Laissons-le là!
L'Eternité à Lourmarin
Albert Camus
"Il n'y a plus de ligne droite ni de route éclairée avec un être qui nous a quittés. Où s'étourdit notre affection? Cerne après cerne, s'il approche c'est pour aussitôt s'enfouir. Son visage parfois vient s'appliquer contre le nôtre, ne produisant qu'un éclair glacé. Le jour qui allongeait le bonheur entre lui et nous n'est nulle part. Toutes les parties -presque excessives- d'une présence se sont d'un coup disloquées. Routine de notre vigilance... Pourtant cet être supprimé se tient dans quelque chose de rigide, de désert, d'essentiel en nous, où nos millénaires ensemble font juste l'épaisseur d'une paupière tirée...
Avec celui que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n'est pas le silence. Qu'en est-il alors? Nous savons, ou croyons savoir. Mais seulement quand le passé qui signifie s'ouvre pour lui livrer passage. Le voici à notre hauteur, puis loin, devant. A l'heure de nouveau contenue où nous questionnons tout le poids d'énigme, soudain commence la douleur, celle de compagnon à compagnon, que l'archer, cette fois, ne transperce pas."
René Char.
in : La parole en archipel, Gallimard, 1962.
Photo : la tombe d'Albert Camus à Lourmarin, © Sophie Poirier, avril 2008
Commentaires
oui tu as raison , de toute manière je n'ai jamais compris cette curieuse façon de déplacer les sépultures même vers la postérité...les tombes, celle-ci entre autres, ça devrait être comme les souvenirs ( et ici ceux d'une vie un peu moins vieille que la mort) chez Valéry...des bijoux perdus
C'est l'un des côtés Gore de la culture occidentale. Son culte des morts consiste à ne pas leur foutre la paix. Tu me diras, comme tout clamsé, Camus s'en fout : depuis le 4 janvier 60, celui-ci est réputé ignorer tout des déplacements de sa carcasse, hors d'une Facel Vega disloquée, puis jusqu'à Lourmarin, non?..
A mes yeux, ces transports peu communs au goût de cendres ne signifient pas grand chose. Surclasser post-mortem montre seulement que la postérité prend souvent l'allure d'une session de rattrapage. C'est affligeant.
Sutout que son lieu d'éternité me semble des plus magnifiques...
"Il n'y a ni justice ni liberté possibles lorsque l'argent est toujours roi"...
"L'Etat peut être légal mais il n'est légitime que lorsque, à la tête de la nation, il reste l'arbitre qui garantit la justice et ajuste l'intérêt général aux libertés particulières"...
"Un ordre qui consacrerait les puissances d'argent, les combinaisons de couloir et les ambitions personnelles, cet ordre-là ne serait qu'un désordre puisqu'il consacrerait l'injustice"...
Albert Camus, cité par Frank Nouchi dans "Le Monde" daté d'aujourd'hui.
D'une actualité tout cela...c'est d'autant plus à pleurer que le pire se laissait deviner à l'avance...et que voilà on nous en sommes, où ils en sont plutôt: un coup de népotisme aveugle ( jean sans terre et sans défense) par ci, un coup de pouce à " mes potes éclairés " ( le bouclier fiscal, la suppression de la taxe pro) par là, Besson et ses rots bleu roi plus royaliste que...la méritocratie si au fond ça ne revient qu'à nommer deux trois ministres "issus des minorités" comme en passant... et puis bientôt de brandir, à chaque fois c'est la même, leur unique ritournelle de la fin, et le pire ça marche, le spectre de l'insécurité...allez ça ne sert à rien que je m'excite devant le clavier...