenoît Jeantet -célèbre blogueur souvent présent, ici-, signe « Short Stories » (Atlantica), un bouquet de portraits, « une poignée d'historiettes » élégantes, qui rappellent Kléber Haedens lorsqu'il ovalisait. Vingt textes (préfacés par Richard Escot –on reste en famille), qui disent tous que le rugby réunit et invente une morale, que les hommes qui y touchent ont le regard plus franc qu'ailleurs, car « au café des sports et de l'amitié », écrit l'auteur, « il expliqua pendant des heures sa passion dévorante pour ce jeu, où chaque équipe passait à ses yeux pour un condensé d'humanité... ». Au final, ces « Short Stories » sont un concentré de tendresse, une Geste douce pour dire un sport dur au cuir, décrit avec dérision au détour d'une nouvelle, comme « un truc à peu près incompréhensible pour gladiateurs rustauds, la Rome antique en moins, le rhum agricole en plus... ». Car le Jeantet a le calembour qui perle constamment au bout du stylo. Et il a l’émotion à fleur de peau, qu’il rameute ses années culottes courtes à Quillan, puisque « le rugby ennoblit les souvenirs » (Blondin), ou qu’il dépeigne Malo au chevet de  son maître Jean-Pierre, parti « au pays des brumes », et auquel il « faisait la conversation comme on enverrait des balles molles. A l’aveuglette. » Il n’est donc pas nécessaire d’aimer le rugby, ni d’en connaître les règles, pour lire ces « dernières nouvelles d’Ovalie » -leçons d’humilité et de vérité humaine-, comme on prend un blanc limé en lisant le « Midol », au zinc du Café des Sports et de l’Amitié, le seul qui n’ait jamais viré de bord, mais-vi-ré de-bord…

  • compliment d'objet

    L'air ambiant est à la flatterie.

    Jeu de mots :

    Le discours de la flagornerie : sujet, verbe, compliment...
    (Avec cela, nous voilà bien).

    Platon : l'éloge (par la voix de Diotime*, dans Le Banquet) ne vaut que s'il dit la vérité sur son sujet.
    Aujourd'hui, la vérité est une espèce rare, chassable, mais qui se terre.

    Et elle a raison, du fond de son trou.

    Bon, voilà. Ce soir : Platon, Zweig, Mamoulian (La Reine Christine) quand même... Et salade de pousses d'épinards au magret fumé, champignons, tomates cerises, puis riz aux coquilles St-Jacques, parce que quand même.

    Quand même.

     

    * La vérité pour elle est qu'Eros n'est pas un grand dieu, car tout désir est manque; mais, parce qu'Eros est plein de ressources pour se procurer ce dont il manque, Eros est un démon, un intermédiaire entre le divin et l'humain, comme la prêtresse Diotime l'est entre les dieux et les hommes. Elle fait office de passeur, allant du mythe au discours philosophique et poussant l'âme à dépasser son appétit de multiples choses belles pour accéder à une Beauté unique qui peut seule satisfaire le désir... (Monique Dixsaut, spécialiste de Platon).

  • état d'esprit

    Je respirais, délivré, en toute sérénité; et, avec une volupté neuve, je savourais sur mes lèvres, comme un pur breuvage, l'air moelleux, clarifié et légèrement enivrant qui portait en lui l'haleine des fruits et le parfum des îles lointaines...

    S.Zweig, Amok

    Le narrateur se trouve alors dans le port de Naples, à bord d'un navire, l'Océania.

     

  • sésame et pavot

    ta sauce, c'est simple : huile de sésame + gingembre coupé fin + l'ail pareil + le jus d'un citron vert et du soja japonais.

    le thon rouge, tu le vautres dans des graines de pavot.

    tu saisis aller-retour le thon, la croûte noire s'est formée.

    tu tranches fin avec un bon couteau, façon magret.

    et la sauce? dessus, té.

    déco : alfalfa ou germes de soja, ou cogollos (coeurs de laitue).

    une autre, avec du saumon :

    le saumon, tu le vautres dans du sésame préalablement grillé sur une poêle sèche, aller-retour pareil.

    la sauce : crème légère + gingembre coupé très fin + soja.

    la déco? riz basmathi.

     

     

  • miam bayonnais

    Le pied de cochon pâné et la daurade piquée à l'ail sur sa galette de maïs de Gorka Roblès, restaurant Xakuta à Bayonne, sont magnifiques.

    De même, les chipirons simplement poêlés, et ce merlu grillé accompagné de girolles, champignons des bois divers, pois gourmands et moules, l'ensemble d'une fraîcheur absolue -chez Diharce, restaurant La Grange, à Bayonne.

    Les deux adresses sont devant la Nive, chacune d'un côté.
    Allez-y les yeux fermés, mais attention quand même (à la Nive, té!).

    photo.jpg

     

  • Elles

    Connaissez-vous le principe de la randonnée littéraire ? Cela consiste à marcher en montagne –Basque, en l’occurrence, avec des randonneurs  lecteurs, amateurs (une centaine, dimanche dernier), des gens de bonne compagnie qui aiment le texte et le sentier, qui vont, « caminando », deviser avec quelques auteurs invités et pilotés par deux couples de libraires lumineux : sortes de Platon en chaussures de montagne dirigeant leurs Socrate à la voix et au geste. C’était bien…

    Avec « Elles » (folio), J B Pontalis se livre, ouvre le catalogue de ses conquêtes, convoque ses rencontres au soir de sa vie, et consulte le carnet des femmes qui lui ont échappé. Il cite Valéry : « Ni vu ni connu / Le temps d’un sein nu / Entre deux chemises », Toulet. Reprend des « cas » épanchés dans son cabinet d’analyste, évoque le vide des don juan de sous-préfecture qui cachent le creux d’une avidité ; l’inconsistance intérieure. Il dit la lâcheté des libertins qui se considèrent fidèles à leur femme. Mais à eux-mêmes ?..
    Evoque les éconduits qui se sentent soudain « exportés », les jeunes filles qui attirent un JB prenant les traits –à la lecture- d’un Balthus libidineux devant ses modèles. Invoque Proust, le souffle coupé lorsque Albertine s’en va, car « une séparation subie coupe non seulement de l’autre mais de soi ». JB rêve, car rêver de ses amis disparus les rend présents. « Le rêve est notre mémoire vive », écrit-il. I

    l arrive même à Pontalis d’avoir le style de Dumas, selon Stevenson; en moins riche : « léger comme une crème fouettée, résistant comme de la soie, prolixe comme un conte villageois, concis comme la dépêche d’un général. »

    Et puis il y a l’opéra (napolitain surtout) dans le discours littéraire de Dominique Fernandez : « Où étudier le mieux les mœurs latines ? À l’opéra en Italie, à la corrida en Espagne. » À suivre, donc….

  • L'Inconnu sur la terre...

     

    "Le prix Nobel de littérature 2008 a été attribué à l'écrivain français Jean-Marie Gustave Le Clézio pour son oeuvre "de la rupture", a annoncé, jeudi 9 octobre, l'academie suédoise. L'académie a fait ce choix d'un "écrivain de la rupture, de l'aventure poétique et de l'extase sensuelle, l'explorateur d'une humanité au-delà et en-dessous de la civilisation régnante", selon les attendus de l'académie. Il recevra un chèque de 10 millions de couronnes suédoises (1,02 million d'euros), le 10 décembre à Stockholm." Dixit "Le Monde.fr"

    Je me souviens tout à trac de L'Inconnu sur la terre, de Mondo et autres histoires, de Désert, de Diego et Frida, du Chercheur d'or... Même si le gonze m'ennnuie souvent, depuis Onitsha et surtout Ourania, je reprendrai ces émotions -intactes-, au saut du livre et du lit. Histoire de.

    Merci Richard (blog : comme fou).

     

     

     

     

     

     

  • Gracq sur Balzac

    Sa préface à Béatrix est un monument. Et puis il y a cette remarque, dans son essai jaune : En lisant en écrivant (à propos de Marie de Verneuil, Une Vieille Fille, déjà présente dans Les Chouans) : "Ce qui était d'abord simple articulation romanesque est devenu avec le temps, dans la conception de La Comédie humaine, osmose et même circulation du sang. Le lierre finit par enfoncer des racines vives dans le mur auquel il s'était d'abord seulement agrafé."

  • Rentrée et de fond

    Il y a tous ceux qui se massent, grégaires, sur la piste cendrée de la rentrée : six cents concurrents à dossards, une trentaine de remarqués, une douzaine d'élus. Deux ou trois de remarquables.
    Il y ceux qui se distinguent en solo, après tout le ramdam. Soit Jean Echenoz et son Courir, sur Emil Zatopek. Un coureur de fond et de légende. Dès les premières pages, l'efficacité echenozienne devient jubilatoire. Je vous laisse : je lis Courir, de Jean Echenoz, Minuit. Un bijou. Et mes pensées vont, étrangement, à Mimoun...

  • Corps

    C'est dans la maladie que nous nous rendons compte que nous ne vivons pas seuls, mais enchaînés à un être d'un règne différent, dont des abîmes nous séparent, qui ne nous connaît pas et duquel il est impossible de nous faire comprendre : notre corps.

    Proust, Le Côté de Guermantes

  • L'impudence

    Je déjeunais seul avec un manuscrit à corriger, tranquille, d'un pied de cochon pané sauce ravigote et de brochettes de coeurs de canard, à J'Go, vers Mabillon à Paris. A côté vinrent s'atabler trois êtres bruyants qui voulaient manifestement que chacun les remarque et cesse tout de go de vivre pour les regarder. Il s'agissait d'un acteur de troisième zone et de deux vieux pages, assistants, groupies, que sais-je. Afin de me concentrer, de reprendre calmement le fil de ma relecture, un moment troublée par ces trois pachydermes impolis, je fis écran avec ma main sur le front. L'acteur, que je feignis de ne pas reconnaître (qu'en avais-je à foutre!), tandis que deux ou trois passants vinrent lui serrer la main et le congratuler pour ses prestations, fut intrigué : je fus surpris de voir combien mon indifférence -l'indifférence d'un seul-, semblait le gêner comme du poil à gratter dans la chemise. Il ne cessa de se retourner vers l'ingrat, l'ovni que j'étais à ses yeux. J'en conçus un sentiment de pitié pour ces ego surdimensionnés qui ne peuvent respirer si le monde ne les observe pas avec des yeux mouillés d'envie. La serveuse du restaurant, faussement, exagérément flattée par l'acteur, ne se sentait plus. Les deux vieux parlaient très fort, comme si tout leur était forcément dû, y compris les meilleurs égards, les meilleurs vins, les plus beaux plats de ce restaurant. Ce fut pitoyable. Je corrigeais derechef, il se retournait de temps à autre pour voir si, enfin, je le reconnaitrais. Ma vue transversale me dit tout cela sans m'empêcher de travailler, bien après avoir déjeuné. Ils partirent. Debout, vêtu d'un manteau bruyamment remis, il continua d'attendre, de s'étonner de tant d'ignorance, enfin, de la part d'un être humain... C'est décidé : je n'iirai pas voir de film avec le nom d'Edouard Baer à l'affiche. Ce mec est un cabotin.

  • Cendres du temps

    Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été. Albert Camus.

    Plus on cherche à oublier, mieux on se souvient. Wong Kar-Wai.

    C'est encore le bordel à la gare de l'Est. Pierre Desproges.

    Tout commence quand tu reviens. Parole de griot (africain, donc).

     

  • L'asthme de MP

    Proust nommait son asthme « mon péché originel ». Est-ce ce mal qui lui fit penser, très jeune, que l’amour est condamné et que le bonheur n’existe pas ?

    L'événement fondateur des premières pages de « La Recherche », l'épisode du baiser maternel demandé, refusé, puis arraché, ce baiser perdu et retrouvé est sans doute –souligne Gerge D. Painter, son biographe incontesté, « la blessure décisive de la vie enfantine de Marcel ». Première défaite de sa « petite Maman », il faut s’interroger sur la distinction possible entre le refus initial de celle-ci et sa capitulation finale. Ainsi que sur l’obsession permanente, de MP de regagner l’amour de sa mère. L’asthme de Proust apparaît donc dans ce contexte. Il ne le quittera plus. « Son manque de souffle reproduisait peut-être », suggère Painter, « l’instant de suffocation qui survient également dans les larmes et dans le plaisir sexuel. » Le rapport causal entre les émotions fortes et l’asthme est connu. Dostoïevsky et Flaubert avaient leur épilepsie, Proust avait son asthme. Painter, perfide : « cela lui permit de se retirer du monde et de produire une œuvre de si longue haleine. »

  • Nonna Inès


    Laura Morandi a travaillé avec Alain Ducasse au Plaza Athénée et à l’Intercontinental, notamment en pâtisserie, après avoir brillamment effectué ses études (parisiennes), à  l’Ecole hôtelière ainsi qu’à la Chambre des métiers. Si la belle Italienne est née rue des Martyrs, dans le 9ème, Laura est originaire d’un village de la région de Lucca, en Toscane, nommé Camaiore. Et sa cuisine est entièrement dédiée à la Toscane… ainsi qu’à sa grande inspiratrice, la Nonna, sa grand-mère paternelle, Inès Schena, qui lui a transmis tant de secrets de cuisine authentiquement italienne, de bonne femme, ou de mamma, généreuse, fondée sur les très beaux produits de cette terre bénie. Nonna Inès est la première affaire de Laura Morandi, qui l’a ouverte il y a juste trois ans, le 15 octobre 2005. C’est en hommage à sa Nonna, qui a malheureusement disparu un mois à peine avant l’ouverture du premier restaurant de sa petite-fille chérie, que le restaurant porte ce nom. La Nonna Inès fut cuisinière et gouvernante de la famille Mondadori, du groupe éditorial et de presse éponyme, aussi célèbre dans la Botte que le nom d’Agnelli. D’origine Vénitienne (d’une zone proche des Dolomites), Inès passait la moitié de son temps dans la résidence milanaise des Mondadori, et l’autre moitié de l’année en Toscane. Gorgée de son savoir acquis auprès de la Nonna, puis à l’Ecole et enfin auprès de Ducasse, la référence absolue, Laura propose, dans son ravissant petit restaurant de la rue de l’Arbalète, dans le 5ème à Paris, une carte splendide, où trouver une faute de goût relève du prodige. C'est une adresse que nous adorons, en tout cas. Parmi les antipasti, nos préférences vont d’abord au crostone au lard de Colonnata (j’ai déjà évoqué ce produit fabuleux dans une note précédente, et si vous voulez en connaître l’histoire, les arcanes de sa fabrication et de sa conservation dans les carrières de marbre de Carrare, demandez à Laura qu’elle vous les conte, car elle le fait merveilleusement bien). L’antipasti del Nonno est perfecto : les légumes, la charcuterie et les fromages sont tous d’une qualité irréprochable (mozzarella, jambon blanc d'exception, jambon cru itou, gorgonzola, olives, tomates séchées, aubergines formidables, j’en oublie : tout est individuellement succulent…). Parmi les secondi piatti, notons le fameux osso buco, qui revient bientôt à la carte avec les polpette ! Des boulettes à se damner. L’escalope de veau Milanaise (une star plébiscitée par tous les clients) n'est plus à défendre. Avant cela, il y a Ivo : le risotto à la truffe blanche et aux écrevisses, puissant. Et parmi les pasta, je vous présente Nina : orecchiete aux pois gourmands et pignons, et Tonio : fazzoletti (pâte de lasagne roulée en cornet) à la ricotta, thon et tomates séchées, entre autres bijoux. Ceci pour vous donner un avant-goût de cette cuisine italienne, toscane, de haut-vol et à prix canons (7€ maximum pour les entrées et  les desserts, et de 13 à 18€ pour les pâtes et les secondi). Parmi les desserts, les cannoncini (sortes de cornes d’abondance en pâte feuilletée, caramélisées et à la crème), la panna cotta, réinventée, avec ses amandes et ses prunes rôties, et enfin le dessert emblématique de la Nonna –la Madeleine de Laura-  : il segreto di dama, ou l’éloge du chocolat au biscuit et aux noisettes, ont nos préférences. A vous d’aller découvrir le tiramisu, car chez Laura, la tradition possède toujours une plus-value. Cette femme réinvente les classiques et sublime les produits… Parmi les vins, le chianti et le vin sicilien (Terre di Ginestra) sont totalement recommandables. Le service et l’accueil sont impeccables. Il y a enfin le sourire de Laura, sa voix douce, son regard bleu derrière ses jolies lunettes, sa veste noire de chef moderne : tout, ici, est franchement réuni pour faire de cette Nonna Inès l’un des Italiens de Paris les plus en vue. Je prends les paris les yeux fermés et la main tendue.

    Nonna Inès, Cucina tradizionale italiana, 1, rue de l'Arbalète, 75005 Paris, 01 43 37 23 72. Formule déjeuner à 13€ et plat du jour.
    podcast

    Bobby Solo, Una lacrima sul viso...

  • A toute chose, Malleret est-il bon?

    Je cherchais dans ma modeste collection d'étiquettes (de vins), celle du Vin de Lune, un Pyrénéen (du piémont) à l'évocation puissante dans ma mémoire amoureuse, lorsque je suis tombé -en arrêt comme un setter tricolore devant le sentiment d'une bécasse-, sur une étiquette grande, très grande (jeroboam? Probable, connaissant papa) de Château de Malleret 1971, Haut-Médoc, avec, écrit de ma main au dos de l'étiquette : 16.XI.86, 50 ans de Maman. Comme j'aurai cet âge-là dans quelques semaines, une petite poignée, et qu'icelle a disparu il y a dix ans déjà (putain, dix ans...), cela m'a foutu un coup de poing dans la cage thoracique. Outchh. De là à bloguer dessus... C'est indécent, j'en conviens. Sauf que!.. Je lance un appel : qui me trouvera une bouteille ou deux, ou trois, de Malleret 1970, à prix raisonnable? Urgent. Ecrire au blogueur, qui transmettr@. Merci.

  • Bu et à dompter

    L’archétype du classicisme médocain se trouve dans une bouteille de Calon-Ségur, vieille propriété archi célèbre, aux flacons chers et à la personnalité affirmée, confirmée, aride, têtue, autoritaire même. Calon, au sein du vignoble de Saint-Estèphe, c’est la rigueur et l’austérité que seul le fameux cœur placé au centre de l’étiquette vient dessécher. Calon-Ségur, c’est riche, ample, viril comme une charge de cavalerie, décidé comme un ordre d’en haut. Il nous a été donné de déguster quelques millésimes exceptionnels, à un moment donné. Au château. Les 1990 et 1979 en magnums, le 1970 –date de l’apparition du fameux cœur. D'autres moins mémorables... Ce 1970 m'émût comme un film de Visconti. Il était resté fermé, amoureux éconduit, jusqu’en 1990. Il avait pris vingt ans ferme. Une fois libéré par un tire-bouchon, il chanta comme un Napolitain retrouvant la plus belle Baie du monde. Moins pète-sec que le 1990, il s’ouvrait enfin avec une élégance rêche qui ne trahissait pas un terroir sans rires et son élevage strict : en avant, calme et droit ! Calon, ce sont des vins de grande garde, en somme, à l’instar du conservatisme médocain de bon aloi, une expression n’ayant pas cours seulement à Epinal. Le 1995, boisé, épicé, truffé, frais et aux tanins puissants, présentait bien, comme ses frères d’âme. Mais qu'on se le dise :  il faut tenter de dompter le Calon. En cuisine, avec la cravache à alliances. Allez ! Flanquez un sanglier en daube ou un canard au sang à ces bouteilles à jupes droites plissées et vous les verrez vite se dérider de la barette à cheveux et des tanins. Calon-Ségur sait se lâcher, si nous l'aidons. Je me souviens que, bête comme un épris jusqu'au trognon, j’offris un jour un flacon de ce cru là -pour son cœur -, à une qui faisait battre le mien (et parce qu’elle avait déjà lu Belle du seigneur), mais j’ignorais qu’elle ne buvait jamais de vin : elle garda l’étiquette après l’avoir décollée à chaud dans l’évier de son studio d’éternelle étudiante. Comme quoi, les buveurs d’étiquettes valent parfois mieux que les dégustateurs qui se la pètent. Ainsi soit-il.
    podcast

    Françoise Hardy, Des ronds dans l'eau...

  • Les racines errantes

    Benoît nous signale (dans un commentaire à la suite de la note "Racines"), d'Edouard Glissant, l'expression de  racines errantes. L'écrivain opposerait l'identité racine à l'identité relation... Cela m'évoque le ravenala, l'arbre du voyageur, gorgé d'eau salvatrice. Et le pin des Landes, aux racines si peu profondes qu'il tombe au moindre coup de vent fort. Ainsi que le nomadisme, lorsqu'il a des vélléités d'enracinement. Et encore ces oiseaux migrateurs, comme la palombe, dont la biologie, l'instinct, sont bouleversés par le monde moderne (réchauffement du climat, maïssification de la plaine..). Enfin, s'agissant d'identité et de racines, réfléchissons à "l'immigration choisie", au citoyen dans la Cité. Comment peut-on être errant?, en somme... C'est la réflexion du jour. A vos claviers.

  • Les Bugnes, Basque table

    Ca fait un moment que je veux dire un mot sur ce resto basque niché dans la rue du Pot-de-Fer, Paris 5ème, comme un diamant au coeur d'une bouse. La rue est en effet jonchée de restouilles à touristes, aguicheurs mais absolument pas sexys, tout juste nourrissants. Au bout, un peu avant la rue Tournefort (et pas à l'autre angle, en venant de la rue Mouffetard, donc celui de la rue Ortolan, qui lui aurait mieux convenu), Jean-Pierre tient "Les Bugnes". A priori, rien d'excitant, si l'on pense un peu bêtement que tous les restaurants de la rue sont d'une médiocrité semblable et que ce Basque-là l'est comme je suis archevêque. L'exception confirme la règle. Et  si "l'expérience se brise sur le roc du préjugé" (Jaurès), on ne pousse pas la porte du n°11. Or, à l'intérieur, tout est bon! Les tapas, les plats du jour, la carte, les vins, le service et la faconde du patron sont un enchantement. Sa règle d'or : des produits excellents, triés sur place et qui viennent plusieurs fois par semaine de là-bas, comme la charcuterie et la viande de porc Ibaïona de chez Etchemaïté. Chipirons à l'encre, seiches à la plancha, thon (blanc) plancha, piquillos à la morue, axoa de veau délicieux, marmite du pêcheur, pieds de porc panés au foie gras, paëlla et cassoulet maison (pour les incursions extra-territoriales)... Vins d'Irouléguy (Abotia), d'Espagne et de Cahors; txakoli pour l'apéro et patxaran pour digérer. Déco rugby et corrida. Le bonheur basque est chez Jean-Pierre, qui n'est pas de là-bas mais qui est fou de ce Pays.

    11, rue du Pot-de-Fer, Paris 5ème, 0143318082

     

  • Afaria! A table!

    A la faveur d'un banc d'essai "foies gras" co-réalisé hier matin pour le magazine Régal (j'y reviendrai car il était surprenant), j'ai découvert une table basco-landaise, nichée dans le 15ème à Paris (rue Desnouettes), où l'on se sent comme là-bas : un peu comme à la maison, sur les bords de la Nive ou de l'Adour.

    Tapas somptueuses à la table d'hôte qui trône à l'entrée comme dans une ferme : chipirons grillés d'une fraîcheur idéale (servis dans un sabot fabriqué à St-Etienne d'Orthe), coeurs de canards à l'ail (je publierai un jour la liste des restos parisiens qui en servent, comme Le Volant, dans le 15ème également, car ils sont rares et qu'attendre les fêtes de Dax pour en manger, m'est trop douloureux), gambas à la sauce aux épices douces...

    Puis la parillada de canard, servie sur une ardoise : croupion (ou Demoiselles), coeurs, magrets, langues, avec de grosses frites maison (servies dans un pot de résine), est un bonheur paysan.

    Vins (carte judicieuse) à prix normaux. Accueil et service sérieux et sympas.

    Au piano : Julien Duboué, natif de St-Lon-les-Mines, Landes, près des barthes (j'y ai passé tous mes week-ends et mes vacances, adolescent, dans la maison de campagne...), qui joua au rugby à Peyrehorade, fit ses classes chez Dutournier au Carré des Feuillants, chez Daniel Boulud à New York, au Georges V de Philippe Legendre et chez Drouant, avant d'ouvrir cette première "affaire" avec sa femme Céline; il y a tout juste un an.

    Du sûr, du très bon terroir avec l'accent et sans chichis : pas mal de poissons à la carte, actuellement (merlu salsa verde notamment), de l'échine de cochon Ibaïona...

    Je ne parlerai pas de son boudin en croûte de moutarde et pommes car : je ne l'ai pas goûté et parce que mes confrères l'ont tellement loué que la brigade en a assez d'en servir...

    Afaria (A table!, en Basque), 0148561536

  • Chaque femme sur un quai de gare me fait peur

    "Là, se dit-elle en fixant dans ce trou noir les traverses recouvertes de sable et de poussière, là, au beau milieu; il sera puni et je serai délivrée de tous et de moi-même." (...) "Elle eut le temps d'avoir peur. "Où suis-je Que fais-je? Pourquoi?" pensa-t-elle, faisant effort pour se rejeter en arrière. Mais une masse énorme, inflexible, la frappa à la tête et l'entraîna par le dos. "Seigneur, pardonnez-moi!" murmura-t-elle, sentant l'inutilité de la lutte. Un petit homme, marmottant dans sa barbe, tapotait le fer au-dessus d'elle. Et la lumière qui pour l'infortunée avait éclairé le livre de la vie, avec ses tourments, ses trahisons et ses douleurs, brilla soudain d'un plus vif éclat, illumina les pages demeurées jusqu'alors dans l'ombre, puis crépita, vacilla, et s'éteignit pour toujours".

    Ainsi disparait Anna Karénine à la page 810 du roman éponyme de Tolstoï. Depuis cette lecture, je ne peux m'empêcher d'avoir peur, lorsque j'aperçois une femme sur un quai de gare...

  • avant-garde

    "Etre d'avant-garde, c'est savoir ce qui est mort; être d'arrière garde, c'est l'aimer encore." (R. Barthes, "Réponses", Oeuvres complètes, Paris, Seuil, 2005, t. III, p. 1038).

    Barthes dit de lui-même qu'il se situe à l'arrière-garde de l'avant-garde.

    Merci, ami Saber, pour ces rappels salutaires...

  • Faux-père

    Le nouveau livre de Philippe Vilain, Faux-père (Grasset) dresse l'autoportrait sans concession d'un salaud désinvolte, libertin, cynique, vautré avec plaisir dans son ennui, son égoïsme (il y a du Drieu antipathique dans ce roman), agrippé à son oisiveté comme la moule au rocher, brandissant la peur du néant comme on agite un drapeau blanc au bout d'une baïonnette, qui engrosse une jeune turinoise amoureuse folle de lui, qui écrit dans son journal intime qu'il ne veut pas de cet enfant et souhaite une fausse couche, qui laisse trainer ce journal, que la pure et belle Stefania découvre... C'est le roman (écrit avec précision, au scalpel, et avec une économie de mots redoutablement efficace), de la peur de l'engagement, d'un affligeant manque de courage, de la frousse du bonheur peut-être, et de la trahison qui survient par négligence -avec la découverte du carnet-, lorsque la résignation a enfin gagné l'homme lâche... Cette femme allait faire du narrateur un homme et voilà que celui-ci fuit Turin, regagne Paris, abandonne une femme profondément disgraziata. Puis il regrette (comme c'est étrange!), retourne à Turin, mais trop tard : elle a avorté dangereusement, elle est à l'hôpital, la tendre et douce Stefania. Alors, oui, il écrit que: "Tout se passait comme si, en refusant d'être père, j'avais à jamais voulu rester un fils." Mais on s'en fout. On s'en fout complètement.

  • L'Italie pour écrire

    Dominique Fernandez, dans L'Art de raconter, somme érudite d'un grand lecteur percutant, à lire comme on boit une bière (Grasset et Livre de Poche), souligne que ce n'est pas un hasard si l'Italie sauva Stendhal de n'être fixé que sur lui : "Question : si les romanciers ont souvent été voyageurs, pourquoi l'Italie est-elle le pays romanesque idéal? Stendhal, lui, aurait la réponse toute prête : parce que l'Italie est le pays de la passion, le pays où l'action suit immédiatement la pensée, le pays du drame et du mélodrame. En France, on se regarde vivre; en Italie, on vit."

  • Cagnotte au coeur

    Avec son allure d’hidalgo, on l’imagine bien chevauchant parmi les toros, dans le campo andalou,une pique à la main, puis découpant un Jabugo pour les copains, au milieu d’une oliveraie. Vu du Carré des Feuillants, son fief parisien, où il exécute une cuisine de haut-vol depuis 22 ans : « on fait ce qu’on sait faire, mais on le fait bien !..», l’homme pense à Cagnotte ; Landes. C’est là que réside son bonheur sur la terre. À la maison. Une ferme qui jouxte l’Auberge familiale où il a grandi, en regardant sa mère et sa grand-mère paternelle faire une cuisine de bonne femme. Son père était charpentier… Et sa mère ne s’appelait pas Marie, mais Renée. Henri était aussi tonnelier l’hiver et faisait déjà le vin de l’auberge pour les clients avec les vignes de la maison. De cette « Maison des vignes », Alain Dutournier dit simplement : « ma maison, elle est chez moi! J’aime l’odeur unique de sous-bois de sa cheminée, c’est l’écho de son âme »....

    La suite du portrait d'Alain Dutournier en kiosque, avec quelques autres friandises, dans Maisons Sud-Ouest n°32

  • croque-señor

    tu frottes de l'ail sur du pain tomaté (c'est le pan tomate catalan), t'y poses une tranche de jamon serrano, un filet d'huile d'olive, (là ça ressemble à une bruschetta), une ou deux feuilles de coriandre, une tranche fine de manchego ou de brebis basque (ardi gasna), une autre tranche de bon jamon par-dessus, et tu passes au four. C'est comme un croque, en mieux. (je me sens très tapas ce matin. D'ailleurs, ça me donne faim, tout çà. La vache...). Mais quand je pense que Castella va devoir se manger six toros cet après-midi à Nîmes...

  • rougets vendangeurs

    C'est un peu chinois, mais bon... Tu prends des rougets vendangeurs, les petits. Tu lèves les filets à cru avec le couteau souple spécial. Et aussi les joues! Je sais, elles sont minus, mais bon, tu les "réserves" dans un petit bol. A part. Ecoutes la suite (au passage, tu peux si tu veux, garder les parures si tu envisages de faire un fumet). Tu fais ta tapenade d'olives noires (prends les Crespo dénoyautées en boîte, et tu piles), tu tranches fin et en biseau une baguette, tu enfournes le pain pour qu'il dore bien. Là, tu saisis sur une poêle archi-chaude tes filets sur la peau, et, avec tes autres bras (on a dit que seuls les poulpes pouvaient cuisiner, non?.. Bon, alors), t'étales ta tapenade sur le pain doré, puis tu dresses les filets saisis dessus  -allez! dépêches-toi! t'es pas synchro, là... (ah! té! tu viens de piger pourquoi il fallait tailler en biseau les tranches de pain!..), oui, j'ai dit côté chair contre olive et peau croustillante dessus.  Non, j'ai pas dit?.. C'était évident. Bon. T'y mets un peu de sel de Guérande ou de l'ïle de Ré. Et là, top 2 top : tu saisis aller/retour quelques secondes pas plus, les joues des rougets (pas la peine d'inviter la smala du dessus ni tes ennemis, y'en aura jamais assez) dans la même poêle. Tu les remets dans le bol (séché avant au sopalin, hop!), et tu cherches les cure-dents (nan! pas pour tes ratiches, banane! c'est pour piquer les joues des rougets!). Voilà une petite tapa raffinée vite faite et iodée à mort, avec un plus de la mort qui tue : les joues!

  • Les accomodements raisonnables

    Le dernier roman  de Dubois ressemble aux précédents : humour, dérision, mélancolie, tendresse, histoire ricaine, fonds toulousain, sauf qu'en prime, il nous sert une femme dépressive, un père survolté devenant parvenu sur le tard, un narrateur infiniment attachant (ça c'est comme d'hab') et un passage en revue des maux de notre époque. "Les accomodements raisonnables" (L'Olivier) est un beau titre. Lui : "Souvent j'éprouvais le sentiment qu'Anna m'avait glissé entre les mains, comme du sable trop fin, que je n'avais pas été capable de l'aider ni de la retenir, de trouver une alternative acceptable au Seroplex." Il cite Pessoa : "Tout effort est un crime parce que toute action est un rêve paralysé". Lui, encore, cite son père : "Tu veux savoir la seule véritable erreur que j'ai commise avec ta mère? C'est d'avoir cru absurdement que, dans la vie, les choses un jour finissent par s'arranger." (en pensant aux liens indéfectibles qui unissent un père à son fils et au gouffre qui, malgré tout, toujours, les séparera. Ce qui vaut aussi pour les filles avec leurs pères, au passage...). C'est l'histoire d'un mec qui a besoin d'être débarrassé de lui-même. Qui quitte sa femme, tombe sur le clône d'icelle, mais avec vingt/trente ans de moins, je ne sais plus, s'envoie en l'air et reçoit des appels de la première, d'outre-atlantique ou d'outre-tombe, c'est pareil. Qui en conçoit, quand même, un certain remords. Bon, en fond, y'a une histoire de scenarii hollywoodiens upper level, donc nous sommes en plein remakes à tous les étages, mais qui m'a fait tourner les pages assez vite, et puis ce passage, là, vers la fin (je suis allé jusqu'au bout parce que le mec m'est vraiment très sympathique) : "Je lui devais sans doute la déclaration la plus étrange qu'on m'ait jamais faite : Un jour je t'aimerai. Il n'existait pas de promesse plus intangible et pourtant ces quelques mots suffirent parfois à donner le courage de se fondre dans la foule et de marcher avec elle le temps qu'il fallait." Donc, allez-y, mais ne trainez pas dessus, il n'y a pas que ça à faire, non plus, moi je vous attends déjà; ailleurs.

  • SYDR

    Alain Dutournier est un magicien. A Sydr, son 4è restaurant parisien (rue de Tilsitt), la pipérade froide, oeuf poché et gaspacho vous explose au cerveau. D'emblée. Puis ça repart avec le Tataki de thon, caviar d'artichaut et moutarde aux petits pois. Le tartare (dans le contre-filet du boeuf) au couteau, copeaux de foie gras et asperges vertes y va avé alegria. L'ambiance rugby de cet espace (ouvert pour la Coupe du Monde et qui compte Philippe Sella pour associé), mériterait d'être chauffée à coup de monde et de chants (basques) peut-être (le soir). J'y ai surtout aimé (j'ai beaucoup goûté à tout) : le melon et les gambas satay-coco (jolies fiançailles), le rouget (épais, iodé et ferme) et son corail d'oursins (énorme!) avec l'émulsion (pas mode This du tout) d'olives noires, le canelloni de crabe (grave!) à la coriandre, la canette (au goût puissant) de Challans au foie gras en croûte, et le macaron au thé vert. Un vin de Faugères là-dessus le fit.

    Et même si ça vous embête -je m'en fiche-, la semaine avant, j'avais testé la carte d'automne du Carré des Feuillants (rue de Castiglione), la maison-mère d'Alain Dutournier : eh bé, d'abord il faut préciser qu'à vil prix, on retrouve des plats du Carré à Sydr!.. Et qu'en plus, au Carré, le pâté en croûte de foie de lotte homardine est à tomber, mais que pour ne pas succomber, le cèpe mariné, son chapeau poêlé et son pied en petit pâté chaud vous remet en selle, que la caille des près béarnais truffée en  cocotte forestière vous réconcilie avec le monde qui part en quenouille, à cause que "pour suivre", le gros vacherin, ses grosses framboises, sa meringue et sa crème fermière pure, vous envoient valser là-bas : où se dissimulent les havanes; pour le café -té!

    Envie de citer Alain Dutournier, à propos de la tauromachie : "Mon attachement à la corrida est lié à l'harmonisation des contrastes dans un combat souvent imprévisible, voué au départ à la fureur et au sang. Dans le silence de l'arène, l'arrivée d'un toro mythique fort de noblesse et d'alegria suscite chez moi émotion et aussi contemplation. J'aime l'artiste inspiré dépassant sa peur, offrant son corps, s'abandonnant dans la lenteur, canalisant avec respect la violence de son partenaire au travers de la pureté et de l'intelligence du geste. Non, la corrida n'est pas un spectacle! Elle doit rester une épreuve majeure pour l'humain afin de protéger le toro de combat dans son mystère issu de la nuit des temps."


  • La nageuse

    "Est-il légitime que des forces intérieures jusqu’alors inconnues se déploient et réclament d’agir? Ainsi de la recherche obstinée d’un amour égaré par négligence et qui survit, tapi dans les caves du coeur. L'amour grand n'abdique jamais. Tandis qu'il oeuvre à sa reconquête, le guetteur sent une peur acide lui monter à l’âme. L’aboutissement de sa recherche produira une infinie tendresse aux liserés sensibles comme les lèvres de l’huître. Et si l'issue devient jus de citron : il est trop tard, il songe. Pense passer à côté de la vie, celle qui correspond au partage absolu. Car cet amour est le seul à surnager à la surface du lac de sa vie. C’est là le plus troublant, le plus déchirant. Le temps engloutit les bonheurs, les malheurs et nous laisse avec une forêt de souvenirs en héritage. Mais qui peut lui dire où va cette nageuse unique au crawl suave, à la surface du lac?" (Auteur anonyme, deuxième moitié du XXème siècle).

    http://www.wat.tv/video/faure-requiem-sanctus-tuxf_lup3_.html


  • Qui écrira "Les Chieuses", roman?

    Si tu aimes les chieuses, c'est parce que...

    - tu préfères les femmes qui ont beaucoup de caractère (voir trop) à celles qui passent leurs temps à se taire et à dire oui à tout

    - tu aimes être renvoyé dans les cordes de temps en temps (elle est si belle quand elle s'énerve)

    - une femme qui tient absolument à porter la culotte est souvent entreprenante

    -une chieuse ne te laissera jamais t'encroûter

    -une chieuse exige toujours l'excellence, c'est pourquoi elle te poussera toujours à te surpasser et à donner le meilleur de toi même

    - une femme peut être chieuse par amour

    - une bonne dispute, ça fait du bien de temps en temps à elle comme à moi

    -une chieuse te reprendras à chaque faute de langage, ce qui te permettra d'aborder tes entretiens professionnels avec un vocabulaire soutenu

    -il n'y a rien de plus mignon qu'un couple ou des ami(e)s qui se fait/font la gueule et qui se réconcilie(nt) après 13 minutes et 45 secondes

    -une chieuse joue la chieuse dès lors qu'elle souhaite prendre soin des autres. Si elle daigne t'adresser la parole, c'est qu'elle t’apprécie

    -parce que charmer une chieuse est un tout autre challenge que de draguer une fille sans caractère

    -être caractérielle, ça fait partie du charme féminin

    -une chieuse n'est jamais foncièrement méchante

    -lorsqu'une chieuse est fière de toi, elle ne te diras rien mais son regard sera lourd de sens

    -épater ou surprendre une chieuse flatte ton ego

    -pour certains, une chieuse peut leur rappeler leur mère, une soeur, une tante, une proche, que l'on apprécie également

    -les chieuses s'entendent rarement entre elles. Si tu en as déjà une, les autres ne viendront pas te faire chier

    -lorsque tu as une remarque désagréable à faire à un proche, ne t'inquiète pas, une chieuse la feras pour toi

    - ce sont celles qui paraissent le plus pour des chieuses qui sont finalement les plus sensibles

    -parce qu'on ne les voudrait pas autrement, tout simplement

    bouquet de lieux communs trouvé par hasard sur facebook

  • Regard triste et dents de lapin

    Signe d'époque : la critique se penche à juste titre sur la perle rare : le sixième roman (en 45 ans : 6 événements) de l'invisible Thomas Pynchon. 1200 pages, touffu, complexe, "Contre-jour" (Seuil) ne fera pas des ventes comme un Nothomb ou un Dubois. Mais le plus suprenant est que l'on s'attache moins au contenu de ce livre qu'au mystère qu'entretient -sans doute à son corps défendant- son auteur. Que l'on revienne toujours à l'homme invisible davantage qu'à l'écrivain. Une photo de lui -la seule-, prise dans les années 50, montre un jeune homme au regard triste et aux incisives de lapin (il doit zozoter). Comme il a toujours fui la presse, les plateaux télé, que sa biographie tient au gros feutre sur un ticket de métro, on en fait un phénomène. Certes, il a été lu et a inspiré nombre d'auteurs américains, il est de la trempe des plus grands écrivains secrets (Beckett, Cioran, Blanchot, Michaux, Gracq, dans leur registre propre), mais de là à s'esbaubir sur "l'écrivain que l'on ne voit pas", dont on ne sait rien, qui n'apparaît pas, n'a pas d'adresse... Lisons-le e basta! Si vous cherchez Pynchon, allez en librairie. M'est avis qu'il habite son oeuvre et nulle part ailleurs. Mais cela ne suffit pas à notre époque cathodique, où le strass et le brushing avant de "passer" chez Trucmuche, devant une noria d'attachées de presse stressées, sont devenus la règle. Triste. Comme le regard que semble déjà porter T.P. sur le monde. Ses livres l'ont d'ailleurs prouvé, un à un. Le désenchantement fait oeuvre. C'est déjà ça.

  • Une Belle époque

    genere-miniature.aspx.gifLe quatrième roman de Christian Authier, Une Belle époque, (lire la note intitulée Province, publiée le 26 août), possède l’épaisseur, le corps tranquille et l’amplitude des livres de la maturité, comme on dit dans les feuilles littéraires. Authier sait construire un roman de 300 pages qui alterne le récit des péripéties politico-humanitaires, légères, d’une bande de potes, tous anciens de Sciences-Po Toulouse, dans les années quatre-vingt-dix, jusqu’aux élections de 95 (la machine politique, véreuse, et le clan Baudis en particulier, sont ici laminés en règle), la peinture ironique d'une droite qui essaya de devenir la plus sympa après avoir été la plus bête du monde, et une histoire d’amour avec une Clémence au charme envoûtant. Sans oublier de traiter au vitriol La Dépêche du Midi (à peine déguisée en Gazette) et le passé nauséabond de la famille qui possède encore le journal toulousain. Je serais d’ailleurs curieux de connaître les provisions pour procès de Stock, son éditeur. Authier détruit avec humour les suffisants, les parvenus de l'économie locale, les emperlousées des cocktails de préfecture, comme Muriel Barbéry a su le faire dans les cent premières pages de son élégant Hérisson. Authier y ajoute une distance qui est la marque des auteurs de fond. Ceux qui savent être sans concession, y compris avec eux-mêmes. Qui n'ont pas besoin de décrire le tragique des événements pour que nous le ressentions jusqu'à la moelle, avec le recours, simple à première vue, au verbe rare, à l’adjectif pudique, à la phrase courte et néanmoins souple : il faut parfois sacrifier à la tentation littéraire authentique, qui est de dire ces choses réputées indicibles que le lecteur a déjà vécues. La mélancolie d’Authier navigue au plus près du fil de l’eau lorsqu’il décrit Clémence, dont « la fraîcheur me ramenait vers ces contrées où l’impatience se marie à la langueur et à l’assurance qu’un soleil de printemps réchauffera toujours l’eau froide des grands âges ». Page 248, la jeune femme devient une déesse. L'image de la vérité, qui ne dure jamais. Rappelle que tout le reste n'est pas littérature. Authier, qui ne lâche son lecteur qu'à la dernière ligne, l'étreint avec la ceinture de l’émotion, par touches, à pas de loup, vers ce plaisir étrange que l’on dit textuel. Une réussite.

  • Vous avez dit "rentrée" littéraire?..

    "Tout en estimant qu'Anna devait rompre avec Vronsky, il était prêt, si tout le monde jugeait cette rupture impossible, à tolérer leur liaison, pourvu que les enfants demeurassent avec lui à l'abri des éclaboussures et qu'aucun bouleversement n'intervînt dans sa propre existence.
    Cette solution, pour vilaine qu'elle fût, valait pourtant mieux qu'une rupture, qui, tout en vouant Anna à une position honteuse et sans issue, l'eût privé, lui, de tout ce qu'il aimait. Mais il sentait son impuissance dans cette lutte, il savait d'avance qu'on l'empêcherait d'agir sagemment pour l'obliger à faire le mal que tout le monde jugeait nécessaire."
    (p.467, Pléiade)

    "Et cependant, dès qu'il fut hors de danger, Vronsky éprouva un esentiment de délivrance. Il s'était en quelque sorte lavé de sa honte et de son humiliation : désormais il pouvait penser avec calme à Alexis Alexandrovitch, reconnaître sa grandeur d'âme sans en être écrasé. Il pouvait en outre regarder les gens en face, et reprendre son existence habituelle, conformément aux principes qui la dirigeaient. Ce qu'il ne parvenait point, malgré tous ses efforts, à s'arracher du coeur, c'était le regret, voisin du désespoir, d'avoir perdu Anna pour toujours. Maintenant qu'il avait racheté sa faute envers Karénine, il était certes fermement résolu à ne pas se placer entre l'épouse repentante et son mari; mais pouvait-il échapper au souvenir d'instants de bonheur trop peu appréciés autrefois et dont le charme le poursuivait sans cesse?" (p.476, idem)

    Ces deux extraits ne sont pas dans le dernier Christine Angot, dont le célébrissime extrait : "Ne te trompes pas de trou", fait la joie de la presse... littéraire, ces jours-ci (il s'agirait, sur 320 pages, de ses coucheries avec Doc Gyneco...).

    Non, ces deux extraits, je viens de les piocher, en lisant, en écrivant,  dans Anna Karénine, de Léon Tolstoï.

    La classe...

    Mais je ne ferais pas le grincheux : certes, ne perdons pas de temps avec les histoires de cul des Millet, Angot et conso(eu)rts. Voyons les derniers Sylvie Germain, Marie Nimier, Jean-Paul Dubois (reçu ce matin, feuilleté : ça a l'air fort!), Régis Jauffret, Olivier Rolin, Richard Ford, Thomas Pynchon, Christian Oster... Car il ne faut pas désespérer nos contemporains.

     

  • Province

    Une Belle époque, de Christian Authier, paraît chez Stock. Je viens de l'acheter. Les premières pages évoquent avec subtilité les charmes désuets de la province (l'action se passe à Toulouse). Ecoutez (je reviendrai sur le livre lorsque je l'aurai terminé) : "En province, la vie est molle et le temps passe lentement. On peut parfois vieillir sur pied. (...) A Paris, personne ne se regarde. Chez moi, tout le monde s'observe. Ici, on a besoin d'être vu pour se sentir exister. D'où l'importance des terrasses de café, des grandes places, des rues piétonnes et des soirées privées de quatre cents personnes. (...) La province ne connaît pas la solitude, on s'y ennuie ensemble." C'est si juste.

  • Vacance

    En vacances loin d'Internet...

    Le chien (ce blog) n'est plus alimenté depuis début juillet. 

    Il ne le sera pas jusqu'au début du mois d'août.

    Il vit sur ses réserves, les archives.

    Vous pouvez continuer de déposer vos commentaires sur des notes anciennes.

    Je vous embrasse tous.

    LM