Belle perdue dans Causeur
Thomas Morales compare mon dernier roman à Villa triste, de Patrick Modiano. Il y a pire comparaison... Merci cher Thomas.
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Thomas Morales compare mon dernier roman à Villa triste, de Patrick Modiano. Il y a pire comparaison... Merci cher Thomas.
Ce bel article dans le grand quotidien italien sur L'Été de la Corricella / L'Estate della Corricella (récit bilingue) paru en septembre dernier chez Giannini editore.
Il est paru. Joie d'avoir en mains ce magazine de 80 pages que j'ai le plaisir de rédiger intégralement. Au sommaire, que des choses qui fâchent : la saga Michel Guérard, la race Aubrac, le cépage Malbec, l'appellation Marcillac, les boeufs gras de Bazas, le chef béarnais Gérard Lasbarrères, le domaine Berthoumieu en Madiran, la poterie Goicoechea, le Canal du Midi... Gratuit, on peut le trouver chez les cavistes qui vendent les vins du grand Sud-Ouest de la gamme Lionel Osmin & Cie. L.M.
... au moment où reparaissent en format "poche" (chez Cairn) mes Bonheurs de l'aube.
Merci à son auteur(e), Rita des Roziers.
J'ai longtemps fréquenté professionnellement, en tant que critique gastronomique, les-restaurants-étoilés comme on dit (et c'était pour leur attribuer des toques). Ils ne m'ont jamais fait rêver comme une auberge d'une simplicité naturelle, d'un dépouillement et d'une humilité touchants peuvent me transporter. Dimanche, une fois encore, j'ai franchi le col d'Izpegui, passées Saint-Étienne-de-Baïgorry et la Nive devant chez Arcé. En haut, j'ai pris traditionnellement un verre de Navarre (pour un euro !) en terrasse de la venta Irigoieneko, chez Peio (non sans faire quelques provisions de bouche à vil prix), dont la vue sur la vallée du Baztan est splendide, et vaut celle que nous offre le parking, côté français, soit à trente mètres de là, sur la vallée de Baïgorry (photo), puis j'ai dégouliné en voiture les lacets de la route qui conduit à Elizondo. Mais je me suis arrêté avant, à Erratzu, bourg pourvu d'un caractère architectural séduisant, où je me rendais clandestinement pendant le confinement de l'automne 2020 car, en France les restaurants étaient alors fermés, pour y déjeuner à pas d'heure (15h30), mais ici c'est possible, et j'ai d'ailleurs du patienter une demi-heure en terrasse, au soleil, peinard; à l'auberge Kastonea. La soupe de poissons, riche en palourdes, fut délicieuse, comme la morue rôtie et gambas très correcte (j'avais envie de mer, en montagne), ainsi que la tarte au fromage, pourvue de relief. Pour un billet de 20€ (prix du menu imposé), la bouteille de vin de Navarre (une pour deux) et l'eau minérale gazeuse (un peu salée, façon Vichy Catalan) compris, on y fait un déjeuner mémorable, grâce à l'environnement aussi : les milans royaux planaient bas, le soleil brillait fort, l'immense tablée voisine célébrait gentiment un faux mariage fellinien en costumes sortis de Cinecittà, et le service de cette auberge est toujours d'une gentillesse extrême. Pur bonheur. Le but de cette note est surtout de vous montrer la "carte", el menú, rédigé au stylo bille sur un petit bout de papier (le verso d'un prospectus pour une tombola). En haut à gauche, les entrées, à droite les desserts, et en bas les plats. J'adore... L.M.
Il est paru ! Seconde édition d'un magazine/guide que j'ai eu plaisir à rédiger. Il est gratuit, Atlantica l'a édité et l'Office de Tourisme le distribue.
Cliquez ici pour feuilleter et lire l'ensemble => BG2023
Bon, ça y est, il m'est parvenu, ainsi qu'à la presse. Il sera en librairie le 27 de ce mois (première signature officielle le 29 à Cultura/Anglet).
Réservez-le auprès de votre libraire. On en reparle bientôt.
(Je l'ai aussitôt relu pour me livrer à une chasse à la coquille. Je n'en ai trouvé aucune parmi ses 190 pages. À la bonne heure).
Voici ce que mon éditeur publie ce matin sur son compte Instagram :
Je ne suis pas peu fier d'avoir rédigé les 64 pages du premier magazine du négociant hédoniste en vins du Grand Sud-Ouest Lionel Osmin (& Cie). Il paraît, il est beau, il est riche, gouleyant, friand, convivial, sympa, généreux, très très Sud-Ouest, et il est gratuit. C'est bien plus qu'un catalogue pour les nombreux vins proposés par l'enseigne paloise. C'est la première version de l'expression d'un art de vivre certain. J'ai mis mon coeur à l'écrire, si cela peut se dire. L.M.
Surprise, ce matin, lorsqu'un ami m'informa de la parution, en octobre dernier, d'un épais (430 pages) Dictionnaire des écrivains gastronomes chez Flammarion, signé Jean-Baptiste Baronian, et dans lequel je figure aux pages 257 et 258, entre Harry Mathews et Jay McInerney, pensant que j'étais au courant, ajoutant un tu crois qu'il nous aurait prévenus, ce petit cachottier? à l'adresse d'un mini groupe WhatsApp de quatre personnes... Je m'enquis de sa disponibilité en librairie et en trouvai un exemplaire dans la journée, dont voici des images. L'ouvrage est passionnant, qui va en effet d'Apollinaire à Zola en passant par les classiques Balzac, Baudelaire, Blixen, Boileau, Brillat-Savarin, et les modernes comme Barbery, Barnes, Barjavel, Boudard, pour ne citer que quelques noms épinglés à la lettre B. C'est dire si l'ouvrage est riche. Et savoureux. L.M.
Il est certes trop tôt pour évoquer cela, mais puisque les sites marchands proposent de le pré-commander, je vous montre les "prière d'insérer" de l'éditeur de mon prochain livre, trouvés ce matin sur les sites divers comme la fnac, amazon, Babelio (ce dernier donne un texte plus touchant, mais les deux sont signés de mon éditeur chez Privat, Christian Authier). Patience jusqu'au 27 avril, jour de sortie de mon (très subjectif) Petit éloge amoureux du Pays basque.
Pèlerinage émouvant de groupie assumé, hier après-midi à la tour de Montaigne, à Saint-Michel-de-Montaigne (24). Visite monacale et infiniment tranquille à l'heure où la lumière d'hiver baisse en rougissant avec componction un ciel glacé et roide. Emprunter l'escalier en colimaçon aux marches usées, voir le lit, la cheminée, des peintures murales effacées, l'âtre, ce qui faisait office de lieu d'aisance, penser la cuisine, ouvrir les fenêtres, contempler la pièce ronde du bureau surtout, les inscriptions en grec et en latin dans le bois de chacune des poutres - les citations de philosophes (au premier rang desquels loge Socrate) qui accompagnèrent Montaigne, imaginer la bibliothèque face à la table de travail, écouter le silence alors à peine troublé par un pinson et un rouge-gorge, affronter le froid d'hier et ressentir, autant que faire se peut, ce que Montaigne dut tant éprouver là afin d'y écrire ses Essais. D'où, me dis-je, la présence de trois selles d'époque, car Montaigne galopait par monts et par vaux lorsqu'il n'écrivait pas ce que, justement, il prélevait en voyageant, en frottant sa cervelle à celle de l'Autre. Par pénétration, et comme par une sorte de palimpseste, j'eus l'envie forte de croire que je pouvais me projeter instantanément entre 1533 et 1592 là même, et j'imaginai, j'ai imaginé, j'ai forcé mes sens, mes muscles, mes idées rassemblées en désordre. J'ai voulu. Le moment fut délicieux, vivifiant et d'une sereine intensité, car vide de tout élément extérieur, humain surtout. La solitude (partagée) savourée en un tel endroit me fut un cadeau du ciel. J'ai repris les Essais, ce matin, non sans avoir rangé au préalable, dans la part de rayon de ma bibliothèque consacrée à Montaigne, une bouteille qui ne se boit pas, mais qui doit loger parmi l'Oeuvre, ses éditions diverses et son exégèse. Elle porte le nom de l'auteur, car un vignoble en appellation Bergerac prospère tout autour de la tour. L.M.
Loin du thriller d'Harlan Coben et de son adaptation au cinéma par Guillaume Canet, voici un vin blanc éponyme issu de Marsanne et de Viognier particulièrement agréable, apaisant même, mi-août, à l'heure où le soleil amorce son lent plongeon dans l'océan. Je confesse avoir bu l'étiquette, autrement dit avoir acheté ce flacon hier (chez Arostéguy, épicerie fine à Biarritz) sans réfléchir, sur son nom seul. Certes, j'aime vraiment beaucoup les deux cépages qui le composent. Le premier parce qu'il m'évoque aussitôt les meilleurs Crozes-Hermitage blancs, et le second parce qu'il est synonyme de l'appellation Condrieu, qui a ma préférence en matière de grands blancs hexagonaux. Aussi, prendre cette bouteille en confiance alla de soi (avec des grissins, du fromage de chèvre et du jamón de bellota). Pour 10,50€, je recommande donc ce flacon de 2021 classé en Vin de France, élaboré par la Vinifacture, à Saint-Étienne, parce qu'il est, simplement, de belle facture.
Alliances : Comme chaque fois, je propose une escorte littéraire afin de déguster aussi des mots. L'ABéCédaire de Romain Gary, anthologie concoctée par Mireille Sacotte et Marie-Anne Arnaud Toulouse, recèle des traits d'esprit fulgurants, ainsi que des perles avant-gardistes stupéfiantes, tant sur la détérioration de l'environnement que sur ces menaces d'abrutis que l'on appelle le wokisme (éd. de l'Observatoire). Et Jospeh Anton, l'autobiographie de Salman Rushdie (folio), car elle évoque presque à chaque page le traumatisme de la fatwa dont l'auteur est l'objet, et la victime. La santé de l'auteur des Versets sataniques s'améliore, ai-je lu ce matin. C'est heureux. L.M.
Un 64 pages "hecho a mano" (gauche, avé stylo au bout des doigts : j'ai quasiment tout rédigé). Réalisé avec le concours de l'Office de Tourisme et de l'agence Atlantica : Bertrand, Yaelle, Théoline, Mathieu. Il paraît et il est gratuit. Chipez-le, bonnes emplettes, cuisine et restos ! L.M.
Retour d'une salle obscure où la lumière, la Lumière, vint, divine, de la voix rocailleuse de Big Jim, notre cher, si cher Jim Harrison, disparu il y aura six ans dans trois jours. Le film que lui consacrent François Busnel et Adrien Soland est une ode aux grands espaces, à la poésie, à la Nature, aux animaux, aux rivières, aux arbres, aux femmes de la trempe de Dalva, l'inoubliable héroïne de son plus puissant roman, et aussi de Linda son épouse cinquante-quatre années durant. Jim est au bout du rouleau, il titube, tousse, ahane, fume sans relâche, s'aide d'une canne, s'essuie fréquemment la paupière qui abrite un oeil de verre depuis ses dix ans, il est lui-même. Cash. Tellement naturel, à Paradise Valley, dans le Michigan, avec sa bedaine qui jaillit du tee-shirt, ses gris-gris punaisés sur le mur de sa table de travail, où il écrivit tout son œuvre au stylo noir, et jusqu'au volant ganté de cuir indien de son 4x4 qui conduisit l'équipée jusqu'à Patagonia (Arizona), où il résida parfois et où la Faucheuse le cueillit. Ce film est émouvant car il est pudique, franc du collier, sans fard, silencieux, ouvert sur des territoires traversés par un pygargue, un vautour, un chevreuil, des bisons, deux chiens de chasse appartenant à Jim Fergus, une truite hameçonnée, des forêts et des montagnes larges comme l'univers, dans un clair-obscur de circonstance. On y voit aussi les villages américains poussiéreux, leurs commerces, leurs véhicules garés, une station-service à vendre, une désolation palpable, une barmaid sexy que Jim ne peut s'empêcher d'alpaguer en lui baisant élégamment la main droite avec la dégaine de Charles Denner à la fin du film L'homme qui aimait les femmes, de Truffaut. Tout est dit, en sourdine, sur la subtilité, le tact de l'oeuvre d'un grand écrivain américain. J'ai tout lu de lui. Absolument tout, sauf ce que l'édition nous réserve sans doute encore d'inédits, de raclures bonnes à déguster, d'articles récupérés, de nouvelles inédites, de poèmes retrouvés (ce fut un immense poète de la Nature). Je regretterai éternellement cette annulation forcée (Maman était bien trop malade pour que je parte longtemps) d'un rendez-vous pris avec lui dans le Michigan afin de "tirer" son portrait sur quelques pages dans le magazine (La Chasse) que je pilotais dans les années 1995 à 2000. Je me souviens avoir déchiré avec mélancolie mon billet d'avion. Ce soir, je reprendrai Légendes d'automne et Dalva au hasard des pages, au gré du vent, en entendant le timbre craquelé - you know... - de sa voix de grizzly édenté et romantique. L.M.
Cliquez là => LE BRUISSEMENT DU MONDE
Le choix de la première chronique littéraire de l’année s’apparente à la cueillette des champignons, dans un sous-bois, à l’automne, quand la feuille morte rythme le pas, quand l’incertitude guide la main du critique. La pluie grise les sentiments, la nature protège et isole; le critique hésite, il tâtonne, il se rétracte parfois, puis il se lance, il a enfin trouvé le livre qui correspond à son souffle intérieur, à son émotion du moment, à sa volonté de ne pas ensorceler le monde. En 2021, l’esprit ne sera ni à la querelle incestueuse, ni à la légèreté béate, plutôt à la beauté qui s’efface peu à peu, elle s’échappe, nous le sentons charnellement, et pourtant, il faut la retenir, s’incliner une dernière fois devant elle, la remercier encore et toujours. Se rappeler que sans elle, nous sommes des êtres désarticulés, surnuméraires fantômes. Cette beauté fugace n’est pas grandiloquente, elle ne bombe pas le torse, elle ne nous fait pas du gringue au coin d’une rue ou à la lecture d’un paragraphe trop étincelant; discrète, elle sait tenir ses distances.
Elle s’apprivoise difficilement. L’écrivain Léon Mazzella, styliste des terres basques, grand spécialiste du vin, part à sa recherche dans Le Bruissement du monde aux éditions Passiflore. Il est de ces explorateurs esthètes qui ne surjouent pas la surprise ou l’émerveillement. Ce gracquien sème la chronique au vent, sans charger sa phrase d’un affect débordant, elle garde sa pureté originelle tout en susurrant son pouvoir d’abstraction. Là, réside le charme vivifiant de ce recueil buissonnier qui promène son bonheur de vivre entre fragments, souvenirs d’enfance, nostalgie du cœur, sens de la transmission et plaisir du palais. Mazzella nous touche car, avouons-le, il caresse notre vieux monde, il cajole notre désenchantement, il ouvre la volière de notre mémoire. Ne vous méprenez pas sur son dessein, il ne panthéonise pas le passé, ce n’est pas un embaumeur, plutôt un exhausteur de goût. Son toucher de plume lifte l’existence, lui donne du rebond. Nous avons les mêmes codes d’entrée, les mêmes marottes, les Renault Floride et les chevauchées landaises de Christine de Rivoyre
Avec ce compagnon hussard, on se rappelle d’un texte lu à l’adolescence qui a fait chavirer notre suffisance, on se met alors à dessiner des volutes de Havane dans le ciel laiteux de la province française, à rêver aux seins obuesques de Silvana Mangano dans « Riz amer » ou à la bouche désirable de l’impénétrable Monica Vitti. À nous extraire simplement de notre quotidien par le talent des autres, voilà un résumé de ce que fut notre jeunesse. Pour nous, garçons ahuris, bouffis de caractères d’imprimerie et de cinéphilie, la réalité passe souvent par le tamis de la fiction. Mazzella est un merveilleux brouilleur de météo, il détraque toutes les horloges. Avec lui, la chronologie s’émancipe des dates. On le suit avec gourmandise dans cette belle littérature, giboyeuse et sauvage des Trente Glorieuses puis, le texte suivant, il nous ramène au présent, dans le spectacle chantant d’une bergeronnette grise ou la pesanteur ensoleillée d’un champ de maïs. Tantôt mélodiste d’antan, tantôt aquarelliste du paysage en mouvement, sa mélancolie sous-jacente n’est ancrée dans aucun port d’attache. Elle est libre, elle se moque des convenances, elle cabote sur des côtes intimes. C’est pourquoi nous prenons autant de plaisir à le lire, surtout quand il écrit: « Je suis Claude Sautet » ou qu’il fait l’éloge du stylo à plume: « Bonheur de retrouver le glissement de l’encre, sa fluidité, et le crissement sur le papier vergé ivoire, cette teinte bleu nuit qui forme les lettres, les mots qui naissent, le mouvement du poignet, le sang qui afflue sur la dernière phalange de l’index comme si nous labourions ». Mazzella sait, par instinct, qu’un bon livre ne ressemble pas à une autoroute rectiligne, il doit cahoter, ne jamais utiliser le même instrument de musique, de la variété naît l’harmonie. Mazzella ose passer de Gracq au Bricomarché, sublime impertinence et poésie de l’infiniment petit, de Calet à Anouk Aimée, de Larbaud à une libellule indisciplinée, de Gómez de la Serna au croquant du chipiron. Vive 2021 !
Le Bruissement du monde de Léon Mazzella – éditions Passiflore.
J'y ai écrit pas mal de choses, dont un papier sur les crémants (sur le thème : un bon crémant vaut mieux qu'un mauvais champagne) avec une sélection de mes coups de coeur, comme suite à la dégustation forcément sérieuse d'une cinquantaine de crémants de tous horizons organisée a casa avec une poignée de potes hédonistes.
Un autre article sur les armagnacs de demain, avec un zoom légitime sur les splendides Curiosités de Laubade, mais pas seulement.
Et une série de brèves pour les Fêtes (caviar, vodka, whisky, rhum, gin... exceptionnels).
Tous au kiosque ! L.M.
Dominique Piron, retenez ce nom (souvent écrit, ici), exigez-le ce soir si vous le voyez passer. C'est du très bon en Beaujolais Nouveau, et de l'excellent en Beaujolais Villages. Le premier est un authentique vin de plaisir, de partage, de copains, de rigolade, de charcutaille et de détente (8€). Le second, plus sérieux, est davantage gourmand, présent en bouche, tout en demeurant souple et léger, parce qu'il sait se (re)tenir, lors qu'il possède des réserves "sous le pied" (9,50€). Les deux peuvent être ainsi dégustés toute l'année qui vient, jusqu'en novembre prochain, surtout le second, mais ce soir, régalez-vous entre amis et/ou en famille. La Maison Piron, auteure de flacons iconiques notamment à Morgon, produit avec un souci qualitatif remarquable ces deux vins de soif et de gaité, pourvus d'une élégance et d'une teneur, voire d'une puissance exceptionnelle. L.M.
Au lieu de répéter à l'envi un mot que je dégaine chaque année lorsque, dès le troisième jeudi de novembre, un restaurateur tente de m'imposer une bouteille de Beaujolais Nouveau sur table : Non, merci, je préfère le vin... (usé jusqu'à la lie selon mes amis), et ne souhaitant heurter aucun des 2 000 domaines de l'aire d'appellation(s), je me contenterai cette saison d'une mise à jour de nos connaissances sur le motif.
Un rappel, tout d'abord : Beaujolais, et Beaujolais-Villages Nouveaux figurent deux des douze AOC (Appellation d'origine contrôlée) du Beaujolais, avec de plus sérieuses, voire d'exceptionnelles : Brouilly, Chénas, Chiroubles, Côte de Brouilly, Fleurie, Juliénas, Morgon (notre préférée), Moulin-à-Vent, Régnié, et Saint-Amour (qui voit ses ventes augmenter un peu bêtement, seulement autour du 14 février).
Le Beaujolais, c'est 13 500 ha plantés dans leur écrasante majorité en cépage gamay noir à jus blanc, qui couvrent 96 communes. Sur les 30 000 ha de gamay plantés à travers le monde, la moitié le sont en Beaujolais. Beaujolais et Beaujolais-Villages Nouveaux couvrent 7 500 ha de vignes à eux seuls. En volume, cela représente en 2020 135 000 hl pour les deux appellations concernées, soit 18 millions de bouteilles. La moitié (plus de 60 000 hl) est exportée vers plus de 100 pays. Le Japon est le plus gourmand, avec 29 000 hl, suivi par les USA (11 200 hl). À l'autre bout de la liste, les Pays-Bas n'en demandent que 900 hl. Autant dire que la fiesta est mondiale et que les bouchons sautent à qui mieux mieux un peu partout dans de nombreux bistrots, à date.
Quelques Beaujolais rosés font leur apparition depuis quelque temps (4% du volume, soit 2 millions de bouteilles quand même, mais nous n'en avons encore jamais goûté). Beaujeu demeure la capitale historique du vignoble. Nous fêtons cette année les 70 ans de la première mise en commercialisation des Beaujolais Nouveaux (15 novembre 1951 : c'est aujourd'hui même !). Et c'est en 1985 que fut promulgué le décret fixant au 3e jeudi de novembre leur mise à la consommation.
En France, dès jeudi prochain, ce sont 75 000 hl de Beaujolais Nouveau qui seront commercialisés, dont 48 000 hl (6 millions de cols) en grande distribution, et plus de 25 000 hl (3 millions de cols) en restauration et chez votre caviste.
Sans attendre la date officielle, et afin de vous proposer un petit choix, nous avons pu en découvrir six, dégustés hier à six (avec force volaille rôtie, pommes de terre grenaille, fromages divers), de qualité inégale mais certaine, car tous étaient de franche tenue.
Petit résumé du millésime : 2021 restera une année compliquée, car faible en quantité en raison d'aléas climatiques de sinistre mémoire. Par bonheur, la seconde moitié du mois d'août et le mois de septembre furent favorables à la préservation de la qualité des raisins. Les vendanges, qui ont démarré à la mi-septembre, ont duré quinze jours intenses, dans des conditions marquées par la fraîcheur, sensation que l'on retrouve avec bonheur dans le verre.
Le Beaujolais Nouveau 2021 est vivace, et d'une expression aromatique appuyée dans l'ensemble. C'est fruité, tendre, gouleyant, friand, gourmand sur toute la ligne de cinq des six flacons dégustés, dont voici le compte-rendu de découverte, verre en main, et crachoir à portée :
Celui de Jean-Paul Brun, baptisé L'Ancien, fut sans conteste le meilleur, le plus sérieux, le plus vineux, le plus chargé d'âme, le plus concentré aussi. Robe cristalline, nez giboyeux, et de cassis, avec un parfum léger de cuir. Ça pinote en bouche, et sa légèreté est contrastée, qui alterne avec une réelle profondeur (9,50€).
Le Beaujo Beau d'Anthony Charvet offre une robe profonde, un nez de cerise mûre, et sa bouche, bien que courte, mâche un peu et laisse une trace de classicisme règlementaire. Notons la singularité de ce vin qui, après une macération de dix jours en qvevri, ou kvevri (jarre ovoïde provenant de Géorgie, le berceau du vin), est pressé en douceur et remis aussitôt en qvevri pendant quelques semaines, le jus profitant ainsi de la micro-oxygénation (8€).
Marie-Claude et Daniel Burnichon proposent un Beaujolais-Villages compétitif à tout point de vue. Oeil violacé avec un joli liseré rouge vif, nez de fruits noirs, bouche de framboise écrasée, avec une finale légèrement réglissée. Une grande fraîcheur générale se dégage de la dégustation, une fois le verre reposé (6,50€).
Perréonissime, du Domaine de la Madone (famille Bererd) présente une robe rubis avec de jolies teintes violines. Le premier nez est un peu carbonique, puis cela s'efface pour laisser s'exprimer la cerise Napoléon. La bouche, ample, rappelle la quetsche croquante du début de l'été. L'ensemble présente une étonnante vinosité, surtout en le goûtant à nouveau (l'envie de vérifier un truc) au bout d'un bon quart d'heure de salutaire aération (8€).
Plaisirs de Pégase, de la famille de Jean-François Pegaz (cela ne s'invente pas) à la robe sombre et profonde, présente un nez à l'attaque relativement vineuse, et des notes de framboise en bouche, et de mûre également. Un ensemble satisfaisant, bien que dénué de longueur, mais nous sommes... à cheval sur les principes (7€).
Enfin, le domaine des Marrans, de Camille et Mathieu Melinand, ne semble pas avoir été filtré, eu égard à l'opacité de sa robe, ni soufré peut-être (?). Rien de gênant, jusque là. Le nez cependant par trop carbonique, le demeure, et la bouche présente une acidité désobligeante. Nous cherchons le raisin, voire le vin; en vain (9,50€). L.M.
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Beaujolais Nouveau : Pour toute information.
Et j'y ai pas mal donné. Illustration =>
Art-If-Ice. Même si le nom de cette cuvée est mal trouvé, et évoque une enseigne de coiffeur tentant de surfer sur le mot tif à l'aide d'un mauvais jeu de mots, le résultat est intéressant : Il s'agit d'un champagne (29€) de la Maison Charpentier (évoquée ici il y a peu), composé pour moitié de pinot meunier, de 32% de pinot noir et le reste en chardonnay, dégorgé en novembre dernier. La proposition est originale : verser environ 15 cl de cet effervescent (dosage demi-sec), ajouter un quartier de citron vert et un glaçon. C'est bluffant, délicieusement rafraîchissant, et cela change du Spritz à l'Apérol, à base - au choix : de crémant de Bordeaux, de Prosecco ou bien d'un champagne modeste.
Idéal avec du saumon cru juste mariné dans un généreux trait d'huile d'olive de grande qualité : Fruité Vert Intense, signée Les Terres de Provence, du château Calissanne (8,90€ le mignon flacon de 25 cl). Jolies notes d'artichaut cru, de foin et de chlorophylle.
Camus (mais non, pas Albert !..) propose un coffret (69€) amusant contenant une bouteille de cognac Île de Ré Fine Island (issu de raisins cultivés sur l'île même), une autre d'Amaretto Adriatico (liqueur d'amandes italiennes), un verre et une cuillère à cocktail. Versez le cognac et l'amaretto à part égale, ajoutez un ou deux glaçons, remuez, et le cocktail French Connection est prêt. À déguster avec des fèves de tonka préalablement sautées dans une poêle sèche.
Alliances littéraires : L'édition limitée en folio classique des Fleurs maladives de l'inoxydable Charles Baudelaire, illustrée de photos délicates signées Matthieu Trautmann.
Le subtil Petit éloge de la gourmandise, de Nicolas d'Estienne d'Orves (François Bourin).
Les poèmes profondément simples de la méconnue bulgare Aksinia Mihaylova, Ciel à perdre, suivi de Le Jardin des hommes (Poésie/Gallimard).
Et, enfin, l'extraordinaire Poème de l'olive, de Jean Giono (folio). L.M.
J'y ai pas mal donné, soit écrit et dégusté... À propos des associations de vigneronnes, des rosés du Languedoc-Roussillon d'exception, de la syrah que je prénomme Carmen et de flacons formidables, de l'influence de l'âge des vignes... Longue vie à Tanin, placé sous la houlette de notre amie Gabrielle Vizzavona, et sous le haut patronage de notre ami Tancrède de la Morinerie. D'ailleurs, je travaille au numéro 2... L.M.
Une sélection de onze flacons enchanteurs à s'offrir afin de fêter le déconfinement progressif avec effervescence.
VOLLEREAUX cuvée tradition 2014 est brut millésimé de haute tenue (moitié chardonnay et par quart meunier et pinot noir). C’est élégant, et surtout pourvu d’une grande vinosité. La bulle est très fine, l’ensemble équilibré, avec un joli nez abricoté, exotique aussi (mangue), et une bouche où l’on sent l’agrume allié à l’amande grillée. C’est le septième millésime (à peine 4 500 flacons) produit par la maison sise à Pierry, dans la vallée de la Marne, où Franck Vollereaux veille à la vinification. On en redemande ! 26€
DEVAUX (Sélection) D rosé est issu d’une rigoureuse sélection de pinot noir (55%) et de chardonnay (45%). 5 ans d’âge a minima. Belle robe saumonée soutenue, joli nez de groseille et de framboise, une bouche ample et intense avec une note d’abricot. Le champagne des tête-à-tête amoureux, ou de l’écoute solitaire de musique baroque à base de viole de gambe. Séducteur. 55,60€
HENRIOT brut rosé n’est pas réservé à la Fête des mères. Il est issu de pinot noir structuré de la Montagne de Reims, de pinot meunier qui lui donne une note pâtissière, alliée à la franche minéralité du chardonnay. Les vins de réserve de la maison sont ainsi convoqués pour une fiesta dans la flûte. Jolie robe pâle aux reflets cuivrés, nez de petits fruits rouges (framboise, fraise, cerise) et d’agrumes, mais en douceur. Bouche d’une belle persistance, avec des notes végétales, balsamiques et tendrement épicées. Enchanteur. 52€
CHASSENAY d’ARCE rosé 2012 cuvée Confidences est issu de pinot noir (86%), de chardonnay (12%) et de pinot blanc (2%). 6 ans de vieillissement en bouteilles sur lie pour ce millésimé à la robe saumonée profonde. Nez de fruits rouges et blancs avec une pointe réglissée. Bouche friande, veloutée, avec une finale assez longue. « Une expression racée et avenante, Confidences illustre le meilleur du terroir de la vallée de l’Arce », dixit Brice Bécard, chef de cave. Gourmand. 66,30€
CHARLES de CAZANOVE cuvée bio est une splendeur ! Issu à 100% de pinot meunier du terroir de Vandières dans la vallée de la Marne, ce champagne naît sur un vignoble certifié HVE niveau 3 (Haute valeur environnementale). Superbe robe claire, bulle très fine, joli cordon, nez de petites baies rouges du sous-bois, de fruits confits aussi, bouche généreuse, consistante, avec de légères notes d’agrumes. Hédoniste. 30€ (une affaire).
AYALA Rosé Majeur, ou la délicatesse. Le chardonnay (50%) s’impose avec sa pureté. Le pinot noir (40%) d’Aÿ classés Grand Cru (dont 6% de vin rouge) contribue à donner ce nez subtil de framboise et de groseille. 10% de meunier complète la palette. Faiblement dosé (7%), ce rosé à la robe pâle possède un nez de pêche de vigne allié aux petits fruits rouges mûrs. Bouche d’une grande fraîcheur, avec une persistance friande et juteuse (framboisée). Équilibré. 42€
ANDRÉ FAYS, cuvée Infinity (Blanc de Noirs). Cette cuvée confidentielle (2500 bouteilles) en viticulture raisonnée, issue de pinot noir (100%), naît sur les coteaux ensoleillés de la vallée de l’Ource (Côte des Bar). Non dosée, elle exprime une vinosité remarquable. La robe jaune citron est soutenue, la bulle est vive. Le nez est de fruits blancs et d’agrumes surtout. Les notes rappellent la brioche, la mirabelle, la mûre et le pomelo rose. La bouche est crémeuse et charpentée, avec un final lent. Une belle découverte. Remarquable. 33€
LAURENT LEQUART et ses 3 cuvées 100% pinot meunier effectue un travail formidable à Passy Grigny, au cœur de la vallée de la Marne. Certifié HVE niveau 3 de surcroît, l’exploitation rend des hommages appuyés et savoureux au meunier, donc. De droite à gauche, pour les photos : La cuvée Prestige pur Meunier Extra Brut (vendange 2016, mise en bouteilles juin 2017, dégorgement en décembre 2019), avec son nez de fruits jaunes et sa pointe d’épices douces (vanille, cannelle), est un régal en bouche, où le charnu le dispute à l’élégance. Classe. 49,50€ La cuvée Blanc de Meunier Brut Nature (vendange 2016, mise en février 2017, dégorgement en novembre 2020), est somptueuse au nez : fleurs blanches, orange. Bouche souple, d’un grand équilibre, où pointe la mirabelle, et un léger zeste d’agrumes. Persistant. 33,60€ Enfin, la cuvée Réserve Extra Brut (vendange 2017, mise en février 2018, dégorgement en décembre 2019), est un effervescent simplement gourmand, à cheval sur les fruits rouges et les agrumes. Le genre de bouteille dont on fait sauter le bouchon à la moindre occasion. Sympa. 23,90€
CHARPENTIER Pinot Meunier Zéro dosage. Jean-Marc Charpentier est un champenois étonnant installé à Charly-sur-Marne. « Vigneron humaniste et agronome audacieux », il pratique la biodynamie depuis 2009 pour ses fameuses cuvées Terre d’Émotion. Celle-ci, 100% meunier, est limitée à 3508 flacons. Elle est issue de la parcelle Les Chauffours, plantée en 1962. La vendange eut lieu en 2017 et son dégorgement en mai 2020. Robe or soutenue, joli nez de fruits à chair blanche, bouche dense, d’une grande fraîcheur pour ce champagne non filtré, non collé, à peine soufré. Charnu. 42€ (Nous reviendrons bientôt pour évoquer la cuvée Art-If-Ice du même Charpentier).
L.M.
Ayant participé à la dégustation de nombre de bouteilles en qualité de membre du jury, je me suis engagé à dévoiler les résultats de cette grande dégustation. Voici les 24 lauréats : 6 blancs, 6 clairets, 6 crémants, 6 rosés, soit autant d'ambassadeurs des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur, dont les noms figurent ci-dessous :
Bordeaux blanc
Le Loup de la Loubière (9 €) Château Roc Meynard (7,50 €) Château Labatut - Cuvée Prestige (4,20 €) Château La Verrière (5,60 €) Château de Lussac - Le Blanc (11,50 €) Château de Bonhoste - Cuvée Prestige (10,20 €)
Bordeaux clairet
Château de Haux (7 €) Arsius (5,20 €) Château La Mothe Du Barry - Cuvée French Kiss (6 €) Château de Lisennes (6 €) Château Sainte Catherine (6 €) Château Penin (7,30 €)
Crémant de Bordeaux blanc
De Luze (5 €) Bulles de Lisennes (8,50 €) Premius (6,45 €)
Crémant de Bordeaux rosé
Bulles de Lisennes (8,50 €) Les Cordeliers Vintage (15,90 €) Mission Saint Vincent - Cuvée du Saint-Patron (4,50 €)
Bordeaux rosé
Château Caminade Haut Guérin (5 €) Château Gandoy-Perrinat (4,95 €) Château Mousseyron (5,20 €) Belle Rosée de Fontenille (10 €) Carrelet d'estuaire - Confidences (6,90 €) Château Penin (7,20 €)
Extrait du communiqué des organisateurs et de sa chargée de communication, Julia Badets : "Influenceurs, blogueurs, journalistes et amateurs, le Syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur a sélectionné un jury de 50 passionnés de vins qui dévoile aujourd’hui les 24 cuvées stars du millésime 2020 dans les appellations Bordeaux blanc, Bordeaux rosé, Bordeaux clairet et Crémant de Bordeaux. Ces experts connectés et actifs sur les réseaux sociaux ont goûté à distance plus de 80 échantillons finalistes sur 300 échantillons présentés lors de la première présélection qui a eu lieu par un jury de professionnels à Planète Bordeaux en mars dernier. Ce jury de la finale des Oscars des Bordeaux de l’été a partagé sa dégustation avec sa communauté et bien plus encore... Dégustation connectée réussie : Avec plus de 3500 likes obtenus sur l’ensemble des posts, le compte Instagram @planetebordeaux compte désormais plus de 2500 abonnés (+2,5% en quelques jours)."
C'est étrange. Je découvre à l'instant, ou peu s'en faut (question d'heure) la publication déjà ancienne d'un article que j'ai écrit sur le phénomène des tanins, ô combien riche et complexe (qu'on lise Selosse !). Il figure en page 7 d'un nouveau magazine intitulé Racines, "le magazine réservé aux membres du club Ventealapropriete.com." Et voilà que j'attends sous peu la parution du numéro un d'un magazine éponyme, TANIN, auquel j'ai collaboré sans compter, puisqu'il est placé sous la houlette de mon amie Gabrielle Vizzavona. Avec un ou deux "n", éternel dilemme, les tanins surnagent et délivrent leurs tenaces saveurs. C'est l'essentiel. L.M.
La cuvée T (rouge) 2018 du château Trians, AOP côteaux varois en Provence, produit par Emmanuel Delhom et sa famille, est un vin bio (depuis 2012) capiteux, généreux, ample, très présent, avec des syrah de caractère (80% de l’encépagement) à peine tutoyées par des grenaches (20%) qui ne s’en laissent pas compter. Un vin gourmand et gorgé de notes de fruits rouges. Le flacon, râblé et large d’épaules, donne le ton en désignant son contenu. 18,50€
Le sauvignon gris de Grain de Lune est un bordeaux blanc singulier, car le cépage dont il est issu est relativement confidentiel. Robe jaune pâle, des notes d’agrumes mais pas trop, bouche élégante, finale à peine musquée. C’est le compagnon idéal pour un filet de merlu ou des grosses gambas rôties.. C’est Producta vignobles qui propose cette nouvelle cuvée craft pour à peine 5€
Le Pinot noir 1957 by Pfaff est un AOP Alsace 2019 qui fait écho à la date de création de la cave des vignerons de Pfaffenheim. La gamme propose aussi un riesling, un gewurztraminer et un pinot gris. Nous avons choisi de découvrir le Pinot noir, lequel offre une belle robe rubis, un nez agréable pourvu de notes franches de framboise et de fraise, et une réelle présence en bouche, avec des tanins délicats. 12€
Métayage Pinot noir 2019 fait partie de la nouvelle gamme bio de la famille Abbots & Delaunay, célèbre pour son savoir-faire bourguignon. Nous sommes cependant sur les collines de Limoux (Sud de France) avec ce flacon sérieux. Belle robe pourpre, nez de petits fruits rouges et noirs (framboise et myrtille dominent), bouche ronde et délicate avec une finale légèrement boisée. Les tanins, tendrement épicés, s’expriment au bout d’une trentaine de minutes, lorsque le vin a trouvé son équilibre. 13€
Brio 2009, second vin du château Cantenac Brown, est une splendeur lorsqu’on le marie à une txuleta de bœuf souletin maturée à souhait, mais également pour lui seul ! Ce margaux de noble extraction (3e cru classé 1855), sur un millésime des plus réussis de ces vingt dernières années et davantage, est un régal de gourmandise et de fruité (cerise mûre, pruneau en finale), d’élégance (tanins formidables), et de délicatesse (léger vanillé) alliés à une force intérieure qui signe les vins des grands terroirs bordelais. Ajoutez une fraîcheur et une longueur exceptionnelle, et vous n’attendez pas la fin du repas pour passer commande. 40€ environ.
Les Hautains de la cave de Crouseilles sont des vins bios sympas. Il y a un blanc moelleux, un Pacherenc du Vic-Bilh 2019 proposé en demi-bouteille : jolies notes d’ananas mûr et d’agrumes confits. Un vin pas trop chargé en « sucre », avec une pointe d’acidité qui donne un coup de fouet bienvenu (6,40€). Et un Madiran. Nous avons dégusté ce dernier dans le millésime 2019 avec beaucoup de plaisir. Il est issu de tannats et des cabernets (sauvignon et franc) d’une belle vérité. Franc, direct, voilà un madiran de caractère qui peut se résumer par les mots de puissance élégante. Belle robe grenat sombre, nez de fruits noirs (mûre) et de réglisse. Bouche soyeuse, avec des notes épicées (vanille). Un régal avec un simple magret. 6,95€
La cave du Marmandais offre de L’Air Libre avec ses deux flacons sans sulfites ajoutés. Ce sont un rouge (merlot 65%t, malbec, cabernet franc) et un rosé (cabernet sauvignon 53%, cabernet franc, merlot, malbec, fer servadou) tout simples, élevés en cuve inox, sans chichis, de vrais vins de copains, de fraîcheur, de charme, de fruité léger et d’apéro. 6,50€
Le Beillou 2018 est un carignan
expressif proposé par Les Jamelles. Ce rouge du sud du Minervois est le produit d’une sélection parcellaire de vignes centenaires. Une robe très sombre, presque noire, un nez subtil de mûre, de myrtille, et une persistance fruitée et épicée en bouche (poivre, léger mentholé) font de ce flacon (élégante bouteille lourde, à épaules larges) l’allié de la cuisine orientale de Yotam Ottolenghi et Sami Tamimi lorsque nous ouvrons l’un de leurs merveilleux livres de recettes de cuisine israélo-palestinienne afin d’en réaliser une. La synthèse. 19,95€ Notons le rosé issu de Mourvèdre 2020 de l’arrière-pays narbonnais et de la plaine de l’Aude, également proposé par Les Jamelles, car il est d’une rare complexité aromatique (agrumes, herbes, épices, fleurs...). 7,40€
La Cave de Tain s’encanaille avec Lou Garouge et Déshaltère. Les étiquettes de ces deux vins sont drôles, et leur jeu de mots bienvenu. Le premier est un 100% syrah 2020 des Collines Rhodaniennes pourvu d’un nez riche en fraise des bois et en mara aussi. Bouche gourmande, simple, on sent les jeunes syrah, n’hésitez pas à rafraîchir la bouteille tandis que vous disposez la chiffonnade de jamón et de chorizo de bellota. Déshaltère 2020, est lui aussi issu de syrah, et il se revendique moelleux. Or, il est plutôt agréablement sec. À servir « frappé », ce rosé humble au nez de fruits rouges et de bonbon anglais présente une grande douceur persistante en bouche. Alliances : un fromage de chèvre frais. 5,90€
Rouge Fusion 2018 de la Cave de Lugny est une vraie découverte. Cédric Gayet fait se rencontrer Pinot noir et Gamay, et « ça le fait ». Le mariage est connu. Mais, là, il y a du nouveau : les gamay sont élevés en fûts de chêne et en cuves, et les pinots le sont en cuves classiques et en cuve béton ovoïde six mois durant, vous savez ces grands œufs que l’on voit de plus en plus dans les chais ? L’assemblage suit, qui produit un vin étonnament aromatique. Cerise, framboise explosent au nez, et la bouche, ronde, est d’une grande tendresse. Étiquette sympa et un brin militante, avec l’œuf qui y figure. 11,20€
Élégance rosé 2020 du château
Beaubois (Costières de Nîmes): le charme même. Syrah (60%), grenache et cinsault à part égale composent ce flacon chic qui reflète la classe naturelle de Fanny Boyer, qui l’élabore avec son frère François. Robe pâle mais scintillante, comment dire... Nez délicat de pêche, de framboise, de groseille sans acidité, bouche ample et généreuse, bien là comme un régal qui se répand. Longueur évidente. Un bonheur rose pour lui-même, ou bien pour trinquer au jardin, devant la mer, avec ou sans charcuterie, mais en musique. Olé ! 11€
À suivre, car j’ai encore nombre de notes de dégustation en retard. A presto.
L.M.
Proposé dans le millésime 2018, Le Petit Ducru de Ducru-Beaucaillou (2018) est une splendeur. C’est le troisième vin du mythique château Ducru-Beaucaillou (Saint-Julien), que pilote Bruno-Eugène Borie (le second vin de la propriété se nomme La Croix Ducru-Beaucaillou). Merlot (60%) et cabernet-sauvignon (40%) sont à la fête (avec un soupçon de petit verdot, certains millésimes) dans ce jus généreux qui n’a de petit que le nom. Issu d’une sélection des vignes diverses du domaine, il ne trahit pas son sang, la signature Ducru-Beaucaillou, faite de charme, d’élégance, de pureté et de puissance domptée, soit une certaine volupté. Son élevage « sous bois » dure une année, et s’effectue avec un tiers de fûts neufs. La robe est grenat, profonde. Au nez, c’est l’explosion : fruits rouges, cassis, mûre, poivre blanc, champignon cru tranché arrivent tour à tour, et cela progresse au fil des minutes. À la première gorgée, le jeune homme bien élevé se tient dans le vestibule. Puis, il déboutonne sa veste, nous retournons intensément le vin dans le verre, et des arômes de sous-bois, de chêne, des notes animales surgissent, entre poil et cuir. Enfin, des notes plus sauvages encore, et de petits fruits noirs à nouveau, de tabac (havane), de cèpe, de selle de cheval, et de confiture de mûres donneraient presque le tournis à force de respirer attentivement et par plaisir un vin si intense, doté d’une belle longueur en bouche, qui persistera dans notre mémoire. Le garçon s'est décontracté, il a allongé ses jambes et croisé les pieds devant la cheminée... Déjà formidable à boire, Le Petit Ducru saura attendre cinq bonnes années, et accompagnera toujours volailles et gibier avec superbe (28€). L.M.
Aux confins de l'Indre et du Cher, au sud de Vierzon, l'appellation berrichonne Reuilly produit des rouges remarquables issus de pinot noir, et des blancs issus de sauvignon d'une grande franchise intérieure. Ainsi de cette cuvée Les Fossiles (2020) de Denis Jamain, vigneron scrupuleux sachant respecter la terre - son vignoble est doublement certifié : en agriculture biologique depuis 2007 (Veritas) et en biodynamie depuis 2011 (Demeter). Le garçon, fort de ses 21 ha de vignes (12 de sauvignon, 4 de pinot gris et 5 de pinot noir) veille par ailleurs sur une forêt familiale réputée pour ses chênes dont on fait les meilleures barriques. Ces Fossiles - du nom d'une parcelle de 3 ha sur un sol argilo-calcaire kimmeridgien, sont d'une immense douceur. Aucune agressivité au nez, passé l'observation or pâle de la robe. Nulle acidité, ni raideur, ni agrumes vifs venant si souvent gâcher la dégustation. Non, c'est fin et délicat, intense, légèrement mentholé, les fruits à chair blanche apparaissent discrètement. En bouche, la fraîcheur, la complexité, une belle teneur, et un mélange aérien de minéralité et de salinité nous font retrouver le fruité, tandis qu'une note florale passe comme un voile. Ce vin est un Largo de Haendel. Il fut dégusté pour lui-même au premier verre, puis il escorta avec élégance, voire avec courtoisie, un dos de cabillaud épais et juteux. J'ajoute qu'il épouse par ailleurs la lecture des chroniques parues dans Le Figaro et rassemblées, d'Éric Neuhoff, Sur le vif, car il y a là aussi une mélancolique douceur sous le claquant du masque d'un Hussard sachant comme personne dire ses préférences et taire ses blessures. Un vin et un livre à la fois légers et profonds. Le grand style, quoi. L.M.
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Blanc AOC Reuilly 2020 de Denis Jamain, cuvée les Fossiles, 13,50€
Éric Neuhoff, Sur le vif, Éd. du Rocher, 18,90€ Nous reviendrons prochainement sur cet ouvrage.
Le monde du vin sacrifie lui aussi au marketing de la Saint-Valentin, à l’instar d’une autre fête comme celle des mères. L’appellation beaujolaise Saint-Amour surfe par exemple la vague de la fête des amoureux depuis des lustres (même si la Saint-Amour est inscrite dans le calendrier à la date du 9 août, mais que celle-ci passe curieusement inaperçue). Parmi les nombreuses cuvées au nom évocateur, nous avons sélectionné neuf flacons alliant l'appel de Cupidon avec la qualité.
Les bulles étant inévitables dimanche prochain, voici pour commencer en fanfare, Petite Douceur, champagne rosé de la plus ancienne maison de vins de la Champagne, Gosset. Et pourquoi pas déboucher cette petite douceur au lit à l’heure du brunch, avec viennoiseries, brioche bien beurrée et des œufs au bacon ! Oubliez les boissons chaudes et les jus de fruits. Ce champagne à la robe délicatement saumonée et au nez de petits fruits rouges maintient également son cap de pureté face à un financier, un macaron, et saura escorter plus tard un plat sucré-salé, ou bien exotique et volontiers épicé (55€). Notre coup de cœur effervescent.
Le Champagne Chassenay d’Arce propose sa cuvée Confidences (rosé 2012, 66,30€). Belle robe intense, bulle généreuse, joli nez de fruits rouges et blancs, d’épices et légèrement réglissé. 86% de pinot noir (dont 13% de vin rouge), dopés par 12% de chardonnay et 2% de pinot blanc. C’est élégant, profond, charnu, friand, riche et persistant en bouche, avec des notes florales et minérales. Six ans de vieillissement en bouteilles sont nécessaires à l’élaboration de ce champagne digne d’accompagner un carpaccio de Saint-Jacques, puis un dos de cabillaud très peu cuit au four, juteux à souhait.
Plus modeste mais bluffant en le dégustant à l’aveugle, Sainchargny Extatic Brut Blanc est un Crémant de Bourgogne de la Cave de Lugny, issu de pinot noir (45%), de chardonnay (35%) et de gamay (20%). Sa robe pâle laisse apparaître des cordons de bulles plutôt fines. La bouche, noisettée, va vers d’autres fruits secs, et ce crémant élaboré selon la méthode traditionnelle s’accorde bien avec les tartelettes aux fruits et le kouglof, comme avec un curry d’agneau, ou encore un Brie de Meaux coulant (9,55€).
Beauregard est le nom de la cuvée du Domaine Roux, un Santenay Premier Cru (subtile AOC située à l’extrême sud de la Côte de Beaune). Ce 2017, 100% chardonnay (29€) se révèle splendide au nez : fleurs blanches, acacia, verveine, noisette, pain grillé et beurré. Sa bouche, opulente, d’une grande douceur, mêle la poire et un léger miellé. Servez-lui du saumon cru mariné, une volaille de belle naissance (Challans, Bresse), un foie gras au torchon de votre fabrication, et vos papilles participeront à la fête.
Les Vignerons artisans de Carcastel (Corbières) proposent la cuvée L’Ange Blanc, en IGP Vallée du Paradis. (2019, 7€). Ce blanc issu de roussanne (85%) et de marsanne (15%) est idéal pour un apéritif amoureux, à condition d’avoir préparé, pour deux, deux tranches (calibrées) d’aubergine passées au four, beurrées de tapenade noire maison et deux filets de rougets saisis (sur peau) à l’unilatérale que l'on allonge sur ce beau matelas. Un filet d’huile d’olive, une pincée de sel, et hop ! Vin d’une grande fraîcheur, doté d’une nervosité agréable, il exprime le chèvrefeuille, l’abricot, le miel (la délicate roussane) d’une part, les fruits jaunes et blancs, les fleurs, le noisetté (la vigoureuse marsanne) d’autre part. Un couple dans la bouteille.
Du côté du Muscadet de Sèvre-et-Maine, en Cru Clisson (Cru communal depuis 2011), le Château d’Amour 2014 (14,50€) doit son nom aux amoureux du village de Maisdon-sur-Sèvre qui se retrouvaient en cachette derrière le chai de ce domaine, dans les années 1890, alors délaissé après le passage du phylloxera. Blanc sec issu de melon de Bourgogne, riche, structuré, élégant, Château d’Amour exprime un nez de fruits mûrs et confits. Sa bouche, ronde, grasse, flirte avec le coing, les agrumes mûrs, et ses notes légères de miel ne contraignent pas sa minéralité. Un régal avec une cuisine de la mer (Saint-Jacques snackées, queue de lotte rôtie, dos de merlu à l’Espagnole...). Notre coup de cœur en blanc.
À Régnié (quel drôle de nom, dirait Prévert), appellation d’origine protégée, Cru du Beaujolais, le Domaine Franck Chavy propose la cuvée Paradis (2019, 9,60€) issue de gamay noir. Vieilles vignes, petits rendements, utilisation de la micro-oxygénation afin d’accompagner le mûrissement avec précision, tout est pensé chez Chavy. Cette cuvée paradisiaque s’accorde à merveille avec la charcuterie ibérique à l’apéritif, puis avec une viande rouge grillée au barbecue ou bien à la cheminée, ainsi qu’avec un fromage de brebis basque (ardi gasna), grâce à son nez de petits fruits noirs (mûre, myrtille), et rouges (cerise, surtout), et à sa bouche gourmande et souple donnant l’agréable sentiment de croquer dans une pêche de vigne.
La célèbre maison Vidal-Fleury (sise à Tupin-et-Semons) propose une Côte-Rôtie, Brune & Blonde (2018, 60€) issue de syrah et de 5% de viognier (nos deux cépages fétiches). Le nom de la cuvée fait référence aux deux vignobles de l’AOC. La brune évoque la tendresse et la puissance, la blonde la vivacité et la délicatesse. Ce nectar-ci est élevé « sous bois » (fûts et foudres) deux années durant. Sa robe a de beaux reflets carmin (Carmen n’est jamais loin, avec la syrah). Son nez vif, intense, possède des notes caractéristiques de fruits noirs frais, de violette, de poivre blanc et d’olive noire. La bouche, riche, ample, est « pleine », profondément fraîche, épicée. Belle longueur. C’est le vin qui se fiance à un gibier à poil (chevreuil, sanglier) avec panache et sans ambages. ¡ Olé !
Afin d’achever ce florilège aux noms évocateurs, toujours en Côte-Rôtie (notre appellation favorite : nous ne sommes pas difficile !..), le Domaine Christophe Pichon, à Chavanay, propose la cuvée Promesse (2019, 42€), laquelle représente à peine 4 ha. Le vin est issu de syrah (90%) et de viognier (10%). Il passe 13 mois en fûts neufs (75%) et en fûts d’un an (25%). Puissance et élégance sont sa double signature. Sa robe sombre et profonde, son nez fruité mais aussi fleuri et épicé (cassis, myrtille, léger grillé), sa bouche généreuse et longue, accentuent la typicité de l’appellation. La syrah tient sa promesse d’excellence, elle est présente, pulpeuse, fraîche, d’une élégance rare. Idéal avec une côte de boeuf de Galice maturée quelques semaines, ou bien une paire de sarcelles d'hiver rôties à la goutte de sang. Notre (grand) coup de cœur en rouge. L.M.
Le Zouave, cuvée emblématique du Domaine Jean Esprit, est un Crozes-Hermitage (2017) « très crozes ». Soit typique. Le vin est issu d’une syrah charnue, soyeuse, gourmande, puissante, d’un âge avancé (entre 70 et 100 ans). Après sa fermentation en cuves inox, il est élevé plus d’une année en fûts (neufs et de plusieurs vins), dans un chai où Jean Esprit passe de la musique classique en continu. La robe est sombre et profonde, les petits fruits rouges et noirs sont bien présents à l’attaque au nez, et l’épicé caractéristique en fin de bouche également, avec une pointe de zan pour achever une respectable complexité aromatique. Le nom de cette cuvée haut de gamme et de longue garde rend hommage à Joseph, fondateur du Domaine, né en 1872, et qui effectua plusieurs années au sein du 4e Régiment des Zouaves. Petit clin d’œil : la bouteille est ornée d’un mini gland bleu à franges rappelant celui qui pendait de la chéchia (bonnet de feutre rouge assorti au sarouel), que portaient les Zouaves en uniforme. Un vin de zoif corpulent pour les belles occasions, avec viande rouge maturée ou gibier à poil à l'appui (33€). L.M.
Il n’est pas trop tard pour découvrir et savourer le Beaujolais nouveau 2020 de Dominique Piron, d’abord parce que c’est l’un des meilleurs, et que ce vin, lorsqu’il est élaboré de main de maître, ne se boit pas seulement le soir du troisième jeudi de novembre. Le ticket est encore valable les jours, les semaines et les mois suivants ! C’est rond, riche de fruits rouges, généreux, ample, frais et juteux à la fois (7,50€). Notons que Dominique Piron, excellent vigneron de Morgon (son Côte du Py 2017 est une référence absolue), et Chénas, entre autres, propriétaire de vignes familiales historiques (la famille Piron est installée à Villié-Morgon depuis 14 générations), a récemment cédé son entreprise de vinification et de commerce, Vins et Domaines Dominique Piron à son associé Julien Révillon. Piron, le roi du gamay, se lance un nouveau défi, en se consacrant à la mise en valeur de sa propriété personnelle, le château Vieux Bourg, à Corcelles en Beaujolais, où il produira Morgon et Chénas, un peu de Régnié et le rare Beaujolais blanc. Rendez-vous au printemps prochain pour découvrir ces nouvelles cuvées.
Toujours en Beaujolais, le Domaine Franck Chavy propose, entre autres, un Brouilly 2019 de caractère, la cuvée Julmary (contraction des prénoms des trois enfants du vigneron : Juliane, Manon et Amaury), à la robe profonde et aux notes explosives de cassis, mûre, groseille et une touche de poivre blanc (10,50€). Le Morgon 2019, cuvée Les granites roses, ainsi nommée en raison du sous-sol granitique de la parcelle où il voit le jour, et qui se décompose progressivement en sable rose. Même explosion fruitée avec davantage de cerise et de pêche de vigne cependant, et à nouveau cette agréable touche poivrée. Un vin droit et d’une grande fraîcheur (11€)
Restons dans le coin, à Romanèche-Thorins, avec le château du Moulin à Vent, cuvée Les Terrasses du Château 2028. (À ne pas confondre avec ses homonymes, un cru bourgeois de Moulis, en Médoc, et un Lalande-de-Pomerol). Cette exceptionnelle propriété (qui donna son nom à l’appellation), dirigée par Edouard Parinet, et ayant Brice Laffond pour oenologue, a été distinguée une fois de plus par les dégustateurs américains du magazine Wine & Spirits (auquel nous collaborâmes, jadis) puisqu’ils le classent parmi les 100 meilleurs domaines du monde. La cuvée dégustée conjugue puissance contenue, gourmandise et soyeux des tanins. Les gamays sont opulents et la longueur en bouche généreuse (13,20€).
Faisons à présent un tour à Vosne-Romanée 1er Cru, avec la cuvée En Orveaux, proposée par le Domaine familial Jean Féry, propriétaire récoltant à Echevronne, en Côte d’Or (et dirigé aujourd’hui par Frédéric Féry). Il s’agit d’un vin somptueux, issu de vignes de pinot noir de plus de 60 ans, pourvu d’une grande délicatesse. La robe vermillon est brillante. Le nez est friand de petits fruits rouges comme la griotte, et la finale en bouche est légèrement épicée. Le passage en fûts de chêne (35% de neufs à chauffe blonde) offre des tanins très fins. Notons que la parcelle En Orveaux, classée en 1er Cru, contigüe aux Echezeaux, se situe entre Chambolle-Musigny et le Clos de Vougeot. Il y a de pires voisinages (95€). L.M.
Je tombe à l'instant sur l'annonce de la parution de mon prochain livre en surfant sur la Toile, à la recherche d'une référence bibliographique. J'ignorais qu'il était déjà signalé, notamment sur les plateformes de vente comme FNAC, Decitre, Amazon, etc. Il en va des livres comme des maillots de bain ou des manteaux : on achète les premiers en hiver et les seconds en été, lorsqu'ils apparaissent aux vitrines. Il en va ainsi de tout, au fond, sauf des fraises des quatre saisons qui naissent sous serre. Anticiper, cela me connait. Le métier de journaliste consiste aussi à avoir un temps d'avance, ne serait-ce que pour des questions de dates de bouclage. Sauf que là, il faut attendre. On peut juste réserver, pré-acheter (directement sur le site de l'éditeur, d'ailleurs). Bien, puisque ce n'est plus un secret, voici ce qu'en dit, justement, mon éditeur => Le Bruissement du monde À présent, il me tarde de distribuer le faire-part de naissance du petit dernier... L.M.
Voici un tandem, un jeune couple, Mathilde et Tristan, des fous de gastronomie de grande qualité qui, ayant fondé le club MOICHEF, https://bit.ly/30FNzPU, sont devenus des chasseurs de bon goût, d'excellents produits qu'ils proposent via leur club. Leur niouzzelaiteure est déjà un régal d'humour, de pertinence, de qualité d'écriture, de bonne humeur (regardez les vidéos de Tristan), et de créativité (lisez Mathilde, elle en a sous le pied). À présent, ils effectuent un périple d'une année en minibus dans tous les coins où niche, pousse, croît, nait, prospère le meilleur qui se mange et se boit. Ils sont donc sur le terrain, à la rencontre de ceux qui font. Suivez-les, adhérez, commandez et... appelez-moi la veille d'un dîner. J'apporterai les fleurs (pas forcément comestibles). Hardi-petit !
=> Le Tour de France gastronomique des Hardis
(En tant qu'ex-directeur des rédactions du magazine et des guides GaultMillau, - et même s'il s'agit là d'un club, marchand, et pas d'un média - je m'autorise à tirer mon chapeau devant cette initiative innovante, car elle dépoussière le milieu, le genre, l'approche, en lui insufflant une tonicité que la presse écrite, par exemple a(vait) perdue, et un souci fondamental - la quête du très bon -, qui justifie à lui seul une telle démarche. Et si je risque la comparaison du bout de le plume, c'est parce que, justement, MOICHEF a une façon d'aborder le monde de la gastronomie qui flirte avec les techniques de la presse, sans mélanger les genres. Cette synthèse est bluffante). L.M.
Évoquer Denis Tillinac, qui vient de nous quitter parce que son cœur sans filtre l’a lâché dans la nuit du 25 au 26 septembre au Clos de Vougeot – quelle élégance du destin -, serait ajouter ici ce que tout le monde a déjà écrit : une belle et solide « nécro » bien ficelée à la manière d’un rôti dominical. Il y serait question des mêmes choses aux mêmes paragraphes. La Corrèze contre le Zambèze, Chirac et les Hussards, la presse de droite et l’édition, le rugby et la clope, l’amitié mousquetaire et la rue de l’Odéon... Je choisis, dussé-je regretter d'ores et déjà de me mettre en avant par ricochet en évoquant ce que j’ai vécu à ses côtés, de rassembler quelques bons souvenirs qui, à mes yeux, résument à leur façon le caractère de Denis. Nous nous étions perdus de vue depuis des années, mais pas de vie. Il vient de perdre la vie. Voici mon point de vue. Que l’on me pardonne ce parti-pris impudique.
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... et il me lance pousse toi, je prends le volant. Je l’avais cueilli à la gare de Bordeaux Saint-Jean et nous nous rendions à la réunion annuelle des Amis de Valery Larbaud, à Vichy, association dont nous étions membres cotisants inactifs. En réalité, la raison officielle fut ainsi formulée : on va boire une coupe de champagne au Casino de Vichy, et après on verra. Le soleil brillait en baissant et le pare-soleil de la voiture tombait lentement en chuintant. Au lieu de le remonter, il l’arracha d’un geste sec. Puis lorgna le mien, et l’arracha aussi. Jeta les deux en arrière, sans regarder. Il mit le chauffage à fond, lors que la température était plutôt clémente. J’ai froid, dit-il en allumant la huitième ou sixième cigarette depuis dix minutes. Il péta. Et re-péta. Et encore et encore. J’ouvris ma fenêtre. Il hurla ferme, j’ai froid. Il péta et fuma encore tant et plus, un « fog » aux relents d’arrêt à Facture du train Bordeaux-Bayonne, ou de traversée de Lacq via Mourenx, du temps des colonnes ELF rouge et blanc et de leur fumée sentant l’œuf pourri, envahissaient l’habitacle de ma Golf noire (*). Je hurlai ma désapprobation et la liberté de mon sens olfactif. Rien à foutre. J’ai froid. Voici Denis le « caractériel ». Notre côté ours en partage nous unît très vite. J’aurais pu faire pareil, un jour de mauvaise lune. Ce qui me surprit de prime abord, fut d'entendre l'expression désuète Plait-il? lorsqu'il entendait mal un mot (au lieu d'un banal Quoi?, Hein? ou encore Pardon?). Cela tranchait tellement avec l'allure trapue et bourrue du personnage. J'ai hérité de ce tic verbal, ce qui ne manque jamais de surprendre mon entourage... Parvenus à Vichy, nous vidâmes plusieurs coupes de Brut au Casino afin de tenir parole, avant de rejoindre la bande d’écrivains présents autour de Monique Kuntz, cheville ouvrière de l'association. Je me souviens de Bernard Delvaille, Robert Mallet, Georges-Emmanuel Clancier, Louis Calaferte... On s’y ennuya vite, alors nous filèrent à l’anglaise et éclatâmes de rire sur le perron, retrouvant notre liberté de gamins faisant le mur et l'école buissonnière. Denis me confia qu’il n’aimait guère les écrivains professionnels, et qu’il préférait de loin ceux qui, comme certains Américains, avaient les mains dans le cambouis, qui sont camionneurs, agriculteurs, mécanos, et qui écrivent aussi (de merveilleux livres).
En 1984, journaliste de 26 ans officiant à Pyrénées-Presse, à Pau (La République des Pyrénées et Éclair Pyrénées), je publie un article sur son « Spleen en Corrèze », intitulé « La mélancolie du localier », qui lui parvient via le service de presse des éditions Robert Laffont. Il m’appelle au journal, me propose un rendez-vous au Noailles, brasserie bordelaise mythique des Allées Tourny, afin de faire connaissance. Je m’y rends, la sole meunière et le vin des graves de Pessac-Léognan nous ravissent, la conversation fuse, plus ou moins aérienne, littéraire, hussarde, on rigole, il gueule, nous sifflons des gorgeons, il fume comme une caserne de pompiers, je grille un ou deux havanes, le serveur iconique, goitreux et bedonnant dont j’ai oublié le prénom nous offre des huîtres en guise de dessert, une amitié naît spontanément. Le déjeuner s’achève aux alentours de 17 h, après avoir fait le tour de nos connaissances communes, avoir dit du mal de la moitié d’entre elles, et infiniment de bien du tiers. Il faut tenir jusqu’à l’heure de l’apéro, pris dans la grotte du Castan, sur les quais de Garonne, à l’entrée du quartier Saint-Pierre. Nous tenons ferme. Puis, nous nous appelons régulièrement, nous nous revoyons, je passe une semaine à Tulle, on monte chaque matin à Auriac, où nous travaillons à mon futur premier roman, « Chasses furtives ». Dans la maison de Tulle, au-dessus de la pharmacie, il m’enferme dans la pièce où il acheva son « Mystère Simenon », me disant qu’il ne se lavait alors plus, qu’il se nourrissait à peine, et que son slip, s’il me l’avait jeté à la figure, m’aurait coupé la tête. Denis... Je me voyais comme Antoine Blondin séquestré par Roland Laudenbach dans une chambre d’hôtel, mais sans les feuillets à passer sous la porte en échange d’une bouteille de rouge... Monique, la sainte femme de Denis, pharmacienne sur la place, « femme de peu », comme il la nommait avec un respect dix-septiémiste en lisant à voix haute le Journal de Samuel Pepys, et tout en me commandant de relire Mauriac plus attentivement (il m’avait offert à Barbezieux le premier tome de ses romans en Pléiade), figurait la permanence, le pilier central, l’abnégation, le mur porteur. Une perle fine et rare.
Il y a le Denis qui, m’attendant à son tour, plus tard, gare Saint-Jean, s’étant garé sur la voie des taxis, s’était vu conspuer par la profession. En guise de réponse, il avait sorti un cric ou une manivelle et menaçait de fracasser le crâne du premier venu. Par bonheur, je surgissais et calmais le jeu en arrondissant les angles in extremis. Une virée surréaliste s’ensuivit, qui eut pour but imbécile de trouver l’appartement genevois où vécût Lénine. Un type dont on se fichait bien. Et nous voici sur les routes conduisant à la Suisse, échouant bien évidemment à trouver le local, mais vidant des bouteilles de Fendant en savourant des filets de perche dans une auberge chaleureuse, avec feu de cheminée, du Vieux Genève, recommandée à Denis depuis une cabine téléphonique par Gilles Pudlowski. Ronds comme des queues de pelle, nous échouâmes également à retrouver le ticket de parking souterrain. Qu’à cela ne tint, je tordis la barrière métallique qui empêchait la sortie, manquant de me faire un tour de reins, et la voiture put se frayer un étroit passage au prix de généreuses rayures qui provoquèrent un immense éclat de rire à Denis. Nous ne savions alors pas, non plus, comment regagner notre hôtel. Le lendemain (puisque nous parvînmes cependant à dormir sur une couche accorte), pari fut lancé de nous rendre à l’aéroport helvète, d’abandonner l’automobile et de prendre le premier vol annoncé au départ, qu’il fut à destination de Lausanne, de Mars ou de Hong-Kong. J’avoue ne plus me souvenir pourquoi nous restâmes dans l’aérogare. Pourtant, ni Monique, ni Sophie, ma future épouse et mère de mes deux enfants, ne nous enjoignirent de regagner notre bercail en claquant dans leurs doigts délicats, ce que nous n’aurions d’ailleurs sûrement pas fait. Aucune contrainte matérielle, professionnelle ne pouvait alors nous faire renoncer à quoi que ce soit. Je ne me souviens plus, et c’est dommage. Encore que. Quelle importance ! Reste cette envie de se barrer n’importe où, pourvu qu’on ait l’ivresse du départ, qui lui chevillait, serré, le corps et l’âme. Denis, quoi. Je crois que c’est cette fois-là que nous avons pris la route de la Dombes. Pas sûr. Comment vérifier à présent. Peine perdue. Denis avait la bougeotte.
Parfois, il y avait un coup de fil lapidaire lancé depuis Auriac. Cette fois, c’était depuis Paris. Tu fais quoi ? - Pas grand-chose, je rédige des articles à droite à gauche, pourquoi ? Viens, il y a des sacs postaux de manuscrits en souffrance rue du Bac. Je viens tout juste de reprendre La Table Ronde. Je n’y arriverai pas tout seul, enfin j’ai des femmes autour de moi, mais viens. Saute dans un train, je te raconterai, on va bosser ensemble. L’aventure LTR commença. Deux jours a minima par semaine, je laissais Bordeaux et devenais plus ou moins responsable du service des manuscrits des mythiques éditions de La Table Ronde sises encore au 40, rue du Bac. Stéphane Guibourgé me rejoignit bientôt et on se marrait bien tous les deux, mais notre présence alternait souvent, notre emploi du temps respectif étant aussi élastique qu'une paire de chaussettes fatiguées ou qu'un zlip comme on dit chez moi (Bayonne). C'est d'ailleurs Stéphane qui assista à l'accouchement douloureux des « Mémoires d'un jeune homme dérangé », premier roman de Frédéric Beigbeder. Denis, déjà happé par Jacques Chirac, la francophonie, l’Afrique bientôt, la rédaction de discours, la Corrèze qui le rappelait à la mi-semaine, Marie-Thérèse Caloni avec laquelle il s’enfermait des heures entières dans l’ancien bureau de Laudenbach pour relancer la splendide et juteuse collection étrangère Quai Voltaire, et sans aucun doute afin d’explorer au passage des chemins érotiques buissonniers (Laurence Caracalla, qui avait alors en charge le Service de Presse, ne me contredira pas et fermera ses yeux doux sur le motif), me laissait le champ tellement libre que, parfois, j’étais le comité de lecture à moi tout seul. Allo Denis ! Je tiens un truc, là, c’est très bon. Enfin un manuscrit qui sort du lot (j’en renvoyais une pelletée par jour avec des lettres-type néanmoins personnalisées). Bloque, dit-il. Mais... Il faut que tu le lises. Bloque je te dis. J’ai confiance. Je venais de me mettre en arrêt comme un setter irlandais devant une bécasse, devant celle qui devint la cinquième auteure la plus lue en France de nos jours. J’ai nommé Françoise Bourdin. Jointe au fil, elle me dit que Actes Sud prenait aussi son roman, « Sang et or ». J’insistai. J’eus gain de cause. Nous le publiâmes. J’étais heureux. Je la rencontrai au cours de la Feria de Nîmes, contrat en poche à faire signer. Depuis, elle fait la carrière que nous savons chez Belfond. Pressé, caractériel, impatient, manquant parfois de vigilance, séduisant pour cela, et puis cette fougue, ces emportements immatériels, son urgence à filer au stade pour ne pas rater le coup d’envoi d’un match, et surtout le Capitole qui le ramenait sur ses terres viscérales, ainsi était Denis. À La Table Ronde, arrachée de son adresse historique, je le suivis rue Huysmans, puis rue Stanislas je crois, puis j’y retournais, rue Corneille, LTR déménagea si souvent. Denis avait transmis sa frousse de l'immobilité, sa nervosité, aux meubles et aux archives. Il fallait que ça bouge, que ça swingue. Denis, quoi... Et puis, à l’automne 1992, un boulot de rédacteur en chef de Pyrénées magazine me fut proposé à Toulouse au moment même – pile-poil -, où Denis me confia, au comptoir du Danton, Carrefour de l’Odéon, où nous avions nos habitudes de fin de journée, qu’il ne pourrait faire ça toute sa vie, et que d’autres taches l’attendait (la Chiraquie, l'écriture d'essais et de moins de romans), bref, qu’il fallait que je fasse office d’une sorte de directeur littéraire. Pam. Je venais donc de signer à Milan-Presse, préférant poursuivre une carrière de journaliste en province, en charge d’un massif sauvage, plutôt que celle d’un éditeur parisien confiné dans un bureau du sixième arrondissement, fut-ce celui-ci. Je crois que Denis m’en voulut un peu, voire beaucoup, de refuser un si beau cadeau...
Olivier Frébourg honora cette charge douze années durant avec l’immense talent que nous savons et qu'il exerce aux Équateurs depuis 2003, et c’est sous sa férule, via Cécile Guérard, qui devint sa femme et la mère de leurs fils, que je publiais plus tard, suite à un envoi postal volontairement banalisé, mes « Bonheurs de l’aube », puis « Flamenca ». Denis planait dans les hautes sphères élyséennes et ne savait plus où donner de la tête, sinon dans la réédition et la publication des grands classiques du rugby. Son côté mi-Haedens, mi-Herrero. Tout lui. Denis, quoi...
Souvenirs, souvenirs... Un soir, en sortant à pas d’heure de la rue du Bac, nous traînons rue de Verneuil et tombons dans un bistro de peu de hasard sur Françoise Blondin. Antoine, à l’extrême soir de sa vie, était déjà fin bourré et donc incapable de sortir en compagnie de sa femme (avec laquelle il passait beaucoup de temps à s'engueuler). Il devait réécrire inlassablement au stylo, de son écriture fleurie, enfantine et rondelette, sur la table de la cuisine, entouré de bouteilles vides, la première phrase du « P.C. des Maréchaux »... Nous buvons des coups. Sur coup. Et re-coup. Au bout de trois heures, Denis et moi sommes faits comme des rats, et Françoise Blondin entonne un classique « patron, remettez-nous ça ! ». À ce moment-là, Denis me glisse tu as une bagnole. Oui, dis-je. On va voir Frédéric Fajardie chez lui en Normandie. Tu es fou, Denis, il est bientôt minuit, tu sais où il habite au moins. Non, on trouvera bien, c’est dans le Pays d’Auge, c’est pas aussi grand que la Sibérie ! Putain, Denis, c’est immense, tu déconnes, là. Nous ramenons avec une titubante courtoisie Madame Blondin chez elle, et nous prenons la route avec un peu de sang dans l’alcool, mais suffisamment d’essence dans le réservoir pour nous permettre d’aviser la priorité à droite aux carrefours. L’époque n’était pas encore au téléphone portable et au GPS, et je n’avais que des cartes IGN Top 25 des Pyrénées à déplier sur le capot. J’ai déjà raconté cette virée dans « Dictionnaire chic du vin », à l’entrée Blondin, de même que ma première rencontre avec Jean-Paul Kauffmann à Auriac en 1984, peu de temps avant qu’il ne soit pris comme otage au Liban. En voici de courts extraits : Un soir de soif tardive, nous voilà partis au fin fond des routes normandes à la recherche du ranch perdu de l’auteur de « Brouillard d’automne ». Une échappée blondinienne en diable, comme nous en avions déjà vécues plusieurs. Arrivés – par la grâce de Dieu – et à une heure improbable chez Fajardie, klaxonnant à qui mieux mieux, pleins phares devant sa maison reconnaissable en raison de l’imposant GMC kaki de l’armée américaine garé dans le jardin, qui lui servait de véhicule, et tandis qu’un fusil de chasse pointait sa paire de canons juxtaposés par l’entrebâillement d’une fenêtre à l’étage, Denis sortait la tête hors de la voiture, et que les canons se relevaient, je dessaoulais tout à trac. Et repensais à Blondin. « Tout le reste est litres et ratures ». Fajardie nous avoua que deux secondes de plus, et il tirait dans le pare-brise. S’ensuivirent deux jours de liesse. Avec Kauffmann, ce fut différent. La première fois que je rencontrai Jean-Paul, ce fut à la fin de l’été 1984, chez Denis à Auriac, peu de temps avant son départ malheureux au Liban. Denis m’avait invité au pied levé à déjeuner. Magne-toi, saute dans ta bagnole. Je quittai Bordeaux, où je vivais alors, avec un retard considérable, et je forçais ma vieille Alfasud break rouge, dont la malle s’ouvrait à chaque virage, à dépasser ses capacités, comme on éperonne un canasson qui n’a plus l’âge de galoper follement. J’annonçai mon retard depuis une cabine téléphonique de fortune. Arrivé à pas d’heure (entre quinze et seize), et sitôt claquée la porte de la guimbarde en tentant de masquer ma confusion, je fus accueilli sur le seuil par un inconnu qui me chanta la chanson de Jeanne Moreau, « La peau, Léon », dans son intégralité et sans une faute, avant de me tendre une main ferme, en ajoutant Bonjour, Jean-Paul Kauffmann, à table ! L'autre main tenait une verre à pied de bordeaux qu'il m'offrit. À l’ombre, la malle ouverte de sa voiture débordait de bordelaises de belle extraction. Denis affichait un sourire large comme l’horizon. Il y avait Joëlle, Monique, un feu de cheminée (la frilosité de Denis), ils m’avaient attendu, ils étaient affamés et d’une infinie courtoisie.
Nous fîmes d’autres virées, dans l’Allier du côté de Moulins, à la rencontre de cousins plus ou moins éloignés de Denis, notamment ce riche cultivateur qui avait explosé sa télévision le 10 mai 1981 d’un coup de fusil lorsque le profil de François Mitterrand était apparu, pixelisé, à vingt heures pétantes. Un mur portait les stigmates de cette accession au pouvoir... Du côté de Brive et jusqu’à Foix, nous allions à la rencontre de légendes du rugby local, des mastodontes rangés des crampons, reconvertis en patrons de bars ornés de maillots boueux et froissés mais encadrés sous verre, de ballons ovales maculés de signatures au marqueur, rangés entre les bouteilles de Ricard et de Suze. Des bestiaux des stades dont j’ai égaré les noms, des mecs velus et doux comme des agneaux de lait. À Tyrosse, il se sentait revivre à cause de l’histoire de ce petit « clup » (écrirait l'ami Christian Authier) de la légende ovale. Et puis Saint-Vincent (de Tyrosse) était le village de Sophie, ma femme, qui nous accueillit deux fois. Denis prenait toujours de ses nouvelles avant de me demander comment tu vas ! (Il m'engueula comme un malpropre lorsque je lui annonçai notre séparation). Lorsqu’il prenait le volant, ou plutôt lorsqu’il le battait froid avec ses mains à plat, ce qui n'était pas rassurant, il chantait à tue-tête, de sa voix éraillée, et dans un Anglais très approximatif, des chansons d’Elvis Presley qui le faisait retomber dans son songe insondable de « Rêveur d’Amérique ». Denis aimait virer de bord. Il avait le pied terrien et sans doute le mal de mer – je n’ai pas pu le vérifier, même à Anglet, un après-midi de tempête, où il me fit comprendre qu’il lui fallait regagner un bistrot hermétique. Toujours sa frilosité, ses polos Lacoste fermés parfois jusqu’en haut, son pull col ras ou bien en V par-dessus, sa veste à chevrons avec laquelle il devait parfois dormir, et ses paquets de clopes à répétition comme une incessante rafale de mitraillette qui agissait sur sa diction. Denis maugréait ses phrases à venir, puis les éructait, lorsqu’il était en pétard contre une idée, un fait, quelqu’un. Soit fréquemment. Un jour que je pilotais un hors-série pour VSD sur la Coupe du Monde de rugby 2007, je l’appelais pour lui demander de me donner un article du fond de ses tripes sur l’âme du rugby, l’âme des peuples, et surtout son âme à lui. Il me fit parvenir la veille du bouclage par coursier un cahier d’écolier inachevé, rédigé au bic vert, comme à son habitude. J’aimerais bien remettre la main sur ce cahier, ce soir.
La dernière fois que nous avons bavardé et partagé quelques verres, ce fut il y a cinq ans dans le VIIIe arrondissement de Paris, après une émission de Frédéric Taddei sur Europe 1, à laquelle nous avions été conviés. Il venait pour un roman fraîchement paru chez Plon, moi pour le dictionnaire chic du vin. Le regard de Denis était plus tendre qu’à l’accoutumée, ce soir-là. Au Clos de Vougeot, l’année d’après, pour le salon Lire en Vignes, je ne l’ai pas vu. Étrange. Certaines mauvaises langues me susurraient qu’il délaissait un à un ses amis. Je ne pouvais l’entendre, encore moins le croire. Je me suis résigné, je ne l’ai plus appelé, je l’ai lu parfois dans « Valeurs », et comme je ne recevais plus ses livres, je les achetais sans lui dire le bonheur qu’ils me procuraient, amoindri cependant, en regard de la jubilation procurée par les premiers, ceux des années « Le Bonheur à Souillac », « L'Été anglais », « Maisons de familles », « À la santé des conquérants », « Rugby blues »... Je viens de les retrouver, tous ceux-là, en éventrant les cartons de mon nouveau déménagement à Bayonne. C’est bien sûr au bic qu’il les a tous signés. Voilà ce que j’emporte avec moi, cette nuit. Ce sont les traces de cette encre, voilà ce que je garde – avant de reprendre l’un de ses bouquins au hasard, et puis non, ce sera « Le Dictionnaire amoureux de la France », allez ! Même s’il pêche par certaines facilités et redondances. Mais Denis était familier de certaines redites, du type « j’ai été déniaisé à l’âge de seize ans, sur une falaise du Dorset, par une Linda aux cheveux platinés, qui n’en menait pas large... ».
Ce sera donc bouquin en mains, afin de retrouver son rire préhistorique, son regard de rapace dubitatif, ses gestes brusques d’homme délicat des cavernes de l’esprit, sa gouaille amicale, sa fidélité, son impossibilité à rester tranquille – chien fou, chiot de chasse dans une bagnole -, le Denis que j’aime, le Denis que nous aimions, le Denis qui nous manque. Déjà. Allo, tu fais quoi ?.. – J’arrive !
Léon Mazzella
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(*) Le fait est joliment reporté par Benoît Lasserre dans son hommage, publié dans Sud-Ouest dimanche dernier 27 septembre...
Photo anonyme (en haut) capturée sur Facebook. Que l'auteur se manifeste et je créditerai ce document. Photo ci-dessous : © Jean-Pierre Muller/AFP. Au milieu, une photo prise (par je ne sais qui) au cours de l'émission d'Europe 1. Taddei de dos, Tilli à gauche, ma pomme à droite.
Et tout à trac (ne me demandez pas pourquoi puisque je l'ignore), je pense à Roger Couderc (Allez les petits, ce soir les Poules ont du pain sur la planche...), à Pierre Salviac, à Bala (Pierre Albaladejo, le Dacquois magnifique, avé le D de drop, si souvent je t'ai serré la pogne aux corridax...), à ces années Blondin, ces années Cormier, ces années Dutournier (Alain, en contra barrera), ces années de pur-sang, de rire, de gouaille, de magrets entiers, d'amitié, de transmission, de passages de ballons et de bons mots, de traits d'esprit et de pastis liquides et solides, d'absence de peur ; et de laisser-braire 24/24... Chaque soir, j'avais le sentiment de rentrer dîner chez Kléber et de demander à Caroline ce qu'elle nous avait préparé à manger, l'été finissait sous les tilleuls, oui, pourtant je rentrais a casa à Bayonne, tranquilou, et maman était encore de ce monde; et nous avions un seul mot en horreur : Adios. L.M.
Parmi les flaconfinés débouchés à l’heure du déconfinement, été oblige, les rosés ont la part belle. Quelques blancs les poussent du col, et un rouge s’invite discrètement. Passage en revue.
Folio, cuvée en blanc 2019 du domaine Coume del Mas en appellation Collioure est dense, sérieux, et soutient les chipirons à l’ail comme les crevettes en persillade avec flegme.
Le Domaine les Perserons, Charnay-les-Mâcon Vieilles Vignes 2017 est un bourgogne blanc bluffant de fraîcheur et d’intensité. Remarquable sur les filets de merlu à l’huile vierge.
Le château des Bois Mathieu 2019, rosé de Saint-Mont à l’habillage rappelant les flacons de Saint-Tropez comme Miraval, est un brin canaille. Il excelle sur la charcuterie saisie avec les doigts, et avec les sardines à la plancha.
En Languedoc, Abbots & Delaunay propose À tire d’aile 2019, à l’étiquette ornée d'une grive mauvis gazouillante. Référence aux oiseaux qui s’envolent lorsque l’homme arrive entre les rangs de vignes gorgées de baies qui font leur régal. Fraîcheur, léger citronné, verveine fraîche. Une réussite, sur des filets épais de volaille à la crème et à la sauge.
Pause champagne : Couvent Fils, rosé de caractère, soutient agréablement le saumon cru mariné rehaussé de soja et de wasabi. Et oui !
Quant au Gosset Blanc de Blancs Brut, né à Aÿ, il se déguste seul. Non, à deux, à l’heure du partage des confidences. (Zut, j'ai égaré sa photo).
Majestueux de douceur et de force retenue, le Condrieu 2018 de Vidal-Fleury est un viognier bien élevé qu’on a envie d’emmener en vacances. À déguster pour lui-même à l’heure où le soleil se couche et au chant du merle.
Voici un Crémant de Bourgogne rosé brut produit par Veuve Ambal avec des notes sincères de fruits rouges et florales aussi. Parfait sur une tarte aux prunes cueillies tièdes à l’arbre.
Expression est un rosé 2019 en appellation Costières de Nîmes produit par le château Beaubois, et c’est un peu notre chouchou, car les sœur et frère Fanny et François Boyer sont des virtuoses dans cette belle région. C’est subtil, dense, charnu, syrah, grenache et cinsault semblent s’amuser en s’assemblant. Idéal pour un apéro élégant, pieds nus sur l’herbe, avec juste du pata negra bien gras.
Batti-Batti signifie picotement, émotion, en provençal. C’est le nom d’un flacon rosé (2019) fruité, gourmand, simple comme une soirée de juillet en famille, lorsque le silence reprend sa place. Le domaine Fontainebleau se situe en Provence et cela se ressent dès l’ouverture. Le Petit Ballon en a fait son étendard. Nous l’avons prié d’escorter des poivrons en « salade juive » (recette de ma mère, au four, puis ail, huile d’olive e basta così), et une tortilla de papas bravas, et ça l’a fait (photo=>).
Le rosé volubile nommé Les Insouciants (IGP Comté tolosan 2019), merlot de belle tenue, est signé Comtesse du Barry pour Lionel Osmin, le prince des vins de cépages du grrrrand Sud-Ouest. Corpulent, il mena la danse avec un magret grillé à trrrrès basse température.
Enfin, un rouge médocain, château Laujac appartenant au clan Cruse, cru bourgeois depuis 1932 (vu de dos, ci-contre), encépagé pour moitié en cabernet-sauvignon et en merlot (avec un soupçon de petit-verdot qui aurait tiré une grimace à Antoine Blondin), plongé dans un seau d’eau fraîche une heure avant ouverture, veilla à ne point contrarier un onglet ayant séjourné trois semaines en chambre froide, d’une tendreté d’anthologie. Pas mal... L.M.
Prix : Mes lecteurs le savent, je ne parle jamais de vins chers. Achetez ceux-là peinards.
Photos : Quoi? Certaines ne sont pas rognées... Oui, l'été, à la maison, c'est racinaire (roots, disent les mômes, et j'entends chaque fois rouste)...
Lors du passage de janvier à février 2020, la pureté vint d’une gorgée de champagne Drappier, cuvée Clarevallis, du nom de l’abbaye cistercienne de Clairvaux fondée par Saint Bernard en 1115. De sa délicate effervescence, l’inattendu renversa la table, occupée pourtant par un viognier ardéchois chargé d'escorter une ventrèche de thon rouge. Nous avions décidé que le dessert serait une coupe de ce nouveau champagne et rien d'autre. La charge semblait audacieuse, mais le défi était lancé : le chevau-léger aurait la mission de forcer une ligne de cavalerie lourde, Eylau à l’envers, en somme... Pinot noir (75%), meunier (10%), chardonnay (10%), blanc vrai (5%) issus des parcelles d’Urville labourées à l’aide d’un cheval de trait justement, et conduites en agriculture biologique (certification Ecocert), composent Clarevallis. Pur est l’adjectif idoine, je le répète, pour désigner cette cuvée. Une sensation, rare, de lissé franc comme une source vive roulant les galets d’un torrent de montagne, cette source au bord de laquelle on s’allonge pour la cueillir entre nos paumes, envahit l’esprit et chasse tout ce qui précède d’un revers de fraîcheur. C’est d’un champagne vrai qu’il s’agit, d’un jus au fruité subtil et droit, teinté de violette à peine, de sureau, et caréné d’une minéralité souple. C’est non filtré, à peine soufré (20 mg/l.). C’est un Extra-brut, de surcroît (dosage : 4 g/l.). Pur, dis-je. Un plaisir confondant. La marque Drappier a coutume d’en pourvoir. Alors, ne cherchez pas plus loin, mais n’attendez pas le passage vers le Printemps. Nota : c’est Charline Drappier qui a conçu l’étiquette, fort réussie, en s’inspirant de la Grande Bible de Clairvaux. L.M.
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39€ chez votre caviste.
Bernard de Clairvaux.
Souvenir, souvenirs...
Tribune parue dans Libération il y a treize ans jour pour jour, soit le 3 janvier 2008 => Mes journées chez Julien Gracq
©Alain Collet
Inédit...
Et, à propos de Partnership (le lirons-nous un jour, à partir de 2027 ?.. Et lirons-nous également Port-Amen, roman inachevé de Michel Déon, disparu il y a tout juste trois ans), premier texte littéraire de J.G. écrit à l'âge de 21 ans (en 1931) et signé Louis Poirier, ce témoignage => Partnership paru en novembre dernier sur le site littéraire En attendant Nadeau, sous la plume de Christine Marzelière, évoquant la possible destinataire et sujet de ce roman inédit d'un amour contrarié ... Bonus => Le manuscrit et de courts extraits
©Raphaël Gaillarde
L'incorruptible, ou plutôt L'InCôtRuptible, 2018, est un vin 100% côt, sans sulfites, issu de vignes proches de Chinon qui naissent sur un sol argilo-sableux. Il s'agit d'un AOP Touraine doté d'un sacré caractère, qui releva le défi d'un râble de lièvre cuisiné par nos soins. La contre-étiquette (ci-dessous) ne manque pas d'humour. Les Vignerons des coteaux romanais (St-Romain-sur-Cher) mettent en bouteilles ce vin singulier à la robe noire, au nez épicé, à la bouche douce et fleurie, enrichie de notes de cerise grasse et très mûre. Un beau cadeau (9,50€). S'en priver serait sacrilège. L.M.
Je suis en train de faire mariner un lièvre, les mains dans le sang, l’ail, l’échalote, l’armagnac, et dans le tannat aussi, lorsque j’apprends qu’Alexandre est passé de l’autre côté. Je ne l’appelais pas André à cause de Dumas, auquel il me faisait penser, et parce que la première fois que je lui ai tiré le portrait, c’était pour et dans Gault-Millau, et j’avais titré mon papier « Alexandre Daguin ». Ça l’avait fait bien marrer, le Cadet, le Mousquetaire. Nous nous sommes vus parfois. À Auch, à la radio pour des enregistrements des Grandes Gueules auxquels il me convia, à Paris pour des raouts de promo gastro à la con, et je regrette de n’avoir jamais partagé un seul repas avec Son Altesse André Daguin (comme client à sa table, pour une soupe de châtaignes, une brochette de chevreuil, un magret de palombe - et oui -, c'était différent : nous étions assis, tout petit, et il était très grand, tout blanc). Une autre fois, dans quelle gazette je ne sais plus, je titrais à son sujet : « Commissaire Magret ». Fastoche, avec le recul. Chouïa décalé, dans les années 80.
¡ Suerte, là-haut, sacré Gascon d’altitude !
Ci-dessous, un chapitre sur lui et son fils Arnaud, paru dans mon livre « Le Sud-Ouest vu par Léon Mazzella » (Hugo & Cie, pp.120-125) =>
Voici un flacon enchanteur : rouge, issu à 100% de cabernet-franc planté sur des argiles à silex, en appellation Touraine (Amboise), du Domaine des grandes Espérances (maison Saget La Perrière). Millésime : 2014 (16,50€). Vendanges manuelles, pour moitié en grappes entières. 18 mois en fûts de un à trois ans (1/4 de fûts neufs). Certifié Terra Vitis, c'est du bon bio (viticulture durable). L'étiquette est belle, la bouteille avenante, la robe rubis, le nez droit et gorgé de saveurs de fruits noirs, d'épices douces (poivre blanc, vanille), avec, en bouche, une finale légèrement réglissée. C'est élégant, frais, fin, architecturé, cela s'accorde à merveille avec la volaille simplement snackée et poivrée. C'est sans détours, et nous aimons tellement cela, l'absence de détour. L.M.
Bon, alors, soufré ou pas soufré, ton vin, garçon biobo? Magma Rock, un gamay (a priori) relativement insipide, légèrement "carbo", avec quand même des notes de cerise pas encore mûre, est un vin "nature" qui hésite. Il est élaboré à Volvic (pied de nez), en Auvergne, là où les AOC de respect et de mémoire ne sont pas encore Légion (et il figure au paragraphe Loire, à la carte des vins de cette table - Hum...). No Control est sa marque de fabrique. Cela induit une posture. Le devoir d'être un -vrai- rebelle, celui qui traverse en dehors des clous quand c'est piétons-rouge, tu vois?.. Genre... C'est par conséquent l'obligation de paraître, de plaire à des cons qui n'y pigent keuts, mais qui se gaussent, se haussent du col en sifflant des quilles de vin naturels qui puent parfois la pisse de chat, la serpillère oubliée et j'en passe. Là, c'est l'étiquette qui fait tiquer. Se ficher du monde devrait obéir à certains cadres néo-shakespeariens (sulfites or not sulfites?).
Bu, néanmoins, en excellente compagnie, dans une gargote très, très recommandable, nommée D'une île, sertie au coeur du Perche, en pleine brousse donc, encensée par le Fooding entre autres gazettes branchouilles, sise du côté de Rémalard, et où la cuisine du jour obéit aux contraintes du marché, à l'éthique locavore (alentour pas trop loin e basta), et d'une façon d'être qui peut exaspérer, malgré la beauté époustouflante du lieu : soit le service Erasmus (comme au Septime, difficile de se faire comprendre, parfois), l'approximation des connaissances, l'accueil minimaliste : ce laisser-faire très baba, très contrôlé en réalité (ça va avec les tics bobo), mais, mais, mais, en cuisine, ça envoie !
Betteraves en aigre doux, chèvre frais, mûres (forcément) sauvages remarquables, Poireaux crayons (bien pochés), vinaigrette crémeuse au savagnin (impossible d'en retrouver la trace : pas bien), noix (délicatement torréfiées à sec, donc croquantes : top), Tatin d'oignons (grande!) aux graines de moutarde, crème aigrelette, et ces ris de veau croustillants (façon canelé bordelais), sauce Ranch (un peu compliquée à décrire) à se damner (les ris, pas le ranch). Boudin noir généreux et aux saveurs profondes, mousseline (suave, collante comme il faut) de pommes de terre ("pdt" sur la carte : faiblesse notée), de jolis fromages locaux (dont un livarot pas mal), une meringue mémorable sur une crème montée qui noyait quelques fruits rouges (pas tous de saison : elles viennent d'où, ces fraises, ouh-ouh !), et, et, et...
Une for-mi-da-ble carte de vins nature, bios, biodynamiques, tout ça, avec des noms de domaines à se tordre de rire comme d'hab', et donnant envie de revenir rien que pour tâter du Poil de Lièvre de Bobinet, d'un nuits-saint-georges de Philippe Pacalet (s'il y en a), d'un vin de France nommé Sorgasme (en magnum, s'il vous plait - s'il en reste), de ces blancs du Jura (et retrouver le savagnin), des vins orange d'Italie et d'ailleurs, oxydatifs comme il faut, voire d'une eau-de-vie de Cazottes pour la jouer Glougueule, soit académiquement vôtre.
Déco attendue : poutres, cheminée, roots à mort, le masque sur la tête de chevreuil naturalisée, le renard naturalisé lui aussi et posant, les paniers à salade métalliques chinés au vide-grenier un dimanche dernier, les tables dépareillées, les bancs, tout le toutim, et une autre salle extraordinaire (à privatiser sans doute) avec immense table en bois brut, cheminée du meilleur effet, bibliothèque à l'étage, en mezzanine, l'ensemble étudié au petit point, mais chaleureux, derrière cette grande baie vitrée métallique du meilleur goût parigot-tête-de-veau-ravigote, perché. L.M.
Photos du bas : D'une île fait partie du hameau L'Aunay, datant du XVIIe siècle. Cinq bâtiments : restaurant, hôtel (huit chambres, vingt-deux lits), potager, huit hectares de prairies et de forêt. Un havre.
Peyros, c’est pierreux, en Gascon. Cela évoque l’aride, le sec, l’absence de douceur mais la présence d’un caractère. Du côté de Madiran, Peyros désigne un domaine acquis par la famille Lesgourgues en 1999.
Château Peyros représente la typicité absolue d'une appellation à la réputation rustique, cependant adoucie, taillée au fil du temps par un savoir-faire comme une caresse sensuelle et intelligente. Il y a à la fois le respect de la matière de base, l'ADN de l'AOC, et le souci de progresser, sans exclure la fantaisie d'une tangente, comme avec cette nouvelle cuvée quasi confidentielle.
Cette recherche constante fait aujourd’hui du madiran de Peyros une empreinte digitale, un mot de passe, un sésame pour tout amateur d’authenticité préservée et néanmoins revisitée avec tact et talent, donc.
Chez les Lesgourgues, on aime passionnément les arts et on est aussi artiste, comme Emmanuel, l’un des enfants de Jean-Jacques et Anne-Marie. Ce dernier souhaitait retrouver les flaveurs de son enfance béarnaise, précisément celle de ses randonnées en vallée d’Ossau, vers le col de Marie-Blanque, (du nom béarnais donné au Percnoptère d'Égypte, ce petit vautour blanc à tête jaune et au bout des ailes noir que l'on observe dans le ciel pyrénéen aux côtés des vautours fauves), et puis l’atmosphère précieuse de la pause casse-croûte avé la saucisse sèche de chez Abadie et fille, l’ardi gasna, soit le fromage de brebis de Joseph Casette, et un madiran de fortune.
Corinne Lanyou, est responsable d’exploitation depuis 2009 de Peyros (certifié Terra Vitis en 2018). Elle connaît le domaine cep par cep sur le bout des doigts et des narines. Avec Emmanuel, elle a travaillé à la re-définition d’une saveur enfouie dans la mémoire la plus précieuse, celle des sensations fondamentales de la jeunesse. En dégustant toute l’appellation, ou peu s’en faut. En cheminant, caminando, afin de sculpter pas à pas le profil recherché. Une sélection parcellaire, largement ensoleillée, de Tannat exclusivement, s’imposa comme une évidence. La suite appartient au savoir techno-sensible d’une vinification aussi précise que l’emploi du temps d’un horloger genevois, à des extractions et à des remontages d’une grande finesse, à des cuvaisons longues comme un jour sans vin (c’est interminable), à une filtration en dentelle, tout cela pour produire 6 000 bouteilles à peine de l’édition 1 de Marie-Blanque (millésime 2016), ou le rêve d’Emmanuel devenu réalité.
L’artiste signera un dessin original à chaque « édition », terme emprunté à l’univers du livre, qui libère la parole oenophile, réunit deux mondes, plante une passerelle nécessaire. Marie Blanque n°1, qu’on se rassure, est un vin d'accès simple comme une boutanche sérieuse de copains de bon goût. Décalé en regard de la gamme Peyros à laquelle l'amateur est habitué, car c’est concentré, mais friand comme d’habitude, quoique davantage « oxymorique » : doté d’une simplicité complexe, d'une force tendre et comme contenue, d'une puissance douce, d'une désarmante longueur, d'une énergie persistante. Sa sapidité, sa « buvabilité » (terme bobo usité à Paris XI), en font un vin complice, un vin au fruité soutenu, que j'imagine assez bien pour escorter une côte de boeuf.
Et, vous savez quoi ? Marie Blanque a été élu Vin Ambassadeur de l’appellation Madiran pour 2020 (à l’issue d’une dégustation à l’aveugle par les œnologues de l’appellation, les vignerons et un panel de consommateurs). Sa robe est profonde et sans concession chromatique. Pour mémoire, le nez, gourmand, évoque aussitôt les baies rouges et noires du sous-bois de l’automne qui s’annonce tout seul, comme un grand. La bouche est ample, gourmande, concentrée, à la fois griottée et profonde, dotée de notes de mûres cueillies tout à l’heure, avec une touche épicée. Et d'un retour en grâce des bonheurs simples : c'est gorgé, juteux, généreux en diable. Enfin, la longueur serait celle d’une soie capable de choper une truite fario tout là-haut, du côté du col de Marie-Blanque. Là où Emmanuel sait. L.M.
12,50€ le flacon, c'est cadeau !
Et soudain, le charme jaillit. La bouteille est lourde, avec un gros cul qui en impose, une étiquette sombre et discrète, et un verre opaque suggérant la discrétion. Un côté vitres fumées, ou lunettes noires, mais avec le bon usage de celles-ci. À l'oeil, une fois versé lentement, la robe du breuvage effervescent est pâle et luisante, la bulle extrêmement fine, le cordon danse avec joie, le mot homogénéité saute à l'esprit. Le nez est friand, brioché, pâtissier, avec des notes de pêche blanche, de mirabelle mûre comme en août dernier, et de tilleul lorsque, sous l'arbre, le vent nous porte ses parfums. La bouche est vigoureuse mais sans tapage, à peine acidulée, d'une grande fraîcheur, ample, gourmande. Des notes d'ananas frais, de coing à point pour une compote, de citron jaune mais à peine zesté, avec cette pointe de fruit sec saisi à la poêle sèche en la tournant sans cesse - noisette ou amande? Ce chardonnay d'une grande pureté est épatant. Il s'agit d'un Crémant de Bourgogne nommé Sainchargny. Mais pas n'importe lequel : Cuvée Immémorial Brut 36 mois sur lattes. Un Brut Grand Éminent (dosage 7g/l) souligne la marque. Et c'est splendide, complexe, séduisant, confondant, car cela rappelle certains champagnes de grande extraction, et puis cela vaut 20€, et nous fait oublier un moment Reims, Épernay, Aÿ et tout le toutim. La marque a pour signature racoleuse et un brin ridicule : Libre, fier et insoumis. Oublions cette faiblesse. Sainchargny, ce sont trois coopératives unies : Saint-Gengoux-de-Scissé, Chardonnay et Lugny. D'où le nom Sain-Char-Gny, qui produisent ce Crémant en AOC depuis 1975 fier de son label VDD (Vignerons en développement durable). 180 ha de vignes dans le Macônnais, aux confins du Massif Central, 100 vignerons à cheval sur 25 communes, des terroirs distincts, mais la griffe d'une unité, à laquelle Marc Sangoy, vigneron et président de Sainchargny, comme Grégoire Pissot, chef de caves, veillent au jour le jour. Un seul mot d'ordre, ce soir : ne vous privez pas de ce Crémant exceptionnel. L.M.
D'autres cuvées aux noms attirants sont proposées par Sainchargny : Extatic (Brut), Catharsis (Brut rosé), Emerite (Brut millésimé).
Première contribution à Instants, l'élégant magazine épicurien de la chaîne Relais & Châteaux => Portrait de Paz Levinson
Je signe 3 pages (à propos de dix nouveaux livres, parmi tant d'autres, traitant du vin) dans L'EXPRESS paru ce matin, ce au sein d'un dossier consacré aux foires aux pifs :
Cela se passait le 19 juin dernier et il faisait une chaleur inhumaine dans ce restaurant nommé Elmer, planté dans le Marais à Paris, rue Notre-Dame de Nazareth pour être précis. Pour preuve, je sifflai une bouteille d’eau glacée avec des bulles qui piquaient fort mais tant pis et en quelques libations, à peine arrivé, non sans avoir salué ma charmante hôtesse Anne-Sophie, visiblement zen et comme thermo-régulée de la tête aux pieds.
Mes confrères transpiraient et ça ne semblait pas les gêner d’avoir la chemise collée aux poils visibles sur leur peau, à travers un tissu comme passé sous la douche. Moi si. Cette vue me gênait, et j’enrageais qu’un choc thermique puisse faire apparaître un pareil spectacle sur moi, sitôt débarqué, jeté au hammam comme un homard dans le bouillon. Pour un peu, je repartais, ce que j’ai déjà fait maintes fois pour moins que cela. Or, je restai, car le sujet était friand, sinon affriolant : déguster des vins d’Ardèche dans les trois couleurs, et nous aimons beaucoup, vraiment, les vins de cette région-là. La thématique était d’ailleurs plus choisie : « Les Exceptions du Sud Ardèche ». Vingt-cinq vins à (re)découvrir.
Mes pensées, assorties d’un regard et de quelques mots amicaux, allèrent immédiatement à la petite brigade qui souffrait à plus de 50° Celsius afin d’achever avec peine et plaisir de préparer ce qui devait nous régaler (ah, ces filets de canette avec des petits pois à la crème de sarriette et leur surprenant jus à la cerise, qui suivirent un inoubliable vinaigre de bonite juste déposé comme ça, goutte à goutte, sur un tartare de bœuf au couteau de belle extraction). Anne-Sophie et Manon avaient les yeux qui virevoltaient, elles contrôlaient tout, y compris la température de la salle. Elles veillaient aux groins...
Je faillis défaillir, ne pouvant me résoudre à « attaquer » quelque flacon avec mon verre à pied, eu égard aussi au rang de soldats – j’ai nommé les bouteilles, nombreuses, alignées, pleurant leurs larmes car le journaliste en dégustation est un goujat qui ne respecte rien, plus rien, à commencer par ses congénères qu’il bouscule, toise, salue de loin ou ne salue pas (tiens, je repense à l’opuscule nécessaire de Stéphane Méjanès : lire plus bas la lecture que j’en fis tout récemment), car que ça coule ne les gène guère, tu penses, ils se font rincer, alors le liquide, c’est naturel qu’il dégouline, lors qu’ils ne découlent, eux, d’aucune source buvable... J’ai reconnu dans le tas de chairs amassées un pique-assiette notoire, qui est de tous les râteliers du midi et du soir, et qui déguste aussi bien que je récite la messe en Latin...
Et que c’est donc à hue et à dia, à la va comme je te pousse carrément qu'il faut alors tendre un bras que l’on voudrait télescopique afin d’attraper une première bouteille de hasard, le rosé 2018 friand en diable du Domaine du Père Léon (cela ne s’invente pas, et je ne fis pas exprès, croyez-moi). Grenache, syrah, cinsault d’une rondeur, d’un fruité charmant, flatteur mais convaincant car conquérant, et ça vaut la bagatelle de 6€ - prenez la clé de la malle du 4x4, Nathalie, et garnissez avec vos caisses, car l’été sera long et les amis nombreux, à la campagne !.. Bon, je commence ?.. Je sais, Laurent, que tu ne m’en voudras pas pour ce « compte-rendu » atipico.
So, : le viognier (blanc, 2017) succulent de la Gamme Réserve du Domaine du Colombier, qui naît sur des coteaux argilo-silicieux et volontiers caillouteux, et qui jouit le veinard d’une fermentation lente sur lies en fûts de chêne avec batonnage durant trois à quatre mois (on croirait lire du Ponge mâtiné d’un compte-rendu de stage chez Sade), est renversant de pureté. Rien à dire de plus. Le mot pureté ¡ Basta ya ! Un autre viognier (quel cépage magnifique, en Ardèche, oublions un instant Condrieu ! Nous repensons à celui, adoré, de notre pote Christophe Reynouard, du Domaine du Grangeon – notre querencia ardéchoise, car le bonhomme te fait aussi un chatus et une syrah à tomber raide par terre).
Viognier, disais-je : Terroir « Grès du Trias » des méritoires et salutaires Vignerons Ardéchois, « cave coop » d’exception, est à féliciter pour sa belle présence en bouche, un rien grasse, sa générosité, son élégance, sa belle tenue d’apéro, pas de soirée (2018, 8,10€).
La Cuvée 1799 du Château des Lebres (rouge, 2017), souligne la bienvenue de 20% de cabernet-franc qui offre vigueur et fraîcheur comme nous tendons, genou fléchi et tête baissée, un bouquet d’hortensias parce que nous accusons un retard d’une minute, voire davantage, à une promise de passage...
Arrêt sur écran : un couple de faucons crécerelle nichant dans la grange en face vient de se poser sur le faîte du splendide toit de tuiles qui, lorsque je pose mon regard sur lui, m'évoque aussitôt « Tous les matins du monde », de Pascal Quignard, et le film sublime qu'il engendra : le son du clavier pourrait les déranger. Oui, j'écris dehors. Magie concomitante : un chevreuil que je reconnais, passe. Ce chevreuil, je l'aime, c'est désormais un compagnon de l'aube surtout, un complice qui m'évite...
Or, Les Lebres! Le reste est composé de syrah à 50% et de merlot à 30%. Cela vous coûtera 11,5€ mon bon, et c’est cadeau, pour la puissance que ce feu vous envoie d’emblée, mais avec tact et galanterie. Car la garrigue sait y faire, avec ses subtilités chaleureuses, au nez comme en arrière-bouche.
Désolé Orélie (Vignerons ardéchois), ce coup-ci tu m’as déçu, toi qui tant de fois m’enchanta. Je suis en conséquence au regret d’écrire que tu m’apparus fade, buvardée, en rouge 2018, sur ce tartare privé de désert à cause de toi...
Le 2017 du Domaine Coulange (Côtes du Rhône Village Saint Andeol) fut plus accort, et accordé comme un luth théorbe sur une cantate de Bach, friand immédiatement. Ses 60% de grenache (et 40% de syrah pour suivre) y sont pour beaucoup je pense, moi qui ne pense jamais lorsque je déguste. À 10€, je passe commande illico.
Idem pour le Château de Rochecolombe (Côtes du Rhône Village Saint Andeol), nez intense, épicé à souhait, avec des notes de fruits noirs à s’en balancer sur le cou et la nuque, une bouche ample. Un vin enchanteur (genache et syrah, 10,60€).
Le Domaine du Chapitre, (Côtes du Rhône Village Saint Andeol) piloté par un ténor qui se produit à l’opéra, Frédéric Dorthe (mon vis-à-vis, à table. En face, j’avais un soliste quelque peu aviné qui louchait et vacillait tout en balbutiant des propos incongrus – bref, le mec était bourré, car il effectuait son trip à Paris en forme d’échappée belle, façon Salon de l’agriculture, le Crazy Horse en moins (quoique). Ce Chapitre, donc, vante la grenache (60%) avec maestria et dominio comme on dit dans l’arène. C’est riche de fruits rouges et noirs mûrs à souhait, c’est large, ample, grand, il y a là matière à discussion avec le sanglier que je tuerai à la fin de l’été. 12€ le flacon.
Je ne suis pas dessert, mais je me dois d'être complet. Aussi, dirai-je le bien que je pense de la Cuvée des Patriarches du domaine Les Hauts de Vigier, 100% syrah (bravo la cuisine pour les abricots rôtis, faisselle, oseille et citron vert !), aux notes de fruits secs, de pain grillé, car selon moi, ce flacon aurait sa place pour escorter une viande rouge maturée, une côte épaisse, un onglet long et large. À 6,55€, prenez-en d’avance pour inonder la grosse cocotte Staub des premières daubes de l’automne. C’est un ordre.
Finissons-en avec Ninon, car il faut finir avec elle, vous ne pensez pas ? Ce muscat à petit grain 100%, passerillé, son nez d’acacia, de pêche blanche, ses notes d’abricot mûr en bouche, ce vin « parcellaire », donc suivant une mode certaine, « je fais du parcellaire... » entend-on souvent (mais un bon point pour une cave-coop : le Caveau des Vignerons Alba-la-Romaine, 13,40€ le col), nous a charmé, même si, dessus ou avec, nous eussions préféré un roquefort des familles. L.M.
La formule est relativement simple pour qui souhaite agrémenter un dimanche après-midi d’août avec des lectures qui emportent plus sûrement qu’une bourrasque. Prenez quelques contes et nouvelles de Maupassant pour vous faire l’esprit comme on se fait la bouche ou les jambes : Amour, Les Bécasses, Les Tombales, Miss Harriet, cela suffit, puis emparez-vous du Sphynx rouge, la suite des Trois Mousquetaires, d’Alexandre Dumas (initialement connu sous le titre du Comte de Moret). L’histoire survient juste après le siège de La Rochelle, soit bien avant Vingt ans après. Il n’y a plus de Mousquetaires, mais un portrait vibrant du duc de Richelieu tient lieu ici de colonne vertébrale, et sur plus de sept cents pages. C’en est fait. Voici le retour tonitruant, au grand galop, de votre âme d’enfant ayant tant aimé lire tard sous les draps les romans d’aventure, de cape et d’épée, Jules Verne, Rudyard Kipling, Fennimore Cooper... Vous vous calez, bien allongé sur le canapé, les pieds sur l’accoudoir d’en face, un coussin supplémentaire sous la nuque. L’immense talent de Dumas est là, dès la troisième page, qui décrit un certain Étienne Latil, attablé dans une auberge à l’enseigne de La Barbe peinte, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie dans le quartier du Marais, à Paris. Il vous prend par le col et n’entend pas vous lâcher de sitôt. Il fera sans doute nuit lorsque vous lèverez une première fois les yeux du livre pourtant lourd à vos bras tendus, ou posé en angle sur votre ventre : « Sa rapière, dont la poignée était à la portée de sa main, s’allongeait de sa hanche sur sa cuisse et glissait comme une couleuvre entre ses deux jambes croisées l’une sur l’autre. C’était un homme de trente-six à trente-huit ans, dont on pouvait d’autant mieux voir le visage, au dernier rayon de lumière qui filtrait par les étroits vitraux losangés de plomb donnant sur la rue, qu’il avait suspendu son feutre à l’espagnolette de la fenêtre. (...) Son nez droit et son menton en saillie indiquaient la volonté poussée jusqu’à l’entêtement, tandis que la courbe inférieure de sa mâchoire, accentuée à la manière de celle des animaux féroces, indiquait ce courage irréfléchi dont il ne faut pas savoir gré à celui qui le possède, puisqu’il n’est point chez lui le résultat du libre arbitre, mais le simple produit d’instincts carnassiers ; enfin, tout le visage, assez beau, offrait le caractère d’une franchise brutale, qui pouvait faire craindre, de la part du porteur de cette physionomie, des accès de colère et de violence, mais qui ne laissait pas même soupçonner des actes de duplicité, de ruse ou de trahison. » Élégance et désinvolture. Fougue et franchise. Force et panache. Le pouvoir de Dumas est inaltérable. Cela fonctionne, s'enchaîne comme la saison 3 de La Casa de Papel : que vous le vouliez ou non, vous êtes embarqués dans le torrent d'une calle Estafeta du ciné, de la littérature, du bonheur de se laisser aller au simple. Nous aimons régresser, ronronner en le lisant, entrer dans le récit, avoir derechef treize ou quatorze ans, chausser des bottes de buffle abaissées au-dessous du genou, porter une chemise bouffant à la ceinture, revêtir un justaucorps de drap aux manches longues et serré à la taille, et veiller à ce que son épée ne court le risque de se rouiller au fourreau. L.M.
APÉRO
Splendide Moulin-à-Vent AOC, le Domaine de la Tour de Bief 2018, un 100% gamay d’une pureté inouïe, due peut-être à son élevage exclusif en cuves. C’est mûr, puissant sans être agressif, suave même. Il fut dégusté seul, pour lui-même. Signe d’une autosuffisance rare et permettant la concentration.
ENTRÉES
Afin d’honorer une terrine du Perche à la pomme et une chiffonnade de jambon de Parme, L’Absolu 2018, en AOC Bordeaux rosé, issu de merlot et de cabernet-sauvignon, avec son nez discret de fraise, sa bouche d’un bel équilibre, sans acidité, le disputait - en qualité -, avec C’est la vie! 2018, AOC Bordeaux blanc, de la même famille Rochet. Cette cuvée quasi confidentielle (2 000 cols), est issue de sémillon à 100%. Son habillage moderne est rigolo (une 2CV sur papier craft, et un stop-gouttes détachable offert en guise de collerette, des plus élégants). Le vin s’affirme par un nez agréable de pêche blanche, de raisin croquant, et avec une bouche qui ne manque pas de vivacité. Le tartare de thon à l’huile d’olive vierge, à peine citronné, lui alla comme un gant.
PLAT
À Sancerre, la Famille Bourgeois propose son fleuron, La Bourgeoise, dans le millésime 2016. Ce 100% pinot noir est d’une finesse et d’une douceur remarquables. Robe profonde, nez de fruits noirs, rouges et légèrement épicé, frais et ample en bouche, avec une note minérale qui rappelle le terroir de silex où naissent ses vignes, ainsi qu’une touche vanillée due à l’élevage en fûts d’environ une année. Idéal sur une belle entrecôte de bœuf saisie à la plancha.
FROMAGES
En Touraine Chenonceaux AOP, la famille Bougrier propose, au sein de sa Grande Réserve, une production limitée, parcellaire, du Domaine Guenault, propriété historique sise à Saint-Georges-sur-Cher. Baptisée Confidences, cette cuvée 2018 est un 100% sauvignon blanc aux arômes délicats d’agrumes, de foin fraîchement coupé et des notes légères de cassis. Formidable sur les fromages des 48 chèvres, frais et moelleux, du Bois Buisson, de Véronique Quinet, à Courgeout (61), qui travaille seule et à qui nous tirons notre béret.
DESSERT
Afin d’escorter une tarte aux fruits rouges, un Anjou Villages Brissac 2017, la cuvée La Grande Chevalerie du château La Varière, issu à 100% de cabernet-sauvignon d’une belle maturité, et offrant ainsi une complexité aromatique que l’on peut attribuer aussi au passage d’un an « sous bois ». Un flacon sérieux signé Jacques Beaujeau, à la robe profonde, au nez de mûre et de cassis, légèrement vanillé, et une bouche intense avec des notes torréfiées et cacaotées. Puissant et souple à la fois. Un vrai vin de garde, à tester en saison avec du gibier à poil. L.M.
Ainsi désignais-je mon père. « Tu es un rétroviveur ! », lui répétais-je souvent afin de calmer sa nostalgérie et son c’était-mieux-avantisme chronique. Thomas Morales, fan de nobles carrosseries, appréciera le parallèle paternel. Cet écrivain n’est pas de son époque et c’est ce qui fait le charme de chacune de ses chroniques, que Pierre-Guillaume de Roux (fils du grand Dominique) publie en bouquet à un rythme agréable (*). Les dernières de cet irréconciliable avec ce siècle vingt-et-unième et sa morosité, sa cruelle absence d’humour, sa police des mœurs omniprésente jusque dans nos chiottes, le quotidien rogue de ses congénères qui en exaspèrent ou en désespèrent plus d’un, ont pour titre « Un été chez Max Pécas ». Vous savez – non, vous ne voulez pas vous souvenir, Pécas c’est ce réalisateur de films gras et beaufs, si l’on veut forcer un trait définitif, ou bien kitsch si on la joue gentiment bobo déambulant dans un bled un dimanche de vide-grenier. « Le Pagnol du nanar sous cagnard », résume Morales. Ça sent la Miss camping, le Ricard généreux à l’apéro avec la carafe beige chiffrée et servant peu, le bob qui va avec, ça pue la fumée épaisse dégagée par des rangs de chipos et des merguez au garde-à-vous sur le barbecue qui n’est pas le Weber dernier cri, non, juste le vieux qu’on ressort et qu’on décape avec la brosse métallique, joie, appétit, charbon de bois et journal local froissé, dès la fin du Printemps. Les chroniques de Morales sont décontractées, dégrafées de la ceinture lorsque les crêpes au Nutella ont été trop nombreuses, mais il est des overdoses fondantes et plus délicieuses que d’autres, avouables celles-là. Avec ce bouquin, Jean-Pierre Marielle ressuscite. Ses textes nous rappellent Auriac, hameau paumé, perché loin au-dessus de Tulle, tranquille, où nous nous sommes si souvent rendus pour passer des jours, voire des semaines peinardes mais sacrément vives chez l’ami Tillinac, à l’époque des spleens corréziens et des bonheurs assouvis avant d’atteindre la borne Michelin désignant Souillac sous son chapeau rouge déteint. Soit l’été au vert, avec taons et guêpes, panne de pain et emmerdeurs qui se trompent de route. Mais rosé frais toujours (les pages consacrées aux amateurs de vin qui se la pètent sont tordantes et si vraies). Ces chroniques débraillées disent, chuchotent - non : écrivent. Car le garçon a une sacrée plume que Blondin et Haedens auraient sans aucun doute louée à bas taux. Ses images frappent, touchent, ont le ton. Et l’image juste. Un talent, dis-je... Écrivent, donc, combien le bonheur peut être simple et jamais vulgaire, si l’on a encore le courage de mater une fille en bikini, et en monokini tiens !, sans craindre la guillotine d’un hashtag. Et si elle se prend pour une starlette devant le Carlton tandis qu’elle remonte la plage de Palavas, c’est encore meilleur. Si l’on a encore l’audace de regretter Stone et Charden (mais pourquoi avoir jeté leurs 45 tours !), d’adorer Umberto Tozzi ou Eros Ramazzotti tant qu’on y est, et de vouer un culte au forçats de la route du Tour (de France), ainsi qu’à l’accordéon, au sourire fixe et aux performances d’Yvette Horner, à la prose érotique, limite salace d’André Hardellet, à la gourmandise grivoise des livres de René Fallet, aux promesses démesurées d’un slow-braguette un soir de bal au village d’à côté avec une Marilyn de chef-lieu de canton ayant eu le bon goût de ne rien donner à rafistoler de sa plastique originelle... Thomas Morales réconcilie avec la vie, la vraie, celle que des bataillons de tristes sires et à la grise mine veulent nous interdire, et parmi eux une jeunesse, oui, de précoces empêcheurs de rire en rond ou en losange, des mal dans leur peau dès l’adolescence qui s’acharnent (un vrai job) à vouloir nous faire culpabiliser d’avoir eu une enfance à la Sagan, à la Sautet, à la Huguenin. Contre l’esprit de sérieux qui nous les brise menu (il ne faudrait jamais quitter Montauban), lisez Morales. Moi, j’aimerais voir « Un été chez Max Pécas », et entendre déclamer ses « traits » claquants, désinvoltes, brillants, partout entre les mains et sur les lèvres de chacun, sur le sable, dans les rues de Bayonne et de Paimpol, sur les aires d’autoroute, brandi entre les rangs de maïs de Peyrehorade, repris en chœur dans tous les Café des Amis et les Bar de la Marine. Le mien, lu, me servira jusqu’à l’automne à attiser les braises du barbecue. Et, ça aussi, je sens que ça pourrait plaire à l'auteur de ces précieuses, longues cartes postales. Léon Mazzella
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(*) Thomas Morales, Un été chez Max Pécas (PGDR, 15€)
... en bonne compagnie : des amis, Jean-Paul Kauffmann, Didier Pourquery, Thomas Morales. Une certaine icône, Denis Lalanne, un classique adoré, Jean de La Ville de Mirmont. Et un Champagne de compétition, la cuvée du 150è anniversaire de Martel. Le Perche me va bien...
ROSÉS
Parmi les grands rosés de Provence, le château Romanin occupe une place de choix, un fief, une place-forte organoleptique. En AOP Les Baux-de-Provence, le Grand Vin Rosé 2018 (grenache, mourvèdre, syrah. 17,50€), sa robe saumonée éclatante, son nez franc de petits fruits rouges et noirs (groseille, fraise des bois, cassis) et d’ananas, sa bouche minérale avec une finale saline en font le fiancé idéal d’un soir au jardin avec les langoustines, puis l’agneau grillés. Vin puissant et résolument « gastronomique », il se distingue de Romanin, IGP Alpilles (grenache, mourvèdre, cabernet-sauvignon, et 15% de rare counoise. 12,60€). Robe davantage saumonée, nez plus fleuri avec des notes d’abricot et de pêche jaune. Sa bouche est d’une grande fraîcheur avec une finale minérale (signature maison). Ce flacon, plus 4x4, aime à se frotter au thon rouge cru, aux épices, à l’anchoïade, et même à l’aïoli. Des Romanin complémentaires.
Du côté de Chinon, le château de La Grille, rosé 2018 (cabernet-franc. 11€), dont le
vignoble est certifié HVE (Haute valeur environnementale), brille par sa délicatesse. Robe saumon clair, nez de fruits rouges, bouche « croquante », jolie finale. Parfait pour conduire un poisson blanc de rivière, voire une friture d’éperlans relevée/révélée au citron.
BLANCS
La Vigne du Cloître, remarquable Mâcon-Péronne « en Chassigny » de la Cave de Lugny (2017, entre 7,50€ et 10€. À retrouver en septembre à la Foire aux Vins de Monoprix. Désolé pour ma photo prise avec le smartphone...), est vinifié sans sulfites. D’où une pureté aromatique incomparable, mais hélas éphémère : dépêchez-vous donc de le déboucher. Robe claire et brillante, nez de mirabelle et de pêche blanche. Bouche souple puis intense, tendue même en finale, comme souvent avec les chardonnays de cette zone d’élection originelle. Flacon formidable en compagnie d’une bourriche d’huîtres de chez l'ami Joël Dupuch, et de quelques tourteaux (sans mayo !).
Chez Plaimont, dans le Gers, en AOC Saint-Mont, une nouveauté attire le nez : L’Absolu des 3 terroirs (gros manseng, petit manseng, petit courbu. 12,90€) assemble le meilleur des grands terroirs de l’appellation : argiles calcaires, argiles bigarrées et sables fauves. Robe pâle. Nez d’acacia et d’agrumes, mais pas trop, fort heureusement. Bouche ample, longue, plaisante jusqu’au bout. Parfait avec un poisson noble des rivières locales comme la truite fario (prise à la mouche, si possible), ou bien le bar de ligne si l’on revient d’une virée « surf-casting » sur la côte basque... Notons que L’Absolu des 3 terroirs se décline en rouge (tannat, cabernet-sauvignon, pinenc. Même prix). Ce dernier est à déguster pour ses notes de fruits noirs tout en faisant la cuisine (le salaire de base du cuistot amateur), et à achever à l’apéro quand les premiers copains déboulent. Et comme ça, « blanc sur rouge, rien ne bouge ! »
À Chablis (en appellation Chablis-Village), découverte au domaine Laroche, de la superbe cuvée Saint-Martin 2018 (certifié HVE niveau 3 : le must! env. 20€), et son beau flacon, d'une grande fraîcheur, d'une très belle minéralité (typique avec les beaunnois, ou chardonnays, de ce terroir), et d'une force contenue en finale des plus agréables. Robe pâle à reflets bleutés. Nez crayeux, puis subtil de fleurs blanches, de beurre frais, avec une note de pomme. Bouche légèrement boisée (cèdre, sous-bois), voire toastée en finale. Superbe à avec de l'iode à pleines mains : vite, un plateau de fruits de mer!
En Béarn, chez Henri Ramonteu et son fameux domaine Cauhapé (évoqué ici même il y a quelques jours encore), un jurançon sec, Les Vignes de Manon (2018. 100% gros manseng. 10-11€), exprime son talent avec de délicates notes de fruits exotiques et d'agrumes (avec mesure, ces dernières). C'est très frais, expressif à souhait, et parfait à l'apéritif pour lui-même. Cependant, si d'épaisses soles-filets débarquent entre les bras d'un pote, et bé y'aura plus qu'à faire fondre le beurre dans la poêle ! L.M.
C'est paru samedi dernier, le 13 juillet. 48 pages effervescentes. J'y ai signé dix articles, notamment le dossier de couverture consacré au pique-nique chic (11 pages), ainsi que d'autres thématiques. Extraits :
Ce sont des flacons aux noms qui résonnent jusqu’au point d’orgue car ils sont longs en bouche, et évoquent une musique, ou la musique.
Il y a Boléro (blanc liquoreux, 2017, 15,90€), jurançon du domaine Cauhapé, sérieuse maison dirigée sans baguette mais de main de maître par Henri Ramonteu. Frais, ample, il ne manque pas d’élégance car sa sucrosité n’est pas écrasante, au contraire. Parfait à l’heure de l’apéritif avec rien d’autre, puis à la fin du repas avec des fruits rafraîchis. Gloire au petit manseng lorsqu’il est ainsi travaillé, après avoir été ramassé à la main à la mi-octobre, puis à la mi-novembre.
Il y a L’Accord Parfait (rouge, 2016, 10,50€) des Vignerons de Carcastel, en appellation Fitou (où les progrès techniques hissent les vins depuis quelques années). C’est gourmand, racé, présent en bouche (carignan, grenache) et d’une généreuse fraîcheur. À partager « à la tiède », escorté de charcuterie, pieds nus dans l’herbe.
Il y a Harmonie, du domaine Jean Vullien & fils (blanc, 2018, 13€), envoûtant Chignin-bergeron (Savoie). 100% roussanne d'une teneur, d'une présence, et d'une complexité aromatique confondante. C'est généreux, la robe d'or à reflets cuivrés en impose, acacia, abricot mûr, léger réglissé au nez, amplitude et suavité en bouche. Persistant. Musical. Magnifique!
Il y a C’est pas du pipeau (blanc, 2018, 21€), superbe Collioure du domaine Coume del Mas (Banyuls), à l'étiquette chatoyante. Vermentino et roussanne s’y donnent à cœur joie, en bouche, et c’est fort agréable avec un poulet yassa.
Inutile d’attendre la prochaine fête officielle de la musique. D’ailleurs, c’est la saison des festivals, la musique est partout chaque soir, y compris à la maison. Passe-moi le tire-bouchon, Pierrot... L.M.
Vous pensez encore que les rosés sont de faux vins ? Certains sont splendides, surtout en Provence du côté des Baux, des coteaux d’Aix, dans le grand maquis des Côtes-de-Provence en allant à La Londe, ou en se dirigeant vers Sainte-Victoire, du côté de Cassis, de Tavel, de Bandol bien sûr, de la presqu’île de Saint-Tropez, en appellation Palette, en Corse, mais aussi en Loire, dans le Sud-Ouest, sans oublier quelques clairets bordelais. Cela ne fait plus de doute car les progrès ont été considérables en quelques années et l'augmentation de la qualité est bien réelle.
Là, je suis tombé en arrêt devant trois flacons (millésime 2018) mettant en valeur cinsault, grenache et syrah, sans robe tapageuse ou modeuse ni notes désagréables d’agrumes, produits à Hyères-les-Palmiers, dans le Var, par Domaine & Châteaux Fabre, les propriétés de la famille Fabre-Grimaldi : le château de La Clapière et le château de l’Aumérade. Du premier, Cru Classé Côtes-de-Provence AOP, la cuvée Classique (10€), reconnaissable à la forme de sa bouteille, est somptueuse de délicatesse et de suavité, avec de jolis arômes de reine-claude. C’est un rosé aérien et gastronomique (de tout un repas).
La cuvée La Violette (13€) porte bien son nom car il s'agit d'un rosé plus floral que fruité, enchanteur, d’une force soutenue face à une grillade saignante, et doté d'une séduisante minéralité en fin de bouche.
Du second, l’Aumérade, Cru Classé également, la cuvée Marie-Christine (13€), outre son look féminin (inspiré d’une pâte de verre d’Émile Gallé et augmenté de cette fine silhouette : voir ci-contre), est un rosé aux notes charmantes de pêche blanche et de fruits exotiques, c’est souple et d’une belle profondeur. Trois flacons pour supporter agréablement la chaleur. L.M.
À propos du syndicat des Bordeaux et Bordeaux Supérieur, les Oscars de Bordeaux de l’été qui vient ont sélectionné quelques perles en blanc, rosé, clairet et crémant. Nous avons retenu le charnu, l’expression, la teneur, la présence forte du clairet du château des Tourtes, un rosé vineux à souhait qui se mange, se croque, se mâche, se fiance à la hussarde avec une volaille landaise rôtie ou - pourquoi pas - une sole-filets bien épaisse juste poêlée avec du beurre (2018, 5,30€ : cadeau).
Les vignerons de Tutiac nous étonnent encore avec leur Carrelet d’Estuaire, un blanc de respect (2018, 4,50€). C’est rond, friand, sec et vif, nerveux et gras en fin de bouche : idéal à l’heure où le soleil se couche et que l’on picore une friture d’éperlans avec les doigts.
À la cave béarnaise de Crouseilles, un modeste Pacherenc du Vic-Bilh sec (2017, 6€) nous a fait tenir l’arrêt devant le flacon comme un setter anglais devant une bécasse irlandaise : Lou Blanc (le blanc) est son nom. Bien trouvé, car le loup blanc est une rareté proverbiale, à l’instar du merle mêmement immaculé. Pour 6€, nous avons dans le verre un concentré de ce que la région de Madiran sait faire lorsqu’elle tourne le dos aux rouges et aux légendaires blancs moelleux (de Pacherenc) issus de raisins passerillés (gros manseng et petit courbu). Voilà du claquant, du fouet en arrière-bouche, de la persistance gasconne : je gueule encore alors que tu n’es plus dans mon champ de vision. L’énergie cinétique de ce flacon se compte, ailleurs, en caudalies. Et, par chance, l’intensité aromatique ne nous déverse pas de l’agrume à pleins cageots. Le citronné sait demeurer discret - merci.
Nous avons tous nos chouchous. Pellehaut en est un. Côté rouge, je craque pour l’entrée de gamme avec une fréquence sans modulation. Côté blanc, et pour 6,90€, je fonds pour ce chardonnay bien acclimaté en terre gasconne. Le 2018 possède une profondeur aromatique étonnante. Dégusté sur mon tartare de saumon au couteau, soja et wasabi, il releva le gant : chapeau! Le rosé 2018, en bouteille « givrée », Réserve Famille Béraut (c’est le nom de la cuvée, 8,50€), issu de pinot noir et de tannat, libère son opacité formelle au premier nez, et plus encore à la première gorgée. C’est gourmand et généreux, ample et équilibré. Un rosé qui a du tact.
En AOC Bergerac, il existe un vin cyranien qui n’a pas retenu que notre appendice nasal, mais aussi nos papilles. Si j’avais un tel nez est son nom. Déjà ! C’est du merlot pur qui pousse sur de l’argilo-calcaire, passe en cuve inox, c’est en bio depuis 1999, et c’est livré sans soufre. Du fiable (2016, 12€). Puissant, charpenté, fruité (cassis, raisin) et frais comme une chocolatine à la sortie du four.
Du côté du Marmandais, où la « cave coop » est exemplaire, voici Terra Vallona, un trio en trois couleurs, classé en IGP Comté Tolosan. J’affectionne, c’est acquis, les flacons modestes à prix ridicule mais qui en ont dans le ventre. KallyVasco s’en fait souvent l’écho. Voici donc trois vins à 3,40€ le flacon qui valent le déplacement. Le rouge (merlot, cabernet-sauvignon et cabernet-franc) est croquant, franc, il distribue fraise, cassis et épices douces sans chichis. Le blanc sec (colombard, sauvignon) est d’une fraîcheur avenante, mais je lui reproche son côté modeux, car trop axé sur l’éloquence de l’agrume (on s’éloigne du raisin). Le rosé est en revanche plus souple (merlot à 95%, un chouia de malbec et une pincée d’abouriou pour l’accent local). D’une franche fraîcheur à l’heure de l’apéro avec ou sans tapas, mais des amis pour rigoler franchement à la fraiche.
Respect : Le Pinot Noir Sauvage (2017, 14€) du château de la Terrière (face au Mont Brouilly, au cœur du Beaujolais, AOP coteaux bourguignons), est de ces vins nature qui, après Sauvage à Poil (évoqué ici même) magnifient le cépage dédié (gamay, ou pinot noir, le cas échéant) avec circonspection et méticulosité. L’élégance, l’expression précise, la structure sans le bodybuilding – bien au contraire, s’imposent avec naturel, et c’est le mot idoine. Pas de collage, une légère filtration, une délicatesse de A à Y donnent ces touches de fruits rouges et noirs, ce réglissé, ce soyeux tannique, cette puissance domptée qui ravissent lorsque nous investissons un magret de canard bichonné à basse température.
Côté effervescence, les champagnes de vignerons m’ont obligé à une pause savoureuse avec celui de Claude Michez, qui crèche à Boursault, dans la Vallée de la Marne. Il est certifié HVE (Haute valeur environnementale), ce qui alerte d’emblée. Les trois cépages y sont, comment... magnifiés avec modestie (45% de pinot meunier quand même). La cuvée Flore, joliment imprimée d’images de coquelicots et d’arums (BSA, Brut sans année, à peine 2000 bouteilles), découverte sur des langoustines pochées que je disposais délicatement sur des papardelle fraiches, résume l’expression de quatre hectares conduits à pas d’homme sachant marcher lentement entre les rangs. Coing, ananas, amande, mirabelle, poire, noisette fraîche, et puis du crémeux, de la pulpe suivie d’un citronné discret, de la mâche légère en arrière-bouche, une touche saline pour achever le voyage : superbe (22€).
À Celles-sur-Ource, dans la Côte des Bar, le champagne De Lozey blancs de blancs vinifié sous bois (32,40€) nous a surpris par belle charpente, sa rondeur, son côté vanillé, une pointe toastée aussi, ainsi qu’une touche miellée, voire confite de bon aloi. Il est minéral en finale, et soutenu par une acidité ayant le bon goût de ne pas flirter avec l’agrume gueulard. C’est assez vineux et pourvu d’une sapidité apte à escorter des ris de veau croustillants et crémeux.
Enfin, coup de chapeau à cette Réserve Exclusive Rosé de Nicolas Feuillatte (35€), dont la bouteille est d’une rare beauté, qui évoque à la fois les fleurs peintes par Van Gogh et ces estampes japonaises qui rehaussent les haïkus des maîtres du genre comme Bashô. Petits fruits rouges frais : groseille, framboise, myrtille, gariguette... explosent en bouche. C’est plein, très présent, immédiatement éclatant (pinot noir pour la rondeur, pinot meunier pour la souplesse), et résolument séduisant. L.M.
Je pensais l'avoir signalé ici, mais non. J'eus la surprise au coeur de l'été dernier de découvrir un papier élogieux et délicieusement tardif sur l'un de mes livres paru fin 2001 et qui, finaliste du Prix Goncourt de la Nouvelle, manqua cette distinction d'un cheveu. Le voici - il est signé Rita, blogueuse littéraire - et si cela vous incite, hâtez-vous, car le bouquin est en voie d'épuisement chez l'éditeur, lequel n'envisage pas de le réimprimer ou de le reprendre en format de poche dans La Petite Vermillon => Les Bonheurs de l'aube
Il vient tout juste d'arriver au courrier par coursier : le livre Le Vin, son histoire, ses terroirs, publié par le groupe Le Figaro via sa filiale Le Particulier, paraît. 194 pages denses et cousues main, aux petits oignons, rédigées scrupuleusement et littérairement, avec goût et circonspection, sous la houlette de notre complice depuis tant d'années Philippe Bidalon. Nous y avons, personnellement, beaucoup donné, des Origines du sang de la vigne au vignobles du Sud-Ouest en passant par ceux de la Loire, de la bulle de Champagne à l'aristocratie (bordelaise) du bouchon, des climats bourguignons au choix des verres, et d'autres chapitres plus ou moins grands. Ce fut un plaisir. Le bouquin se tient. Il est élégant, gourmand, richement illustré, jamais pompeux, toujours sérieux mais avec ce qu'il faut de distance pour demeurer suave, hédoniste, généreux. Aucune prise de chou là dedans. Que du plaisir en partage. Faites passer ! L.M.
FLACONS est livré avec L'Équipe et L'Équipe Magazine de ce samedi. Nous y avons donné trois papiers : à propos de Krug (et les poissons), de Deutz (et deux cuvées parcellaires), de Mumm (et l'apesanteur). En kiosque jusqu'à ce soir :
Week-end de novembre dans le Perche. Les palombes luttent contre un vent mouillé, la pluie devient horizontale et piquante, il ne fait pas un temps à mettre un chevreuil dehors. D'ailleurs, on n'en surprend guère à l'orée des bois. Les grues cendrées ne passent plus, et les cendres menacent dans la grande cheminée. Il est temps de retourner aux affaires. Le château Les Gravières de La Brandille, Bordeaux Supérieur 2015 appartenant à la famille Borderie, sis à Saint-Médard-de-Guizières, est le flacon idéal pour escorter une viande rouge de sacré caractère comme une daube de sanglier mijotée des heures, un cuissot de chevreuil qui roupille lentement au four à 180°, ou une épaisse basse côte de bœuf des Flandres maturée trois semaines (photo), grillée sur de tendres braises, à bonne hauteur et devant la table de l'apéro, ce dimanche midi à la campagne, tandis que la pluie crépite encore sur les feuilles des chênes et des châtaigniers.
Le flacon reflète bien le caractère viril de ses 90% de merlot (le reste est dans la fausse douceur des cabernet-sauvignon). Sur ces terres argilo-graveleuses, nous ne sommes pas loin de Saint-Émilion et nous retrouvons facilement dans le verre un air de ce terroir unique, à la fois raffiné et structuré, élégant et corpulent. La robe rubis est profonde, et le nez de fruits noirs légèrement épicé. Cette cuvée Prestige (9,80€ à peine) est élevée un an en fûts (un tiers de neufs). La bouche ample est longue, les tanins soyeux. L’écho (franchise, fraîcheur, suavité, léger confituré) avec la viande rouge, bleue mais chaude, est remarquable. C'est la tendresse du gentleman-farmer... L’idéal serait d’en avoir suffisamment pour élaborer la prochaine daube de joue de boeuf avec (penser à en commander). En attendant, il sera le compagnon idéal du livre posthume de « Big Jim » : Un sacré gueuleton. Manger, boire et vivre, qui paraît chez Flammarion. Et de Mozart. Santé ! (Pé-pèp!.. Remets deux ou trois bûches avant de sortir, s'il te plaît-merci). L.M.
Sacré visuel nous ayant échappé lors de la réalisation du gros hors-série (mook) sur la Grande Guerre pour L'EXPRESS!..
L'occasion de souligner combien j'ai été embarqué, passionné par la rédaction et le co-pilotage avec Philippe Bidalon de ces 212 pages. Rarement un projet de cet ordre ne m'aura autant pris, animé. Je crois que le sujet de la Grande Guerre, non seulement ne laisse personne indifférent, mais prend chacun au ventre. Durablement. Ci-dessous, l'un des articles sur le motif paru dans le hors-série précité.
DU PINARD ET DES LETTRES POUR COMBATTRE L'ENNUI
Par Léon Mazzella
Je m’ennuie. L’expression revient comme un refrain dans les courriers et les carnets des Poilus. « Je m’ennuie à mourir » (Edouard Mattlinger), « Il pleut, nous croupissons » (Frédéric Branche), « Je me fais bougrement chier » (Louis Vassivière)… Tels sont les leitmotiv des soldats dans les tranchées. Contre l’ennui, le sport (lire par ailleurs), constitue un formidable antidote. L’écriture sera aussi l’une des principales occupations, avec l’artisanat, du Poilu morfondu dans la tranchée : certains se livrent à la gravure sur douille d’obus, fabriquent des colliers avec du fil de fer, gravent le cuivre, sculptent des coupe-papier, confectionnent des bracelets avec du cuir. Ils façonnent de leurs mains des objets pour se survivre à eux-mêmes, laisser une trace, en rêvant d'une postérité de pacotille : ils tuent le temps sans espérer la prochaine attaque, le prochain assaut qui sera donné par un officier, de ce coup de sifflet qui broie les tripes, intime l’ordre de sortir du trou et d’aller droit devant…
Cafard et chasse-spleen
L’attente de l’heure de la soupe, du « rata », comme à bord lorsqu’on est marin et que l’horizon sans horizon plonge dans l'aplasie, rythme les journées des fantassins. La distribution du pain et de l’eau potable (denrée rare, surtout lors des chaleurs estivales et aussi l’hiver, qui fera boire de la neige et de l’eau souillée aux soldats), ainsi que celle du « père pinard » et de la gnole, prennent la dimension de moments de bonheur brefs mais apaisants, pour des soldats que la résignation guette et qu’un patriotisme chevillé au corps et à l’âme tiendra droits jusqu’aux premières mutineries de 1917. L’ennui est aussi combattu par l’heure espérée de la relève par des contingents frais, et surtout par celle, suprême, de la permission ! Le « cafard » est une expression qui fut inventée dans les tranchées pour désigner ce bourdon proche de la dépression, du moins d’une mélancolie certaine. Contre lui, il existe peu de grands remèdes, hormis « le père pinard » et l’écriture, donc. La correspondance avec l’arrière demeure le chasse-spleen à double tranchant numéro un du Poilu qui se morfond et qui attend sans attendre de passer à l’action. Henri Barbusse, auteur d’un roman emblématique sur la Grande Guerre, écrit à chaud, « Le Feu » ( Prix Goncourt 1916), affirme que l’attente du courrier est plus importante encore que celle de la soupe. L’affranchissement étant gratuit et les enveloppes distribuées en nombre, ce sont des centaines de milliers de missives qui partent du front chaque jour… Filtrées par la censure, laquelle relève, voire bloque les marques de cet incoercible cafard qui ne passe pas (certaines lettres, « ouvertes par l’autorité militaire », ne parviennent pas à destination), parce que la guerre s’enlise comme les godillots des Poilus dans cette gadoue qui imprègne les os et les âmes, car la boue qui noie les chevaux et les canons participe de cette mouise désespérante, parce que la guerre s’éternise au point qu’on se demande si elle s’achèvera un jour tandis qu’elle devait être expédiée en trois coups de crapouillot. ..
C comme Champagne. Le troisième numéro de ce magazine annuel (auquel nous collaborons depuis le n°0) paraît.
J'y signe pas mal de choses, notamment une enquête sur la guerre effervescente que se livrent champagnes, proseccos, cavas, et autres crémants et blanquette... Ainsi qu'une autre petite enquête sur les nouveaux consommateurs de champagne, ou encore la campagne choc du SGV (Syndicat général des vignerons de Champagne), que j'avais déjà évoquée dans L'Equipe magazine et son supplément Flacons le 14 juillet dernier.
Aux kiosques citoyens! Et vive la presse écrite imprimée.
Extrait du dossier « Foire aux vins » paru hier dans L’EXPRESS. Évoquant avec mon ami Jean Brana (vigneron de talent en Irouléguy) la déclaration un brin provocatrice que me fit Paolo Basso lors de l’interview (lire l'extrait ci-dessous), Jean s’exclama : « Et alors comme ça il n’y aurait pas de différence entre un nourrisson, un adolescent, un adulte et un vieillard ! » Le débat est ouvert.
Basso évoque évidemment le principe de « buvabilité » (immédiate), concept modeux que d'aucuns déplorent en appelant cela un infanticide oenologique. Il s'agirait du principe de plaisir, en somme. En revanche, le principe de réalité (qui est loin d'être dépourvu de plaisir) repose sur l’évolution d’un produit vivant : le vin.
Autrement dit, nous gagnerions à voir la dictature de la vitesse, le souci (commercial) d'immédiateté cesser de gouverner - aussi - la sphère des plaisirs hédonistes. L.M.
VV26 Vieilles Vignes, cuvée d'exception de la maison Frerejean Frères, établie à Avize, est issue à 100% de chardonnays sélectionnés de manière drastique, et c'est immédiatement gourmand. Provenant des plus anciennes parcelles du domaine (1926), cette cuvée quasi confidentielle (8 000 bouteilles), vieillie huit ans durant (150€), est d'expression pâtissière, beurrée, crémeuse, mais en même temps grillée, confite, épicée, avec ce soupçon de marrons ouverts d'un coup de canif, et jetés doucement à la cheminée au retour d'une passée aux canards de novembre...
Signe distinctif qui frappe l'amateur : le flacon est agrafé, et non pas muselé comme la plupart. Ce qui procure une sensation, comment dire... médiévale.
Robe dense et solaire. Bulle discrète, rapide à l'envol mais fine. Nez sapide, fruité sec, avec des soupçons plus ou moins osés de coing, de poire et de rhubarbe mûre. En bouche, le régal provient de la densité du liquide, du citronné léger, et d'un sentiment d'écorce, de sous-bois à l'aube, avec des primevères au sol et une migration de grives au ciel...
Aussi, ce 100% chardonnay (récoltes 2008 et 2009 en Côte des Blancs), crémeux en diable, donc, et néanmoins doté d'une minéralité exacte, nous propulse t-il à la fois entre les pages virilement toniques du Gueuloir de Flaubert (Livre de Poche), et vers celles, chargées d'adrénaline à l'envers, des Syllogismes de l'amertume, de Cioran (folio).
Un mot également du Brut Premier Cru (50% Chardonnay, 50% Pinot noir, 49€), qui constitue l’une des cuvées iconiques de la maison Frerejean Frères, car il vous prend directement par le col avec des flaveurs épicées, miellées, briochées surtout (ça sent incroyablement l’absence du Pinot meunier !..), de pommes au four un rien oubliées, de poire pas encore mûre, de raisin sec et de noisette aussi. Sacré cocktail pour un Brut... peu ordinaire. Faible dosage, dégorgement tardif, lis-je. Le résultat est là : un brut singulier qui donne envie de relire les sages poèmes de Jules Supervielle, Les Amis inconnus, Naissances, La Fable du monde (Poésie/Gallimard). L.M.
frerejeanfreres.com
Jean Rolin (*), auteur du « Traquet kurde » (POL) avoue à Pascale Nivelle, qui brosse (bien, comme d'habitude, depuis ses années Libé) son portrait pour "M/Le Monde", que sa « bible » est l’ouvrage de l’ornithologue James Bond au sujet des oiseaux des Antilles et des Bahamas (attaque et début du papier ci-dessus).
La mienne (je me permets) est plus casanière, puisque c’est « le Peterson » comme on dit dans le milieu des barjots de piocs. : « Le Guide des oiseaux d’Europe », de R. Peterson, G. Mountfort, P. Hollom et P. Géroudet (photo).
Mais, j’avoue que lorsque j’ai acheté le guide de James Bond sur l’île de Petit Saint-Vincent (archipel antillais des Grenadines) le 27 mars 1991 (celle de l’achat de mon premier Peterson – puisqu’il en faut également un dans la voiture, et un troisième au cas où... Quoi ? -Non, rien... date du 24 mars 1978 – j’avais dix-neuf ans et encore toutes mes dents), je n’ai pensé qu’à l’agent secret de Sa Majesté, et pas aux jumelles que ce J.B. là, à l'esprit sûrement blended, devait avoir pendues au cou à longueur de journée.
Reste que le moineau ne piaille plus beaucoup aux terrasses parisiennes, où je me trouve pour trois jours depuis hier soir, mais qu'il prospère, joyeux, au bord de l'Adour, vers le petit port de plaisance avant La Barre, et les femelles y sont plus audacieuses que les mâles pour venir chiper à même les doigts les miettes que nous leur donnons au restaurant Le Poisson à voile...
Je me suis néanmoins réjoui ce matin, tôt, d’apercevoir un faucon crécerelle en maraude au-dessus du Jardin des Plantes. Moins d’y observer l’arrogance grandissante de corneilles noires toujours plus nombreuses -et pour cause, comparable à celle des goélands argentés sur les plages atlantiques comme celle des Cavaliers, l'autre jour, aux abords des serviettes et au couchant, lorsque le monde s'en va (mais pas que). Car, l'évocation de ce James Bond là me donne l'occasion de dresser la liste des piocs vus ces derniers jours.
J’y ai encore regretté le désensauvagement des étourneaux, lequel confine à celui des palombes (pigeons ramiers), grasses comme des notaires balzaciens, mais qui ne se mêleront jamais aux bisets, aussi dégénérés que bigarrés.
J'ai enragé à la vue des cadavres de deux cigognes blanches, à Lasse (près de Saint-Jean-Pied-de-Port), sans doute flinguées par un petit (ou un gros) con avide de cartons faciles sur une espèce aussi protégée que gracile...
Hier encore, en passant dans le Tarn-et-Garonne (du côté de Saint-Antonin-Noble-Val), puis aux abords du Quercy truffier (Lalbenque, etc), et avant-hier surtout, en montagne douce car basque (vers Iraty, et Valcarlos aussi), je savourais la vue de couples de milans noirs, de quelques royaux également, des vautours fauves se rassemblant pour une hypothétique curée sur une (désormais rare) brebis crevée - eu égard aux fulgurants progrès vétérinaires, je vis quelque perdrix - grise ! au bord de l’autoroute du retour, et rouge sur place, pas loin des Aldudes (lâcher?).
De nombreuses buses variables, plantées sur des piquets de clôture, semblaient vouloir baliser la route de Roncevaux via le col d'Ibañeta. Sans doute digéraient-elles, repues, quelques mulots et autres rainettes, ou bien elles chassouillaient d'un oeil mi-vif et à faible hauteur.
J’ai eu le bonheur d’observer un balbuzard pêcheur au-dessus de la Nive de Baïgorry, aperçu un seul martin-pêcheur, ai rêvé de voir un cincle plongeur - mais non, senti que les hirondelles de cheminée étaient pressées de partir, accrochées aux fils électriques d'Erratzu, en Navarre, vu de rares tourterelles des bois au vol traçant de sarcelle, en bifurquant vers Chiberta (Anglet).
Je ne pus (toujours pas) me résoudre à la vue devenue si banale de palombes partout, jusqu'ici, et là, lors que nous les attendions comme le Messie, que nous les espérions début octobre (du verbe espagnol esperar signifiant à la fois attendre et espérer), le coeur battant la chamade... Mais ça, c'était avant les bouleversements biologiques engendrés par le réchauffement de la planète, lequel aura la peau de toute migration, et de toute chose sensible.
J'ai senti l’émotion de Jean Brana (une autre espèce de J.B.) lorsqu’il parlait des bouvreuils, des mésanges bleues et des chardonnerets qui fréquentent son vignoble pentu d’Irouléguy certifié HVE (Haute valeur environnementale), ou bien de ses pigeons voyageurs, qu’il s'en veut de négliger, tant le travail de la vigne l’accapare (ça débrouissaillait à tout va, avec son neveu Adrien, cette semaine).
Les huppes fasciées semblent bien se porter. C’est bon signe. En « lisant » une rivière accorte - un affluent de l’Aveyron -, hier à l’heure du pique-nique composé de produits ibériques achetés dans une venta à taille humaine, à Dantxaria, et avant d’y plonger, je vis des ablettes. Elles figurent un marqueur écologique, comme les écrevisses vernaculaires, la sauterelle verte ordinaire, le phasme, certains papillons de nuit (mais je n'y connais rien en chasses subtiles nocturnes)... Leur présence signe une tranquillité naturelle, tant ces êtres sont fragiles et détestent à mourir la pimpante gamme des saloperies signées Monsanto (entre autres nuisances).
Alors j’ai plongé de plaisir dans l'eau vivifiante, comme je le fis quelques jours plus tôt dans un torrent proche d'Estérençuby, après avoir copieusement déjeuné à l'auberge Carricaburu (père - ou plutôt mère : c'est elle qui officie en cuisine tandis que son époux agit, agile, en salle. J'avais somptueusement déjeuné la veille à l'Auberge d'Iparla, tenue par leur talentueux fils Stéphane, à Bidarray)...
Et plongeant, je criais le feu de mon bonheur d'être sur cette terre dans cette eau sous un ciel d'oiseaux. L.M.
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(*) Nous avons aimé lire son Journal de Gand aux Aléoutiennes, sa Ligne de Front, son Vu sur la mer, sa Frontière belge, ses Zones, et même son Dinard (avec des photos de Kate Barry), à leur parution.
Autres photos : la Nive à Saint-Étienne-de-Baïgorry. Ligne de montagnes depuis le col d'Odixar (Iraty). Le vignoble de Jean Brana depuis la terrasse de l'Arradoy (Ispoure).
Comme les temps changent, où plutôt combien nos esprits évoluent. Je quitte la Côte basque le 24 au soir. Et les Fêtes de Bayonne débutent le 25. Jadis, j'y étais pour elles, et en rouge & blanc dès avant l'heure. Francis Marmande (Bayonnais, collaborateur du "Monde" pour le jazz et les toros) me confiait hier soir à voix ourdie (je l'ai retrouvé par hasard au restaurant Chez Martin, rue d'Espagne*) qu'il partageait ma désaficiòn. Il regagnait d'ailleurs Paris ce matin, lors qu'une corrida à cheval s'annonce à Lachepaillet...
Que penser, sinon que nous devenons schnock, ce qui est tendance, me suis-je laissé dire. Jamais blasé -oh non, ni désabusé. Nostalgique assumé, certes. Cultivant nos souvenirs qui sont notre jardin voltairien, oui. Mais, quand même, hein. Se dire à soi-même, virant de bord en scooter devant la plage de La Petite Chambre d'Amour il y a une demi-heure : Trop de monde, je passe aux halles des Cinq-Cantons faire provision de bouche complémentaire vite fait, sans case apéro rosé ni jambon truffé chez Balme, et je file griller un paleron de chez Guillo avec les Raisins gaulois, si frais en bouche, de Lapierre. J'ai appelé Machin, il est libre, on refera le monde en général, et celui des femmes en particulier devant le barbecue. Autant dire que cela prendra du temps, même avec une cuisson lente obligée... Est-ce là un signe de réclusion, de repli, de... Non : Se préserver, pratiquer la stratégie de l'évitement contre tout ce qui agresse m'appert vital, désormais. Les bons moments sont comptés. Chacun d'entre eux doit, devra être bichonné. C'est comme ça. L.M.
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*Extraordinaire déjeuner chez Sébastien Gravé, la veille (La Table de Pottoka), sans conteste la meilleure adresse bayonnaise du moment - et pourvu que ça dure!.. Surtout en compagnie (par hasard, encore, à l'apéro, puis au dijo - mais, par ici, les rencontres fortuites sont souvent ensoleillées), du débonnaire Éric Ospital (jambons Louis Ospital, dont j'ai abondamment parlé dans L'Express paru il y a deux semaines - en kiosque tout l'été dans la région), et de Stéphane Davet (réservé, pudique chroniqueur gastronomie et musique au "Monde").
Virée de quatre jours sur mon île, histoire - entre autres - de découvrir un nouveau restaurant, Da Maria alla Corricella. Maria est une femme à part, à l'abord dur, à l'abordage rêche. Elle fut la seule pêcheur(se) professionnelle de Campanie durant de très longues années. C'est une taiseuse comme la plupart des Procidiens. Je suis ami avec ses fils rugueux et soyeux à la fois Cesare et Giuseppe, depuis plus de vingt ans. À la retraite depuis des lustres, et tandis qu'elle régalait chaque jour son mari amateur de havanes, sa famille, et une partie de La Repubblica libre della Corricella (appellation absolument pas controllata), dont nous sommes membres à vie et avides, pour des agapes à l'intérieur, chez elle, ou bien le plus souvent en plein air, sur de longues tables face au porticcio, ses barques, les goélands, les chats, les filets entassés... Maria prit la décision - à force d'entendre que ses linguine aux oursins étaient des oursins iodés (ramassés tôt le matin avec une fourchette et sans masque, juste là, devant à trois cents mètres et à quatre ou cinq mètres de profondeur - prends bien ta respiration avant, bijou) aux linguine parfaitement al dente, que son sugo di coniglio était à se damner, et que, que, que... Son restaurant ouvrit donc, après pas mal de tracasseries administratives. Même ici, où tout semble permis, sinon autorisé (l'autorisation y étant une tolérance auto-proclamée), c'est parfois compliqué. Ah, les sortilèges de l'insularité... Mais nous y voilà : Sur cette Corricella devenue un chapelet de terrasses de restaurants légèrement inégaux. Les voisins immédiats de Maria, Vincenzo à La Graziella et Aniello à La Gorgonia - nous avons nos vieilles habitudes aux deux gargotes -, ont les dents qui grincent. Au-delà, soit à moins de dix mètres de part et d'autre, c'est déjà autre chose : Caracalè d'un côté, Maestrale de l'autre sont loin. Alors Il Postino, Fuego, La Lampara sont à des années-lumière, soit à cinquante mètres (sous le cañar, ça joue). Disons-le tout de suite : une seule chose cloche chez Maria, c'est le bruit de l'aération. Afin de ne pas s'évanouir sous sa charlotte, au fond de ces habitations semi-troglodytiques de toute la Corricella, et quand la cuisine est forcément calée contre la roche murée, il convient d'aérer puissamment. D'où l'intempestif et persistant ronronnement. Tout le reste fonctionne. L'antipasto della casa bon pour deux personnes sauf si vous avez mon appétit, doit obligatoirement être commandé (photo) avec un pichet de blanc local (très fruité, très frais ici - car son goût change d'une adresse l'autre), et une bouteille d'eau frizzante avant de commander plus avant. Puis, examiner la pêche du jour sur assiette, car elle peut convaincre de lancer quelque dorade ou sar (marbré) alla brace pour une cuisson vive sur peau non écaillée et au gros sel. Rayon pasta, demandez celles du jour qui ne figurent pas sur la carte. Aux fruits de mer (langoustines, gambas, moules, palourdes, cigales, calmars...), elles sont divines grâce au jus, ah ce jus qui mêle tomates cerise confites, ail frais, friarielli encore croquants, et eau des crustacés réduite à la cuisson... Maria a pris soin de cajoler les recettes typiquement locales de la cuisine povera, comme ces Pasta e fagioli con le cozze, des pâtes différentes de fins de paquet aux haricots blancs et aux moules. Côté Secondi piatti, notons le Coniglio alla Procidana (lapin à la Procidaine), et la Frittura di paranza, bouquet de petits poissons de roche divers et frits, à manger avec les doigts après les avoir citronnés. Rayon contorni, prenez sans hésiter le Misto di verdure, une assiette d'aubergines, courgettes, tomates, en petits dés et olives dénoyautées, le tout réduit comme une caponata gorgée de saveurs distinctes. Avant de tâter des desserts (tiramisu et tarte au citron maison évidemment, fort recommandables). Voilà. Da Maria va faire mal, j'en suis certain. Et pour finir? Avant de finir finir, une assiette de fruits (pastèque, ananas, raisin, abricot, prune - sur glace) avec un dernier pichet de bianco locale issu de falanghina ou de biancolella rempli de quartiers de pêche jaune ou blanche mêlés (variante procidienne du rosé-piscine). Puis, Un limoncello della casa con il caffè!.. Après, il sera temps de faire un tour de bateau pour aller piquer une tête au large en écoutant à fond Tu vuò fà l'americano, 'mericano, 'mericano... L.M.
FLACONS of Champagne était glissé dans L'Équipe, avec le magazine, le 14 juillet dernier. Extraits (nous y avons réalisé le portrait de Régis Camus, et l'interview de Maxime Toubart) :
Nous avons un peu saint-tropé, samedi dernier, en publiant ceci dans L'EQUIPE et son supplément FLACONS (spécial vins rosés). Samedi prochain, le 14, ce sera un supplément Champagnes (dans lequel nous avons sévi à bulles rabattues), glissé dans le même quotidien sportif. Et si les Bleus sont encore dans la course, ça va péter !
Je signe les 12+2 pages (et quelques photos, dont la couv. locale) consacrées au Pays basque gourmand dans L'EXPRESS qui paraît ce matin.
À lire notamment : une longue randonnée savoureuse et zigzagante, de l'océan (La Chambre d'Amour, à Anglet) à la montagne (Iraty, et Larrau, en Soule). Un portrait de Cédric Béchade, chef de l'Auberge basque à St-Pée-sur-Nivelle. Un autre d'Éric Ospital, charcutier-salaisonnier à Hasparren. Un autre encore de Dominic Lagadec, encyclopédiste du sagarno (le cidre basque). Et enfin une brassée d'adresses de tables et d'hôtels (tous testés), sur la Côte et à l'intérieur du Pays.
Aux kiosques, citoyens! Et vive la presse écrite print. L.M.
Château Cesseras 2014. Voilà un Minervois La Livinière de grande qualité, produit par Pierre-André et Guillaume Ournac à Cesseras dans l’Hérault. « Liviner » un vin signifiant déguster un Cru La Livinière repéré par un jury intraitable de pros, puis digne d’être offert en pâture aux papilles de la nation, nous validons ce choix à la suite des sages.
Ce rouge issu de syrah (70%), grenache, carignan et mourvèdre à part égale (10%) est d’une douceur presque cacaotée en bouche, passé un nez d’un velours confondant, sans aspérité à rebrousse-fil : des fruits noirs confits, de l’olive de la même couleur bien huilée et à dénoyauter soi-même d’un coup habile de langue, des épices très douces aussi : vanille, poivre gris. Un soupçon de ce vinaigre balsamique de Modène que l’on fait gicler dans la salade de pousses d’épinard en le goûtant avant à la hussarde et du bout de l’index tapé sur le goulot. Enfin, cette touche lointaine de brumale, la truffe d’été limpide et discrète, timide à force de vivre à l’ombre de Tuber Melanosporum.
Aucune agressivité donc – presque un manque de « pep’s », soit de contrepoint acide ou minéral... Pas étonnant que les rouges de cette appellation soient souvent associés au chocolat (comme ceux qu’élabore Rémi Touja à Carcassonne). C'est ton sur ton.
On n’y retrouve étrangement pas la rugosité du paysage, ni celle du climat, du frimas, de l’aridité sauvage du milieu. Mais quelque chose de maquillé en somme, de recouvert, sauf que cette (bienheureuse et bienvenue) pointe de mentholé en arrière-bouche évoquant le vent coupant de l’aube, et de la nuit aussi, nous empêche de porter un jugement totalement droit... Cuvée quasi confidentielle : 25 000 cols. À 15€ (environ), au vu et au bu de ce qui se fait parfois à la va vite et au même prix dans cette AOC (reconnue en 1999) de l’immense Languedoc, c’est quasi cadeau.
Et aussi
La cuvée Maxime, du célèbre domaine Borie de Maurel (2015), sélectionné, liviné, nous est apparue plus brutale, souple comme un courbaturé de retour de la salle de gym : bougon, le flacon (18,50€). Serait-ce la mourvèdre (100%), qui serait - en l'occurrence - trop taurine, fougueuse comme un bicho de Domecq de début de temporada et donc des premiers lots brut de décoffrage? En tout cas, cela ne colle pas à la (nouvelle) idée que nous devons nous faire de ce cru délibérément soyeux et souple comme un chat que l'on soulève et qui ne veut pas qu'on le fasse mais qui ne résiste pas non plus parce qu'il aime par dessus tout que l'on s'occupe (parle) de lui...
Et enfin : Les Cailloux blancs, cuvée (2016) du château Pépusque, piloté par Renée et Benoît Laburthe à Pépieux. Bouteille lourde, robe noire, tanins encore rêches, ensemble austère, voire gourd, inexprimé car inexprimable : emprunté, amputé de la parole. À regoûter par conséquent dans quelques mois (22€), afin de ressentir ce que ce domaine a dans le ventre, car il semble réellement avoir à donner du bon. Et qu'une première impression - même si l'on a (l'imbécile et paresseuse) coutume de s'y fier -, ne suffit jamais. L.M.
Rien ne s'oppose à la nuit...
Si vous aimez Alain Bashung, vous aimerez Rosé Roséphine, vin IGP de l'Hérault rosé 2017, élaboré à Montagnac par l'équipe d'Anaïs et Yves Ricôme : il a la robe sérieuse et profonde, un nez bien présent de fraise des bois très mûre - et un rien de doux au nez, comme le rimé au fond de la casserole lorsqu'on prépare un caramel pour arroser les tranches d'orange de la salade - vous voyez? Bouche gourmande et généreuse. Issu de syrah et de cabernet-sauvignon, c'est franc du collier et ça ne se la joue pas du tout. Un rosé authentique avec une jolie touche finale de grenadine. Ce rosé fait partie de la gamme Les Truculents, du domaine (avec Désir Blanc et Rouge Cerise). Cela vous est proposé par les caves Nysa, (lire plus bas), à prix sympa (7,95€). Un rosé à boire tout l'été, et pas qu'à l'arrière des berlines, avec du jambon de Bayonne de noble extraction comme l'Ibaïama, par exemple, et juste du bon pain de vrai boulanger.
À peine moins convaincant fut le rosé de La Verrerie (2017), issu d'un domaine en Luberon (que l'on trouve également aux caves Nysa) : il s'agit d'un grenache-cinsault convenable, mais relativement standard. Avec une sucrosité en fin de bouche que nous avons jugée excessive (12,95€). Sur la contre étiquette, nous lisons : Une cuvée issue de nos raisins biologiques. Raisins biologiques... Que veut signifier un tel concept ?..
Ma petite entreprise...
Notons que Nysa s'impose de plus en plus comme un réseau de cavistes indépendants qui compte sérieusement peser sur un marché pourtant encombré mais en progression constante : l'entreprise possède déjà 32 magasins, la plupart à Paris et en proche banlieue. D'autres ouvertures sont prévues, y compris en province (Lyon) et à l'étranger (Londres). Fondé par Louis de Montille et Louis Gad, Nysa dénote par ses choix judicieux, en privilégiant le petit vigneron, le vin bio, sur la grosse artillerie que l'on a l'habitude de voir chez d'autres cavistes d'envergure. Tendance de consommation lourde oblige : la sélection des rosés de l'été, chez Nysa, ce sont 25 références coups de coeur (pour un prix moyen de 10€), comme cet agréable Roséphine... L.M.
nysa.fr
Ça commence avec un emprunt à deux incipits : ceux de « Aurélien » de Louis Aragon et du « Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline » dans la même première phrase, et ça finit par une allusion à l’excipit du « Singe en hiver » d’Antoine Blondin avec un épisode à la Roger Nimier ou à la Jean-René Huguenin. Des références en forme de révérences. On adore. Christian Authier aime le jeu et l’hommage. Avec « Des heures heureuses », son septième roman (Flammarion, 19€), il ne nous donne pas seulement à boire du bon vin à chaque page ou peu s’en faut – d’ailleurs, quand il est mauvais, cela déclenche la colère de Thomas (sa doublure) et celle de Robert Berthet son mentor. Il nous fait également rire avec une tripotée d’anecdotes (toutes vraies bien qu’invraisemblables) et jouer aux devinettes : quel écrivain ami, quel vigneron aimé, quel chef de talent se cachent derrière de vrais noms comme ceux de Maréchaux, Guégan, Lacoche, Maulin ? Alors on cherche à deviner, et Authier corse le jeu. Au rayon vignerons, Éric Callcut c’est Calcutt, Selosse c’est Selosse en substance, mais Jean-Christophe Besnard c’est Comor ! Comme Jean-Marc Filhol c’est Parisis au rayon écrivains, et Alain Laborde, Yves Camdeborde au compartiment cuisiniers. C’est relativement fastoche lorsqu’on est initié, soit un peu du club...
Références à Blondin à coups de citations planquées, répliques-cultes des « Tontons flingueurs », d’autres allusions plus subtiles à des ouvrages de Sébastien Lapaque par exemple (Les vins de copains, Théorie de la carte postale)... L’auteur s’amuse en écrivant et cela nous procure un bien fou. De même qu’il est franchement jouissif de lire (enfin) une satire en règle des faussaires de tout poil. Qu'il s'agisse des bobos adeptes aveuglés du vin « nature » non soufré au nez de pisse de chat et au goût de vieille serpillère, comme de ceux qui les « font » sans rien faire justement, et qui ont donc du temps pour prêcher la parole sectaire de leur confrérie intégriste du goût mauvais.
Il y a du Déon, du Nimier dans le style, et du Houellebecq dans le regard davantage mélancolique que désabusé que l’auteur porte au monde tel qu’il déçoit. Loin de surfer sur la vieille vague du c’était mieux avant, puisque « le passé qu’ils regrettaient ne datait que d’une vingtaine d’années », Authier instille par touches délicates, de manière pointilliste, ses avis sur la question contemporaine. Qu’il s’agisse de l’ère du tri sélectif, des parvenus que tout Guépard dans l'âme vilipende, de l’inculture assumée des jeunes – sans honte bue, de la dictature du portable ou – plus grave -, de la disparition du sourire. Il n’est pas tout à fait « antimoderne » non plus, mais loue à n’importe quel taux la douce fureur plutôt que la peur, de vivre.
Le sujet principal est ce monde des vins que l’on dit vivants, ou bios pour faire court. C’est le cadre. Le contenant. Le contenu est infiniment humain, infiniment Français, si sensible, fragile même, car sous les sautes d’humeur, les boutades, les engueulades et les mornifles engendrées par la picole, les bons mots à se bidonner comme : « Patron, du vin ou on encule le chien ! », ce sont là des hommes en rupture de ban avec leur époque qui se cachent derrière le masque du sourire. Ce ne sont pas des « Enfants tristes » pour autant, mais de « vieux enfants » au cœur gros comme ça, habités par « la nostalgie de l’insouciance et de l’innocence ». Des « frères d’âmes » sachant mieux ouvrir les boutanches que fendre l’armure. « Des heures heureuses » est ainsi un roman Hussard en diable pour la joie de boire et de rire, pour les copains d’abord, cette bande de singes toujours en hiver, et il contient aussi une touche à la Drieu pour « ce désenchantement intime (qui) les rendait touchants », ce qui lui donne une belle longueur en bouche. Il y a aussi du football et pas mal de cinéma (deux marottes de l’auteur) dans ce livre qui foisonne de bonnes choses comme un assortiment de tapas nocturnes.
Nous aimons partager les agapes toulousaines (au Tire-Bouchon notamment) et germanopratines (chez Yves Camdeborde au Comptoir du Relais, chez Michael au Moose) et fort arrosées des joyeux drilles, membres du « Clup ». Et surtout suivre les virées en voiture sur les routes des vignobles français de respect, d’un tandem de tendres fanfarons – Thomas l’élève de 26 ans au regard faussement candide, et Berthet l’agent en vins bons, la cinquantaine bougonne, voire soupe au lait. C’est Don Quichotte et Sancho Pança sans les moulins. Mais avec une Dulcinée nommée Zoé qui, surgissant tout à trac, fera flancher Thomas – et nous le comprenons en lisant le portrait de cette fée qui embarque l'amoureux pour Lisbonne, Berlin, Madrid, Istanbul et le Pays basque, histoire de l’extraire de la cave. Au point que le personnage songera à laisser tomber Berthet, les vins... Mais cet hymne à l’amitié – cheval de bataille de tous les romans d’Authier -, ne saurait dévier, sauf cas de force majeure. « Qu’est-ce qu’on boit après ? ». Je parie sur un Prieuré-Roch. On n’a pas de Romanée-Conti. L.M.
Ainsi est sous-titré À la découverte de la Nouvelle-Aquitaine, que publient les éditions Atlantica pilotées par Jean Le Gall. Grand ouvrage richement illustré, comme on a l'habitude d'écrire, avec une poignée de plumes, au nombre desquelles je pointe celles de Sébastien Lapaque, Olivier Mony, Jean Harambat, Richard Escot. Et aussi le style distinct de trois Frédéric : Mitterrand, Schiffter, Beigbeder. Celle d'Alain Gardinier enfin. D'autres, encore. J'y contribue sur quelques pages pour évoquer l'histoire des vins de Bordeaux. De la belle ouvrage, aurait dit ma grand-mère. Où il est question d'un peu de tout, du surf à l'armagnac, des toros au ttoro, de l'espadrille aux églises, d'écrivains et de porcelaine, de peinture et de montagne, de rugby et de punks. Toute une histoire sentimentale, et patrimoniale (350 pages, 28€). L.M.
Il s'agit d'un ouvrage collectif qui paraît la semaine prochaine aux éditions Atlantica (28€, dans toutes les bonnes librairies) et auquel j'ai collaboré au sujet des vins de Bordeaux. Benoît Lasserre en rend déjà compte ce matin dans Sud-Ouest => Nouvelle-Aquitaine
Voici l'une des quatre nouvelles affiches tordantes signées Michel Tolmer, en vente 12€ chacune (30x40) sur le site de glougueule (pour les hommes de glou!). Avec glougueule, l'art de l'autodérision coule de source. L.M.
Ce domaine audois, dirigé depuis 2010 par le couple Stéphanie Maurel et Olivier Ramé (130 ha), a un pied dans l’AOC Cabardès et un autre en IGP Pays d’OC.
Il propose quatre nouveautés parmi ses micro-cuvées (de 2 500 à 6 000 bouteilles) baptisées « Les Dissidents » : Paul, Candide, et « Les Païens » : Le Paria et L’idiot.
Trois rouges et un blanc, volontairement déclassés en « Vin de France » afin de s’amuser davantage avec les cépages, en vigneron anticonformiste et expérimental.
Olivier Ramé aime les vins « sans maquillage, vibrants, tendus, témoins de leur endroit ».
Paul 2016 (100% cabernet franc, élevé en jarres de terre cuite de 125 l) se définit comme une cuvée de tendresse à l’instar de celle que des parents prodiguent à leur enfant. C’est en effet frais et concentré, tendu même, avec un beau nez de cassis, légèrement mentholé, et pourvu d’une jolie longueur (18€).
Candide 2017 (100% chenin, vieilli en foudre de 20 hl) est un blanc vivifiant et bien présent en bouche. Ample, avec de la chair, mais aussi légèrement minéral et augmenté d’une pointe subtile de salinité (18€).
Le Paria 2017 (100% grenache, vinifié en cuve béton), est un « Païen » (60 000 cols pour cette gamme moins confidentielle), soit un vrai vin de copains des fins d’après-midi d’été : gourmand, friand, juteux, fruité à souhait, soit sans chichis – il appelle la charcuterie et les rires (9€).
L’idiot 2017 (100% merlot) : sans soufre, levures indigènes, cuves en béton, n’est pas un vin dostoïevskien, mais plus modestement un jus de merlot qui « envoie » du croquant et de la fraîcheur à gogo. Joli nez de fruits noirs, bouche longue et complexe. Allumez le barbecue et envoyez les côtelettes ! (9€). L.M.
Deux nouvelles cuvées en édition limitée (30 000 bouteilles, dont 2/3 en rouge) au domaine Gayda (sis dans l’Aude) : « En Passant », rouge (80% syrah, 20% cinsault) et blanc (70% macabeu, 30% viognier). Deux vins légers et sans autre prétention que celle de désaltérer sans prendre le chou. Les vignes dont ils sont issus proviennent du Roussillon et du Minervois. Gourmandise, fraîcheur, et simplicité sont au rendez-vous dans les deux couleurs.
Inspirée de « The Passenger », hymne rock d’Iggy Pop, cette paire nomade signe des vins de soif à vocation éphémère, car Gayda se livrera chaque année à ce type d’essais dans son « labo » à l’esprit aventurier plus qu’expérimental.
9€ la bouteille, en rouge ou en blanc.
L.M.
Château Cos Labory est un Saint-Estèphe (5è Cru Classé en 1855) comme on les aime : corpulent mais pas bodybuildé, gentleman-writer davantage que farmer. Distingué, opulent, bien présent en bouche, à la suite d'un nez d'une finesse remarquable, il représente une espèce de synthèse médocaine, car c'est équilibré et possède souvent le ton (soit le goût) juste, précis, ciselé même.
Propriété familiale de 18 ha sise sur la colline de Cos, le domaine jouit d'un sous-sol de graves quaternaires des plus accortes. Bernard Audoy dirige ce beau terroir dont on prétend que c'est la meilleure croupe du coin...
Cos Labory 2012 (40% merlot, 60% cabernet-sauvignon) est suave, son nez vif, de fruits rouges et noirs de sous-bois, est persistant. Belle longueur en bouche également. Un vin charmeur (30€).
Cos Labory 2011 (39% de merlot), élevé dans des fûts neufs pour moitié, est très Saint-Estèphe, soit souple et puissant à la fois. Plus terrien que le précédent, il présente un peu d'épices douces en bouche et des saveurs boisées d'arrière-automne au nez. Un vin sincère (32€).
Côté second vin (30% de la production totale, laquelle est de 100 000 bouteilles), Charme de Cos 2015 (un peu moins de merlot que de cabernet-sauvignon) est encore un peu rugueux, les tanins fondront bientôt. Il convient de l'attendre. (16€).
Tandis que Charme de Cos 2012 (28% de merlot) offre une belle gourmandise en bouche. C'est friand de bout en bout (15€).
Ces vins ont été dégustés - notamment - sur une belle selle d'agneau préparée par Mathieu Pacaud, du restaurant Apicius (Paris 8è), table qu'il possède depuis peu (à la suite de Jean-Pierre Vigato). L.M.
Plaimont (AOC Saint-Mont), exemplaire « cave coop’ », offre un nouveau rosé estival plein de franchise et qui ne se la joue pas « modeux ». Les Bastions 2017 possède une robe claire sans être diaphane, voire translucide. Pas de clientélisme outrancier, en terre gersoise. Cela est issu de Tannat, Cabernet-Sauvignon et Pinenc pour la couleur locale. Le nez est frais, les fruits rouges croquants et un rien acides – framboise, groseille, excitent tendrement les narines. La bouche est totalement dénuée de ces arômes de pamplemousse jaune qui nous font fuir en cette saison et avec les vins de cette couleur. C’est franc de fruit, acidulé à la marge, avec un brin de gourmandise qui signe une volonté généreuse. La paroi du verre s’orne d’un léger perlant absent en bouche. C’est délicat, assez long, et fort bienvenu pour escorter un poisson de rivière à la chair fragile, augmenté d’un zeste citrique et d’un demi-tour de moulin à poivre (6,90€). Envoie le riz! L.M.
J'aime bien, à l'inverse de certains de mes confrères se bouchant trop souvent le nez, découvrir sans réticence ce qui se fait et se vend par palettes en grande distribution. Ainsi de cette énorme entreprise chilienne, Viña San Pedro, laquelle se targue de dire que toutes les deux secondes, trois bouteilles de ses vins de la gamme Gato Negro sont ouvertes quelque part dans le monde. On dirait là une parole de brasseur industriel. Et pourrait rebuter, faire frémir. Et bien non. Gato Negro, le chat noir, se décline dans les trois couleurs, et chacune coûte 4,50€.
Le rouge issu de carménère nous a profondément déplu, avec son mauvais goût de serpillère moisie et de légumes suris en voie de décomposition. Nous avons mis cela au débit du compte d'une bouteille défectueuse : ¡ a probar otra vez ! Si l'occasion se présente, car nous ne la provoquerons pas.
En revanche, le rosé (cabernet sauvignon), avec ses arômes de fraise très mûre et écrasée, et de framboise croquante, est plaisant, simple à souhait. Il appelle le jambon serrano de base et le chorizo doux pour un apéro sans chichis. La bouteille se dévisse, ce qui augmente l'usage de sa simplicité amicale.
Le blanc, issu de sauvignon, avec ses flaveurs nettes de mangue molle et d'ananas vif (genre Victoria), n'est pourvu d'aucune acidité excessive, ni de la moindre douceur opportuniste et souvent rédhibitoire. À ce prix-là, c'est cadeau, et convenable sur les premières huîtres n°3 venues, quelle que soit leur extraction marine, ou bien sur un cabécou pas trop fait, mais doté de mordant. L.M.
Après Tomy&Co (22, rue Surcouf, Paris 7), Tomy Gousset a ouvert Hugo&Co il y a environ un mois (48, rue Monge, Paris 5). Le jeune chef d’origine cambodgienne que l’on avait découvert au restaurant Pirouette – dont on peut dire qu’il a contribué à sculpter le succès (rue Mondétour, Paris 1) et qui, après être passé par l’école Ferrandi, a fait ses classes chez Yannick Alléno (Le Meurice), Daniel Boulud (à New York) et Alain Solivérès (Taillevent), des nuls n'est-ce pas, aime mélanger les styles culinaires (asiatique, espagnol, italien, français bien sûr) lorsqu’il sent que ça peut « tenir debout », et pas banalement pour la jouer fusion. Sa deuxième adresse – testée hier soir -, est plus cool côté carte que la première, mais aussi authentiquement bistronomique, davantage conviviale également avec, entre autres, sa grande table d’hôte trônant majestueusement, comme dans les établissements successifs de Julien Duboué (Afaria, Dans les Landes mais à Paris, A Noste). Il y a aussi un petit comptoir qui permet de déguster côte à côte tout en parlant « au vol » avec le chef, lequel achève de dresser chaque assiette avec une méticulosité d’horloger genevois de ses dix doigts que prolongent des avant-bras abondamment tatoués (désormais, les jeunes chefs non tatoués se comptent justement sur les doigts d’une main. Par bonheur, ils ne passent pas tous plusieurs heures par semaine chez leur coiffeur spécialiste de la coupe footeux). Tomy dresse donc, en gardant un œil sur la salle et l’autre en cuisine – appelons cela l’indispensable strabisme divergeant du boss, et non sans avoir les deux oreilles à l’écoute (totale), en lançant de temps à autre quelques mots (d’ordre) secs et d’une redoutable efficacité immédiate : c’est le côté chef d’orchestre sans baguette. La décoration est, disons : roots (cagettes aux murs ornées de bouteilles et de plantes, par exemple), qui rappelle les bistrots new-yorkais et les lieux actuellement branchés de la Côte basque espagnole. Le nom de l’établissement m’évoque celui de l’un de mes éditeurs : Hugo & Cie. Or, il fait simplement référence au prénom du fils de Tomy (et renvoie au nom du restaurant espagnol qui s’y trouvait précédemment : Casa Hugo). Dans l’assiette, la patte Gousset est assurément là : produits à forte identité, saveurs puissantes, associations justes, précises et efficaces : il s’agit plutôt d’une empreinte. La Brioche vapeur « Bao » à la queue de bœuf, légumes en pickles et cacahuètes (à droite sur la photo) figure une entrée bluffante et déjà plébiscitée par les amateurs. Notons que, à l’instar de Julien Dumas (Lucas Carton) mais pas d’un Alain Passard qui possède son propre potager, les légumes cuisinés par Tomy proviennent d’une parcelle de potager qu’il détient aux Jardins (bios) du Château de Courances, dans la région de Melun, via Tomato&Co (entreprise originale proposant – aux particuliers comme aux professionnels - des parcelles sur mesure, plantées à la carte, commandées à distance et entretenues par des jardiniers). Ainsi, les asperges vertes fendues qui recouvraient des morceaux généreux de joue de bœuf snackée (d’un fondant délicieux) eux-mêmes posés sur de bonnes panisses croustillantes, étaient-elles riches en saveurs originelles. Une autre entrée remarquable (à gauche sur la photo) est composée de fines tranches de bœuf fumé (une chiffonade d’une délicatesse de dentellière) accompagnées de noisettes torréfiées. De même, un autre plat mémorable (puisque j’y dînais en compagnie de mon fils) – nous avons d'ailleurs parié qu’il serait appelé à connaître le succès, s’intitule maquereaux tiédis et sauce chimichurri (condiment argentin légèrement pimenté) fregolas (petites pâtes sardes en forme de mini boulettes) et shitakés (champignons), et enfin pignons de pin : un délice d’harmonie des flaveurs. Une impression générale se dégage de ce repas (sans desserts : une autre fois), c’est celle de douceur, de moelleux, de régressif même (ainsi que je l’avais fortement ressenti en découvrant il y a dix-neuf ans le talent de Philippe Conticini), même si Tomy Gousset prend soin de flatter l’ouïe avec du croquant, voire du croustillant ici et là : pickles, asperges, noisettes, pignons, surface des panisses comme celle des shitakés... Ça « envoie », et ça « ping-pongue » agréablement, mais la douceur l’emporte au gong, et il y a par ailleurs cette touche générale et délicate de fumé qui semble inspirer, survoler la cuisine. Un mot sur la remarquable carte des vins qui fait la part belle aux blancs, même si l’on y lit des noms de vignerons, en bio pour la plupart, et bien « dans le verre du temps », puisque nous les retrouvons dans nombre d’adresses – car, justement, cela fait toujours du bien de se dire : Té ! On va prendre Les Reflets, de Thierry Michon, c'est toujours super ! Et puis, ça rassure, on est bien, là. Un superlatif pour le service, car il est sincèrement formidable : efficace, prévenant, souriant, aimable, discret. La note ? Entrées de 7 à 16€ (12 pour les deux citées), de 16 à 19€ pour les plats (19 pour les deux cités), excepté les 600 g de faux filet maturé et fumé au foin & jus à la moelle, pour deux personnes : 70€, qui ne perdent d’ailleurs rien pour attendre !.. Desserts : 9€. Coefficient multiplicateur raisonnable pratiqué sur la cave. L’adresse étant d’ores et déjà full up, il est, comme on dit, prudent de réserver en composant le 09 53 92 62 77. L.M.
Rosé 2017 : L’Impertinent du château des Estanilles (Faugères). Grenache, Cinsault plus 10% de Mourvèdre ont passé six mois en cuves inox. Robe pâle, diaphane. Joli nez de framboise mûre et de fraise, d’ananas à point aussi. Bouche douce, sans aspérité ni agressivité (comme c'est trop souvent le cas, avec ces violentes notes d’agrumes que l’on a fini par détester, car elles ne nous éloignent pas du vin et donc du raisin : elles nous en exilent !). C’est minéral et d’une grande fraîcheur fruitée – avec une discrète pointe d’acidité en fin de bouche, plutôt bienvenue, « nettoyante ». Un rosé qui appelle à la rescousse les filets de rougets grillés et posés sur une tapenade noire, puis une caponata un peu relevée, déposée contre des côtelettes d’agneau (11€). L.M.
Champagne rosé : Chassenay d’Arce. Un joli brut (Pinot
noir/Chardonnay : 65/35) de la Côte des Bar ayant mûri trois ans en cave (et trois mois après dégorgement). Chassenay d'Arc est une Maison de Vignerons (rassemblant 130 familles qui exploitent 325 hectares). Robe saumonée dense et luisante. Cordon discret. Flaveurs de petits fruits rouges frais, et aussi confits. Bouche ample et suave où l’on retrouve la fraise mûre et une pointe épicée mais douce. À tenter pour vivifier un tataki de thon rouge tiède – sans soja, puis avec un dessert ton sur ton : une coupe de gariguettes nature – sans basilic (24,90€). L.M.
Rosé 2017 : Cuvée Le Village, du domaine de la Métairie d’Alon (IGP Pays d’Oc, bio). Il s’agit d’un Pinot noir vinifié comme un vin blanc (pressurage direct), par des Bourguignons installés en Languedoc (Catherine et Laurent Delaunay). Robe pâle, nez nettement minéral, soutenu de fruits rouges (cassis, framboise), note d’agrumes discrète, bouche d’une grande fraîcheur. À tenter avec du lapin ou des rougets, les deux escortés d’une tapenade noire (13,95€).
Rosé 2017 : Chinon de René Couly, 100% Cabernet franc, est forcément empreint de douceur, il y a presque un note sucrée. La robe est profonde, sombre, le nez de fraise est généreux, et la bouche est ample, avec une note de bonbon acidulé et une pointe légère de cédrat confit. Idéal pour accompagner la cuisine asiatique (7,10€).
Rosé 2017 : Cuvée Villa La vie en rose, de l’avisé négociant du Sud-Ouest Osmin & Cie. Le champion de la mise en avant des cépages autochtones, propose une négrette (le cépage de Fronton) et rend ainsi hommage à la ville rose (Toulouse). Jolie robe pâle, nez flatteur et généreux de petits fruits rouges, d’une grande fraîcheur. Bouche douce, suave, sans sucrosité ni notes d’agrumes : le bonheur. C’est élégant, cela peut accompagner l’apéro et aussi bien escorter un repas de l’entrée au dessert (cuisine de la mer, asiatique, italienne, espagnole). Coup de cœur (7,50€).
Rosé 2014 « de gastronomie » : cuvée Légende du domaine Estandon (Côtes de Provence). Flacon très classe pour ce rosé haut de gamme (Grenache et Rolle) tablant sur la garde, soit à contre-courant de tous ces rosés provençaux qui ne tiennent qu’un été, certains péniblement. Robe profonde, brillante, nez de fruits secs, de melon, avec une pointe exotique. Bouche franche et longue, fraîche et pleine, épicée sur la fin, avec des notes de fruits confits du plus bel effet. Idéal sur une poularde crémée, un lapin herbé, un poisson de roche grillé (18,90€).
Rosé 2017 : Cuvée Jeanne B. du domaine Brusset, Côtes-du-Rhône (Grenache, Cinsault, Syrah). Une robe de belle tenue, un nez franc de fraise mûre, une bouche assez longue, un vin friand qui appelle les copains pour l’apéro (7,50€).
Blanc 2015 : Cuvée Caroline du château de Chantegrive, Graves (Sémillon et Sauvignon 50/50) en culture raisonnée. Un de nos chouchous, aussi charmant que sa propriétaire, Marie-Hélène Lévêque. Un nez souple et intense à la fois où dominent les fleurs blanches, une bouche suave à peine boisée, avec des notes briochée, de pêche et d’abricot. Une grande douceur. Formidable avec un ceviche de Saint-Jacques et algues japonaises (le 29 mars dernier au restaurant Apicius, à Paris, repris depuis peu par Mathieu Pacaud – lequel succède au grand Jean-Pierre Vigato : lourd challenge…). 16,50€.
Blanc 2017 : Goûté à l’apéritif, la robe encore trouble comme un de ces vins bourrus, un « bourret », que l’on boit à la régalade en palombière accompagné de châtaignes grillées, de mûres, de quelques pommes acides et de raisin… La cuvée Caroline 2017 fait figure de rescapée, voire de miraculée des gelées du 27 au 29 avril qui ont ruiné l’intégralité du Chantegrive 2017 rouge, et surtout d’un orage de grêle d’une violence rare que les blancs ont pris de plein fouet le 27 août, la veille des vendanges. Ramassés rapidement, les raisins à pleine maturité furent très peu nombreux, mais le vin dont ils sont issus présente d’ores et déjà une complexité aromatique prometteuse, au sein de laquelle la pêche de vigne vole habilement leur (soi-disant) priorité aux agrumes, l’air de dire : y’en a marre... À regoûter dans quelques mois.
Blanc 2015 : Rareté du domaine – lequel a obtenu la certification HVE 3 (Haute valeur environnementale), soit le top, partagé avec 120 domaines à peine dans l’hexagone -, notons que le Cérons 2015 est un pur joyau. Chantegrive produit 5 000 bouteilles à chaque millésime d’exception. Cela faisait d’ailleurs dix ans qu’il n’y en avait pas eu, de ce liquoreux injustement méconnu. Cette petite appellation voisine de Cadillac, Loupiac, Barsac, Sainte-Croix du Mont et Sauternes, produit depuis toujours des blancs moins gras, plus vifs et plus nerveux que la plupart de ceux du Sauternais. Un 100% Sémillon (idéal avec le soufflé au chocolat de Mathieu Pacaud, mais aussi pour épauler une poularde à la crème, ou bien pour escorter un fromage à pâte persillée), avec sa robe dorée, son nez miellé, épicé, sa fraîcheur généreuse en bouche dotée de notes confites, est un ravissement que l’on a tendance à négliger, voire à oublier, à notre époque autoritairement light. (30€).
Muscadet : à la faveur d’une belle et large dégustation des « Vins de Nantes » en février dernier à Paris, nous avons relevé dans nos filets quelques poissons secs issus de Melon de Bourgogne pas piqués des vers de vase. Parmi les crus du Muscadet (je ne jure plus que par les crus communaux), Le domaine David 2012, à Vallet (Goulaine) impose son amplitude, son gras, sa générosité, sa rondeur et son acidité bien tempérée (10€). Du côté de la Haye Fouassière, le domaine de la Foliette 2010 présente un joli équilibre (10,80€). À Monnières Saint-Fiacre, Véronique Günther-Chéreau propose L’Ancestrale Monnières 2014 qui offre une souplesse remarquable mais sans suivi – car ça manque un peu de corps (12€). En revanche, en Muscadet Sèvre-et-Maine sur Lie tout simple, le Comte Saint-Hubert, dans les millésimes 1989 (une tension remarquable), 2000 (perlant mais fuyant), et surtout 2014, déjà puissant, gras, prometteur, étonne le palais.
Vers Mouzillon-Tillières, la GAEC Luneau Michel et fils, en présentant Tradition Stanislas 2003 (10,30€), fait un carton, car c’est superbe ! L’expression aromatique, la douceur, le gras, la rondeur et la suavité le disputent à une puissance retenue, délicate. Top. Vers Vallet, le domaine Petiteau 2012 désigne à nos papilles concentrées un équilibre acidité-fraîcheur des plus justes, avec cette amplitude en bouche qui fait tendre le verre vide vers la bouteille encore pleine (9€). Pour finir en Muscadet Sèvre-et-Maine sur lie, la GAEC Olivier, Père et fils, domaine de la Grenaudière, est étonnement présent dans le millésime 1978, pourvu d’une acidité et d’une expression aromatique vivaces. Le 1980 envoie une finale étonnamment puissante, fruitée bien que confite. Le 1986 garde une tenson et une force quasi musculaire.
Preuve que le Melon ne se bonifie pas, mais qu’il explose littéralement de qualités en vieillissant sous terre dans des cuves en béton, peinard… L.M. (à suivre)
Vous ne trouvez pas qu’il y en a marre de ces rosés chargés de flaveurs d’agrumes, au nez comme en bouche ? Certains sont si rebutants qu’ils ne donnent pas envie d’aller au-delà d’un paresseux et dépité reniflage car, loin d’exposer au moins un nez de pomelo rose et mûr, plus sucré qu’acide, ils envoient une charge de pamplemousse jaune pas mûr et à la peau épaisse. C’est tout simplement désagréable, lorsque nous savons que nous tenons un verre de vin en main, et qu’il est issu de raisin. Même au petit-déjeuner, on n’en voudrait pas en jus pressé. Nous évoquons pourtant ici les rosés de l’été (millésime 2017, sauf exception précisée).
Mais, cette tendance qui obéit à une mode (je m’interroge sur l’obscur objet du désir de retrouver de tels arômes lorsqu’on déguste un vin frais, mais bon…), s’impose et semble avoir l’oreille dure et le regard obtus.
À LA RECHERCHE DU RAISIN PERDU
Récemment, et grâce à la complicité hautement professionnelle de l'agence Clair de Lune, nous avons pu découvrir (au restaurant Baltard au Louvre, à Paris 1er, le 7 mars dernier), et donc déguster quantité de rosés (soixante-treize, pour être précis) de Provence 2017, dans les AOC suivantes : Côtes de Provence, Côtes de Provence Sainte-Victoire, Côtes de Provence La Londe, Côtes de Provence Pierrefeu, Coteaux d’Aix-en-Provence, Coteaux Varois en Provence. Beaucoup possédaient cette caractéristique qui, à mes papilles, constitue une aberration rédhibitoire. Nous ne les citerons évidemment pas. Ce sont ceux qui, sur mon carnet de dégustation, portent juste les trois lettres « agr. » pour agrumes, et qui me signifient non sans coup férir. Voire aaarrrghhh, soit aigre. D’autres comportent les initiales « b.a. » pour bonbon acidulé – une autre caractéristique au long cours, une résistante à oeillères, bien qu’aussi ringarde que la crème catalane au dessert et le couple de pompons sur les mocassins.
En revanche, d’aucuns, les happy few, se révélèrent fidèles à une certaine vinosité, à une acidité juste, un fruité équilibré, un abord friand qui appelle les copains et la charcuterie ou les poissons de roche grillés à la rescousse. Bref, la plupart sentaient quand même l’apéro des beaux jours et le far niente d’un printemps et d’un été à conquérir au limonadier. Leurs flacons sont photographiées ci-dessus.
SÉLECTION PARSÉVÈRE
- Ainsi de la puissante cuvée Virginie du château Angueiroun (Côtes de Provence), une Réserve dotée d’un nouvel habillage, et dominée par la, ou le grenache (j’hésite toujours, et avec d’autres cépages aussi, que j’aime féminiser ou pas, c’est selon) : 13€.
- La cuvée Tendance (?) du domaine Clos Cibonne (Cru classé, Côtes de Provence) possède une belle matière tant au nez qu’en bouche - assez longue cette dernière -, et son fruité ne fait pas semblant de l’être (15€).
- La cuvée Le rosé secret, du domaine des Sarrins (Côtes de Provence), 23€ quand même – il faudra que j’écrive bientôt un papier sur le prix devenu dingo de certains rosés…-, est plaisant, herbacé, vert mais gras : allez comprendre des fois la magie des contraires, l’équilibre de la carpe qui tend sa nageoire au lapin !
- La cuvée Terres du Loou, du domaine éponyme (Coteaux varois en Provence) exprime une vinosité idoine et salutaire par les bibines qui courent. C’est complexe, riche, opulent même en fin de bouche. Et ça ne coûte que 8€ : avis aux buveurs d’étiquettes !..
- La cuvée Marie-Christine, du château de l’Aumérade (Cru classé, Côtes de Provence) est un vin doté d’un équilibre remarquable, aromatique à souhait, les fruits à chair blanche et jaune s’y fleurent à plein nez et s'y croquent à belle bouche (13€).
- Parmi les « classiques », la cuvée Clarendon du domaine Gavoty (Côtes de Provence) séduit par sa légèreté florale, sa délicatesse de dentelle qu’un coup d’étrier corsé contredit en arrière-bouche : il y a de l’esprit Carmen dans le verre, et nous aimons cela (15€).
- Le château Coussin de la famille Sumeire, 13€ (Côtes de Provence), ou une autre cuvée familiale, César à Sumeire Coussin, 22€ (Côtes de Provence Sainte-Victoire), comme la cuvée Rose et Or du célébrissime château Minuty, 22€ (Côtes de Provence), ont déçu. Mollesse ici, excès d’agrumes là. Et pas d'avantage à donner non plus à la cuvée Confidentielle de Figuière, 25,60€ (Côtes de Provence La Londe). Pour ne citer que quelques stars.
- Le Château, cuvée du château Beaupré (Coteaux d’Aix-en-Provence) est d’une suavité rare (10,50€).
- La cuvée Syagria du domaine La Gayolle (Coteaux Varois en Provence) est assez intéressant, car il retient avec l’amplitude de sa bouche, fraîche et généreuse en diable. Un point spécial pour l’originalité de la forme du flacon, laquelle se discute (9,50€).
- La cuvée Pierres Précieuses, du domaine Croix-Rousse, - en biodynamie - (Côtes de Provence 2016, 17€), expose une jolie douceur lascive à la Gauguin, à peine troublée par des saveurs susurrées façon « La pie qui chante », vous voyez ?..
- Le sérieux surgit tout à trac de la cuvée La Londe, du domaine Les Fouques (Côtes de Provence La Londe, 11,50€), en biodynamie lui aussi, vineux et léger à la fois : c’est un militaire en permission…
- La cuvée Réal Rosé du Clos Réal (Côtes de Provence) possède une discrète complexité aromatique qui appelle la charcuterie au secours comme Roland à Roncevaux afin que cesse une certaine boucherie. C’est délicat, ça coûte à peine 8,70€ et c’est en biodynamie. Que demande le peuple ?
- Et bien que le domaine des Hauts du Clos, biodynamique Côtes de Provence à 8€ soit à la hauteur. Mais non. Ceci est juste acidulé convenablement, doux et agréable : voici – néanmoins - le vin de l’apéro de l’été : sans chichis et amical à mort.
- Quant au meilleur (selon notre jugement), gardé pour la fin, il se nomme Silice, cuvée du château Gasqui, à la robe profonde, presque « clairet », au nez très soutenu, à la bouche charnue gourmande, à ce vin vrai qui se mâche, et pourvu d’une excellente nervosité jusqu'au bout de l'arrière luette. À ce stade de France, nous convoquons illico presto des rougets grillés comme s’il en pleuvait, ainsi que du canard laqué à hue et à dia – et pourquoi pas ? C’est là encore en biodynamie (Ecocert, Demeter), c’est en Côtes de Provence (2016), cela coûte 12,50€ et ça les vaut. Vraiment. L.M.
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Un bordeaux supérieur, château La Verrière à Landerrouat (85% merlot,15% cabernet-sauvignon), stupéfiant de concentration et de vérité - loin de ces centaines de bordeaux buvardeux, rêches, austères mais sans classe -, s’ouvre à nous ( : trois amateurs). Le viticulteur se nomme Alain Bessette et son œnologue Jean-Louis Vinolo. Les vignes sont en conduite raisonnée. Le flacon ne coûte pas 6€, c'est donc une superbe affaire : c’est élégant et vigoureux, souple et riche, dense et fruité à souhait, pur et propre, avons-nous envie d’ajouter.
Il fait partie des six nouveaux Bordeaux et Bordeaux Supérieur rouges « de talent », sélectionnés récemment dans le millésime 2015, au cours d’une dégustation à l’aveugle d’une centaine de flacons. Et c'est notre chouchou...
Le second, la cuvée Fougue (100% merlot, 7,50€) du château Saincrit porte bien son nom. L’énergie d’un étalon au galop donne rendez-vous à une douceur en finale –souplesse, suavité et puissance retenue -, qui signent l’esprit de dompteur de sa viticultrice, Florence Prud’homme. Passionnée de cheval, elle a placé une licorne pour blason de son domaine, sis à Saint-André-de-Cubzac. Détail d’importance : aéré longuement, le vin s’ouvre avec bénéfice comme les cuisses d’une jument d’avril.
Le troisième lauréat, château Les Reuilles, cuvée Héritage AL (60% merlot, 40% cabernet-sauvignon, 9€), élaboré par l’équipe de Patrick Todesco, qui siège à Savignac-de-Duras dans le Lot-et-Garonne (aux confins de l’Entre-Deux-Mers et de Saint-Emilion) – le vignoble est situé dans l’aire de l’appellation Bordeaux Sainte-Foy -, offre un nez de fruits noirs mûrs et de violette, assez caractéristique. Cette cuvée haut de gamme du domaine est le fruit d’une sélection qui jouit d’un élevage d’un an en barriques partiellement neuves. C’est opulent, concentré sans être embarrassant, car fluide et jamais lourd. Une réussite, là aussi.
Château Barreyre, géré par Claude Gaudin (Vitigestion), exprime ce qu’il peut et pour moins de 10€ cependant. Soit une belle expression, honorable mais guère davantage, d’un pourcentage correctement conduit de 70% merlot - 30% cabernet-sauvignon, élevage sous bois une année durant (1/4 de fûts neufs), mais dont le résultat est on ne peut plus académique, bordelais mais moyen, tannique ce qu’il faut, fruité ce qu’il convient. Zéro surprise (mûre, cassis correctement dosés, soyeux de série œcuménique, élégance pile au rendez-vous mais sans entrain – vous saisissez ?.. ). Un « bordeaux supérieur » comme il s’en trouve près de mille, ou à peine moins.
« Au suivant », me souffle Jacques Brel : le château Pierrail (90% merlot, 10% cabernet franc - ? - 12€), est d’une austérité étrange, qui n’a rien de monacal ni de militaire, mais qui fait sérieux. C’est Erich Von Stroheim sans son col amidonné, de Boïeldieu sans ses jambières, le désert sans les Tartares, les Syrtes sans Amirauté. Il manque quelque chose à ces merlots pourtant habiles à séduire le nez, mais impuissants à garder en bouche ce « tssa », cette indéfinissable saveur qui persiste à retenir, coûte que coûte, notre présence redoutable, soit en avant-poste. Néanmoins, Pierrail parle, ou plutôt chuchote. Il possède une certaine classe qui ne se détecte pas à la première gorgée. C’est là son mérite.
Le château Landereau, cuvée Prestige, enfin, qui appartient aux vignobles Bruno Baylet à Sadirac, est un pur merlot vieilli en fûts neufs 18 mois durant, qui titre 14,5° d’alcool (la Terre se réchauffe, n’est-ce pas ?), mais qui ne fleure pas la « tisane de bois », ni les éthers, ces saveurs alcooleuses et peu racoleuses qui flirtent parfois avec des arômes de térébenthine. Rien de tout cela dans un verre de Landereau prestigieux (13€). En revanche, son sérieux rebute un peu. C’est certes capiteux, riche, mais peut-être trop, et je ne vois qu’une daube de sanglier ou bien une côte de bœuf bien maturée pour le calmer en l’épaulant. Question d’accords. Ce n’est donc pas un vin d’apéro. Ni de tafiole. Et c’est ainsi que, kaléidoscopique, Bordeaux est grande. L.M.
Photo © Régis Guichenducq. Bayonne, le 22 octobre dernier.
Dernière soirée ma masterclass privée crozes-hermitage hier soir 26 octobre, sur invitation de Pierre-Guillaume, chez son amie Jane, en compagnie de cinq autres initiés. Dégustation enjouée, avec un Rouvre de Yann Chave toujours aussi souverain, un Clos des grives de Laurent Combier consensuel, un Domaine des Grands Chemins de Delas surprenant, et un blanc de Laurent Habrard gourmand. Pour escorte, il y avait de bons produits charcutiers et fromagers de l'Aveyron et au-delà.
Léon Mazzella, alias Kally Vasco
Chaude ambiance à fond crozes-hermitage, hier soir chez Thibaut (dans le XVIII ème, à Paris) et ses dix amis attentifs, curieux, dont trois américains amateurs, et certains pourvus d'un nez exceptionnel. Le blanc de Laurent Habrard a séduit, le Rouvre de Yann Chave a fléchi, le Clos des grives de Laurent Combier a conquis, le domaine des Grands Chemins de Delas a bluffé. Comme quoi, les masterclass privées se suivent et ne se ressemblent pas. En dépit d'une température estivale, le vin, être bien vivant, demeure souverain, surtout avec des syrah imprévisibles comme autant de Carmen... ¡Olé! Léon Mazzella
Heureusement, le plaisir ne s’évalue pas à l’aune d'un nombre d’euros. Témoin, cette dégustation des cuvées du domaine Ventenac, dirigé par Stéphanie Maurel et son mari Olivier Ramé. Nous sommes en AOP Cabardès (Aude, Languedoc), et sur 160 ha conduits en agriculture raisonnée (Terra Vitis). Les cépages s’y épanouissent, et les cuvées leur ressemblent, qui sont d’apparence modestes, mais d’une belle fraîcheur, et d’une teneur étonnante. La cuvée Stéphanie (2016) est un merlot friand aux notes de fruits rouges croquants, vif et long qui coûte 6€ à peine. Je souligne. Idem pour la cuvée Pierre (2016), - en référence au grand-père d’Olivier, le mari de Stéphanie -, issue de cabernet-franc, d’une droiture et d’une amplitude aussi croquante que délicatement épicée (6€). La Grande Réserve de Georges (2014), en référence au père d’Alain Maurel, fondateur du domaine (50% de cabernet sauvignon, 40% de syrah et 10% de merlot), nous envoie certes du tabac blond, du moka, de la puissance « sous la pédale, pied droit » mais bon… C’est déjà chouia too much, si je puis l’écrire ainsi (9,5€), car nous sentons une volonté de concentration inhabituelle, à tout le moins peu naturelle. Enfin, le Mas Ventenac (22€) ne nous a pas séduit, à cause sans doute de son côté parkerisé qui nous semble (et nous souhaitons nous tromper) un rien forcé. Certes, c’est du parcellaire, du cousu main, du rendement minimal maîtrisé… Et de la macération minutée, du remontage et du pigeage scrupuleux, puis un élevage sous bois calculé en proportions (neuf/pas neuf). Au fond, c’est assez lourdingue, mais ça se veut corpulent et dense. Or, ça en fait des tonnes. Aussi, allez-y plutôt les yeux fermés sur les premières cuvées d’une « complexe simplicité » oxymorique qui me fait sourire. Elles valent 6€ et procurent un petit bonheur simple, ces affranchies du body building. L.M.
Nous connaissions le château La Levrette, superbe bordeaux (rouge et blanc) élaboré dans le triangle d’or du Blayais par Laetitia Mauriac, et que j’évoque dans mon « Dictionnaire chic du vin » (lire plus bas les pages 213-214). Voici le chardonnay En Levrette, cuvée du domaine des Marnes Blanches, dans le Jura. Blanc ouillé, bio, élaboré par Géraud et Pauline Fromont sur un terroir à calcaires gryphées, son étiquette est sans équivoque. Dans les deux cas, l’allusion originelle est claire, mais elle diverge (et dix verges, c’est beaucoup, me souffle Pierre Desproges) : d’un côté, la référence à une race de lévrier italien ainsi qu’à la femelle du lévrier commun figure, silhouettée, la queue glissée entre les pattes de derrière, sur l’étiquette du vin de Laetitia Mauriac. Celle aux lièvres qui bouquinent (se reproduisent) à la saison des amours, sur la parcelle où le chardonnay pousse, est signalée – non sans malice -, sur la contre-étiquette du vin des époux Fromont. Cependant, la seconde référence est un poil abusive, car, si le lièvre mâle se dit aussi bouquin – d’où le mot bouquinage, éloigné de toute lecture, fut-elle licencieuse (on le nomme aussi capucin, oreillard, rouquin…), et eu égard à l'activité à laquelle se livre alors le... léporidé, la femelle du lièvre se nomme hase, comme celle du lapin, lapine… Mais pas levrette. Qu’importe, après tout ! Le chardonnay enjoué du Jura y va d’ailleurs franco, et anticipe nos traits d’esprit. La rédaction a tout prévu (agrandissez la photo) : ce vin, subtil étreinte d'un terroir (...) sera le partenaire idéal de vos acrobaties gourmandes (...) En Levrette vous mettra à genoux… J’ai découvert par hasard son existence sur Internet, ce matin. Je ne l’ai donc pas encore eu en mains, ni goûté ci-devant (par derrière). Ce qui ne saurait tarder, au moins pour m’initier à une gymnastique – strictement œnologique -, consistant à associer lever de coude et génuflexion : Et hop, et hop… L.M.
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Notons qu’il existe par ailleurs une bière artisanale nommée Levrette (goûtée en aout dernier dans les Cévennes), qui elle aussi, ne se prive pas d’allusions grivoises sur son habillage, puisque sur le col de la bouteille, nous pouvons lire (voir ci-contre) : Une petite Levrette entre amis, puis, plus bas, Bière blonde de position... A vos marques !
Seconde prestation "apéro (qui tire en longueur avec bonheur) crozes-hermitage", Un sommelier dans mon canap' : unsommelierdansmoncanap.com chez Agnès, cette fois (dans le Marais, à Paris), avec ses cinq ami(e)s. J'ai eu affaire à des connaisseurs, pour cette soirée "ma masterclass privée", à des fans de Laurent Combier et de son consensuel et infiniment respectable Clos des Grives, mais époustouflés aussi par Le Rouvre de Yann Chave. Faut dire, aussi, hein... Sans parler du stupéfiant domaine des Grands chemins, de Delas, (et oui!), un nom si "gracquien", et du blanc sensuel (bio) issu de marsanne de Laurent Habrard, "vigneron heureux"... Il fut question d'onctuosité, de robe d'encre, de fruits noirs, d'épices douces, et de salinité aussi, de persistance, de tanins soyeux, de délicatesse, de paradoxe enfin : les crozes peuvent être si "oxymoriques" - soit, à la fois puissants et délicats, raffinés et gentlemen-farmers... On adore. L.M.