Un grand blanc
J'ai beau dire, beau penser, beau tenter de me convaincre qu'un grand bordeaux blanc, un pessac-leognan donc, produit par les plus fameux : Fieuzal, Chevalier, Laville Haut-Brion, voire le rare Haut-Brion blanc, donc issu de sauvignon et de sémillon en quantités variables, parfois inversées (et d'un soupçon de muscadelle), est un immense vin blanc, ce qui est indéniable (il m'est arrivé -sur place, au cours de mes lointaines années bordelaises, de les juger indépassables, ces blancs si racés là), lorsque je tiens un (très) grand blanc de Bourgogne, soit par exemple un chassagne-montrachet 2007, premier cru, ma mémoire olfactive capitule. Il s'agit en l'occurrence d'un produit de Joseph Drouhin, Morgeot, Marquis de Laguiche, pour être précis. Du chardonnay élevé au rang de chef-d'oeuvre. Travaillé, de surcroît, avec une approche biologique et biodynamique. Malgré l'affreux sentiment de commettre un infanticide, ce vin de trois ans à peine, qui aurait pu vieillir longtemps, présente déjà un équilibre serein, entre complexité et élégance, finesse et robustesse, harmonie et caractère, réellement confondant. Il possède, derrière son fruité contenu mais volontiers explosif si on délaisse ce fougueux setter qui n'a pas aimé la voiture, soit un maintien sous le bouchon, il possède donc ce côté force tranquille que l'on aurait surpris, à la dérobée, au fond du regard d'un surdoué solitaire, donc esseulé (et pas l'inverse -chacun l'aura compris), à l'ombre du platane cerné de ciment; à l'heure de la récré... J'en aime l'idée, en arrière-bouche. Cette pudeur, cette puissance aromatique, ce nez féminin et néanmoins herbé comme les bottes d'un gentleman-writer de retour de la chasse et revenu à sa table de travail, cette bouche d'une amplitude insolente, qui semble pouvoir embrasser l'horizon avant d'embraser l'âtre, l'air de presque rien, représentent à mes yeux l'expression même de la séduction, telle qu'un vin peut l'affirmer en douceur. Soit des yeux seulement. Comme savent le faire les femmes de tact. Et silencieusement. Car il convient de le boire à présent...
Pour écouter tripalement ce textevin, il y a ceci (Qui Tollis Peccata Mundi, Edwin Loehrer). Et rien d'autre. Plat unique, cliquez :