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  • Un beau ténébreux (au hasard)

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    Julien Gracq est plus fort que tout, que tous. Je le savais, je le sais, je le redis. Je viens tout juste d'attraper comme ça "Un beau ténébreux" sur l'étagère large de ses oeuvres, lequel n'est vraiment pas mon livre préféré de mon auteur fétiche, et je l'ouvre au hasard. Page 48 (ci-dessus) et aussitôt la magie opère. La littérature à l'état pur comme on le dit d'un diamant, est là, contenue, concentrée sur quelques lignes, une page qui en aspire d'autres, toutes les autres, et le désir immédiat de remonter la source, de revenir à la page une. J'ai des frissons devant tant de style, de subtilité, de sensibilité, d'images, de profondeur, de sincérité, de beauté majuscule... Les larmes pourraient me gagner comme lorsqu'on est - si rarement - saisi par "le syndrome de Florence", dit aussi "de Stendhal". Je me garderai ce soir de mettre au rapport mes livres préférés de JG, par crainte de faire une attaque littéraire, maladie rarissime contractée après lecture de chefs-d'oeuvre, non repérée par le Vidal à dos rouge, et à ce jour inguérissable - et c'est tant mieux ! L.M.

     

  • Chadburn

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    Quel âge ai-je, quinze ans au maximum, mes parents reviennent d'une croisière en Croatie et par là-haut sur le paquebot France où ils retrouvèrent leurs amis Jean-Jacques et Anne-Marie Lesgourgues, qui sont aussi et encore mes fidèles amis (Maman m'avait rapporté ce tee-shirt marqué du plus beau mot qui soit), je porte une casquette de marin car mon père tenait à ce que j'aille au lycée la tête ainsi couverte, et vêtu d'un caban bleu marine, d'un pull marin avec boutonnière sur l'épaule gauche, et d'un pantalon "pan" disions-nous, avec boutonnière en pont sur trois côtés (je ne me souviens pas des chaussures, mais ce n'était pas des bottes bleues), je porte au cou un sifflet de chioulayre pour faire venir les alouettes, lequel ne m'a jamais quitté, et j'actionne l'imposant chadburn de cuivre et de verre (qui trône toujours chez moi, et qui, sauvé de la casse, provient d'un des bateaux de l'armement familial), la photo fut prise par mon ami Peyo Durandeux, qui aurait eu 66 ans ce 17 novembre (nous avions dix jours de différence) si une rupture d'anévrisme ne l'avait pas soustrait à nous le 1er janvier 1999, lors qu'il dansait, à Saint-Leu (La Réunion) dans les bras de sa femme Odile. J'aime ce cliché saisi avec mon Polaroid blanc, un peu construit, mais il lui est pardonné, car nous avions quinze ans, ce devait donc se passer en 1973. E la nave va...

  • enrosadira

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    "Le jour a toujours l'air d'avoir passé une nuit blanche quand il se lève. Les Italiens ont un mot intraduisible pour désigner l'instant où le soleil réveille le monde d'une caresse : enrosadira...", lis-je chez Sylvain Tesson dans Le Point de cette semaine. Le fanatique de l'aube que je suis l'approuve tellement.

    Photos : les barthes de l'Adour du côté de Pey et de Siest (40), un matin de novembre givré comme je les adore).

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  • Con te partiró

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    C'est avec des livres comme ceux-là que l'envie de fuir en Italie m'étreint. Le délicat, sensible, si bien écrit ouvrage de la talentueuse Christiane Rancé (lire ici même l'article sur : Dictionnaire amoureux des Saints), "Bella Italia. Un itinéraire amoureux" (Tallandier) est un florilège de lieux, de sensations paysagères, d'émotions gourmandes et artistiques, car l'Italie est art et ce livre un enchantement de 330 pages, qui nous conduit à Gênes, Venise, Rome, Naples, partout, où l'on croise des peintres et des cinéastes, des écrivains et des mammas généreuses et point caricaturales, ou encore des mafieux par essence caricaturaux. C'est d'une déclaration d'amour qu'il s'agit, et nous devenons au fil des pages nous-mêmes amoureux de chaque centimètre de la Botte.

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    Pour nous épauler avant de nous envoler, Ulysse publie un album très richement illustré de plus de trois cents photos splendides, "Italie. 50 itinéraires de rêve" (titre d'une collection originale chez cet éditeur) qui figure une autre façon de nous inviter à découvrir d'abord ce que nous ne connaissons pas : les Pouilles, la Calabre... Puis à redécouvrir ce que nous pensons connaître de cet inépuisable pays de la sensibilité et de l'art. Désarmement des toboggans. Vérification de la porte opposée... L.M.

  • L'ineffable

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    C’est une pièce plus mince qu’un After Eight, mais ça envoie du menthol pour un moment. C’est une hostie théâtrale, une victime qui fond bien sous la langue, il suffit de fermer les yeux. Et sa teneur est d’une densité épaisse. « Pour un oui ou pour un non », de Nathalie Sarraute (folio lycée, programme du bac, je retombe en arrière enfance...), c’est comac. Son pitch tient en deux phrases. Il est question d’amitié. D’un mot de trop, prononcé – par l’un, à l’autre -, avec une once de mépris et de jalousie mêlés : « C’est bien, ça… ». Genre drop de la dernière seconde. Tout tourne autour de ces trois mots, qui mettent à bas des années d’amitié. Le talent de Sarraute, avec une économie de mots janséniste, fait le reste. Soit « le job ». J’aime...

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    Dans la même collection, nous avons eu le plaisir de relire « On ne badine pas avec l'amour », de Musset, et de découvrir « Le Menteur », de Corneille, formidable échafaudage dramatique sur le thème du quiproquo, l'affabulation. Facétieux, ça aussi... L.M.

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  • Molière à coeur

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    Ceci ne s'adresse pas seulement aux coeurs d'artichaut... Il y eut, pour célébrer l’année Molière (diable ! J'accuse un grand retard...) ce facétieux petit recueil habilement troussé et tendrement illustré par Pascal Lemaître, champion des petits cœurs bien placés, « Parlez d’amour dans la langue de Molière » (à l'impératif), textes choisis par Julie Maillard (éd. de l’aube). Vous allez tout de suite comprendre si j'écris qu'il s'agit d'un livre pour lieu d’aisance, ou bien pour la table sise au chevet d’un lit à deux places, histoire de lui dire avant, ou après : écoute, écoute... Le florilège, extrait des plus fameuses pièces de Molière, s’articule autour du fait amoureux, du combat de l’amour, de l’amour heureux... et se désarticule au moment de l’amour malheureux. C’est tendre, c’est fin, ça pince, ça charme, c’est fort. Molière, quoi. (Extraits ci-après). L.M.

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