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  • Connaissez-vous Francine Van Hove?

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    Elle a le regard noir mais doux et lumineux comme le charbon prêt à rougir. Son jeans aussi est noir. Comme son chemisier. Et ses cheveux, noir jais. L’escalier en colimaçon qui transperce son appartement du 14e arrondissement de Paris conduit à un atelier de peintre. C’est le temple du paisible. De la clarté des jeunes filles en fleur, calmes, sereines. Lascives comme on le dirait des Vahinées de Gauguin. Francine Van Hove (née en 1942) peint des jeunes filles et a une vie rêvée : le matin, ses modèles posent pour elle dans l’atelier, et l’après-midi, Francine peaufine, met de la couleur, rehausse les traits, cisèle les regards, et remet sur la toile des objets fétiches (ses madeleines) qui apparaissent  sur la plupart de ses œuvres : la vieille robe rouge, le petit sac rond en cuir, la théière, le bol ébréché, la chaise à moustaches de sa belle-mère, les chaises et les bancs du Jardin du Luxembourg (à Paris) –sa nature-, le vieux jeans 501 complètement délavé et qui a habillé, à l’instar de la robe rouge, presque tous ses modèles. Francine a un professorat de dessin, mais enseigner l’a vite ennuyée : c’était dans un lycée (de jeunes filles) de Strasbourg, dans les années 1963-64. Alors elle peint pour le plaisir, sous contrat exclusif avec la galerie Alain et Michèle Blondel à Paris, depuis tant d’années – elle ne compte plus ; puis celle de Jean-Marie Oger depuis quelque temps déjà. Sa production est restreinte : une douzaine de toiles par an. Cela suffit. J’ai découvert son œuvre par les nombreuses cartes postales qui reproduisent ses dessins. L’une d’elles ma servi à illustrer mon livre « Femmes de soie » (Séguier). Le modèle de cette couverture s’appelle Anne, toujours représentée de dos. L’œuvre s’intitule : « Ôte-toi de mon soleil ! ». Cela me fait penser à l’insolence magnifique de Diogène (voir la note intitulée « CrateSo, Yo ! » sur ce blog).

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    Le style Van Hove ?  Classique et résolument figuratif. Lorsque tous ses condisciples donnaient dans l’abstrait, elle peignait déjà ces jeunes filles d’une sensualité passive, à demi nues, au corps de rêve et au regard tendre. Jamais nues, mais toujours désirables. Lectrices pour la plupart. Certaines ont l'air de s'ennuyer. Ne pas tout montrer mais suggérer pourrait être le credo de la peintre. Son mari, artiste lui aussi, en supporter amoureux, l’a très tôt encouragée à peindre ce qu’elle voulait, sans se soucier de quoi que ce soit, fut-ce les tendances de l’art, et à n’écouter que son inspiration. Puis, l’expérience de la peinture sur tissu fut un détonateur. Un boulot de commande pour une styliste : Francine s’aperçut qu’elle pouvait peindre et en vivre. Son style propre, loin de l’école qui privilégie l’empâtement, l’épaisseur, est fait de légèreté, de fluidité, de silence et de douceur. Elle n’a jamais peint d’homme nu ou à peine dévêtu. Elle « tourne » avec cinq modèles, un par jour. Son premier, Marie-Odile, elle l’a peint en 1972. Elles se voient toujours, Marie-Odile, danseuse professionnelle, est hors d’âge aujourd’hui. Karen est sculptrice. La doyenne peut avoir 40 ans, la plus jeune 19. Côté casting, la couleur de la peau est déterminante : « Je suis anti-bronzage. J’aime les peaux pâles ».  Elle aime les corps architecturés, les filles pas trop minces, avec des formes pleines. Mais elles ont toutes un air de famille, à y regarder de près. Un modèle l’a marquée : Alexandra, « une Tunisienne qui possède la beauté d’un Delacroix avec les couleurs de Rubens ! », me confia-t-elle. Ses peintures ne disent presque rien, et c’est ce qui les rend si attachantes. Ses personnages prennent le petit-déjeuner, lisent un livre, ou Le Monde, elles rêvent, dorment. Elles ne sont que relâchement. Elles sont imprégnées de cette lascivité qui ne ressemble à rien de pervers. Aucune invitation à la luxure. Aucune parenté avec Balthus, Bellmer bien sûr, et tant d’autres. Les jeunes filles de Van Hove sont dans l’abandon progressif, le glissement, dans ce que Barthes nomme joliment le fading dans ses Fragments d’un discours amoureux.

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    C’est davantage du côté des photographes comme Jonvelle ou Sieff que Francine pourrait jeter des passerelles. La représentation pudique et sensible des jeunes filles se retrouve dans ses toiles, où le plaisir simple de l’après-midi, d’une sieste en été… Il y a comme une sensualité prude, silencieuse, qui se dégage de ses peintures. Un je-ne-sais-quoi de possible et d’interdit à la fois. Un charme fort. Et je pense que c’est un sentiment de paix qui domine chacune d’entre elles. Je me sens en affection forte avec l’apaisement immédiat, tonique et durable, que les peintures de Francine Van Hove me procurent. Et vous ?.. L.M.

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  • Impudeur? - Non, chaud au coeur.

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    Dussé-je paraître impudique, je choisis de publier ce très bref échange sur un réseau social (Facebook ou Instagram) dont je me suis d'ailleurs retiré définitivement. Je ne connais que le prénom, Mathieu, de l'intervenant. Ce qu'il m'écrit est bouleversant. Si je donne à voir ceci, c'est pour signifier que lorsqu'on écrit, nous avons très rarement des retours sur nos livres. Là, à la faveur d'une photo qui m'a plu, s'ouvre une conversation brève mais dense qui réchauffe deux coeurs. Cet inconnu, et moi, avons échangé l'essentiel. Cela fait du bien de savoir que l'on peut faire du bien sans le savoir. Et tout à trac l'apprendre. Je remercie. L.M.

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  • La chorégraphie du désir

    Le flamenco, c’est tenter d’atteindre le fameux « nada », le rien, le détachement, la mélancolie heureuse ; la volupté de toucher le sentiment profond du renoncement…

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    On dit du tango que c’est un sentiment qui se danse. Le flamenco, tesson de tragédie en travers d’une gorge éraillée, chante la douleur du monde et de l’amour.  Il figure un éclat noir sous lequel on devine le sang et l’eau, le cœur et la sueur, le sein et le suaire. Un cri. Il se creuse pour cambrer la parole. Et le regard. Cette concentration, ce ramassé comme on le dit d’un félin prêt à bondir sur sa proie qu’il tient déjà entre ses yeux.

    Le flamenco offre à la fois chant, musique ou danse purs et ces trois arts entremêlés. Être flamenco, comme on naît torero : une façon d’habiter le monde. Les « coplas » (strophes), ces poèmes lapidaires andalous issus de l’âme gitane, incandescente, indomptable, fière, deviennent les paraboles de l’amour dansé : « Ton visage, c’est la Sierra Morena, et tes yeux, les bandits qu’on y rencontre ». Le flamenco est une ombre portée, un poignet cassé, un regard sombre, une cuisse dénudée. Il traduit avec douleur, dents serrées, la langue noueuse du corps à cœur : « Va et que l’on te tire dessus avec la poudre de mes yeux et les balles de mes soupirs ». Il y a un état d’esprit flamenco. Sur scène ou dans la rue, il ou elle danse en raclant le sol du bout des pieds, en chaloupant ses sentiments. Le corps prolonge l’esprit, obéit à un langage, à une gestuelle codés, sous ses allures rebelle, sauvage. Fauve…

    L’Andalousie, berceau du flamenco, aux origines gitanes, mauresques, de la « marisma », les marais de la plaine du Guadalquivir, l’a vu naître dans les quartiers anciens ou portuaires de Séville, Cordoue, Málaga, Sanlúcar de Barrameda, El Puerto de Santa Maria. Dans quelques « pueblos blancos » perdus, aussi, entre des oliveraies infinies et un « campo seco » où tentent de paître des taureaux de combat. Villages juchés sur des collines aux courbes douces, sensuelles, qui recèlent des « tablaos » (bars chantants).

    A la faveur du hasard et de la bonne volonté de la Vierge noire de Séville, la Macarena, un soir, un  groupe local improvise… un duende peut naître. Le duende est le but absolu du flamenco (inspiration et plaisir total à la fois. Le mot vient de dueño, le maître). Sorte de « saudade » portugaise, sentiment ineffable, transe, il surgit comme la grâce au carrefour des arts conjugués de la danse, de la musique et du chant. À l’improviste, dans la voix d’un « cantaor » entrant soudain en communion avec la danse.  Il peut ne toucher qu’une seule personne, ou bien se répandre comme le feu. Dans le dépouillement du « cante puro », le chant pur, plus aucun son n’accompagne le chant. Ce « silence sonore », brisé par la voix, forme une plainte déchirante, un hymne à l’amour, à la mort. Le duende se recherche. Mais il faut le laisser venir, en réalité. Chacun l’attend, bien sûr, chaque soir de spectacle. Tout le monde l’espère (la langue espagnole s’avère formidable : esperar signifie à la fois attendre et espérer). « Tout ce qui a des sons noirs a du duende. Ces sons noirs sont le mystère, les racines (…). Le duende aime le bord de la blessure et s’approche des lieux où les formes se fondent dans un désir qui brûle…», disait Federico Garcia Lorca en citant un ami qui écoutait la musique de Manuel de Falla.

    C’est pourquoi le flamenco se danse bien mieux en couple. Il contient une double chorégraphie sensuelle. L’apprendre ainsi augmente le plaisir de la complémentarité. Il y a les gestes pour l’homme : mains sur les hanches, bras figurant un geste tauromachique - une passe de cape-, une façon plus forte de taper du talon. Les gestes féminins, en échange direct dans une danse à deux, plus enveloppants, érotisent à l’extrême celle qui joue de sa longue jupe, la tirant, la faisant voler. Ses bras serpentent autour de sa tête tandis que ceux de l’homme seront portés plus bas. Les coups de talons, plus fins chez la femme, enfin, n’en sont pas moins fermes.

    Le vêtement, la couleur, le regard, la gestuelle, se soutiennent. Comme le rouge et le noir s’épousent. Nuit, néant, peau de toro d’un côté. Sang, lèvres, feu de l’autre. La troisième couleur : l’ocre ! Ce jaune sable tirant sur la poussière des sentiers muletiers d’Andalousie, recouvre les souliers noirs des paysans en chemise blanche, la nuque burinée. Jeunes et vieux, en compagnie de citadins branchés, tous se rendent au village pour écouter un chanteur, un guitariste, voir une danseuse. Elle est moulée dans une robe à volants. Il est fondu dans un pantalon noir, la chaquetilla (gilet) boutonnée juste en haut. Leurs chaussures cloutées, à talons francs et hauts, martèlent le sol : « planta-tacon-golpe » (plante, talon, coup). Sous ses longs cheveux en chignon qu’elle libèrera plus tard selon son inspiration, de lourdes boucles d’oreille pour elle. Au-dessus de son regard embrasé et de sa silhouette hiératique, une montera (chapeau droit) pour lui.

    On peut s’initier dès l’âge de dix ans à la danse, au chant, à la guitare. « L’esprit flamenco », rugueux, âpre, sec comme l’été andalou, cingle, se cambre. Franc jusqu’à l’extrême, fier, fidèle, parfois cassant comme du cristal, sous ses atours inflexibles, il cultive l’art du frôlement. En dansant, nul ne se touche : on s’épouse et se déchire des yeux et du silence, ou avec un cri.

    Cette chorégraphie du désir sublimé, tendue vers une érotique parfois insoutenable, le flamenco la pousse jusqu’aux frontières que la plupart des danses franchissent : rock, tango, valse, lambada, invitent à saisir les mains, les hanches, de son partenaire, à le serrer, le faire tourner. Le flamenco cultive au contraire cet art subtil de parvenir à ne pas se toucher en étant extrêmement proche. Il ne joue pas avec la résistance, il la forge et l’évalue sans cesse. Comme il joue avec le sentiment tragique de la vie.

    Le flamenco est dévotion. Une affaire sérieuse. Le chanteur Duquende, artiste « castizo » (de caste), déclara à l’issue d’un concert que le chant flamenco exprime le souci de toute une existence, de chaque instant, avec ses peines, ses joies. Sous l’incandescence ténébreuse de sa démarche, le flamenco cache une véritable gaîté. Associé à la fiesta, aux ferias du Sud de la France en été, et de l’Espagne toute l’année, il respire le bonheur. Duquende poursuit : « Mes sœurs chantaient même en faisant la vaisselle, je les écoutais en pleurant. Je m’entraîne tout le temps et quand je fais autre chose, je continue de chanter mentalement. C’est ainsi que l’on atteint  le « cante de verdad ». Le chant de vérité. Celui qui ne trompe personne. Voisin immédiat du « cante jondo », le chant profond, lequel exprime le génie dramatique, l’essence même du flamenco. Il peut jaillir n’importe où, souligne Michel del Castillo : « Le flamenco est un style, une manière de se tenir debout, les reins cambrés, le menton relevé (…). C’est une posture de défi ironique, une attitude d’indifférence et de mépris. On feint d’ignorer le danger, on s’amuse avec lui ». Baroque, exagéré, archaïsme assumé, le flamenco ? Certes, mais il procure la grâce à « l’être flamenco ». C’est un bandit. L.M.

    Lire

    Flamenco, Mario Bois, Marval.

    Flamenco, photos Isabel Muñoz, texte J.Durand, Plume.

    Flamenco attitudes, Gabriel Sandoval, Solar.

    Le sortilège espagnol, Folio et Dictionnaire amoureux de l’Espagne, Plon, Michel del Castillo

    Le duende, Ignacio Garate-Martinez, suivi de Jeu et théorie du duende », Federico Garcia Lorca, Encre Marine.

    Coplas, poèmes de l’amour andalou, Allia.

    Ecouter 

    Tous les disques de Vicente Amigo, Carmen Amaya, Tomatito, Camaron de la Isla, Diego El Cigala, … 

    La musique du film Vengo de Toni Gatlif, les mises en scène musicales des poèmes de Lorca par Vicente Pradal (Llanto, Romancero gitano) ; enfin, « Jerez. Fiesta & cante jondo »  

    Voir

    Sur place, à Séville notamment, certains spectacles donnés dans le Barrio Santa Cruz. Ou bien au hasard des « tablaos », bars chantants et dansants, de Málaga, de Sanlúcar de Barrameda, de Jerez de la Frontera, et des villages de la côte et de l’intérieur. Le flamenco s’improvise là où il se sent bien. Comme le chant basque.  

    Article de commande paru en février 2009 dans Enjeux/Les Echos, dans la rubrique Une passion, un écrivain.

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  • 4 janvier 60

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    Le 4 janvier 1960, Albert Camus disparaissait. Son ami René Char écrivait alors L'éternité à Lourmarin : 

    Il n’y a plus de ligne droite ni de route éclairée avec un être qui nous a quittés.
    Où s’étourdit notre affection ? Cerne après cerne, s’il s’approche c’est pour aussitôt s’enfouir. Son visage parfois vient s’appliquer contre le nôtre, ne produisant qu’un air glacé. Le jour qui allongeait le bonheur entre lui et nous n’est nulle part désormais, toutes les parties- presque excessives- d’une présence se sont d’un coup disloquées. Misère de notre vigilance…
    Pourtant cet être supprimé se tient dans quelque chose de rigide, de désert, d’essentiel en nous, où nos millénaires ensemble font juste l’épaisseur d’une paupière tirée.

    Avec celui que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n’est pas le silence. Qu’en est-il alors ? Nous savons, ou croyons savoir. Mais seulement quand le passé qui signifie s’ouvre pour lui livrer passage. Le voici à notre hauteur, puis loin, devant.

    A l’heure de nouveau contenue où nous questionnons tout le poids d’énigme, soudain commence la Douleur, celle de compagnon à compagnon, que l’archer cette fois, ne peut pas transpercer.

  • Il faut savoir réseau jeter

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    Ce matin, j'ai fermé mes comptes Facebook et Instagram. Marre des réseaux que l'on dit sociaux. Un soulagement - mieux, un sentiment de libération m'a aussitôt envahi. Puis j'ai enfourché ma moto et je suis allé voir le vieil océan, à la Chambre d'Amour, ma querencia si apaisante. Il n'y avait pas de vagues, les surfeurs se morfondaient et je pouvais lire la mélancolie dans les yeux de certains. L'eau lisse et bleue, le ciel pur, le calme, la côte espagnole bien visible, des voiliers blancs en nombre au large, et la drague rouge Hondarra pompant du sable juste devant. Tableau. Il manquait quelques élégantes échappées d'une toile de Joaquín Sorolla. Je commandais un café et un verre d'eau au Lieu du Pêcheur, notais quelques pensées amoureuses sur un carnet et songeais au temps qui reste, aux erreurs que l'on commet et que l'on ne pourrait reproduire, à l'espoir qui survit, à l'irrémédiable, aux pansements de l'âme, à l'irrépressible force des sentiments, au bonheur simple que le somptueux chant matinal du merle me procure chaque jour; à une pizza maison réussie. Trois fois rien - ce qui est déjà beaucoup, me souffle Desproges, ou Devos, je ne sais plus...

    Jetterai-je un jour mon téléphone chic dans le fleuve, achèterai-je des pigeons voyageurs, ferai-je des signaux de fumée? Commençons par acquérir un téléphone fixe (je n'en ai plus depuis vingt ans au moins) afin de mettre en repos forcé le portable plusieurs heures par jour. L.M.

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  • Yémen

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    Il est des situations, de simples gestes qui ne nous semblent plus possibles de reproduire, en l'espace d'une poignée d'années. La scène se passe dans un café, au coeur du Hadramaout (Yémen). Nous discutons avec cet homme. Soudain, je m'empare de sa kalachnikov - chaque homme yéménite en possède une, et arbore également, constamment, dès l'âge de dix-douze ans, une jambiya (poignard recourbé) à la ceinture. Il est subjugué par mon audace, et ne sait quoi dire, ou faire. Les enfants sont également surpris. Je plante mon stylo à plume Mont Blanc au bout du canon. Je pose façon gringo de chef-lieu de canton cubano pour la photo. On se marre. L'instant d'après, je lui offrirai un cigare, et nous baragouinerons ensemble, assis autour d'une table, le temps du partage, du fumage, de quelques thés à la cardamome et d'une rigolade. Comment imaginer pouvoir faire cela, aujourd'hui?.. L.M.

  • Les platanes le long de l'arrêt Toulet

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    Dépêché dès potron-minet par une urgence relative consistant à glisser un recueil de poèmes dans une boîte aux lettres voisine, je chevauchais sur ma moto Brixton en me rêvant estafette par temps guerrier. Mission accomplie, je poursuivais au gré, chemin faisant. Et tombais, abasourdi devant le nid d'une fraîche promise, sur une aberration. Tous les arbres - de forts beaux platanes - de l'avenue qui mène à son adresse, avaient été réduits à néant. Cette castration en règle à ras le tronc, le long gauche de l’avenue Monseigneur Mugabure en la remontant ce matin sur le gravier de Guéthary, me fit l’effet d’une décapitation capitale, collective et injustifiée. Je remontais le cours d’une exécution générale. Je cessais de compter les victimes au-delà de neuf. Les merles, les rougequeue noirs, les mésanges charbonnières nombreux hier encore à passer d’un arbre l’autre, fussent-ils rabougris car étêtés de frais, se taisaient à présent, observant le deuil de leur comptoir, comme la tronçonneuse s’était tue par pudeur, voire honte. Le forfait accompli, il restait à compter dans le bleu du ciel quelques splendides indifférents, goélands leucophée, milans noirs en maraude depuis plusieurs semaines. Les passants croisés se rendaient-ils compte, j’en doute. Le paysage avait changé tout à trac. Un pan d’histoire était tombé comme après un coup de hache insensé du Malin. À l’arrêt « Toulet » de la navette estivale qui attend son panneau, sur cette même avenue emblématique du village, je pensais à Paul-Jean dont nous venons de fêter le premier Prix (je siège au jury) et à cette évocation tragique dans la XIVe de ses Romances sans musique : « Et des platanes d’or le long gémissement »... Je rebroussais chemin, car le Madrid est fermé le lundi, et m’allais songer sur le sable de Senix (je n'aime pas dire Cenitz) aux arbres dessinés par Georges Ribemont-Dessaignes illustrant ceux de Prévert, devant la grande bleue - à marée basse à l’instar de mon cœur. L.M.

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  • Jaccottet, encore

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    Il y eut, juste après la disparition, le 24 février 2021, du très grand Philippe Jaccottet, deux inédits, Le dernier livre de Madrigaux, et La Clarté Notre-Dame (reparus le 22 mai 2025 en Poésie/Gallimard), pour nous rappeler à l’essentiel, soit au chant fragile des oiseaux à l’aube dans un verger de peu planté de longue date à Grignan, dans la Drôme, l’écho d’une cloche des Vêpres à Salernes (où vécut sur le tard le regretté Pierre Moinot), « dans l’enceinte sacrée, très-haut » (Hölderlin), des mots simples comme de ces brindilles dont Char rêvait de bâtir un rempart, des mots tragiques à peine, crépusculaires, d’un poète avouant son grand âge et citant Hölderlin encore comme on lance un grappin, « Énigme, ce qui sourd pur ». Des textes essentiels et néanmoins heureux, surtout lorsqu’il s’agit d’évoquer Claudio Monteverdi, « c’est par urgence que sa voix prend feu ».  « Ainsi lié, je me délivre de l’hiver »... Jaccottet a rejoint, à 95 ans, « le tissu bleu du ciel ». Et nous continuerons d’entretenir commerce quotidien avec son œuvre capitale. L.M.

  • Visit Bayonne 2025

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    Il est paru et il est gratuit. J'y ai écrit plusieurs articles : Ville culturelle & artistique - Ville commerçante & artisanale - Ode gourmande à Bayonne - Ville animée toute l'année - Ville sportive... C'est bourré d'adresses, de bons plans, d'idées de balades et de sorties. 100 pages pour mieux connaître Bayonne et l'avoir dans sa poche. 

    Visit Bayonne 2025 est une coproduction de l'Office de Tourisme de Bayonne et de l'agence Atlantica.

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  • Le Basque & la Plume

     

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    Je suis ravi de rejoindre le jury du Concours Le Basque & la Plume (sur une idée de Pierre Casamitjana et Gorka Robles Aranguiz) qui couronne depuis trois ans les meilleurs récits des Fêtes de Bayonne adressés par courrier en trois langues (Français, Basque, Occitan), puis publiés dans l'annuel de Bayonne est une fête (éd. Atlantica). 

    Figurent notamment dans le jury Maria Larrea, Delphine Saubaber, Jean-Paul Alègre (président), Frédéric Beigbeder, et donc ma pomme. 

    Florence Delay, de l’Académie française et Francis Marmande sont présidents d'honneur. 

    J'avais eu le plaisir de donner un texte, Éloge de la lumière lumineuse, à la demande de Pierre et Gorka sur ma vision des fêtes de Bayonne pour l'édition 2024 de l'ouvrage (lire ici à la date du 5 juillet 2024).

    Pour davantage d'informations, cliquez ici  => Le Basque & la Plume

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    Ci-contre : L'édition en format de poche d'une sélection de récits vient de paraître.

  • Frédéric Pajak, Prix Paul-Jean Toulet 2025

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    Le jury et le lauréat. De gauche à droite : Frédéric Martinez, Frédéric Schiffter, Frédéric Pajak, Frédéric Beigbeder, Frédéric... - Pardon : Léon Mazzella, et Aude Lancelin (absentes : Florence Chataignier et Marie Larrea).

    Ce fut une belle journée passée à Guéthary. Agapes chez Claude Calvet du restaurant Getaria, augmentées d'un Jurançon 1993 (32 ans quand même !) du Clos Uroulat, offert par Charles Hours, le vigneron qui l'élabore. Ceci en écho à un poème de Toulet évoquant "Un Jurançon (de 18) 93 couleur de maïs"... Un déjeuner avec pour invité d'honneur le lauréat, Frédérick Pajak venu d'Arles, "où sont les Aliscams"... Pajak qui emballa l'ensemble du jury lors des délibérations, avec le 10e tome de son livre infini, "Manifeste incertain" (éditions Noir sur Blanc), consacré cette fois à Malcolm Lowry et Alberto Giacometti, sorte de double roman biographique archi documenté, à l'écriture somptueuse, enrichi de dessins, car l'auteur dessine aussi bien qu'il écrit. Lowry et Giacometti sont éminemment touletiens, car la débauche, les femmes, l'alcool, les abus et l'abîme, cousin de la création, de l'écriture, de l'art en général sont présents dans leur existence et donc dans le livre de Pajak. Il y eut une causerie débridée à la Mairie entre Frédéric Beigbeder et Frédéric Schiffter, puis un merveilleux apéritif dans le jardin, offert par Eugenia et Yves Rouet, nouveaux propriétaires de la maison Etcheberria où Toulet vécut avec Marie Vergon, sa dernière femme, les treize dernières années de son existence (jusqu'en 1920). Enfin, ce fut au café du Fronton que la fête battit son plein avec Beigbeder pour DJ et la liesse des grandes soirées d'arrière printemps. L.M.

    Dans Sud Ouest Dimanche de ce 18 mai :

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    Frédéric Pajak (ci-dessous) :

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    Lecture du poème "Un Jurançon 93" devant la maison Etcheberria en compagnie d'Eugenia et de Charles Hours :

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  • Canneries

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    Je viens de passer quelques minutes, son coupé, sur un "réseau social" qui m’assaille de mini-vidéos en provenance du Festival de Cannes qui a cours, où l’on voit défiler des êtres suffisants, imbus, si sûrs d’eux, qui lévitent plus qu’ils ne marchent lentement vers un escalier couleur sang de boeuf ou le long de couloirs chics bordés de gardes du corps à la mine rogue, ils sont beaux ces êtres intouchables et bien vêtus, ils agitent ridiculement une main vers une foule d’esclaves volontaires qu’ils ne voient pas car un mur de photographes la masque, ils signent à la hâte des autographes - sans le moindre regard vers des coeurs qui palpitent - avec un sourire d’une générosité si insincère, se prêtent de bonne grâce au jeu débile des selfies... Et je me suis dit mais que signifie cette mascarade annuelle. Y aurait-il d’un côté des gens au-dessus de la mêlée (acteurs, actrices) et de l’autre un public d’arène romaine, de foire du trône, d’indigence choisie. Alors j’ai changé de pièce, j’ai fouillé dans mes DVD, et je me suis envoyé « Taxi Driver » direct. Scorsese 1976, De Niro, Foster, Keitel ; du lourd, du vrai. You’re talking to me ?..  L.M.

  • Parthenope, Tasio, Ingeborg Bachmann...

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    Parmi les films vus récemment au cinéma, outre « Tardes de soledad » déjà évoqué ici (déroulez plus bas jusqu'à la note du 26 janvier dernier), je signale deux chocs et une jolie surprise : « Parthenope », chef d’œuvre de Paolo Sorrentino (« La grande bellezza »), avec une divine actrice, Celeste Dalla Porta, qui symbolise à elle seule Naples et tous ses sortilèges – la liberté, l’amour, le vice, l’audace, l’insouciance, la mer réparatrice ou engloutissante... Un film d’une beauté et d’une densité rares, avec la patte de Sorrentino, ses plans serrés, la musique ourdie et les plans larges avec beaucoup de personnages, la délicatesse de sa caméra lorsqu’elle s’attarde sur un pan de paysage lointain, un pli, un acteur de dos, un vêtement bercé par un vent léger.

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    Il y a aussi « Tasio », de Muntxo Armendáriz, sorti en 1984 et qui ressort dans une version modernisée. Nous sommes dans la montagne basque, navarraise, dans un hameau d’une pauvreté extrême, après la guerre civile. Il est charbonnier (olentzero), il est amoureux, elle est folle de lui, l’existence est précaire, il faut braconner et pas se faire prendre, les sentiments sont forts, les acteurs (y compris les enfants) d’une vérité et d’une sincérité rares, et les paysages magnifiques. Je m’apprête déjà à revoir ce film, qui se situe dans la veine des « Saints innocents » de Mario Camus, d’après le beau roman de Miguel Delibes.

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    Enfin, il y a ce biopic de l’immense poétesse autrichienne « Ingeborg Bachmann » (c’est le titre du film), centré sur sa relation amoureuse compliquée avec le dramaturge Max Frisch, ses années d'errance entre Rome, Zurich, Vienne et le désert qui la sauvera grâce à un jeune amant. Il est aussi question de son impossibilité soudaine à continuer d'écrire de la poésie, en 1962, comme conséquence de sa rupture avec Max Frisch. On eut préféré voir Paul Celan à la place, avec lequel elle eut aussi une belle histoire, et qui fut moins tordu que Frisch. On croise en revanche le maestro Giuseppe Ungaretti, et cela fait toujours quelque chose, au cinéma (de même que nous voyons un John Cheever décati mais touchant, incarné par Gary Oldman, dans « Parthenope »). Le film, de Margarethe Von Trotta (« Hannah Arendt », « Rosa Luxembourg) vaut surtout par l’interprétation magistrale et d’une sensibilité bouleversante de Vicky Krieps, dont les ressentis sont admirablement suggérés, et filmés. L.M.

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  • Revenons au Bordeaux

    Je confesse avoir sacrifié à une triste mode, celle du « Bordeaux bashing », du temps que je sévissais encore sur le sujet vins dans les gazettes, notamment L’Express, Tanin, Grand Seigneur, « M » Le Monde, ailleurs... Elle était idiote, cette manière bobo de snober, de vilipender, de conchier, de mépriser un monument, au prétexte que les châteaux bordelais demeuraient « fermés », froids, distants, suffisants, et leurs vins chers, voire très chers, somme toute moins intéressants qu’on le prétendait depuis des siècles – surtout par rapport aux AOC en plein essor de la vallée du Rhône, du grand Sud-Ouest, du Val de Loire, d’Espagne, d’Italie, de partout, et de toute façon ils étaient de longue date tournés vers « l’export », soit dédaigneux des papilles de la nation. Le mouvement prit de l’ampleur dans la profession. Cavistes, restaurateurs, bars à vins, mes copains de tire-bouchon, tous nous nous moquions très imbécilement de la planète des vins de Bordeaux. Nous boycottions. Puis, je me suis retourné, j’ai réalisé que, durant les douze années que j’avais vécues à Bordeaux, et où j’avais forgé mon palais en dégustant pour le travail et le plaisir dans cent et un châteaux, je m’étais même acculturé au Merlot et aux Cabernets, une certaine architecture organoleptique avait poussé, grandi en moi. Quittant Bordeaux fin 1992, je redécouvrais Syrah, Mourvèdre, Cinsault, Sangiovese, Tempranillo, Viognier, Chenin, Chardonnay, d’autres, dans les régions qui les magnifient avec maestria. Je commençais à renier, ce qui est manifestement déloyal.

    Capture d’écran 2025-04-29 à 08.28.09.pngMoulin La Lagune 2021.pngCapture d’écran 2025-05-05 à 10.30.08.png

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Bref, trois flacons bordelais de non modeste extraction sont venus secouer mes papilles ces derniers jours, à la faveur d’envois dont ma boîte aux lettres se réjouit.

    Le premier porte le prénom de mon fils, mais en référence à une couleur que je ne connaissais pas. Le « bleu Robin » désigne celui d’une argile, mêlée au silex et aux calcaires du sol et du sous-sol où naît ce vin de Castillon Côtes de Bordeaux (2020, 23€). L’appellation a le vent en poupe, grâce à de sérieux vignerons comme Jan Thienpont *, lequel, en 2018, fit renaitre de ses ruines ce bijou nommé Robin, situé à l’extrémité Est de l’appellation. 100% bio, composé de 80% de Merlot, 10% de Cabernet Franc, 5% de Cabernet Sauvignon et 5% de Malbec évoluant sur un domaine agroécologique, c’est un rouge gourmand, possédant du claquant, de la fraîcheur et une belle concentration. Fruits rouges et noirs au nez se retrouvent en bouche augmentés d’une note légèrement épicée du meilleur effet.

    Le second est un Haut-Médoc, Moulin du Château La Lagune (2021, 19€. Label Biodyvin attribué au domaine cette année-là. En conversion biodynamique, La Lagune est un 3e Grand Cru Classé en 1855), propriété de la charmante viticultrice Caroline Frey, même si c’est sa sœur Delphine qui conduit le Moulin depuis 2019. À une centaine de mètres du célèbre château, se trouve un moulin à vent, d’où le nom de ce second vin à l’étiquette bleue splendide, illustrée d’une huppe fasciée posée sur une tour, et d’insectes notamment : le minéral, le végétal et l’animal sont délicatement figurés, comme pour signer la féminité du domaine et l’accent mis sur la nature. Le sol est de graves légères et de silice qui apportent grâce, équilibre et finesse aux cépages. 51% de Cabernet Sauvignon, 42% de Merlot et 7% de Petit Verdot compose cette cuvée ayant passé un an en fûts, dont 40% étaient neufs. Sa robe rubis semble de sortie pour une soirée élégante. Le nez de fruits rouges tire sur la légère acidité de la groseille. Une grande fraîcheur en bouche comme un regard franc ou une note juste achève de nous séduire.

    Le troisième appartient à la famille du comte Léo de Malet Roquefort, et se nomme château Chapelle d’Aliénor by La Gaffelière (2020, 9,5€), anciennement château Chapelle Macaran. Avec La Gaffelière, nous sommes en AOC Saint-Émilion (1er Grand Cru, situé entre les collines de Pavie et Ausone), mais cette Chapelle est classée en Bordeaux Supérieur. 60% de Merlot et 40% de Cabernet Franc composent une cuvée rouge attractive qui naquit sur 52 ha d'un sol argilo-calcaire. Robe profonde, nez de cerise et de prune, tanins denses mais souples, rondeur et soyeux en fin de bouche. Pas fou quand même, mais un bon rapport qualité/prix.

    Capture d’écran 2025-05-05 à 11.02.49.pngCapture d’écran 2025-05-05 à 11.02.18.pngCapture d’écran 2025-05-05 à 11.45.44.pngCapture d’écran 2025-05-05 à 11.42.27.pngCapture d’écran 2025-05-05 à 11.09.28.png

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    L’escorte littéraire était composée du nouveau roman de l’exquis Jean Le Gall, « Dernières nouvelles de Rome et de l’existence » (Gallimard, Hors série Littérature) ou la vie de Nicola Palumbo qui démissionna de la tête d’un parti politique révolutionnaire pour s’engager comme simple vendeur de canapés. Le regard suraigu que l’auteur porte sur les différentes facettes de la société romaine des années 1969 et suivantes est percutant et fin. Dès les premières pages, Nicola rencontre « La » Mangano (Silvana) et un dialogue de séduction s'engage parmi les canapés convertibles. La littérature permet tout. Nous pensons aux comédies italiennes à la Risi ou Sorrentino et la figure dilettante, ironique, libre de l’acteur Toni Servillo semble s’inviter entre les pages. Nous y reviendrons, car sa lecture n’est pas achevée. Rappel : le précédent livre de Jean Le Gall, coécrit avec Jean-Paul Kauffmann et Jean-Luc Schilling, « En défense des vins de Bordeaux » (Le Cherche Midi) comme son titre l’indique, partait en guerre contre le Bordeaux bashing afin de réhabiliter avec sérieux et talent l’une des très grandes régions viticoles que compte la civilisation du vin, dans les verres ainsi que dans les esprits.

    Jean-Noël Rieffel signe son second opus avec « Aimer comme un albatros » (Equateurs), où il est question comme précédemment de sa passion pour les oiseaux et surtout sur les bienfaits que ceux-ci font à l’âme. En toile de fond, il y a un divorce douloureux. Très douloureux. Et en surface, léger comme la plume et délicat comme l’aile de géant du roi de l’azur cher à Baudelaire, il y a le pansement merveilleux que procurent donc les oiseaux à qui sait les observer. Le tout enveloppé dans les livres enchanteurs de Maurice Genevoix. Et le lit de la Loire, si chère à Jean-Noël.

    Afin de prolonger cette lecture, il y a l’intéressant « Ornithérapie » de Philippe J.Dubois et Élise Rousseau (Albin Michel), ou comment réduire son stress en prêtant attention aux oiseaux, à leur chant, à leur vie. Les observer chaque jour, les écouter la nuit, fait beaucoup de bien – j’en suis convaincu depuis ma plus tendre enfance... (Certes, ce titre peut sentir le faisan de rayon développement personnel, l’attrape-nigaud égaré, mais non. On y croit car nous pratiquons).

    Pour finir, la compilation d’une soixantaine de chroniques littéraires parues dans L’Express du maître en la matière (avec Renaud Matignon), Angelo Rinaldi, est un cadeau du ciel. « Les roses et les épines » (Éd. des Instants) clin d’œil sonore aux « Roses de Pline », roman du même auteur, analyse les livres, ausculte les écrivains, les hisse au pinacle ou bien les descend en flammes, mais toujours avec une plume étincelante. François Nourissier avait dit de Julien Gracq qu’il était le patron (des écrivains. Un écrivain pour écrivains, en quelque sorte). Nous pouvons dire que Rinaldi est le patron des critiques. D’Aragon à Zweig en passant par Camus, Voltaire, Drieu La Rochelle, Gadenne, Flaubert, Vialatte, Léautaud et cinquante autres, ce recueil précieux figure une leçon d’intelligence et de style.

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    Escorte musicale : Now we are free, thème du film « Gladiator », de Ridley Scott, une musique composée par le grand Hans Zimmer, à écouter en boucle en lisant en écrivant (et en dégustant). Cliquez là => Gladiator

    L.M.

    * Un nom qui résonne à Pomerol et en Francs Côtes de Bordeaux.

     

     

  • Retouches (Toulet, encore)

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    Il s'agit d'un document. Paul-Jean Toulet corrigeant son poème emblématique figurant dans ses irremplaçables Contrerimes, et je veux croire qu'il le fit à la terrasse du Madrid en 1919. Une photo connue atteste modestement de cette hypothèse, sans en attester le détail. Nous lâchons notre liberté d'interprétation à loisir et à vue. Voici le travail à la plume attestant de l'augmentation singulière d'un joyau de la poésie française contemporaine, de la main de son auteur alors malade, se sachant plus que mortel, et qui ne verra pas le fruit de sa liberté publié l'année d'après sa disparition; J'en aime aussi l'idée;

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    et le manuscrit 

  • Shakespeare avant Toulet

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    L'un des vers les plus fameux de Paul-Jean Toulet se trouve dans l'un de ses plus beaux poèmes aussi, qui figure dans le recueil Chansons, et qui commence par cette Romance sans musique : Dans Arle, où sont les Aliscams...

    Le vers est celui-ci : Parle tout bas, si c'est d'amour, / Au bord des tombes.

    Il se trouve que dans la scène I de l'acte II de Beaucoup de bruit pour rien, la comédie de William Shakespeare, Don Pedro dit : Parlez bas, si vous parlez d'amour ou Parle plus bas, si c'est d'amour, selon les traductions. C'est juste une remarque, comme ça, en passant... L.M.

    (Une anthologie de citations de Shakespeare est même parue en 2016 chez Grasset portant ce titre).

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    Quoiqu'il en soit, à Stratford-sur-Avon ou bien à Guéthary, il convient de parler tout bas, si c'est d'amour... Mieux, ne pas en parler mais le faire, c'est tellement bon.