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KallyVasco - Page 6

  • tartruffe

    Capture d’écran 2017-02-10 à 13.59.30.pngDifficile d'admettre que le nom de Tartuffe provienne du mot truffe, via l'Italien tartufo, tartufolo, auxquels je préfèrerais pouvoir désigner un tatufo, tatoufo (t'as tout faux, FF)... Tant la truffe (Tuber melanosporum au premier chef) me semble dénuée d'interprétation pouvant être teintée d'hypocrisie, de roublardise, de malin calcul ourdi aux dépens, de bassesse et de couardise marquées des sceaux de l'abus et de l'injustice... Mais au contraire empreints de franchise intérieure. Et extérieure. En tout cas dans les parfums, les saveurs, la façon de se terrer - franche, directe :Capture d’écran 2017-02-10 à 14.13.12.png Je suis là, tu me trouves ou tu ne me trouves pas, mais je ne puis m'échapper ni ne me dissimuler davantage. Je n'ai que mon blindage, ma cuirasse, et mon enterrement pour défense. J'hérissonne, mon cochon! Or, truffe et Tartuffe, chez Molière en tout cas, ont partie liée. Dans L'Obs de ce jour, c'est autre chose. C'est même "à charge". Et en règle. FF peut se faire des cheveux (bouclés). Quelle truffe!

    Capture d’écran 2017-02-10 à 14.24.58.png(Mais, l'étymologie parfois... Voyez bécasse. Cet oiseau tellement subtil que je risque l'adjectif intelligent pour le désigner, avec ses ruses multiples qui mettent en déroute chiens et chasseurs. Le mot désigne une sotte. Or, qu'en réalité, c'est d'un compliment qu'il devrait s'agir). L.M.

     
  • Sagan, enfin

    Avec l’auteur des Bleus à l’âme pour prétexte, je risque une confession intime sur l’apprentissage et l'impulsion littéraires. Je parlerai de son œuvre lorsque je la connaîtrai davantage.

    Capture d’écran 2017-01-31 à 00.47.35.pngNous le savons, mais nous ne pouvons nous en empêcher : Écrire à chaud est néfaste, car peu clairvoyant. J’ai pourtant envie de dire combien « je suis Françoise Sagan », ce lundi soir, et combien « je suis » aussi (quelle prétention !) « Catherine Deneuve » au sommet de sa beauté dans « La Chamade », d’après le roman éponyme du « charmant petit monstre ». Merci à Arte, qui nous a offert un doublé, ce 30 janvier, avec le film d’Alain Cavalier (1968), et le documentaire « Françoise Sagan, l’élégance de vivre », réalisé par Marie Brunet-Debaines, enrichi de la voix et des témoignages infiniment touchants de Denis Westhoff, le fils de Sagan. Cela a permis d'oublier Brigitte Bardot (pourtant si présente, par palimpseste), devant la plastique inouïe de Deneuve. Et de découvrir en profondeur le personnage iconique de Françoise Sagan. Merci Arte pour cette soirée tout en tact, en légèreté, en vol de libellule au-dessus du torrent : Bien davantage qu'un James Dean féminin, Sagan est une hussarde, une femme pétrie de vie, cette chose qu’elle s’employa à brûler (avec élégance) chaque jour, chaque nuit par les deux bouts. 

    Capture d’écran 2017-01-31 à 10.02.22.pngNégligence

    Je confesse – et beaucoup se reconnaîtront dans ce qui suit -, avoir bêtement négligé de la lire durant de nombreuses années, la jugeant trop légère, allant alors jusqu’à me moquer de ceux qui la lisaient, à commencer par ma mère, à laquelle j’opposais Yourcenar, voire Duras, les jours d’égarement ou de colère capricieuse. L’époque n’était pas avare en marguerites, et le socle de la pensée était plombé d’un revêtement sartrien à toute épreuve, bien qu'assez peu résistant. Il fallait « faire genre », lire Barthes qui nous barbait, mentir en affirmant avoir aimé le dernier Sarraute, se jeter sur le nouveau Kundera comme un ovin dévot, faire semblant d’aimer l’engagement et même, déjà, conchier le poétique jugé ringard par de nouveaux tribunaux, de certaines proses somptueuses (le Rostand de Cyrano, le Morand nouvelliste, le Toulet de Mon amie Nane). Jusqu’à ce que Stendhal nous tire par la manche, un soir de lecture clandestine car tardive et sous les draps, d’un Dumas de fortune ou d’un Pergaud de contrebande, en nous chuchotant que « La politique dans un roman, c’est un coup de pistolet dans un concert ». Tout devint lumineux. Nous étions jeunes.

    Lumière

    Le déclic avait eu lieu timidement en classe de première, avec des extraits de Vents et d’Amers, de Saint-John Perse, et la bombe Alcools, d'Apollinaire, éveillé par un prof de Français iconoclaste (Lycée de Bayonne, 1975 - je resitue).

    Puis vint la vraie lumière, l’effet détonateur, cette lumière qu'alluma un ami, en me faisant découvrir pêle-mêle Blondin, Nimier, Drieu, Chardonne, mais aussi Huysmans, Barbey d'Aurevilly, Frank, Cioran, des écrivains éloignés d’une littérature de gauche engoncée et triste dans laquelle je me complaisais. Nous dévorions tous deux les livres plus vite que les termites les poutres et mon chien de chasse sa gamelle. Mon appétit accrût singulièrement au contact de cet ami littéraire capital. Nous poursuivions des études à Sciences-Po Bordeaux (ou bien c'était l’inverse : des études nous poursuivaient et nous nous planquions chez Mollat), car on se fichait pas mal de la politique (nous n’aurions cependant raté un cours de Jacques Ellul sous aucun prétexte). Mais nous préférâmes, une fois nos études achevées, oser invectiver Philippe Sollers dans un restaurant, d'une table l'autre, et mon ami aller chiper le courrier coquin de Gabriel Matzneff directement dans sa boîte aux lettres, rue des Ursulines, ce à la faveur d'une virée parisienne placée sous le signe de Léon Bloy et de Dominique de Roux. Nous étions de vrais sales gosses...

    Merci par conséquent à Benoît Lasserre, qui fit office de déclencheur décisif et d'accélérateur incisif. J'avais peu lu, jusque là. Un peu de Kipling et de London, Hamsun et Hölderlin avec passion, les Romantiques allemands, je dévorais la poésie française du XIXè, et puis Vesaas, Ramuz ; mais Lucky Luke surtout. J'avais cependant déjà placé Char et Gracq (découverts le 7.7.77) au-dessus de tous de façon péremptoire.

    Serait-ce grâce à M. Louis, le prof de Français et à mon ami que j’ai commencé d’écrire des livres... Si j’étais présomptueux, je risquerais la comparaison suivante : Mr Louis et Benoît figurent ce qu'ont pu représenter ensemble l'instituteur Louis Germain, Pascal Pia et Jean Grenier pour Camus.

    Stupéfaction

    Sa culture, déjà grande (nous avions vingt ans et des poussières), il la partageait avec moi comme le pain, en me tendant la plus belle part à chaque occasion, et elles étaient quotidiennes. Je découvrais une autre littérature, un pan complémentaire, en somme. Je mis un temps mon obsession de la Nature entre parenthèses (Rousseau, Giono, Genevoix, Moinot, Stevenson) ainsi qu'une attitude bornée qui boutait hors de ma jeune bibliothèque tout livre se déroulant peu ou prou en milieu urbain, car cela m’asphyxiait dès les premières lignes. Ainsi n'ai-je pu lire Proust que fort tard. 

    Aussi, Sagan. Jamais lue jusqu'à il y a peu. Sauf « Bonjour tristesse », mais en le rangeant par la suite dans un coin reculé des rayonnages. Qu’est-ce qu’on peut être bête, snob et bête, quand même… Ce côté petit-intello-de-gauche, sans réel fondement, a longtemps collé à la peau de nombre d’entre nous. Je fus même offusqué, un jour que je rendais visite à Julien Gracq à Saint-Florent-le-Vieil, de voir en arrivant, posé sur la grosse télévision, reposant sur Télé 7 jours, le dernier Sagan. Je crois que c’était « …Et toute ma sympathie », à moins que ce fut « Derrière l’épaule », c’est possible aussi. Je n’en suis pas certain… C’était comme si mes yeux étaient tombés sur un Marc Lévy en visitant Flaubert à Croisset ! Allez comprendre. Allez comprendre comment, avec le temps, nous revenons – ou plutôt nous allons enfin – vers des Sagan, après les avoir négligés, méprisés au nom d’une barre placée haut, au nom d’une certaine idée prétentieuse, pédante, hautaine au fond, de la littérature.

    Ou alors, ou alors. Ou alors… notre époque décline (c'est un fait), au point que l’inculture, la déculturation ambiante, une certaine ignorance assumée, nous font mettre désormais la barre plus bas, là où ça nivelle, nous pousse à délaisser ce qui provoqua nos décharges d’adrénaline littéraires les plus fortes, et qui se trouve à présent relégué au rayon du trop littéraire, du compliqué, étiqueté prise de tête, donc superflu... De la même manière que nous jugions faible ce vers quoi je me rends ce soir avec délice : « la petite musique Sagan », ce style dépouillé et cheminant, ce côté romancière du couple comme le fut Moravia, ce timbre que les films de Claude Sautet possèdent, ces chansons d’Aznavour qui touchent les quadras adultères…

    Perspicacité

    Je trimbale avec moi depuis plusieurs jours un livre formidable de Sagan :Capture d’écran 2017-01-31 à 09.56.59.png « Chroniques, 1954-2003 » (Le Livre de Poche, dans une édition reliée, comme les « poche » ont pris l’habitude d’en produire à l’approche des fêtes, et qui hisse le format au rang d’ouvrage de collection). Ce sont ses articles (les chroniques sont des articles endormis, écrit Denis Westhoff dans l'avant-propos) sur tout et rien, parus dans L’Express, ELLE, Femme, Egoïste, Vogue, La Parisienne… Les textes sur Verlaine, Depardieu, sur Capri, Naples, sur la mode, le rugby, la lecture ou encore Orson Welles… sont des petits joyaux. C'est stylé, diraient les jeunes, espiègle (une marque de fabrique) et perspicace. L’auteur de tant de romans délivre aussi une écriture journalistique de talent.

    Car, sous ses airs distillés et shootés, sous ses paupières tellement lourdes qu’elles donnent envie de tomber avec elles - à l’instar des seins de Billie Holiday, et derrière une légendaire frange blonde bien commode, Françoise Sagan porte véritablement, passé le masque de la pudeur et de la distinction, un regard percutant et précis sur les êtres, les sentiments et sur les choses, comme une flèche décochée trouve le mille sans aucun bégaiement. Alors oui, ce plaisir tardif de retrouver quelque livre racorni publié par Julliard ou Flammarion et au titre singulier emprunté parfois à Éluard –un titre saganien (ça se dit ?), faire provision de quelque Pocket à la couverture douce et claquante, puis lire peinard, désinhibé, procure un plaisir simple incroyablement bienfaisant. Merci par avance, Françoise Quoirez, de Cajarc (Lot), car nous n’avons pas fini de découvrir vos sortilèges. L.M.

     

  • déconnectionature

    Capture d’écran 2017-01-29 à 13.47.26.png

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Voilà un drame auquel je pense de façon récurrente depuis que je suis devenu père. Vivre au plus près de la Nature, en oublier sa nature humaine, tenter par tous les moyens de nous confondre avec le monde animal, afin d'être accepté par lui en ses territoires, pratiquer l'approche, le mimétisme, l'oubli absolu de soi et de notre culture, de nos repères, pratiquer l'imprégnation au plus près, retrouver avec un bonheur ineffable notre instinct enfoui - autant que faire se peut -, est non seulement un plaisir (le plus grand que j'ai jamais connu, éprouvé, ressenti de toutes mes fibres d'homme sensible), mais une nécessité; désormais. Car, nos enfants : les miens d'abord, les tiens ensuite, lecteur, n'ont hélas qu'une vague idée de la prédation et de sa nécessaire cruauté (un concept culturel, déjà - ça commence!), condition sine qua non de la survie de chaque espèce dans la chaîne écologique, alimentaire et blablabla. Ils ne savent souvent de la viande qu'une barquette blanche recouverte de cellophane avec un extrait posé à plat, froidement, entre. Et refusent de savoir l'entre deux : l'entre vie-et-mise au rayon frais. C'est bien sûr désolant, attristant même. Y remédier semble aujourd'hui peine perdue, tant la "décadence" (annoncée par Michel Onfray), semble en marche. Donc, la déconnection. Un mal planétaire. Celui de l'intermédiaire, du filtre virtuel, celui de l'Internet - je ne ferai pas de dessin, c'est inutile. Chacun comprend. Cette déconnection-là, la Terre la paiera cher. Car, pour une fois, la méconnaissance du "terrain" va plomber durablement l'espèce humaine. Parce que, au fond, chacun s'en fout et se contente de dédouaner sa conscience en "likant" tel truc ou telle cause sur un réseau social. Affligeant, non?.. L.M.

     
  • Clémentine

    photo bouteille clémentine.jpgCette splendide eau de vie de clémentine corse bio, c’est du pur fruit que l’on « mange » tandis que nous la humons longuement, puis la dégustons lentement, au goutte à goutte, et c’est aussi comme un panier de clémentines chaudement cueillies que l’on a respirées sur l’arbre, juste avant d'en éplucher quelques unes. C’est magique. La distillation est décidément une alchimie. C'est l’art de déstructurer (à leur arrivée, les fruits sont découpés à la main et mis à macérer), dans le respect absolu de la matrice, le produit « mère ». Ce que Martine Brana réussit à faire, avec ce nouvel opus - ajouté à la gamme prestigieuse de la distillerie Etienne Brana, dont elle est la talentueuse héritière. Voici la quintessence du fruit, une sublimation par la transparence éloquente de l’alcool. Bonus esthétique et séduisant, le flacon est d’un chic redoutable. Aussi troublant que ceux que l'on aperçoit encore, dans certaines pharmacies anciennes, sur l’étagère tout là-haut. Aussi fascinant qu’un élixir de longue vie embarqué par quelque grand marin explorateur du XVIII ème siècle, et que l’on dit capable d’affronter, en pensée - en pensée seulement-, les 40 èmes rugissants, le scorbut, la dysenterie, les Indiens et toutes les tempêtes de l’âme. Et du coeur aussi…

    Capture d’écran 2017-01-20 à 17.33.18.pngDonc, cette Clémentine. Qui résonne dans ma mémoire2016-12-14 01.16.04.jpg familiale… Car, ce fruit fut inventé  dans le verger de mon grand-père, au domaine Pont-Albin, sur la petite commune de Misserghin, située sur les hauteurs d'Oran. Une modeste orangeraie (avec des biagaradiers) qui devint le terrain de jeu expérimental du Frère Clément (Clément Rodier, 1839-1904), religieux spiritain. Le bien nommé était davantage attiré par la perspective d'effectuer des greffes dans le verger providentiel, que par l'orphelinat voisin dont il avait la charge... Il créera ainsi la mandarinette, rebaptisée plus tard clémentine, réputée sans pépins, à la différence de la mandarine; avec le succès que nous savons. En 1962, les nombreux pieds-noirs qui fuirent en Corse, ou qui retrouvèrent l'île de Beauté, y firent prospérer ce fruit nouveau. Aujourd'hui, 98% des clémentines en proviennent.

    Capture d’écran 2017-01-20 à 17.38.22.pngJe la savoure, cette Clémentine, comme je boirais l’eau glacée d’une source de montagne, à plat ventre contre le torrent, après une longue et rude randonnée on ne peut plus assoiffante, à cause du fil à retordre que des isards, et des truites fario nous auraient procuré.

    Et, c’est encore là, le miracle : cette eau de vie (44°) est un don, une apparition troublante. Une aventure sensorielle. Une émotion. A partager. Comme il convient de continuer de répandre la bonne parole à propos de la Prune, de la Poire et  de la Framboise issues de la distillerie artisanale basque. L.M.

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    812 flacons de 50 cl seulement. 80€ Sur réservation : Brana

    L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

  • Le Parler pied-noir en poche

    photo 2.JPGC'est étrange, et flatteur, de se retrouver aux côtés de Nicolas Bouvier (Journal d'Aran et autres lieux), d'Anita Conti (Racleurs d'océans), d'Alexandra David-Neel (Au coeur des Himalayas), d'Ella Maillart (La Voie cruelle), ou encore Werner Herzog (Sur le chemin des glaces), dans cette collection Voyageurs de la Petite Bibliothèque Payot.

    Mon Parler pied-noir arrivera donc en librairie le 18 janvier. Il s'agit de la réédition en format de poche de mon long-seller, paru en 1989 chez Rivages et constamment réimprimé depuis. Purée!..
    J'ajoute qu'il s'agit d'une nouvelle édition revue et - considérablement - augmentée (192p. 8€)

     
     
     
     
  • je me calfeutre

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    Le calfeutrage est une prison volontaire d’une grande douceur. On se love, on tourne en rond comme un chien au-dessus de sa couche, et pour un peu nous gratterions instinctivement, comme lui (et de manière totalement absurde, mais l’instinct n’est-ce pas…) jusqu’au carrelage, afin d’y trouver la chaleur imaginée sous la terre froide en sa surface. « Je me calfeutre », dit Cyrano. J’aime ce « feeuutre ». Le sentez-vous seulement? Il dit tout de ce que nous prenons alors soin de dissimuler avec circonspection : nos pieds d’abord, notre cou, nos extrémités, sauf le nez, quoique. Sous le plaid, la couverture, la couette, l’ensemble couvrant, le toit de la tente, même si celui-ci nous prive de la voute céleste et étoilée. J’ai vu des kayaks transparents à Mayotte. Quelle divine invention! Existe t-il des tentes translucides, comme à l’hôtel merveilleux « Aire de Bardenas », en Navarre, soit en plein désert, qui puissent nous offrir la possibilité de faire l’amour tout en regardant Orion ou la Grande Ourse – ce qui n’empêche aucune jouissance, bien au contraire. Aujourd’hui, 8 janvier, il ne fait pas chaud, et un tel euphémisme est toujours « le moins que l’on puisse dire ». Ou écrire. J’ai pourtant une furieuse envie d’enfiler une combi intégrale, de prendre une planche et d’aller, de courir, surfer. Glassy. Un mètre, un mètre cinquante, La Chambre d’Amour, ma chambre d’amour, des vagues accortes, avec des tubes ronds comme la nuit opportune, un vent d’Est, un ciel bleu pur et dur, un horizon sans promesses, pour une fois. « Que faire ? », dirait Lénine. « Foncer », répond Macron. Et vlam ! Mon époque me désespère, « la marée montante de la bêtise » (Camus) me rattrape. Faute de cieux, je choisis de lire Onfray pour tenter d’oublier tout ce bastringue. Nous surferons un autre jour. L.M.

     
  • Déon, addendum

    photo 1-1.JPGJ'ai retrouvé, plié en quatre dans mon exemplaire de Bagages pour Vancouver dédicacé par Michel Déon, cette page que j'ai rédigée pour « Sud-Ouest Dimanche », et parue il y a plus de 31 ans, le 8 septembre 1985 – putain, 31 ans !.. (A l'époque, Pierre Veillettet me laissait carte blanche dominicale). Outre le papier consacré à Déon, il y est question du délicat Charade, d'Anne Bragance : Les caprices du destin, et de quelques perles : Parvenir, haïr, perdre : Mes chers enfants, d'Yves Laplace, Tott, de François Tallandier, Tabou, de François Rivière, Tout l'été, de Jean Blot, et enfin de Mohican de Christian de Montella. Voici le papier sur Michel Déon, intitulé :

     

    LA VIE N'ATTEND JAMAIS

     

    « Mes arches de Noé », deuxième : Pour cette rentrée, Michel Déon nous offre une nouvelle galerie de portraits souvenirs avec « Bagages pour Vancouver ». Précipitez-vous !

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    En marge de cette rentrée aux allures d’un lâcher de chiens affamés (lesquels auront un os ?), pas même annoncée sur les listes des parutions officielles, la sortie du nouveau livre de Michel Déon, « Bagages pour Vancouver » (La Table ronde), est aussi discrète que les couleurs de sa jaquette sont douces. Bouffée d’air pur ! « Bagages pour Vancouver » est le second volume de « Mes arches de Noé », recueil de récits entrecoupés d’une vie, celle de Déon. Le premier volume racontait la découverte de Spetsai, en Grèce, le Portugal de Chardonne, l’amitié de Kléber Haedens (les plus belles pages du livre), celle de Morand, de Cocteau et de tant d’autres îles…

    photo^^.JPGLe second est du même cru. L’auteur poursuit l’évocation de ses souvenirs, de ses amitiés, de ses voyages. C’est un Déon amoureux de la vie et désireux de la vivre avec fureur, qui nous apparaît ici. Conscient, comme Balzac, qu’une nuit d’amour, c’est un livre en moins, Michel Déon vit malgré tout à pleins poumons, touché par une des grâces de l’existence : une entière et permanente disponibilité. Sur la route de Port Lligat, où l’attend un Dali obsédé par sa philosophie du pet, Perpignan surprend le jeune reporter Déon au moment des ablutions matinales de la ville. Dali attendra ; la vie, elle, n’attend jamais.

    « Les gens de la nuit » écrivent le jour

    Fonceur, bringueur, Déon traverse en gourmand raffiné le Paris des années de béton (les années Sartre), avec des copains capables de désarmer toutes les tyrannies intellectuelles. Qu’ils s’appellent Laurent, Blondin, Nimier, Fraigneau, Laudenbach ou Hecquet (que La Table ronde ferait bien de rééditer) (*) tous ces gens préféraient les gueules de bois aux langues de plomb.

    C’est l’époque des reportages pour « Match », des lectures pour Charles Orengo, à la fois César, Machiavel et Chateaubriand des éditions Plon ; l’aventure bénie de « La Parisienne », jusqu’à ce que le Nouveau Roman pose sa cafetière sur la table et la nouvelle critique ses scalpels sur le billard. Ce sont les nuits alcoolisées, « rechargées » aux Halles et achevées entre les seins de jolies filles sans bas bleus… N’importe ! Ces jeunes dilettantes à l’ambition bien vertébrée savaient être jansénistes le jour. Ce sont encore les virées à « La Bourdette », chez Haedens, les blagues caustiques de Nimier, qui firent de lui un mythe plus qu’un écrivain… La découverte de la petite musique Sagan, l’amitié irlandaise avec Christine de Rivoyre, l’hommage au grand Fraigneau, qui répétait à ses cadets (dont Déon), que la vie est aussi une fête, que les moralistes sont des raseurs et l’amour un plaisir de civilisé. Bref, ce sont les années folles des hussards, vécues à 200 à l’heure dans la « Gaston-Martin » (un surnom attrapé devant chez Gallimard) de Nimier. Cette galerie de portraits-souvenirs, parfois émouvants (sur la tombe de Paul-Jean Toulet à Guéthary, chez une ancienne conquête à Saint-Jean-de-Luz), sont autant d’hommages aigres-doux rendus à une époque perdue, lost, et que Déon semble regretter : sans doute a-t-il à présent le sentiment d’être devenu un de ces aînés dont il croque admirablement le profil…

    D’entre tous, c’est celui de Coco Chanel qui reste au fond du verre. Magnifiée, telle qu’on la devinait, la grande dame ouvre le livre en nous apparaissant dans toute sa noblesse, vêtue d’un tailleur de tweed blanc et d’un immuable canotier, un soir de Noël, dans sa chambre au Ritz. Cette nuit-là, Déon l’acheva calé dans un fauteuil, dans son appartement de la rue Férou, en compagnie d’Angelo Pardi et de Pauline Théus, les personnages principaux du « Hussard sur le toit », de Giono (autre émotion vive). Ce fut une nuit inoubliable, gravée à jamais dans la belle mémoire du plus stendhalien de nos écrivains. « Remettez-nous ça ! », dira Blondin.

    Léon Mazzella

    Sud-Ouest Dimanche, 8 septembre 1985.

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    (*) C’est fait, depuis.

  • Déon

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    Je reprends la seconde édition de mon premier roman Chasses furtives, augmentée d'une préface de Michel Déon avec une certaine émotion, depuis que l'auteur des Poneys sauvages a disparu. Je lui dois d'ailleurs le Prix Jacques-Lacroix de l'Académie française que ce petit roman reçut à sa parution deux années avant cette réédition, laquelle date de 1995, comme je dois à un autre grand académicien disparu, Pierre Moinot, le second prix que le livre reçut (le même jour, d'ailleurs), le prix François Sommer. Il y  a eu une troisième édition depuis (*), et - imbécilement -  j'ai cru bon de ne pas y inclure cette préface. C'est con. Et je m'en veux, ce matin. J'ai relu également toutes les lettres que Déon m'a adressées depuis Old Rectory, Tynagh, Co. Galway (Irlande), au fil des années, ainsi que les quelques articles que j'ai pu écrire sur ses livres, en particulier Bagages pour Vancouver (pour Sud-Ouest Dimanche). Aussi, unephoto 2.JPG certaine mélancolie me saisit, et je revois par exemple Michel Déon dans ma voiture, une VW Polo noire, à Bordeaux, dans laquelle j'avais laissé Athos, mon griffon korthals, le temps long de notre dîner en tête à tête au Chapon fin, chez Francis Garcia, un soir de novembre 1987.

    Le clébard fit une fête de tous les diables à Déon, lorsque celui-ci se glissa dans un habitacle enrichi de parfums capiteux à faire fuir toute femme, et tandis que je m'excusais pour l'enthousiasme débordant de mon sauvage à poil dur, Michel caressait le chien à qui mieux mieux tout en m'engueulant copieusement pour ne l'avoir pas amené au restaurant (nous nous étions retrouvés au Chapon fin et je le raccompagnais à son hôtel). Là-dessus, il ajouta que son invitation à venir chasser la bécassine sur ses terres irlandaises ne pourrait cependant pas se réaliser en compagnie d'Athos, pour des raisons de quarantaine dissuasives. Et il le regrettait pour lui, pas pour moi! Un souvenir parmi d'autres... L.M.

    (*) Editions Passiflore, 2012.

  • L’exotique du quotidien

    Qu’on ne se méprenne pas, il s’agit là d’un plaisir de physionomiste, pas de fan. D’un plaisir d’ornithologue, aussi. Reconnaître un oiseau en vol par grand vent debout, ou un écrivain qui s’engouffre dans une voiture, est un plaisir égal, qui trouve sa source dans la re-connaissance. Le salaire de la mémoire est un juste plaisir.

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    Musarder à Paris présente l’avantage d’y croiser « des gens ». Il y a quelques mois, par exemple, j’ai vu Anouk Aimée boulevard Raspail, et je fus frappé par la classe intacte d’une femme splendide. Je garderai toujours l’image de son regard qui croisa le mien, devant la librairie Gallimard, où j’espérais qu’elle fasse une halte. J’aurais alors poussé la porte sans effort afin de prolonger l’observation. Un après-midi, tandis que je trafiquais parmi les « collection Blanche » dans cette belle librairie, c’est François Mitterrand, alors locataire de l’Élysée, qui s’y arrêta, et y acheta quelques ouvrages. Sa présence envahît absolument le lieu comme un chant de silence. Aujourd’hui –cet après-midi, lundi 19 décembre, c’est Emmanuelle Béart que j’ai vue rue Gracieuse, mais comme elle était emmitouflée à la manière d’un bébé Inuit calé dans sa poussette, il a fallu qu’elle me frôle pour que je la reconnaisse. Je ne sais qui, du succès ou des frimas, l’oblige à se dissimuler sous la silhouette de Bibendum. Il m’arrivait, il y a quelques années, de prendre le bus n°83 en même temps que Laetitia Casta, et mon cœur cognait tellement que je regardais ma chemise, car je pensais naïvement qu’elle pouvait la voir trembler. Un peu comme lorsque, dans une autre vie, j’approchais à plat ventre un cerf ou un vol de vanneaux. Quand François Cheng monte dans le n°27 en même temps que moi, cela me procure une émotion poétique, davantage empreinte de sagesse. Mon cœur demeure au ralenti. Croiser régulièrement « ceux du quartier », les familiers, ou ceux qui y frayent fréquemment : Jean-Pierre Léaud, Daniel Pennac, Jacques-Pierre Amette, Monica Bellucci et ses filles, Tahar Ben Jelloun, Nancy Huston, les époux Tiberi, Hervé Vilard, Mathilde Saignier, n’émeut guère plus. C’est s’ils viennent à manquer au paysage que l’on s’interroge, puisqu’ils en dessinent pour partie les contours. Et je cite ces noms comme j’énumèrerais chevalier gambette, courlis corlieu, pluvier doré, bécassine sourde, sarcelle d’hiver et râle des genêts – pour me limiter à un biotope de zones humides, lequel a ma préférence… Tu as pris quoi aujourd’hui ? (tu as vu qui, tantôt). Je plumerai plus tard (je te raconterai les rues) – envie d’un hot whiskey et d’un disque de Savall, avant, je déchausse, décompresse, puis je m’occupe de tout, chérie… En revanche, ce qui émoustille, c’est de voir une espèce égarée, comme on le dit d’un oiseau migrateur repéré hors de ses couloirs et territoires habituels. Soit, un germanopratin à Belleville, ou un people du 7ème en plein 13ème. Pour un peu, nous serions tenté de lui demander visa et carnet de vaccination. Car, rien n’est plus simple que de vouloir observer une concentration d’écrivains du côté de l’Odéon, puisque c’est leur réserve, leur lieu de gagnage. La trophéite y est fastoche. Il n’y a qu’à zyeuter dans le tas… Non, plus excitants sont la billebaude et l’approche, surtout. Lorsque je vivais encore à Bordeaux, et que je correspondais seulement par lettres avec Julien Gracq, il m’arriva de venir à Paris (juste) pour y jouer le paparazzi-ornitho rue de Grenelle, afin de guetter sa sortie de chez lui; il vivait au n°61. J’eus un foudroiement incandescent dans le ventre lorsqu’il apparut, vêtu d’un manteau gris à chevrons et la tête recouverte d’une toque en Astrakan. Lorsqu’il disparut, happé par l’escalier, à l’entrée du métro Bac, je fus saisi d’un vertige douloureux, comme si je m’étais trouvé au bord d’une falaise de la côte normande, par vent arrière… Aujourd’hui, je me souviens aussi de grands disparus, croisés au hasard des rues : Emil Cioran, Albert Cossery, Antoine Blondin… Et aussi de moments : Patrick Modiano, le bien vivant, photocopiant Un pedigree, rue de Vaugirard, tandis que je photocopiais aussi un truc à côté de lui. Là, j’étais sans planque, sans jumelles, et l’oiseau (pas) rare – il habite à un jet de galet de là -, s’était posé devant mes bottes, bécassine se laissant tomber comme une pierre, au mépris de toute méfiance, entre chienne et louve, dans un marais accorte et avec force « ffrrrrrt » produit par les plumes de sa queue. Ce qui pour moi, encore aujourd'hui, symbolise la confiance aveugle absolue… Mais la faune que je préfère, c’est celle à laquelle je rends fréquemment visite, quand je le souhaite : les animaux du zoo du Jardin des Plantes sont mes potes. Une faune emprisonnée. Je leur fais donc des coucous de courtoisie, non sans une certaine tristesse, que je tache de dissimuler de mon mieux. Il m’arrive de parler à un oryx, à une chouette harfang, à un orang-outan, à un ara, une panthère des neiges. J’agis discrètement, afin de ne pas éveiller le regard de mes congénères, qui serait torve. J’ai de l’amitié pour les nombreuses corneilles qui prospèrent là - pourtant, elles sont invasives et de plus en plus arrogantes -, pour les palombes si grasses qu’elles répugnent à voleter jusqu’aux jardins du Luxembourg voisins, et pour les faucons crécerelle au vol furtif et rasant, qui ne cessent de chasser au-dessus de nos têtes. Et c’est ainsi que Paris est grand. L.M.

    Photo de bécassine des marais : © J.-P. Siblet

  • Exaspération (le billet dominical)

    Capture d’écran 2016-12-17 à 13.59.06.png« La pub tuera Internet, si cela ne change pas », me disait Solene, une de mes anciennes – et brillantes - étudiantes en journalisme, lors d’un déjeuner. L’agressivité, la façon brutale que la publicité adopte pour s’imposer sur nos écrans dès que nous effectuons la moindre recherche, non seulement empêche, retarde, mais exaspère. La pub sur l’Internet, c'est comme ces gens qui montent dans les transports en commun sans attendre que vous en descendiez, en vous bousculant. Bien sûr, il existe des pare-feu plus ou moins efficaces. Bien sûr, nous avons acquis des réflexes, par soumission : lire le temps restant de la pub, couper le son, détourner le regard, soupirer et faire autre chose, ou bien, s’il ne s’agit pas de vidéo, attendre que le visuel disparaisse. Subir. Sans capituler… Au résultat, nul n’a envie d’être sympa avec ces buffles numérisés, quoi qu’ils veuillent nous vendre. La pub, tyrannique, ne semble pas le comprendre. Cela ressemble étrangement à l’atmosphère ambiante : terrorisante, sans altérité ni écoute, ni bienveillance - en un mot, dictatoriale : je n’aime pas la viande, alors je stigmatise le carnivore en affichant un véganisme hystérique. Je n’aime pas la chasse, alors je réclame la mort d’un dentiste chasseur de gros. Je n’aime pas la bagnole, alors je raye toutes les carrosseries, depuis mon vélo. Je n’aime pas ta religion, alors je vais t'en ôter le goût. L’époque, délinquante et déliquescente, liberticide et intolérante, semble sous tension maximale : si tu me frôles encore, j'explose, et ça explose. Take care, Solene… L.M.

    Photo : Extrait d'un visuel de campagne de la RATP. 

  • Fifi Arrambide

    Capture d’écran 2016-12-12 à 19.26.01.pngDes dizaines de dîners, et autant de déjeuners ensoleillés, surtout au moment de la palombe. Combien de fois nous sommes-nous assis aux Pyrénées ? - Dieu seul le sait. Avec Firmin (Fifi) Arrambide, nous avons même espéré l'oiseau bleu ensemble sur son petit col, à Saint-Sauveur, où je me rendais parfois dès avant l’aube, sans lui. Puis, je venais m’attabler. On grignotait, on rigolait. C’était devenu un ami. Au début, le critique gastronomique que j’étais pour GaultMillau m’interdisait toute familiarité, et puis nous avons vite su que chacun resterait intègre, honnête, et nous sommes devenus des potes, même si, avec le temps, je « montais » plus rarement à Garazi. Firmin possédait la discrétion des grands, la pudeur des talentueux qui ne la ramènent jamais. D’aucuns le disaient même trop effacé, lors qu’il était juste lui-même : simple et franc comme sa cuisine. Droite, pure, par amour du produit, et délicatement subtile. La meilleure du Pays basque nord durant tant et tant d’années. Ton saumon de l'Adour, Fifi, ton tronçon généreux de turbot, ton salmis de palombe reloaded, si allégé, ta salade d'ailes du même oiseau grand migrateur, avé son magret juste-aller-retourrr comme tu disais (à Paris, ils disent snacké), au cèpe cru croquant et à l'huile de noisette, tes ris d'agneau de lait chouria croustillants dehors et fondants dedans - purée ceux-là, et ton lièvre à la royale, ah celui-là... Je les ai tous convoqués, ce soir, au Quartier Général de ma mémoire gourmande, même tes huîtres chaudes, là, que bof, hein, oui, bon... Et je lève un verre d’Irouléguy de notre ami Jean Brana, ton voisin, à ta belle santé là-haut, Fifi. J’embrasse ta famille. Immense pensée pour Anne-Marie. Et gloire à Philippe! Léon

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    Firmin Arrambide, chef talentueux - quarante années durant - du fameux restaurant Les Pyrénées, à Saint-Jean-Pied-de-Port (64), est décédé dimanche d'un accident vasculaire, à l'âge de 70 ans. Son fils Philippe est aux commandes du piano depuis bientôt dix ans.

     

  • Le billet dominical

    Capture d’écran 2016-12-11 à 20.23.45.png

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Avec toutes ces mauvaises nouvelles environnementales qui à la fois nous glacent les sangs et nous donnent des coups de chaleur au ventre, je me demande si nous pouvons encore oser dire qu’entre nous, il faut briser la glace – sous peine d’agir contre la planète en faisant monter le niveau des océans en même temps que celui de nos sentiments -, et si, en colère, nous devons nous abstenir de menacer de montrer de quel bois nous nous chauffons – au risque de générer un surcroît mental de particules fines… Ah, nos amis les mots. Pollueraient-ils ? Qu’ils puissent tuer, oui. Néanmoins, ils donnent avant tout à penser, et pansent un peu tout. Mais si… L.M.

  • Caïn caha

    téléchargement.jpeg« L’Aigle et l’enfant », film de Gerardo Olivares et Otmar Penker, avec Jean Reno, Manuel Camacho et Tobias Moretti (sorti en juillet 2016). 

    Abel et Caïn. Le parent défunt, l’autre devenu impuissant, et ici il est violent. Lukas, l’enfant, Keller le père. Le chasseur impitoyable. La mère a péri dans l’incendie de la maison. Le fils unique et inconsolable est devenu sauvage. Il parcourt la montagne. Trouve un aiglon tombé du nid, poussé par son frère aîné, le plus fort de l’aire, qui voulut le tuer. Il le nomme donc Abel. L’affaite clandestinement, dans la ruine de la maison brûlée, à l’insu de son père, qui traque aussi les aigles avec son fusil. Lukas rencontre Danzer, le garde forestier, qui comprend tout, et prend peu à peu l’enfant sous son aile. Il lui apprend à dresser Abel, et le protège du père, des loups, et des pièges à mâchoires… C’est un film un peu too much, mal fagoté certes, avec un discours off récité par Jean Reno/Danzer, mièvre comme peut l'être une page de Paolo Coelho. Cependant, les paysages et les scènes de vol, de chasse de l’aigle surtout, sont inouïs.

    J’ai vu ce film ce samedi soir, et je l'ai aimé, car - c'est personnel -, je me suis retrouvé enfant, adolescent,téléchargement (4).jpeg jeune adulte, dans la peau et dans l’esprit de ce gamin. Autant dire que je me suis vautré dans la pellicule comme un sanglier dans sa souille. Ma passion de la fauconnerie, ma rencontre capitale avec un aiglier exceptionnel (Jean-Jacques Planas), ma volonté profonde d’atteindre coûte que coûte une communion maximale avec la nature, m’y fondre afin de tenter de me faire accepter par le monde sauvage, en (re)devenant moi-même animal, débarrassé de ma (peau de) nature humaine…

    Pour tout cela, chacun peut s'approprier des pans du film à sa mesure, et s'identifier comme on dit. Il s'agit d'une oeuvre qui « parlera » davantage à certains qu'à d'autres, car il s'agit d'un film empathique. C'est une vraie grande émotion, malgré sa friche, et son chablis d’imperfections. L'indulgence gouverne par conséquent, et s'incline devant un film animalier de haut-vol (avec jeu de mots), puis face à un film sensible sur l'enfance fragile, poétique, et avec une histoire d'hommes, de transmission, et de blessure maladroitement perçue, mal pansée, sinon par l'étranger à l'affaire... Grosses ficelles, diront les esprits chagrins et citadins. Et même si la faille de l'histoire est un grand sujet maltraité, ici, il faut le voir, au moins si l'on aime la montagne et les oiseaux de proie.


    téléchargement (2).jpeg« L’Aigle et l’enfant » est par ailleurs à rapprocher du splendide « Kes », de Ken Loach (1969), d’après le livre (captivant) de Barry Hines, dans lequel un enfant, Billy, issu d’une ville minière du nord de l’Angleterre, déniche et dresse, à l’insu de sa famille, un niais – un jeune faucon (crécerelle) -, qui illumine sa vie...

    Et, dans un genre voisin, le film d'Olivares est à rapprochertéléchargement (1).jpeg également du sublime « Les Saints innocents », de Mario Camus (1984), d’après « Los Santos innocentes », roman fort, essentiel, de l’immense Miguel Delibes, et où le personnage infiniment touchant d’Azarias, vieux paysan ingénu, parle aux oiseaux, notamment à une corneille nommée Milan. Et c'est bouleversant… L.M.

  • L'Alsacien réconciliant



    Capture d’écran 2016-11-25 à 13.40.50.pngIl se nomme Riquewihr, comme la ville. Le château éponyme, donc, de la maison Dopff & Irion, à Pfaffenheim, où crèche la Cave éponyme elle aussi, produit des vins d'une grande franchise intérieure, et d'une sècheresse qui flirte avec le chic sans l'austérité, la pureté sans artifice aucun, fut-il (sans jeu de mot reposant sur une allitération) juste défini en termes de sucrosité. Le Riesling Les Murailles 2010 est une bombe d'essence originelle d'un cépage trop souvent noyé dans un sirupeux modeux qui le travestit. Et, comme le vin, surtout lorsqu'il est issu d'un seul cépage, ne dit mot (mais ne consent pas pour autant), à l'instar du poisson pris à la ligne, sonCapture d’écran 2016-11-25 à 13.41.22.png silence couvre tous les excès réitérés ad nauseam. (Si les poissons hurlaient au bout de l'hameçon, et si le riesling sucré à souhait gueulait lorsqu'on le verse, il en irait autrement dans les cours d'eau, les océans, les mers, et les coteaux pentus d'Alsace, et d'ailleurs...). Soit, ce riesling : une pure merveille, droite, minérale un peu, acide - non, douce : le strict nécessaire, ce minimum syndical sans lequel nous serions dans un manque culturel, voisin de l'habitus bourdélien (et ça, ça en jette gratos, je le sais). Soit un truc incontrôlable, ne cherchez pas. Et puis alors, je vais vous dire, je ne me suis pas renseigné sur le millésime, ni sur l'élaboration du résultat offert dans ce flacon. Parfois, il est juste et bon de se limiter stricto sensu au verre, là, devant. Face à nos yeux, puis à nos narines, et enfin un peu à nos papilles de la nation. Il convient d'agir ainsi, en essayant de nous débarrasser de toute culture, de tout référent. Bien sûr, c'est difficile. L'effet de surprise joue en faveur. Ce riesling-là, mes amis, en escorte d'une épaisse sole meunière maison, juste beurrée et citronnée (avec du poivre blanc et sans sel), est aussi singulier que le gewurztraminer, Les Sorcières (2011) de la même maison avec une grappe de muscat, oui, et puis un Nuts. Na. Pureté et sincérité sont encore au garde à vous décontracté, l'air de ne pas y toucher. Comme si c'était comme ça et pas autrement qu'il fallait toujours faire. Et c'est précisément ce dont on rêve, s'agissant de vins alsaciens : notez que D&I est une maison d'envergure, que la cave de Pfaffenheim dépasse insolemment les dimensions de la votre, qu'il ne s'agit pas d'un vigneron indépendant et paysan qui répugne à décrocher lorsque le Crédit Agricole lui téléphone. Et que, malgré tout, ça fonctionne plutôt bien. Le riesling possède ce fruité idéal, délicat, qui n'inonde pas le palais mais vous laisse à l'aise avec votre propre liberté. Et le gewurztraminer a le tact, l'intelligence de ne pas vous la jouer tsunami de flaveurs convenues et reconnaissables à cent kilomètres. Les Sorcières est en référence à l'emplacement, planté en vignes aujourd'hui, où l'on brûlait ces innocentes, au Moyen-Âge. De là à prétendre que faire un bon vin n'est pas sorcier... L.M.

    Alliances :

    Capture d’écran 2016-12-09 à 09.46.48.pngLire, cela s'impose, la version illustrée du Dictionnaire amoureux de l'Alsace, de Gilles Pudlowski, qui parait chez Gründ (en coédition avec Plon, éditeur originel). L'auteur, Lorrain de naissance et Alsacien de coeur, est un spécialiste réputé, chantre dévot de la Pudloland. Aussi gourmand que littéraire (les deux mamelles de Pudlo), abondamment illustré, c'est un livre intime, intimiste, délicat, cultivé, subtil, et riche d'anecdotes. 

  • MoiChef

    Capture d’écran 2016-12-07 à 19.39.45.pnghttp://moichef.fr/

    MoiChef, ça vous parle davantage que Moi, Président. Et, surtout, c'est meilleur, plus sûr, ça tient ses promesses. Côté saveurs, y'a pas photo. Alors, vous déroulez le site, vous vous baladez, vous faites votre choix, et puis vous appuyez sur Offrir MoiChef, et là, hop! zou! c'est parti. Il ne reste plus qu'à nouer une grande serviette blanche un peu rêche autour du cou, comme avant. BonAppétit.

     
     
  • apapachar

    Capture d’écran 2016-12-07 à 15.18.25.png

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Les mots, parfois, sont encore plus merveilleux qu'à l'habitude. Prenons celui-ci : apapachar, mot espagnol signifiant ordinairement cajoler, câliner.

    soit apapachar...

     

    a papa char

    (rené) char père (de la poésie contemporaine)

     

    a

    papa

           sans accent grave sur le a

     

    achar : "condiment à base de légumes macérés dans du vinaigre"

     

    apapachar : caresser l’âme, me souffle une amie un brin2rien poète

                                           un papa caresse l’âme avec un condiment épicé d’origine indienne, mouais...

     

    l’origine latine d'achar signifie en outre trouver, rencontrer, penser; constater aussi.

    ce que nous faisons.

    soit : apapachar, c'est bien de cela qu'île s'agite, hein...

  • Un brut vraiment extra

    Capture d’écran 2016-12-06 à 12.02.53.pngFruité, frais, charpenté, dit la maison Ponsart-Brochet, qui élabore par tiers avec les cépages champenois (pinot noir pour la structure, pinot meunier pour le fruité, chardonnay pour la finesse), ce Brut Extra qui est en outre, pour 13,60€, une prouesse à tout point de vue. La maison, classée Premier Cru, crèche à Sacy, dans la Montagne de Reims, où elle élabore depuis quatre générations une gamme de vins réduite : sept cuvées en comptant le Ratafia (apéritif à base de moûts et d'eaux de vie), toutes à moins de 20€, sauf Coeur de Foudre : 20,40€ !..

    Le Brut Extra figure une sorte de champagne de toutes les envies, une entrée de gamme comme on dit, idéale : la robe est dorée et lumineuse, la bulle est délicate, le cordon est fin, il y a un nez de coing, de nèfle surie, un léger boisé rappelant l'acajou, c'est beurré, brioché en bouche, avec des flaveurs florales et de pêche blanche, une jolie longueur aussi, avec une acidité juste, un citronné idoine recouvert d'une douceur sans confit, et enfin une arrière-bouche d'ananas rôti. Un régal, vous dis-je.  

    Alliances : bu avec des huîtres, puis avec des soles juste grillées, ce champagne convient a priori aussi à l'apéritif, ou avec un dessert fruité.

    Que lire avec ? L'Humour de Marcel Proust, anthologie deCapture d’écran 2016-12-06 à 14.42.50.png Bertrand Leclair (folio). C'était une gageure, et c'est plutôt réussi : en cherchant bien, on arrive à sourire, voire à rire au fil des pages. Le comble de la distraction, écrit par exemple Marcel, c'est de prendre l'édit de Nantes pour une Anglaise...

    Qu'écouter ? L'Offrande musicale, de J.-S. Bach, interprétée au clavecin par Gustav Leonhardt : Cliquez là => L'Offrande musicale

    L.M.

  • Ce qu’est l’esprit hussard

    2016-12-05 11.58.20.jpg« C’est le désespoir avec l’allégresse. C’est le pessimisme avec la gaité. C’est la piété avec l’ironie. C’est un refus avec un appel. C’est une enfance avec son secret. C’est l’honneur avec le courage et le courage avec la désinvolture. C’est une fierté avec un charme. C’est ce charme-là hérissé de pointes. C’est une force avec son abandon. C’est une fidélité. C’est une élégance. C’est ce qui ne sert aucune carrière sous aucun régime. C’est une allure. C’est le conte d’Andersen quand on montre du doigt le roi nu. C’est la chouannerie sous la Convention. C’est le christianisme des catacombes. C’est le passé sous le regard de l’avenir et la mort sous celui de la vie. C’est la solitude. C’est le danger. C’est le dandysme. C’est le capitaine de Boieldieu avec ses gants blancs. » Marcel Aymé

  • Rieslings de terroirs

    L'Alsace est une telle mosaïque de terroirs, de sols, de pentes aux expositions diverses, que chaque cépage s'y exprime de multiples façons. Dégustation de Rieslings de l'aire d'appellation Alsace Grands Crus :

    Le Clos des Frères 2014 du domaine Loew, au nez mentholé et poivré, affiche une franche minéralité avec une pointe d'acidité bienvenue. La bouche est généreusement fruitée, et d'une belle longueur.

    La cuvée Henriette 2011 du domaine Frédéric Mochel (Grand Cru Altenberg) possède une complexité charmante et une belle rondeur enveloppe son acidité tendre comme un bonbon fourré.

    Le Grand Cru Kastelberg 2013 du domaine Gresser (en biodynamie), pur et droit, exprime fidèlement son sol de schistes : l'expression du terroir est dans le verre.

    Le Grand Cru Engelberg (le Mont des Anges) 2012 du domaine Pfister, proche de Strasbourg, possède une trame calcaire qui ralentit son expression, nous confie Mélanie Pfister. Il s'agit donc de l'attendre. Notes d'agrumes, bouche cristalline, jolie structure acide, et cette minéralité juste, équilibrée, jamais agressive.

    La cuvée Bonheur Exceptionnel 2013 du domaine Rieflé, Grand Cru Steinert, naît sur un sol de calcaire très dur, avec des oolithes, soit des petits grains en forme d'oeufs de poisson, formés à la surface des roches par des microfossiles marins. Nez de fruits exotiques, bouche élégante.

    Le Grand Cru Kessler 2012 du domaine Schlumberger voit le jour, quant à lui, sur un sol gréseux (les fameux grès roses vosgiens). Nez fruité à la fois frais et confit, dominé par les agrumes. Bouche vive, verticale, avec un certain claquant.

    Le Letzenberg 2013 de la maison Jean-Baptiste Adam (en biodynamie), est issu d'un terroir marno-argilo-calcaire, lourd, gras, riche en oligo-éléments, proche de Colmar. Le riesling y prospère comme un notaire balzacien. Millésime cristallin (5 g de sucres résiduels). C'est vif, tendu, nez de fleurs blanches, léger gras bienvenu en bouche.

    Enfin, le coteau granitique de Rittersberg 2014, du domaine Gilbert Ruhlmann, situé près de Sélestat, n'empêche nullement une souplesse en bouche, et un croquant fruité, qui suivent un nez de fleurs blanches, exprimant là encore une salutaire minéralité qui figure une signature commune, pour la plupart des Rieslings de terroirs issus de Grands Crus. L.M.

    Alliances : 

    images.jpegQu'est-ce qu'on va lire avec cela? - Le Petit matin, de Christine de Rivoyre, où l'on voit Nina, une jeune Landaise, chevaucher sa jument nommée Querelle, dans la pinède infinie, en 1941. L'occupant allemand rôde. Il y a du Colette là-dedans, mais avant tout du Rivoyre : l'amour de la nature, et aussi celui de la nature humaine. C'est frais et donc vivifiant comme un riesling à la minéralité exacte (Grasset/Les Cahiers Rouges).

    Et on écoute quoi, alors? - Back to Black, d'Amy Winehouse (la bientéléchargement.jpeg nommée, et trop tôt disparue), parce que ça jazz et ça blues, ça ondule sensuellement comme un riesling opulent que l'on agite dans le verre ad hoc, mon capitaine.

     

  • Vin jaune et pata negra

    Capture d’écran 2016-12-03 à 21.27.33.pngL’initiative revient à Septième Goût, le site gourmand que Jean Dusaussoy copilote avec Sébastien Ripari. L’idée d’associer des jambons ibériques de cochons de grande qualité, car nourris aux glands (bellotas), comme la palombe en migration s'abattant sur les chênaies du Sud-Ouest, avec des vins du Jura pourvu de cet accent andalou qui rappelle le fino, n’est somme toute pas si insolite. Cela se passait à la boucherie La Belle Epoque, dans le 17ème arrondissement parisien, tenue par un Patrick à la forte personnalité, et avec Vincent Grenelé (photo), un spécialiste, directeur de la maison Roble (le chêne), qui proposait à la dégustation quatre appellations d’origine qu'il importe : Extremadura, Huelva, Salamanca (Guijuelo) et Cordoba (Valle de Los Pedroches). Complice fournisseur des flacons de belle extraction et provenant du Comité interprofessionnel des Vins du Jura, puisqu’il s’agissait d’Arbois, de Château-Capture d’écran 2016-12-04 à 10.16.54.pngChalon, de Côtes du Jura et de L’Etoile : l’agence lyonnaise Rouge Granit. Une poignée d’invités aux papilles exercées, et zou ! Rappelons que seulement 10% des cochons ibériques sont nourris en plein air aux glands qui tombent des chênes de leur environnement, et d’herbe. 90% ne peuvent donc prétendre au complément sésame « de bellota », puisque ceux-là sont nourris en plein air « de cebo campo» (glands et fourrage), ou bien « de cebo » (fourrage, cochons parqués). Roble pratique un affinage long, de 18 à 40 mois et plus. L’Iberico Pata Negra jouit d’une DOP (dénomination d’origine contrôlée), mais il faut savoir que ce n’est pas forcément la couleur noire de la patte qui fait l’excellent jambon. J’en ai connu qui montraient patte blanche et qui vous envoyaient des saveurs de compétition, avec le gras idéal, l’onctuosité parfaite, le persillé de rêve, la subtilité extrême. Les vins jaunes, élevés sous voile (les levures en suspension) comme il se doit, issus exclusivement de cépage savagnin, passent du temps dans les fûts, et Capture d’écran 2016-12-04 à 10.17.16.pngoffrent ce goût particulier de fruits secs, surtout la noix, et la noisette aussi, et des flaveurs de sous-bois à l’automne, qui appellent d’ordinaire à la rescousse le comté de 30 mois, le mont-d’or a gusto, la noix fraîche et la poularde à laCapture d’écran 2016-12-03 à 21.28.06.png crème avec force morilles... Mais là, avec la bande des quatre ibericos de bellota, ce fut stupéfiant en termes d’accords idoines. La sécheresse qui flirte avec une austérité souriante, fut en partage, du côté du jamon de Salamanque et du vin des Côtes du Jura (domaine Pécheur 2008). Arbois (Henri Maire 2008) et Cordoue firent également la paire. La finesse, l’aromatique explosif, le gras distingué de l’un et de l’autre, une expression dédoublée en bouche fut révélatrice des alliances possibles entre un vin « oxydatif » et un jambon raffiné et « viandé », délicat et pourvu d’un fondant inouï. Le summum fut atteint avec le Huelva, fiancé à L’Etoile (domaine Philippe Vandelle 2007). De quoi vous propulser là-haut, afin de mieux contempler la Péninsule et la Franche-Comté. Et c’est ainsi que les jaunes sont de garde et les noirs bien gardés. L.M.

    Notez qu’une boucherie 100% bio, une première à Paris, niche au creux du marché couvert de Batignolles (17ème arrondissement). Elle se nomme Dandelion, et elle a été créé par le même Vincent Gergelé, associé à Michel Vidalie.

  • Dossier Whisky dans L'Express paru ce matin

    photo 2.JPGVoici le papier principal, avec l'un des encadrés. Le reste est à découvrir en kiosque.

    Speyside 

    LE TRIANGLE D'OR DES SINGLE MALTS

    Ou : Des géants au cœur (de chauffe) tendre

    Visiter les diverses distilleries d’une région singulière démontre que la qualité d’un single malt de dépend pas forcément de la taille de la fabrique.

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    L’Ecosse aimante. Ses routes du whisky, dans le nord-est du pays, entre Aberdeen où l’on atterrit, et Inverness au nord-ouest, recèlent une concentration exceptionnelle de distilleries de renom, et d’autres modestes, donc discrètes, soit une cinquantaine environ – la moitié du nombre total des distilleries du pays. Nous sommes dans le Strathspey, à cheval entre les secteurs (Council areas) de Moray et duIMG_3438.jpg Highland. Speyside est le nom donné à l’une des grandes régions du whisky écossais*. Elle doit son nom à la rivière Spey qui la traverse, comme l’autre grande rivière du cru, la Livet, principal affluent de la Spey, avec également la Fiddich et l’Avon. Deux autres rivières, la Finshorn à l’ouest, et la Deveron à l’est, strient cette zone bénie des dieux de l’eau douce. Car, le whisky, c’est d’abord une question d’eau très pure. La région, humide, fertile, si généreusement irriguée, est propice à la production de l’orge, l’autre composante de « uisce beatha » l’eau de vie, en gaélique, qui a engendré le mot whisky. Ce triangle d’or jouit par ailleurs d’un climat tempéré, moins rude que sur les îles du nord ou du sud. Speyside est par conséquent un grand terroir entouré de montagnes, où nichent depuis des lustres de très grands noms du single malt.

    IMG_2987.jpgDouble maturation simultanée

    Grantown-on-Spey, Dufftown, Keith… Sont autant de noms de ravissantes bourgades qui résonnent dans le cœur de l’amateur de single malt du Speyside. Prenons une distillerie au hasard, parmi celles visitées, Aberlour, sise au sein du village éponyme. Elle a de quoi surprendre par le gigantisme des installations. Marque mondialement connue, la distillerie Aberlour fut fondée par James Fleming en 1879. Ici, comme chez de glorieux voisins : Glenlivet, Glenfiddich… Nous sommes au pays des géants de la distillation, là où les alambics sont énormes et nombreux, et les chais longs comme un jour sans scotch. L’obsession de l’eau pure, qui anime le whisky man, s’infiltre jusque dans l’étymologie : Obar lobhair, « la bouche du ruisseau qui murmure », en gaélique, a donné le mot Aberlour. La Lour (bavarder, en Gaélique, en référence au son d’une cascade), coule là, pas loin de la Spey. Et c’est, comme souvent, à proximité ABERLOUR 15 ANS SELECT CASK RESERVE DETOURE.pngimmédiate d’une source d’eau cristalline et d’une pureté absolue, ou du ruisseau élu qui en découle, que la distillerie a été construite. Autre caractéristique d’Aberlour, l’importance accordée au bois des fûts. Les single malt de la maison : 10, 12, 15, 16, 18IMG_3389.jpg ans, qui raflent souvent des médailles d’or ici et là, subissent une double maturation : « double cask matured », pendant au moins douze ans, à la fois en fûts de Sherry (ou de Xérès), espagnols, la plupart ayant contenu du Oloroso, et en fûts de Bourbon, soit américains et ayant contenu du bourbon. A l’inverse de beaucoup d’autres distilleries du Speyside, pratiquant un vieillissement principal, long, en fûts de Bourbon, puis une maturation plus courte en fûts de Sherry, Aberlour a très tôt opté pour la double maturation simultanée, avant de procéder à l’assemblage des distillats. La complexité des arômes des single malt du Speyside reflète ainsi, à des degrés, voire des dominantes divers, des notes de fruits confits et d’épices – signature des fûts de Sherry, et des notes de fruits frais, rouges, et des notes vanillées – signature des fûts de Bourbon. Mais, Aberlour se livre aussi, une fois n’est pas coutume, à des créations élargissant la gamme, qui font montre d’un esprit d’ouverture. Ainsi du A’bunadh (origine, en Gaélique), exclusivement vieilli en fûts de Xérès Oloroso. Il s’agit d’un « brut de fût » (Original Cask Strength) remarquable de puissance et de velouté (mangue, pomme rouge, léger fumé à l’attaque, épicé souple, notes cacaotées, pralinées, à peine tourbées, et de pain d’épices en finale). Une sorte de synthèse du Speyside. 


    IMG_3464.jpgL’obsession de l’eau pure

    L’histoire de William Grant, le fondateur de Glenfiddich en 1887, reflète bien aussi les rapports viscéraux que le distillateur entretient avec l’eau : lorsque, dans les environs de Dufftown, il découvre en 1886 Tobbie Dhu, une source d’eau très pure, William achète aussitôt le terrain qui l’entoure, au cœur de cette verdoyante et sauvage « vallée des Cerfs » (glenfiddich, en Gaélique), pour y bâtir aussitôt lui-même, pierre par pierre, sa propre distillerie, aidé de sa femme et de leurs neuf enfants –et d’un précieux maçon. Mais c’est l’œuvre de son gendre qui distingue cette marque avant-gardiste. Charles Gordon est parti voyager à travers le monde dès 1909 avec sa grande sacoche en cuir de médecin, garnie de trois bouteilles de Glenfiddich, ainsi que de nombreux carnets qu’il noircira scrupuleusement de notes variées fort intéressantes, pour faire découvrir son whisky, de Port-Saïd à Sydney, en passant par Bombay, Rangoon, Shanghai, Hong Kong, ou encore Auckland. Charles Gordon aura roulé sa bosse du commerce à travers les océans, et, ce faisant, l’homme d’un marketing embryonnaire aura fait connaître l’eau de vie écossaise dans son ensemble, en devenant aussi son premier ambassadeur. C’est d’ailleurs en hommage à ce voyage de onze mois, précurseur, de Charles, que son « doctor bag » - nous l’avons vu sur place, fatigué, tout fripé -, a été réédité l’an passé, en édition très limitée, par une jeune artisan du cuir, Edwina de Charrette (atelier « laContrie »). Glenfiddich, la marque au cerf et à la bouteille triangulaire si ergonomique, possède – c’est rare -, sa propre tonnellerie depuis bientôt 60 ans : reconditionnés et « toastés » sur place, les fûts espagnols et américains appuient la signature des single malt maison. Et, singularité totale, le single malt 15 ans est élaboré depuis 1998 selon le principe andalou de la solera, mais dans un foudre. (Après avoir vieilli en fûts américains neufs, il séjourne donc dans un foudre maison en pin de l’Oregon). Epicé, miellé, fruité (vanille, fruits rouges, pâte d’amande, cannelle, gingembre), le « Unique Solera reserve » est vite devenu l’un des best-sellers de la marque. 

    IMG_3397.jpgÉnorme mais bon

    Lorsqu’il fonde en 1824 la distillerie The Glenlivet, dans la Livet Valley, tout près de la précieuse source Josie’s Well (que l’on peut voir, dans le parc de la distillerie), George Smith est loin d’imaginer qu’il est un pionnier qui ouvre la voie des single malts, et que dans ses futurs chais, agrandis à plusieurs reprises, pas moins de 65 000 fûts font aujourd’hui maturer en permanence, les eaux de vie de la célèbre maison. Ces single malt sont les plus consommés aux USA, et ils ont beau représenter la deuxième vente de single malt au monde, « huge » (énorme) est parfois « beautiful ». La forte personnalité d’Alan Winchester, le maître distillateur maison depuis 2009, n’est pas étrangère aux récents et fulgurants succès de la marque, sur nombre de marchés exigeants. Force est de reconnaître que la complexité et la subtilité de la gamme de ces whiskys un brin oxymoriques ne peut qu’avoir rendez-vous avec le bon goût : ils allient puissance et finesse, fougue et douceur. Comme en témoigne le 18 ans, dont on peut remplir et signer soi-même une bouteille, à l’issue d’une longue visite de la distillerie, assortie d’une dégustation – le jour de notre passage en mai dernier, c’est Charles MacLean, l’un des plus grands experts en single malt du monde, et bien connu des lecteurs de L’Express **, qui y animait une master class. Cela s’appelle la proposition « hand fill » : Un must !.. (partagé avec d’autres distilleries, qui proposent le même « clou » de visite).

    Strathisla.pngSmall is beautiful

    La modeste distillerie Strathisla, à Keith, ses petits alambics coniques, c’est le charme de l’ancien. Il s’agit de la plus ancienne distillerie en activité. Bâtie en 1786 par George Taylor et Alexander Mine tout au bord la rivière Isla dont le bruit des eaux torrentueuses berce notre visite, elle est célèbre pour ses flacons millésimés, dont certains sont très vieux et hors de prix, et pour son 12 ans d’âge relativement confidentiel. Mais elle l’est avant tout pour sa production d’une gamme de blended de Chivas Regal (elle fut rachetée en 1950 par Chivas Brothers, et elle est depuis 2001 dans le grand giron du groupe Pernod-Ricard). Et comme le fameux 12 ans d’âge entre dans la composition des blends Chivas, nous retrouvons dans ce dernier ses notes de fruits secs, d’agrumes et de céréale. Cadeau ! La gamme des Strathisla Cask Strength Edition, qui titre près de 60° d’alcool, excelle quant à elle sur les desserts, avec un nez d’acajou et des notes d’abricot, de miel et d’agrumes. Nous avons pu le vérifier au cours d’un dîner spécial accords « cask strength editions » dans la « Chivas Gallery » (les chais de la distillerie), au cours du dernier Speyside Festival. 

    De taille raisonnable mais encore modeste, The Balvenie, située contre la distillerieIMG_3398.jpg de Glenfiddich, est une marque qui a le vent en poupe. La gamme maison exprime une douceur très reconnaissable, qui sculpte son succès. Le Single Barrel 25 ans d’âge, par exemple, vieilli en fûts de chêne américains de second remplissage, sélectionnés avec un infini scrupule, est un whisky très recherché, aux notes d’ananas, de vanille, de miel, d’épices poivrées et de boisé aussi, si caractéristiques de la marque synonyme de saveurs suaves et caressantes. La visite de la distillerie expose sereinement l’artisanat du travail, des greniers à orge aux aires de maltage traditionnel (unique), et il n’y a pas, jusqu’à l’échange de quelques mots avec David Stewart, le maître de chai - un vrai sage du Speyside -, pour nous conforter dans l’idée que des distilleries à taille humaine et à forte personnalité peuvent cohabiter avec des géants au cœur (de chauffe) tendre.

    Léon Mazzella

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    *Avec l’immense région des Highlands, dont il fait partie intégrante (le Speyside se situe entre les Northern Highlands et les Eastern Highlands), les Lowlands, les îles (Orkney, ou Orcades au nord, Skye à l’ouest, et les fameuses Islay, et Jura, entre autres, au sud), et enfin Campbeltown.

    ** Charles MacLean a animé l’an dernier une série de master class « whisky » dans les locaux de L’Express, qui ont rencontré un vif succès.

     

    IMG_2907.jpgAberlour et les accords musicaux

    C’est au cours du dernier Spirit of Speyside Whisky Festival, le premier mai dernier (la prochaine édition de ce « mois du whisky » foisonnant d’activités en tous genres : dégustations, concerts, repas thématiques, dans et autour des distilleries, se déroulera du 21 avril au 1er mai 2017), que nous avons pu faire une expérience singulière à la distillerie Aberlour : deux experts en musiques et en single malts, Joel Harrison et Neil Ridley, les « Cask strength boys », proposaient une sorte de master class intitulée « The Sounds of Aberlour », dont le but était d’associer cinq whiskies maison avec cinq musiques distinctes. Le résultat fut confondant, car il était évident, à la dégustation précise et à l’écoute très concentrée, avec Robinphoto 1.JPG mon studieux voisin de table, que le style du 8 ans d’âge correspondait à la musique planante des Pink Floyd, autant que l’expression du 16 ans Old Bourbon Cask se mariait à merveille avec les airs tonitruants de Johnny Cash. Une expérience. L.M.

     

  • On se croit curieux...

    téléchargement.jpegOn se croit curieux, et nous passons à côté de choses, comme ça, qui sont de petits cadeaux mieux dissimulés que des oeufs de Pâques dans le jardin de notre enfance. Je viens de découvrir (à la faveur d'un message amical et bienveillant), un écho écrit à une émission de radio (cliquez ci-dessous), et je remercie au passage Philippe Vallet, fort tard certes, mais vieux motard que j'aimais, n'est-ce pas. Il s'agit de mon premier roman, écrit à l'âge de 23 ans, soit il y a (putain!..) 35 ans... Purée... Outch, la gifle. Envie donc de partager, car c'est de saison : l'arrière-automne, le givre, les parfums capiteux de sous-bois, la migration qui strie le ciel bellement, l'écharpe diaphane du brouillard de l'aube, tout ça qui fait le sel de l'existence, pour peu que nous la voulions, ou voudrions toujours là, parmi ces plaisirs simples, et surtout naturels, sans aucun artifice. Jamais...

    chasses furtives

  • Bon appétit, Messieurs!

    RUY BLAS - Victor Hugo
    Acte III - Scène 2 :

     

    Ruy Blas, survenant.


    Bon appétit, messieurs ! 

    Tous se retournent. Silence de surprise et d'inquiétude. Ruy Blas se couvre, croise les bras, et poursuit en les regardant en face.

    Ô ministres intègres !
    Conseillers vertueux ! Voilà votre façon
    De servir, serviteurs qui pillez la maison !
    Donc vous n'avez pas honte et vous choisissez l'heure,
    L'heure sombre où l'Espagne agonisante pleure !
    Donc vous n'avez ici pas d'autres intérêts
    Que remplir votre poche et vous enfuir après !
    Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,
    Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe !
    – Mais voyez, regardez, ayez quelque pudeur.
    L'Espagne et sa vertu, l'Espagne et sa grandeur,
    Tout s'en va. – nous avons, depuis Philippe Quatre,
    Perdu le Portugal, le Brésil, sans combattre ;
    En Alsace Brisach, Steinfort en Luxembourg ;
    Et toute la Comté jusqu'au dernier faubourg ;
    Le Roussillon, Ormuz, Goa, cinq mille lieues
    De côte, et Fernambouc, et les montagnes bleues !
    Mais voyez. – du ponant jusques à l'orient,
    L'Europe, qui vous hait, vous regarde en riant.
    Comme si votre roi n'était plus qu'un fantôme,
    La Hollande et l'anglais partagent ce royaume ;
    Rome vous trompe ; il faut ne risquer qu'à demi
    Une armée en Piémont, quoique pays ami ;
    La Savoie et son duc sont pleins de précipices.
    La France pour vous prendre attend des jours propices.
    L'Autriche aussi vous guette. Et l'infant bavarois
    Se meurt, vous le savez. – quant à vos vice-rois,
    Médina, fou d'amour, emplit Naples d'esclandres,
    Vaudémont vend Milan, Leganez perd les Flandres.
    Quel remède à cela ? – l'Etat est indigent,
    L'Etat est épuisé de troupes et d'argent ;
    Nous avons sur la mer, où Dieu met ses colères,
    Perdu trois cents vaisseaux, sans compter les galères.
    Et vous osez ! ... – messieurs, en vingt ans, songez-y,
    Le peuple, – j'en ai fait le compte, et c'est ainsi ! –
    Portant sa charge énorme et sous laquelle il ploie,
    Pour vous, pour vos plaisirs, pour vos filles de joie,
    Le peuple misérable, et qu'on pressure encor,
    À sué quatre cent trente millions d'or !
    Et ce n'est pas assez ! Et vous voulez, mes maîtres ! ... –
    Ah ! J'ai honte pour vous ! – au dedans, routiers, reîtres,
    Vont battant le pays et brûlant la moisson.
    L'escopette est braquée au coin de tout buisson.
    Comme si c'était peu de la guerre des princes,
    Guerre entre les couvents, guerre entre les provinces,
    Tous voulant dévorer leur voisin éperdu,
    Morsures d'affamés sur un vaisseau perdu !
    Notre église en ruine est pleine de couleuvres ;
    L'herbe y croît. Quant aux grands, des aïeux, mais pas d'œuvres.
    Tout se fait par intrigue et rien par loyauté.
    L'Espagne est un égout où vient l'impureté
    De toute nation. – tout seigneur à ses gages
    À cent coupe-jarrets qui parlent cent langages.
    Génois, sardes, flamands, Babel est dans Madrid.
    L'alguazil, dur au pauvre, au riche s'attendrit.
    La nuit on assassine, et chacun crie : à l'aide !
    – Hier on m'a volé, moi, près du pont de Tolède ! –
    La moitié de Madrid pille l'autre moitié.
    Tous les juges vendus. Pas un soldat payé.
    Anciens vainqueurs du monde, espagnols que nous sommes.
    Quelle armée avons-nous ? À peine six mille hommes,
    Qui vont pieds nus. Des gueux, des juifs, des montagnards,
    S'habillant d'une loque et s'armant de poignards.

  • "On ne peut pas connaître, on n'était pas nés!"

    Cette phrase terrifiante, je l'entends souvent dans la bouche de mes étudiants en journalisme, à l'école où j'officie. Ce matin encore, j'évoquais, au détour de mes cours de presse écrite, et d'histoire des médias, de parfaits inconnus, qui se trouvaient dans le déroulé - et absolument pas pour faire du name dropping, mais naturellement parce qu'ils étaient cités pour leur action respective : François Mauriac, Raymond Aron, Jean Daniel, Jean-Claude Guillebaud, et à d'autres occasions Burt Lancaster, Gabriel Garcia Marquez, Miguel Torga, Alain Robbe-Grillet (ok pour les deux derniers), et aussi le slogan de la campagne présidentielle de François Mitterrand, le journal Combat, Pierre Lazareff, Françoise Giroud, et tant de choses de base, soit fondamentales... Pour Albert Londres et Joseph Kessel - le père de Vincent?(Cassel), me fut-il quand même demandé -, il y a eu quelques rares doigts levés, face à ma stupéfaction devant tant d'ignorance de la culture basique de l'environnement immédiat de leur futur métier. Mais la plupart de ces gens et faits, titres cités-là, que dalle! Nul n'en avait entendu parler.

    Il y a pire : cette vague de fond, que sous-tend la remarque qui m'est désormais systématiquement opposée comme une fin de non recevoir davantage que comme une excuse - ce qui serait déjà préférable, discutable (contenue dans le titre de cette note), signifie que la génération Z, et même la Y, sont à l'aise avec leur propre inculture, avec l'inutilité décidée de savoir ce qui s'est passé, grosso modo entre Néanderthal et leur naissance. Autrement dit, le fameux terreau dont parle Julien Gracq à propos de la littérature (laquelle se construit sur les strates qui l'ont précédée), l'Histoire pour faire court, et donc toute la culture, les cultures, en tous domaines, sont jugés, de manière péremptoire et glacée, inutiles, schnock, car tout aurait commencé dans les années quatre-vingt dix. Avant, c'était donc, à les en croire, le Néant, même pas le Big Bang. Le Trou Noir. Rien. Rien d'intéressant et qui mériterait qu'on s'y penche cinq minutes.

    Là, je n'ai pas le temps (ce soir), mais je souhaite initier juste un sujet de réflexion qui exige un sacré développement, une foutue discussion. Car, que ces jeunes fassent désormais l'économie totale de toute lecture est déjà un crève-coeur pour nombre d'entre nous, dont je suis. Qu'ils soient désinhibés, fassent montre d'une nouvelle norme, affranchie de toute connaissance d'avant eux, et qu'ils soient quasiment fiers d'en savoir si peu m'afflige; et me fait même peur. Tous les pays qui n'ont plus de légendes seront condamnés à mourir de froid, nous chuchote Patrice de La Tour du Pin, dans sa Quête de joie... L.M.

     

  • sans la musique baroque, on ferait comment...

    Capture d’écran 2016-11-03 à 23.03.04.pngUne heure et demie d'émotion, de larmes de joie et de regret, soit tout l'esprit des Lachrimae concentré ici, là, un temps sans issue palpable de musique baroque épurée jusqu'à l'os, grâce au talent de Jordi Savall et de son ensemble Hesperion XXI, tout cela en hommage à Montserrat Figueras, la femme disparue de Jordi, la moitié de l'âme de l'ensemble, l'esprit, la jumelle, l'hémisphère de tant et tant d'années, la voix surtout, la voix unique, cette voix entendue "pour de vrai" une première fois un soir divin de septembre 1980 dans une église de Coimbra, au Portugal, et après l'avoir tant écoutée sur les 33 Tours de la Platine... En hommage donc, cette heure et demie de bonheur serein et doux, ça vous dit?.. Et bien allez, zou :

    https://www.youtube.com/watch?v=dJDce7wUwDs

     
     

     

     
  • Sunset Song

    Capture d’écran 2016-11-03 à 00.19.07.pngEnvie, sincère, de partager le plaisir que je viens d'éprouver en regardant ce film puissant, et injustement passé inaperçu. Rustre avec délicatesse, rude et si tendre, cru mais si percutant, vrai, car essentiel avec pudeur et tact, cette histoire d'une femme d'exception, la réalité de la couardise de la Grande Guerre, circonscrite avec justesse, l'amour ingénu et total, la nature écossaise, sauvage mais souple de la région d'Aberdeen (que j'adore, et pas que pour ses whiskies), le jeu émouvant de bout en bout de la très belle Agyness Deyn, enfin... Tout cela en fait, je crois, un film fort. L.M.

    Sunset Song

     

  • humeur du soir

    Tout cela manque un peu d'horizon, aurait murmuré Dostoïevsky. Et singulièrement de classe. D'honneur, enfin. D'amour de soi minimal, de pudeur surtout; bref, d'humanité, de savoir-vivre. Morandini nie sa turpitude de moins en moins supposée, sa direction s'entête comme l'autruche s'enterre, notre président élu, avec 4% de satisfaits, pourrait avoir l'audace, le culot même, de vouloir remettre le couvert, les mis en examen, qui sont légion, sourient Gibbs à la télé, où brillent pourtant derrière eux leur monceau de casseroles... Les exemples pullulent qui nous disent, nous assènent qu'une certaine morale meurt. La nouvelle norme est à la pornographie sociale, à l'assurance tous risques de l'inculture et du délit commis, à l'absence de honte, à l'ignorance même de l'idée de dignité, à l'oubli du devoir de retrait, voire de disparition - après avoir fait ses excuses -, en cas de faute ou de manquement à l'intérêt général ou à la morale publique... Au lieu de me mettre en colère, cela m'afflige, ce soir, lorsque j'énumère en silence le kaléidoscope des bassesses assumées avec arrogance, qui nous ensuquent, nous empèguent, éclaboussent, peinturlurent, font tâche, affiche, et bientôt tapisserie convenue par la force de la faiblesse, et d'un laxisme viral. J'ai honte à ce présent-là, dépourvu d'élégance et d'altérité, autocentré et - surtout -, de plus en plus à l'aise avec l'exposition généreuse de sa médiocrité. L.M.

  • France Réveille son terroir

    domaine-reveille-franc-tireurv2.jpgdomaine-reveille-ultra-violetv2.jpgReveille-white-spiritv2.jpgRoussillon Reveille.JPGFrance Crispeels

    Le domaine Réveille, en appellations Côtes du Roussillon et Côtes catalanes.*

    France Crispeels est une vigneronne singulière. Son physique sec, son regard clair, sa voix franche, la font ressembler au terroir sauvage et pur sur lequel la Tramontane assainit la vigne. Sur près de 9 ha, France élabore des vins à forte personnalité, qui expriment le caractère de la garrigue de la Haute Vallée de l’Agly (Pyrénées-Orientales). L’aventure du vignoble Réveille a commencé il y a dix ans. Sur des sols pauvres, nous trouvons des cépages nobles travaillés en bio, et récemment en biodynamie, pied par pied, jamais de façon systématique. Les rendements sont bas (25 hl/ha) et les vins concentrés mais pas trop. Ils expriment avec élégance la combinaison des éléments : ils sont méditerranéens avec une belle fraîcheur. « Gourmands, vifs et souples », précise la vigneronne. « Il faut pouvoir toucher la terre et la respecter », poursuit-elle, « laisser parler les sols, préserver leur vie en surface, apprendre à les connaître, écouter le silence de la vigne. C’est un engagement, une vigilance permanente. En retour, nous avons les vins que nous aimons produire. Mûrs, avec une belle acidité naturelle, un degré d’alcool faible et toujours cette grande fraîcheur » (le terroir se situe entre 350 et 550 m d’altitude). Des vins droits et purs, comme nos trois coups de cœur : White spirit, un blanc sec 100% macabeu étonnant (2014, 12€), et deux rouges exceptionnels : Franc Tireur, 100% carignan (2014, 11€) et Ultra Violet, issu de jeunes syrah (2014, 15€), au design des étiquettes très contemporain. L.M.

    couv Pelerin Vins.png * Papier extrait de mon dossier Ces vins qui racontent le terroir, paru dans Pèlerin du 15 septembre dernier.

     

  • Un sommelier dans mon canap', 4ème

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    Un sommelier dans mon canap', quatrième. C'était hier soir, chez Jérôme et Auriane, dans le 13ème, à Paris, avec leur sept amis, tous joyeux drilles, hédonistes ne s'en laissant pas compter, fous de course automobile - et surtout de vins de la vallée du Rhône, et excellents cuisiniers de surcroît : formidables caillettes ardéchoises, canapés à la truffe, cardons à la moelle, fromages coulants, sablés ganache/mousse... La soirée déborda dans l'alegria, d'autres flacons "de réserve" de crozes-hermitage furent débouchés (après le séduisant Premier Regard de Melody, ou le sérieux Cour de récré de François Villard) avec, paire de cerises sur le gâteau : un condrieu et un côte-rôtie. Parce que nous le valons bien...  Léon M.

     

  • Bob

    Capture d’écran 2016-10-15 à 13.00.33.pngJ'aime écouter Bob Dylan depuis toujours, et je suis contre tous les amalgames. Aussi...

    L’académie Nobel a beau être la mesure étalon - supposée - de l’excellence planétaire, je n’ai jamais accordé trop de crédit à ses choix pour la littérature, car d'abord qui sont ces jurés? Et pourquoi leur vote dans le plus grand huis-clos, leur sanction, seraient-ils le reflet du goût mondial, au même titre qu'un Traité devrait toujours avoir, de facto, une autorité supranationale (soit sur toute Loi), ou qu'un 99/100 attribué il y a peu encore par Robert Parker (surnommé Bob, d'ailleurs), le gourou effrayant de la planète vins, devrait de façon dictatoriale élire le meilleur... La première question est : je me fie ou je me méfie. La seconde : chacun mes goûts n'est-il qu'un indigent jeu de mots?

    Les académiciens scandinaves ont, de surcroît, toujours oscillé entre une valeur sûre et convenue, archi reconnue et traduite partout, et une sombre poétesse inconnue, sauf de ses voisins, à peine publiée et timidement traduite. Là, il semblerait qu’ils souhaitent s’offrir une cure de jouvence, se la jouer djeun’s, au point d'en oublier l'objet livre : et allez, tiens, on explose les cadres… Sauf que ça redéfinit, eu égard à leur incontestable aura, de façon indirecte, induite, inexorable, les définitions de l’écrivain, de l’œuvre, de l’exigence, du travail considérable - et même de la littérature. Gide, Kipling, Camus, Kawabata, Beckett, Garcia Marquez, Simon, Naipaul, Mann, Mauriac, Grass, Faulkner, Hemingway, Bergson... n’ont rien à voir avec un chanteur, poète certes, mais dont les vers (je les ai relus avant-hier), n’ont pas - me dis-je -, la teneur de ceux d’un Saint John Perse, ni la profondeur de ceux d’un Milosz, ou la portée des poèmes d’un Pasternak, la sensibilité inouïe des textes d’un Paz, la puissance de l'oeuvre d’un Séféris, l’émotion amoureuse des chants d’un Neruda, la tendresse forte des élégies d’un Elytis, la rigueur et la rugosité des poèmes essentiels d’un Heaney, la fragilité infinie des paquets de peau crue d’un Yeats, ni même la légèreté écorchée vive d’un Maeterlinck…

    Ou bien alors, signe des temps, le nivellement par le bas enfante une médiocratisation généralisée qui fait norme ; nouvelle norme. Pour rire, je me disais alors que Francis Lalanne pourrait figurer sur la liste des Goncourt (un autre Francis - Cabrel, en ferait une jaunisse), que Keith Richards pourrait prétendre au Nobel de médecine (la blague circule sur la Toile depuis un jour), que Nadine Morano pouvait être propulsée ministre de la culture, puisque les Américains risquent d’avoir Trump pour président, et que nous avons la France de Cyril Hanouna en guise de punition à nos laxismes cathodiques.

    Alors, je ne crains pas de paraître ringard, « old school », antimoderne, ce que l’on voudra, car je me sens juste viscéralement attaché à une qualité d’écriture, à la « distinction », à l’exigence, à la magie du mot, du verbe, de la phrase, à ce qui fait sens, œuvre, voire intemporalité. A une certaine idée de la littérature. Que tout cela a un... prix, mais pas forcément étalonné, et aux contours de récompense. Que ça doit vraiment avoir de la gueule, de l'épaisseur, de la teneur, du fond et de la forme réunis. Et parce que j'aime démesurément la littérature, le plaisir du texte, l'objet livre, l'oeuvre en cours, l'obsession du work in progress, je m'interroge sur une certaine dissolution qui m'apparaît périlleuse. A force de mélanger les genres (ni art majeur, ni art mineur, entends-je), de dissoudre et donc de prêter à confusion, on ne reconnaît plus grand chose, et le magma sans cadre ni repères ne me dit rien qui vaille, durablement, car si je ne peux plus nommer, singulariser, désuniformiser... j'amalgame tout et mon jugement se brouille.

    Je ne pense donc pas que Bob Dylan soit dans cette zone d'exigence-là. J'aime l'écouter depuis toujours, avec son timbre, sa verve, sa hargne des débuts, depuis Blowin'... le recours à l'harmonica, le Vietnam, Joan Baez, tout, mais je n'aime donc guère confondre les choses, je le répète volontairement, considérant que cela n'est jamais salutaire. En tous cas, Dylan m'apparaît moins essentiel qu'un Leonard Cohen; par exemple. Et si les Suédois du Nobel entendaient envoyer un signal (politique) fort – car ils savent faire, à l’occasion -, à l’Amérique des « trumpistes », ils se sont trompé de champion… Le donner à titre posthume - tant qu'à innover! -, à Jim Harrison, eut été un vrai geste. Ou bien l'attribuer, logiquement et sans surprise, au grand Philip Roth bien sûr. Mais il en a été décidé autrement.

    Dès lors, les prochains Nobel de littérature pèseront moins qu'une plume sur mon sentiment. La dévalorisation de ce nom m'est vertigineuse, depuis jeudi. Et  je pense tout à trac, tendrement à Bob Lobo Antunes, à Bob Adonis, et aussi à Bob Kundera...

    Léon Mazzella

    P.S. : une ambiance délétère, opérant par capillarité, est résolument culturophobe. Et oublieuse. Volontairement partisane de l'amnésie. Dans le déni de ce terreau, comme le nommait Julien Gracq, sans lequel toute littérature du présent ne saurait pousser. Autrement dit, privé de quoi, l'éphémère n'est qu'inconsistance; condamné à faner.

  • Un sommelier dans mon canap'

    http://www.unsommelierdansmoncanap.com/

    crozesmarine.jpgcrozesmarine1.jpg

     

     

     

     

     

     

    Second atelier pour moi, et super soirée Un sommelier dans mon canap', hier, chez Marine, dans le 5ème arrondissement (Paris). Merci à mon hôtesse, son frère et ses trois amis aficionados aux vins de Crozes-Hermitage, et de l'ensemble de la vallée du Rhône, curieux de tout : flaveurs, sols, cépages, bio et biodynamie... Et dont les aptitudes à la dégustation spontanée mais raisonnée, ne sont pas une vue de l'esprit...

    Léon Mazzella

     
     
     
  • Relire régulièrement René Guy Cadou

    Capture d’écran 2016-10-12 à 19.37.08.png... Poésie la vie entière (Seghers), comme on descend chercher une bouteille dans la pénombre, pour se faire du bien avec un ami de passage, soupirer d'aise tandis que le jour s'efface; et le concours d'une épaule qui ne fuit pas...

     

    CELUI QUI ENTRE PAR HASARD

     

    Celui qui entre par hasard dans la demeure d'un poète

    Ne sait pas que les meubles ont pouvoir sur lui

    Que chaque nœud du bois renferme davantage

    De cris d'oiseaux que tout le cœur de la forêt

    II suffit qu'une lampe pose son cou de femme

    A la tombée du soir contre un angle verni

    Pour délivrer soudain mille peuples d'abeilles

    Et l'odeur de pain frais des cerisiers fleuris

    Car tel est le bonheur de cette solitude

    Qu'une caresse toute plate de la main

    Redonne à ces grands meubles noirs et taciturnes

    La légèreté d'un arbre dans le matin.

     

     

    REFUGE POUR LES OISEAUX

     

    Entrez n'hésitez pas c'est ici ma poitrine
    Beaux oiseaux vous êtes la verroterie fine
    De mon sang je vous veux sur mes mains
    Logés dans mes poumons parmi l'odeur du thym
    Dressés sur le perchoir délicat de mes lèvres
    Ou bien encor pris dans la glu d'un rêve
    Ainsi qu'une araignée dans les fils du matin
    La douleur et la chaux ont blanchi mon épaule
    Vous dormirez contre ma joue les têtes folles
    Pourront bien s'enivrer des raisins de mon coeur
    Maintenant que vous êtes là je n'ai plus peur
    De manquer au devoir sacré de la parole
    C'est à travers vos chants que je parle de moi
    Vous me glissez des bouts de ciel entre les doigts
    Le soleil le grand vent la neige me pénétrent
    Je suis debout dans l'air ainsi qu'une fenêtre
    Ouverte et je vois loin
    Le Christ est devenu mon plus proche voisin
    Vous savez qu'il y a du bleu dans mes prunelles
    Et vous le gaspillez un peu dans tous les yeux
    Refermez les forêts sur moi c'est merveilleux
    Cet astre qui ressemble tant à mon visage
    Un jour vous écrirez mon nom en pleine page
    D'un vol très simple et doux
    Et vous direz alors c'est René Guy Cadou
    Il monte au ciel avec pour unique équipage
    La caille la perdrix et le canard sauvage

     

     

  • Martin Eden

    2016-10-09 20.18.27.jpg2016-10-09 20.18.43.jpg

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Les anniversaires et les commémorations sont une aubaine pour les traducteurs, car de nouvelles versions fleurissent alors, qui sont présentées comme révolutionnaires par leurs éditeurs - ces nouveaux artistes du marketing qui en oublient parfois que la littérature est d'abord affaire de sensibilité. Ainsi, au hasard, de Jack London, dont on fête le centenaire de la mort (22 novembre 1916). Je tiens là, la nouvelle traduction de son chef d'oeuvre, à mes yeux : Martin Eden, l'autobiographie qui permet de comprendre tout son oeuvre. Elle est signée (et préfacée) de et par Philippe Jaworski, et elle est disponible en folio. J'ai comparé, comme chaque fois que ce genre d'occasion se présente, avec la traduction de Claude Cendrée (10/18, qui a plus de quarante ans, et qui est ornée d'une superbe préface de Francis Lacassin). Les deux premières photos jointes sont celles de l'incipit et des phrases suivantes. Celle qui commence par Arthur est de Cendrée. Je2016-10-09 20.20.32.jpg vous laisse juger. Personnellement, je trouve l'ancienne plus littéraire, elle m'emporte davantage et m'engage illico dans le livre du grand London. L'autre me semble opportuniste, comme si elle voulait faire djeuns. Vous avez le choix. L'essentiel est de relire J.L. Construire un feu, et - pour les gamins, de les faire rêver à bloc en leur lisant le soir, et du mieux que l'on peut, L'Appel de la forêt, Croc-Blanc et autres bijoux empreints de nature sauvage...

    Alors, est-il bien nécessaire de re-traduire? Parfois, c'est indispensable, parfois on pourrait s'en passer. C'est selon. Pour Dostoïevsky (reloaded par Actes Sud), on pouvait s'en passer. Pour Conrad (décapé par Autrement), c'était salutaire. Pour Le vieil homme et la mer, on brûle d'impatience de voir cette foutue traduction de Jean Dutourd, la seule autorisée en Français, naze à pleurer, passer à la trappe lorsque Papa Hem' entrera dans le Domaine public!.. Oui, c'est selon, et même au cas par cas. L.M.

    Alliances : 

    2016-10-09 20.35.52.jpgQue boire avec ça? Chemin de Moscou, du domaine Gayda, (Pays d'Oc, 2013, en magnum), d'une grande finesse, sous ses allures bourrues. Ca va bien avec le bourguignon de joue que je viens d'éteindre et qui mijotait depuis trois ou quatre heures... ¡Me alegro!

  • La Gascogne reloaded

    Capture d’écran 2016-10-04 à 18.12.23.pngIls sont jeunes, ils sont minces, ils sont beaux, ils sentent bon les sables fauves, leurs vins sont subtils, équilibrés, francs, purs et droits, leurs armagnacs sont à la fois profonds et aériens, sincères et sans ambages, le packaging des flacons est design et chic… Ils peuvent, oui, incarner une nouvelle génération de vignerons gascons, éloignée des clichés bedonnants et chargés de cholestérol, de terroir à béret et à toiles d’araignée dans le chai. Cyril et Julie Laudet sont à la tête d’une bien jolie propriété landaise, sise aux confins des Landes et du Gers, en Bas-Armagnac, à Parleboscq pour être précis, et Cyril représente la huitième génération de vignerons sur le domaine Laballe, dans l’ex « Grand-Bas ». Propriété d’abord dédiée à l’eau de vie gasconne, c’est sous l’impulsion de Noël Laudet qu’elle amorce un virage capital dans les années soixante-dix. Cet ancien régisseur du château Beychevelle, à Pauillac, se lance à domicile dans le vin blanc. Et le succès

    SABLES-FAUVES-BL-paint.jpgrencontré par sa gamme d’armagnacs, est aussitôt entériné par celui de ses blancs secs, puis moelleux, et des rouges landais. Cyril reprend les rênes du domaine en 2007, des mains de son grand-père Noël. Son épouse Julie, femme issue du marketing dans l’artisanat du cuir haut de gamme du côté de Carcassonne, le rejoint en 2009. Elle est le complément d’objet direct de son vigneron de mari. Le terroir, de sables fauves, caractéristique de la région (le sable landais, les dépôts argilo-limoneux chargés en oxyde de fer venus du Gers) donne une belle minéralité et une grande fraîcheur aux vins. Laballe joue avec l'IGP Landes pour sa gamme Terroirs Landais – à laquelle Cyril tient, car il pourrait classer ces vins-là en Côtes de Gascogne, mais non… Avec, par exemple, un blanc sec 2015 formidable (gros manseng, ugni blanc, colombard et sauvignon), minéral, frais, au nez d’agrumes et pourvu de franches notes exotiques et d’abricot en bouche. Il existe en rosé et en rouge, mais nous ne les avons pas encore goûtés. Laballe propose aussi un audacieux chardonnay des Landes (a probar aussi). En appellation Côtes de Gascogne, nous avons goûté Les Terres Basses en rouge (2015) équilibré, corpulent, sans doute grâce au merlot qui partage le gâteau avec le cabernet sauvignon et le tannat. C’est rond, élégant, épicé, puissant mais doucement. Davantage que Raisin Volé, rouge goûté dans le millésime 2014, en AOC Tursan, et dans lequel tannat, cabernet franc et cabernet sauvignon s’assemblent raisin-vole-clos-cazalet.jpgavec une délicatesse remarquable. Le cabernet franc parvient à dompter le tannat, sous ces latitudes  - c’est connu. Et le cabernet sauvignon est alors un suiveur galant. La Demoiselle de Laballe est un blanc doux classé en Côtes de Gascogne vif, nerveux, sans graisse, svelte et néanmoins doté d’un joli moelleux, comme on le dirait d’un édredon frais : léger et caressant. A noter que le mordant et souple Raisin Volé est élaboré par Cyril Laudet, en collaboration avec un confrère indépendant, le domaine Cazalet. Car Laballe possède une vingtaine d’hectares autour de Parleboscq pour ses armagnacs et ses vins, mais travaille aussi en collaboration - sur autant d'hectares en culture -, avec des vignobles voisins. Mention spéciale à L’Oustig 2015 (envie d’écrire loustic), un blanc sec atypique, classé en Vin de France, confidentiel (4 barriques) étonnant de franchise, de flaveurs d’abricot, de fruit de la passion, rond à souhait, avec un soupçon d’acidité posé comme des parenthèses davantage que comme des guillemets. Gros et petit manseng, et baroque (rare !) composent par tiers l’encépagement de ce « vin nature » qui n’est pas levuré, et qui est d’une pureté et d’une droiture confondantes.

    Côté armagnacs, la gamme est somptueuse, qui fait la part belle aux millésimes, aux assemblages bien sûr, et à des flacons issus de monocépage : baco, ugni blanc, comme ce splendide 1991, 100% Baco, à la robe caramel luisant, miracle d’équilibre et de force contenue, avec son neztrio02.jpg agréable -oui- de térébenthine furtive, et une bouche opulente où les fruits confits et les épices douces dominent avec une ténacité souple. Finesse, rondeur, charnu, longueur respectable, sont les termes qui définissent ordinairement les armagnacs racés de Laballe dans leur ensemble. Et, la tendance étant devenue structurelle, la volonté de développer la consommation de l’armagnac dilué en cocktail, est une carte que Laballe joue à fond. Pour ce faire, la gamme « 3 (Ice) -12 (Rich) -21 (Gold) », au look très moderne, est étalonnée, et elle fait un carton dans les bars dédiés.

    Une dégustation d'un large éventail de la maison (vins et eaux de vie), se tenait d’ailleurs ce 4 octobre dans un bar (restaurant) à cocktails parisien de haut-vol : Gravity Bar. Ouvert il y a un an et des poussières par Marc Longa (ancien journaliste), avec un associé, et un chef de talent, Frédérick Boucher, ce lieu freestyle à mort, au look très sports de glisse donc, mais classieux : épuré, boisé façon surf scandinave, connaît un succès mérité. La recette ? -Un mélange de mixologie (l’art de faire des cocktails) de grande qualité, et de restauration franchement gastro, et au petit point. Témoin, ce déjeuner, donc, en parfaite harmonie mets-vins de Laballe, qui proposa des huîtres bretonnes, bouillon d’anguille, mini concombre et pomelo avec le Sables Fauves blanc 2015 précité : un mariage presque trop raccord! Un délicieux foie gras au torchon audacieusement escorté d’une betterave au goût parfait, ni terreux, ni sucré, riz sauvage soufflé bien croustillant (en écho salutaire au moelleux total du reste) et pourvu d'une pointe de grillé idoine : idéal avec L’Oustig. Un cube de poitrine de cochon laquée à se damner, avec une purée d’aubergines fumée formidable, champignons de Paris marinés, oignon croquant et sésame – sur le Raisin Volé et le Terres Basses, afin d’éprouver le crescendo des deux rouges. Enfin, la poire pochée au vin blanc, faisselle de chèvre (un peu trop épais, pouf-pouf, pas assez chantilly, le chèvre), miel et noisettes correctement torréfiées – avec la Demoiselle de Laballe, à la vivacité de jeune fille espiègle s’échappant à la fraîche dans la pinède… L.M.

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    Domaine Laballe, à Parleboscq 40310.  

    Gravity Bar, 44, rue des Vinaigriers, Paris 10ème 

    Photos de Julie et Cyril Laudet, et des bouteilles : D.R. 

    ALLIANCES :

    téléchargement.jpegQue lire avec tout ça? Le Vieux Saltimbanque, ultime roman de Jim Harrison (disparu en mars dernier), sorte d'autobiographie à la troisième personne d'un immense gourmand de la vie, amateur invétéré de grands vins de Bordeaux, de chasse, de pêche à la mouche, de poésie, et de (sa) femme(s). Flammarion - qui donne9782221192795.jpg envie de reprendre illico son inoubliable Dalva et ses Légendes d'automne (10/18). Et Les lois de l'apogée, de Jean Le Gall (Robert Laffont), roman élégant et fulgurant, incisif et mordant, subtil et délicat, qui dépeint ces trente dernières années, en France, à travers les déambulations littéraro-politico-sensuelles d'un trio infernal. 

    L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

  • troptoirs

    Ah, ces marchés récurrents et improvisés sur les trottoirs de Paris, avec des monceaux de charcuterie et de fromages corses, basques, auvergnats dégueulant jusque là, et tenus par des types ayant vissé un béret sur leur tête dès potron-minet, mais ne parvenant pas à dissimuler leur accent de Ménilmontant, et qui vous affirment être du cru, lors qu’ils ne savent pas situer avec leur index ledit cru sur la carte. Et qui confondent sans ambages les AOC entre elles, dès que vous leur posez une petite question sur l’affinage, le village, le machin, sans même aller trop loin, car cela deviendrait embarrassant. Ce n’est pas que je sois d’humeur grincheuse ou chafouine, mais j’en ai assez de l’arnaque à ciel ouvert, du rapt sans masque, et de la brutalité que cela produit, en somme. C’est comme ces graffiti au pochoir, sur les mêmes trottoirs, déposés non sans violence, devant les boucheries : « Go Vegan ». Mais merde, à la fin. J’aime la bidoche sans limite, les fromages qui puent, j’aime relever les matoles à ortolans, j’aime la bécasse faisandée de huit jours au moins, j’aime voir une demi-véronique signée José Tomas sur le sable, j’aime ferrer une fario d’altitude à la mouche, j'aime relire Hemingway dans la brousse, j'aime écouter les cerfs bramer, j’aime faire l’amour à l’arrière des berlines, après, mais je ne vais pas faire des pochoirs avec tout ça, au nom d’un instinct pongiste dont je suis de toute façon dépourvu. L.M. 

  • Allez, zou!

    Certaines attitudes assument leur insolence. Ce soir, je dînais, accompagné, dans un italien branchouille de Paris, à la cuisine d'assez bonne facture (focaccia correcte, bonne cuisson de linguine all'Amatriciana, relevée avec justesse). Lors de la réservation, il fut impossible de venir à l'heure désirée : 20h30. C'était 19h30 ou 21h30. Bon, va pour la première option. Nous avons certes pris notre temps, à l'étage d'une sorte de hall de gare (c'est l'emplacement de l'ancienne boutique de Jean-Paul Gaultier), en plus assourdissant, car toute conversation devint vite impossible. A 21h15, une jeune fille déposa l'addition en disant fermement : j'ai une réservation dans dix minutes. En d'autres termes : payez-dégagez. Et je déteste, mais je déteste, mais alors si vous saviez combien je déteste que l'on s'adresse ainsi aux clients d'un restaurant. Force est hélas de constater que cette jurisprudence fait florès : à midi, c'est une heure top chrono, et le soir, c'est deux. Capito? - Non, Addio!

    (Daroco, 6, rue Vivienne, Paris 75002).

  • Long Cours revient

    2016-09-30 16.45.39.jpgC’est l’excellente nouvelle de la saison : Tristan Savin a transporté Long Cours de L’Express au Point. Sa belle revue, un mook (magazine-book) consacré aux grands reportages « au long cours » d’une belle exigence littéraire, met le cap sur les pôles Nord et Sud, pour ce numéro d’une nouvelle série que nous souhaitons longue. Au sommaire, des plumes de talent, et pas que des travel-writers : Sylvain Tesson, Michel Onfray, Douglas Kennedy, Cédric Gras, Gilles Lapouge, entre autres.

    Prise de conscience et prise de position, la revue d'aventures s’est penchée sur la fonte des glaciers et les bouleversements en chaîne que cela commence d’entraîner. « La Terre ne sera bientôt plus la même », souligne Savin dans son édito. Onfray évoque Jean Malaurie, « le dernier des spartiates », explorateur, ethno-historien, fondateur de la collection Terre Humaine (Plon). Cedric Gras et Sylvain Tesson, géographes écrivains partis au Groenland, disent « adieu aux glaces », et s’interrogent avec poésie et mélancolie sur l’inexorable fonte. Julien Blanc-Gras donne des extraits de son livre « Briser la glace » (Paulsen). Cédric Gras est parti en Antarctide, à bord d’un brise-glace russe. Il est aussi question des « îles de la désolation » - l’archipel des Kerguelen, du grand froid yakoute, en Sibérie orientale, des derniers chamans de Laponie et, cerise sur le glacier, d’un extrait du journal d’Arthur Conan Doyle, « Au pôle Nord » (Paulsen), évoquant une chasse au phoque et à la baleine. Nous écoutons aussi Luc Jacquet, le réalisateur de « La Marche de l’empereur », exposant son militantisme en faveur de la défense de l’environnement, et Jean-Claude Perrier, qui a mis ses pas « En Patagonie » dans ceux de Bruce Chatwin. Enfin, Doug Kennedy réchauffe ce numéro en traversant un désert australien semé d’embushes. Un Long Cours de longue garde. L.M.

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    15,50€

     

  • c'est baloo

    ... un de ces vrais cèpes dits de Bordeaux, vous savez, avec un long pied blanc, oblong et épaulé façon bouteille Perrier lorsqu'il est cueilli jeune, ventru et comme dessiné par Starck, surmonté d'un béret marron riquiqui mais incroyablement ferme et riche en saveurs. Soit un cèpe taillé comme Baloo, dans Le Livre de la jungle selon Walt Disney. Et bé, l'autre midi, tranché très fin dans le sens de la hauteur et snacké vite fait bien fait, il escortait un joli dos de cabillaud épais, juteux, augmenté de gingembre, de citronnelle, de cébette... Et c'était juste bon, avec un verre de saint-joseph blanc (2011) légèrement oxydatif - roussanne et marsanne, des fois, ça vous la joue raccord, quand ça chante en canon -, signé Jean Delobre (La Ferme des Sept Lunes). Où ça? -A La Cave de l'Insolite, l'une de mes cantines du onzième arrondissement de Paris. Simple, sympa, audacieux : l'accueil, le service, la déco, la carte fraîche du marché, la cave de vins bios, l'esprit, tout (sauf cette phrase à la noix, collée sur le tiroir d’une commode : « les sulfites c’est pour les cons », parce qu’elle fleure franchement vilain l’intolérance, l’idiotie terrorisante du khmer vert en germe). D’ailleurs, le saint-jo blanc bu, précise « contains sulfites » sur sa contre-étiquette. Alors camembert. Car sans soufre (il faut encore le rappeler), le vin tourne piquette. L.M.
     
     

  • Les Colonies

    Capture d’écran 2016-09-22 à 15.17.26.pngLa surprise du jour : un "mook" de L'Express paraît en kiosque, consacré aux colonies, et dans lequel je signe 24 pages en une douzaine d'articles, à propos de l'Algérie, du Vietnam... (des colons, de l'OAS, des pieds-noirs, de l'Indochine, des juifs d'Algérie, d'Abd-el-Kader, de Dien Bien Phu, de Bao Dai, de la "guerre" d'Algérie, des rapatriés, de la résistance vietnamienne...).

  • Mon dossier vins dans Pèlerin

    Capture d’écran 2016-09-15 à 12.26.54.pngIl paraît ce matin. Je l'ai conçu comme un dossier anti Foires aux vins, il est composé de portraits de vigneronnes et de vignerons de talent, tous soucieux du respect de la nature et de la réalisation de vins purs, droits, francs, sans intrants, reflétant au plus près le terroir dont ils sont issus.

    Fier de faire la "couv" du magazine, en plus. Et c'est le sourire de la ravissante Cécile Dusserre, domaine de Montvac, à Vacqueyras, qui l'illustre. Tous au kiosque!

    Et pour les accros, on y (re)trouve les vigneron(ne)s suivant(e)s :
    Laura Semeria (Montcy, Cheverny), les frères Perraud (Cognettes, Muscadet), JM Landureau (Escurac, Médoc), France Crispeels (Reveille, côtes-du-roussillon), Antoine Kreydenweiss (Alsace), Christophe Reynouard (Grangeon, Ardèche), Clotilde Davenne (Les Temps Perdus, Irancy, Saint-Bris), Philippe Fezas (Chiroulet, côtes-de-gascogne), Cécile Dusserre en Vacqueyras... Plus une belle vingtaine d'autres traités en bref, mais bien. Comm'y faut... L.M.

  • impudeur, peut-être

     

    Capture d’écran 2016-08-18 à 13.53.06.png

    Je sais, c'est impudique, mais comme cette photo évoque une scène de cinéma, de l'avis, fiable, de ceux qui l'ont vue, je la propose ici, m'autorisant un coup de canif dans toute déontologie minimale. Ma mère est dans la DS. C'est un dimanche après-midi (entre 1970 et 1976), dans le port de Bayonne. Le m/s Léon Mazzella est à quai, de retour d'Afrique avec rien dans ses flancs, puisqu'il chargera ici. Ce sera selon : soufre, phosphate, traverses de chemin de fer... Derrière lui, en reflet sur les vitres du dernier hommage rendu à la carrosserie automobile (la Citroën précitée), se devine le m/s Cap Falcon, autre navire de la flotte de mon père, armateur. Papa est forcément à bord. Maman a l'air de s'ennuyer grave. Il lui tarde de rentrer et de préparer les pâtes pour la famille. Après le bain des enfants. Et zou, au lit fissa pronto!.. C'est dimanche. Après ce sera plateau-non! pas télé, autre chose avec son homme.
    L.M.
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    P.S. : Le levier de vitesses est au volant, le modèle date bien. Le rétroviseur central produit un clic-clac mat lorsqu'on l'actionne (jour/nuit), afin de lutter contre l'éblouissement des phares - jaunes -, du con qui suit et qui ne pense pas à passer en code. La montre, rectangulaire, se règle à la main avec un gros bouton. Le poste, qui a déjà connu plusieurs ID et DS, est un Radiola toujours branché sur RMC, que mon père appelait "Radio Andorra"!.. Pourquoi maman ne baisse-t-elle pas la vitre, afin de respirer un peu d'air fluvial chargé de marée montante (c'est mieux que descendante) ? Le bruit des grues, peut-être. L'envie de rentrer, sans doute...

     
     
     

     

  • DUKOU

    Avez-vous remarqué que le virus le plus dévastateur de l’été – il avait fait son apparition timidement il y a quelques mois, puis il s’est propagé à grande vitesse, et il est désormais sur toutes les lèvres (l’invasion risque d’être totale et de toucher bientôt les perroquets et les mainates). Car c’est le réflexe le plus usité, la pollution du langage la mieux partagée, le recours systématique et la plupart du temps superflu numero uno, le gimmick que nous entendons le plus – pour peu qu’on y prête attention -, et cela devient alors insupportable, et j’en connais certains que j’ai alertés et qui le guettent désormais comme un gibier, en étant assez vite stupéfaits par sa prolifération. C’est donc un nuisible. Un virus, écrivais-je. Un vrai. Son nom ? – Du coup. Oui ! Écoutez donc, autour de vous, dans la rue, dans les transports, écoutez vos amis, écoutez vos frères et sœurs, vos cousins, écoutez les commerçants, écoutez vos parents, écoutez les animateurs à la télé, écoutez les interviewés à la radio, écoutez les hommes et les femmes politiques. Personne n’y échappe, tout le monde est atteint du virus dukou. Ecoutez-vous donc aussi... Vous allez vous surprendre à l'employer, vous en aurez même un peu honte, vous mettrez votre main sur la bouche, ooops, zut, moi aussi, je... Dukou se rencontre à tout bout de champ lexical.

    Faites donc, oui, l’expérience de guetter le virus dukou. Quelques heures suffisent pour y devenir allergique. Allergique à son emploi intempestif, incessant, ad nauseam, à sa répétition à l’envi, à son inutilité si parfaite, parfois, à sa manière inélégante de meubler une phrase, à sa façon peu accorte de ne pas dire, voire de ne rien dire, mais sans gêne pour autant.

    Mais alors, vous vous demandez déjà par quoi le remplacer, si tant est qu’il faille remplacer un virus. Par un autre ? - Certainement pas, de grâce ! Par quelques antidotes, synonymes et autres variantes plus heureuses, plus audibles, moins usitées peut-être. Pourquoi pas. Alors… Par quoi remplacer « du coup » ? – Cherchez, adaptez ! Par rien, d’abord. Oui, par rien. Par le silence, le soupir dans la diction, les points de suspension... Ou bien par de classiques « donc », « de fait », « de ce fait », « et alors », « à la suite de quoi », « à ce moment-là », « lors », « par conséquent », « en conséquence de quoi (ou pas de quoi, d'ailleurs) », « à la suite de quoi », « et soudain »… Vous voyez, il y a le choix.

    Mais, franchement, vous je ne sais pas, mais moi, vu que je le guette, ce virus en pleine expansion ces mois-ci, et qu’il finit par m’obséder comme une chanson dans la tête que l’on n'avait pas envie d’avoir dans la tête parce qu’on ne l’aime pas, en plus, cette chanson ringarde-là, je frôle l’overdose. Du coup, j’arrête d’écrire, là. L.M.

  • Quand Michel Onfray évoque le temps du vin...

    téléchargement (1).jpeg... Cela devient jouissif. Je rentrais du marché de Bayonne, cet après-midi, il était 15h environ, et j'avais déjeuné d'un pied de cochon anthologique avec des frites a gusto au bord de la Nive, malgré le soleil qui, en terrasse, me cramait le crâne, et tout en lisant Faites les Fêtes, de Francis Marmande (éd. Lignes). Je me dirigeais vers la plage de La Chambre d'Amour, afin d'aller me fracasser le corps tout entier comme j'aime le faire, les pieds plantés dans le gravier, jambes écartées, ou bien (mieux) en plongeant à la dernière seconde à ras le ras du ras, dans les vagues de la marée presque haute (ici, on appelle ça le shore-break, et ça se prononce d'un seul coup comme ça : chorbrek. Rien à voir avec la chorba), lorsque France Culture, dans la voiture, m'interpella. C'était Michel Onfray qui parlait du vin de champagne - et autres vins de saint-émilion, sauternes, pomerol, ou de modestes languedocs... Avec un savoir bachelardien, une sensibilité cosmique, une tendresse filiale, une connaissance réelle et fine, le philosophe spinozien, nietzschéen, camusien (tout ce que nous détestons, en somme, n'est-ce pas), égrenait des expériences de dégustations, et de rencontres avec des vignerons, qui me subjugua. Aussi, l'émission m'obligea-t-elle plaisamment à me garer au bord de l'Adour, juste avant La Barre, afin de la savourer yeux mi-clos, oreilles grand large. Elle dure 1h30, cette émission, et j'en ai rattrapé pour vous le podcast. Mais c'est passionnant à partir de la 18ème minute (pour les pressés), et jusqu'à la fin. Car, même l'épilogue est délicieux comme une mignardise, ou bien comme un tout petit verre de liquoreux sorti de nulle part, façon botte secrète. Je vous en livre par conséquent le lien, afin qu'il vous lie, à votre tour, à cette parole souple et solaire, assemblée et rassemblante, enivrante et juste, je crois. C'est du grand art verbal, soutenu par une culture immense et sans faille apparente (*). Soit, pour qui aime les vins, un pur moment de dégustation philosophique précieux comme un millésime de grande garde à boire ce soir même. Cliquez, amis hédonistes : Onfray et le vin  Première ligne : Les formes liquides du temps

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    (*) Juste un truc, oh, un détail, il confond l'Etna et le Vésuve à propos du Lachrima Christi, c'est vraiment pas grave!..

  • L'Eté

    téléchargement.jpegChaque été, je relis L'Eté, d'Albert Camus (folio 2€). C'est mécanique. C'est un besoin, mental autant que physique. Comme celui d'Afrique, de brousse, à chaque mois de mars, durant nombre d'années... Le Minotaure ou la halte d'Oran, Les amandiers, Prométhée aux Enfers, Petit guide pour des villes sans passé, L'exil d'Hélène, L'énigme, Retour à Tipasa, La mer au plus près (Journal de bord)... Chacun de ces petits bijoux, des récits solaires au lyrisme sec, brefs, essentiels, et hors du temps, sensuels et poétiques, me font aimer Camus encore davantage. Chaque été je relis L'Eté, et je l'offre, aussi. Il est arrivé que l'on me dise : Mais, Léon... Tu me l'as déjà offert! Tu ne t'en souviens pas?.. C'est une partie du magnifique recueil intitulé Noces (suivi de L'Eté). J'y retourne comme on ouvre les volets d'une maison de vacances avec un pincement de honte pour l'avoir négligée plusieurs mois. J'y reconnais chaque texte, que j'ai l'impression de saluer en arrivant, vêtu de ce plaisir singulier de taper l'oreiller avant d'y caler la tête pour la première partie de la nuit... Relire Camus, c'est - aussi - physique. Allez... Les deux premières phrases, et puis la dernière : 

    Il n'y a plus de déserts. Il n'y a plus d'îles.

    J'ai toujours eu l'impression de vivre en haute mer, menacé, au coeur d'un bonheur royal.

     

  • "La" Morante


    Je ne suis pas peu fier de savoir (depuis longtemps déjà), que Elsa Morante a écrit L'Isola di Arturo, le roman de Procida (Prix Strega 1957), à Eldorado, la maison familiale de mes ancêtres armateurs. Ce lieu splendide, sur mon île chérie, fait naturellement partie du parcours littéraire qui chemine le long des lieux phares évoqués dans le livre, et que chacun peut effectuer sans attendre la période de l'attribution du Premio Procida Isola di Arturo Elsa Morante, dont c'est le trentième anniversaire cette année.

    Traductions :

    1) L'Eldorado, la villa Mazzella di Bosco dove Elsa scrivera

    1) L'Eldorado, la villa Mazzella di Bosco où Elsa écrira


    Capture d’écran 2016-07-01 à 10.24.56.pngCapture d’écran 2016-07-01 à 10.50.16.png

    La passeggiata inizia dall'Eldorado, la villa dell'antica famiglia degli armatori Mazzella di Bosco dove Elsa Morante visse et si ispiro per scrivere il suo grande romanzo ambientato della nostra isola...

    La promenade commence par Eldorado, la villa de l'ancienne famille d'armateurs Mazzella di Bosco où Elsa Morante vécut et où elle trouva son inspiration pour écrire son grand roman... 

     

    Capture d’écran 2016-07-01 à 10.02.59.png

    Vu de Il Giardino di Elsa, un verger de citronniers qui s'achève sur une splendide terrasse en balcon au-dessus de la plage de Chiaia, avec la Corricella à gauche, la Punta Pizzaco à droite, et Capri au loin... 

     

  • Les années Vadim

    téléchargement.jpegUne autre époque. L'insouciance, les fiestas chaque soir, les épaules bronzées et salées - ce liseré blanc qu'on aime baiser, une main empaumant un sein, l'autre tenant un verre. Les - très - jolies filles, le cinéma perpétuel, un cinoche à trente-six dimensions, king size comme les lits de bonne fortune où tombaient les nombreuses maîtresses, toutes plus sexy les unes que les autres, et qu'occupait un playboy nommé Vadim. Roger Vadim. Arnaud Le Guern, qui signa un Paul Gégauff mémorable, a l'âme damnée par ces années de plume et d'alcools, qui précédèrent d'autres, de plomb et de vinaigre. On le comprend. Et nous partageons son amour hussard des plages, des films, des chemises de lin blanc, de la délicieuse superficialité de certaines poupées en bikini. Nous suivons l'auteur page à page - il n'a pas besoin de nous prendre par la manche, et nous plongeons dans une sacrée époque, imbibée de plaisir comme un baba de rhum. Une époque où la désinvolture le disputait à la nonchalance, mais au sein de laquelle des talents légers et délicats comme des papillons, et doués pour le culte de la beauté et rien qu'elle, surnageaient, à l'instar d'un glaçon pris par le Spritz. Vadim en fut. Un tombeur, ce doué-là. Un mec à rendre jaloux la moitié de la planète. Ce qu'il parvint à faire sans lever le petit doigt. Et un sacré oeil qui savait déceler l'actrice sous la peau de la femme, ou bien la fabriquait le temps d'un film. Qu'est-ce alors que le temps, le succès, sinon des sorbets au soleil. L'évanescence est une danse, la vie de la soie, l'émotion une fumée. La biographie buissonnière d'Arnaud Le Guern zigzague, pétille. Plop! le champagne glougloute ici et là, elle bifurque aussi, car elle s'est nourrie d'anecdotes et de citations. Un vrai bonheur est celui de tourner les pages de Vadim, untéléchargement (1).jpeg payboy français (Séguier), de suivre cet ange affamé (titre de son autobiographie), de film en film, et de femme en femme (B.B., Jane Fonda, Catherine Deneuve, Maria et Catherine Schneider, Sylvia Kristel, Marie-Christine Barrault in fine, parmi tant d'autres créatures de Dieu. Mille e tre!). Les seventies furent placées sous le signe de la séduction comme les quatre-vingt dix le furent sous celui de la réussite aux dents longues. Elles avaient une autre classe. La bande à Vadim comptait de sacrés fêtards au génie singulier : Maurice Ronet, Paul Gégauff, les frères Marquand, Daniel Gélin, entre autres artistes. Et qu'importe si Vadim a signé des films que le 7ème art ne retiendra sans doute pas, même si Tarantino et d'autres s'en sont inspirés. L'homme couvert de femmes aura vécu comme un prince de la légèreté dense. Cela s'appelle le style. Ce n'est pas rien, par les temps mornes qui courent. L.M.

  • La littérature sans idéal

    Unknown.jpgPhilippe Vilain, romancier (ses livres sont évoqués sur ce blog), et essayiste qui réfléchit à la littérature contemporaine, publie une étude appelée à faire date : La littérature sans idéal (Grasset). L'auteur dresse un constat pessimiste sur la littérature - qu'il a à l'estomac -, la vraie, celle qui a le souci du style (et Vilain est un vrai styliste), qui se moque des désirs mercantiles des éditeurs, lesquels se fondent sur les supposés désirs des lecteurs, ces nouveaux tyrans dénués de réelle culture (littéraire). L’auteur est désenchanté, mais son désenchantement n’est pas le reflet de l’esprit chagrin, ni celui du pessimisme antimoderne, c’est celui qui constate avec amertume une indéniable paupérisation de la production littéraire, la marée montante d’une inculture à l’aise avec son ignorance, l’incapacité à admirer des modèles comme à concevoir un idéal poétique, sinon un idéal d’écriture. Vilain déplore la déliquescence du style, et celle du culte de la beauté de la phrase. Ainsi la littérature déchante-t-elle aussi, et laisse-t-elle place à une production « oralisante », bavarde, sans nécessité, pas écrite du tout, voire « désécrite », précise l’auteur, castrée à force de se conformer à une production commerciale convenue et assimilable par le plus grand nombre, par-delà les continents, mais sans réelle saveur, sans teneur, inconsistante, sans avenir historique. Vilain parle de « soumission » (un terme très utilisé, depuis la parution du roman éponyme de Houellebecq), de cet écrivain-là à la marchandisation de son travail. Nous sommes loin d’une exigence à la Julien Gracq et de la nécessité viscérale d’écrire. Loin, également, de la peinture sociale, de l’étude magistrale des comportements humains par un Balzac, via son œuvre immense. Cette littérature décomplexée, mais somme toute sans qualités, souhaite de surcroît se débarrasser des pères fondateurs : « brûler » Voltaire, « en finir avec » Proust. Pourquoi ? –On se le demande. Seul Céline trouve encore grâce, avec sa novlangue (il n’écrit pas, il « déparle », précise Vilain), aux yeux de ceux qui savent à peine lire. En effet, pourquoi vouloir dissoudre l’exemplarité, l’excellence?.. Serait-ce pour mieux cacher l’indigence ? Ou bien l’excellence fait-elle peur au point que son ombre de mancenillier encombre constamment. « Il n’est pas impossible que la récusation des modèles classiques trahisse une inhibition certaine de l’écrivain contemporain envers son monumental héritage, un sentiment d’écrasement face à ses figures tutélaires, un complexe d’infériorité… », souligne Philippe Vilain (*). Le capital littéraire, la connaissance ne semblent plus indispensables à la fabrique des produits de ce temps maigre, en rupture par ignorance : c'est là le côté révolutionnaire, tendance anarchique, mais teinté d'un nihilisme asthmatique et par défaut, d'une forme de « présentisme ». Le tout assorti du syndrome du « pourquoi pas moi », qui oublie qu’écrire est un métier, comme hôtelier, taxi, ou journaliste (l'uberisation de la société gagne de nouveaux terrains). Spécialiste de l’autofiction, l’auteur décrit en outre, et par le menu, cet investissement subjectif du réel qui réécrit sa mythologie personnelle (l’autofiction) et ses cousines : la biofiction, le docufiction – et leurs travers : l’épuisement sémantique, la défaite du langage, l’éprouvante simplification qui confine au simplisme, le triomphe de l’image, de la scénarisation du roman (la cinécriture), la « selfication des esprits », lance l’auteur, « les dérives d’une époque narcissique, egocentrée, et soucieuse de reconnaissance », ajoute-t-il, avec juste une « ambition récréative », et non plus littéraire, à haute valeur ajoutée. Sans idéal, donc. Ce nivellement par le bas d’un art pris dans le tourbillon d’un marketing planétarisé, a engendré une espèce de « fast writing » sans rigueur, sans substrat, et - pire -, sans fondations. Consolation (restons optimiste et continuons de parier sur la qualité, à l'instar d'une réflexion que nous pouvons mener en parallèle sur la presse écrite imprimée, face à sa jeune dauphine, la presse Web) : il s'agit bien là d'une sous littérature condamnée à la noyade. L.M.

    (*) Et l'on pense alors au fameux vers de Patrice de La Tour du Pin : Tous les pays qui n'ont plus de légendes sont condamnés à mourir de froid. 

                                                                                                         

     

  • Un chemin de tables

    téléchargement.jpegVoici un petit livre dont nous suggérons la lecture à tous ceux qui aiment la gastronomie au-delà de l’assiette, qui aiment faire la cuisine, qui font profession de cuisinier, qui affectionnent le discours littéraire sur cette grande passion française, et à tous ceux qui auraient envie de suivre, en tournant les pages, l’itinéraire d’un jeune gourmand passionné. Ca commence à faire du monde... C’est un peu « L’enfance d’un chef cuisinier », ce court texte (une centaine de pages), signé Maylis de Kerangal, à qui nous devons le très émouvant, très beau, très fort « Réparer les vivants » (folio). Un chemin de tables (Seuil, collection « raconter sa vie », ou le roman vrai de la société française), nous conte l’histoire du jeune Mauro, qui n’aimait rien comme cuisiner pour ses potes de collège, puis chez lui. Il se lance très vite dans le métier, connaît mille misères, ne renâcle jamais. Animé d'une réelle passion, tendrement convaincu de posséder un brin de talent, il poursuit son apprentissage dans des brasseries parisiennes, et à Montreuil, puis chez des chefs, et des plus grands, passant des pizzas au fooding, via le classicisme façon tournedos Rossini. Il devient l’icône d’une cuisine fondée sur les deux piliers de l’inventivité et du partage. Ce que nous aimons, c’est d’abord l’écriture juste, précise, imagée et forte de l’auteur. Nous sentons tellement bien le personnage de Mauro, que son portrait, (page 59 et suivantes), devrait être lu, et cité en exemple dans les écoles de journalisme – c’est d’ailleurs ce que je ferai à la rentrée… Il y a aussi un personnage attachant qui grandit au fil des pages : il y a du reportage en immersion dans ce texte, et à travers ce récit, la photographie de notre gastronomie contemporaine se révèle avec, en prime, la description pointue des arcanes d’un milieu. L.M.

  • Les comics retournés de Gabriela Manzoni

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    2016-06-21 16.08.16.jpg2016-06-21 16.09.11.jpg2016-06-21 16.09.30.jpgGabriela Manzoni
    est habillée d’espièglerie aux tons pastels, ce qui warholise quelque peu les pensées caustiques d’un Cioran, comme : « Le réel me donne de l’asthme », ou celles d’un moraliste à la La Rochefoucauld, qu’elle adjoint à des dessins d’un humour redoutable. Ses Comics retournés, 200 pages de mauvais esprit, et du bon !, qui paraissent chez Séguier, sont un régal d’ironie, de subtilité et de cet esprit français parfois dévastateur. La bien-pensance bobo, le couple et ses méandres marécageux, le mâle et ses certitudes, la femme et son claquant ou ses fadaises, l’air du temps et les lieux communs… Tout est prétexte à l’auteur pour ciseler une formule lapidaire qui donne dans « la radicalité de la nuance », comme on prend de la crème de marrons : à deux doigts sans se retenir. Certaines icônes d’une culture sûre d’elle sont lapidées gentiment, d’autres sont griffées à ongle droit.2016-06-21 16.10.19.jpg

    2016-06-21 16.10.40.jpg Désinvolte, nonchalante, mutine, libertine, « la » Manzoni y va franco sous le velours – façon panthère noire du trait bien tempéré. Sa lecture du monde contemporain ne manque ni de classe, ni de mélancolie. Au détour d’une page, nous laissons l’idée d’un philosophe désenchanté pour chevaucher en pensée l’esprit d’une sorte de 
    2016-06-21 16.12.56.jpg2016-06-21 16.10.51.jpg

    2016-06-21 16.12.45.jpg2016-06-21 16.13.04.jpgMontherlant ou celui d’un Drieu. Et ce petit livre de bon goût, à offrir sans modération, est de surcroît très drôle. Gabriela, s’il vous plaît ... Remettez-nous ça... L.M.

  • Drôle d'oiseau

    Capture d’écran 2016-06-13 à 09.11.27.pngUne cage allait à la recherche d'un oiseau. Kafka (Journal).

    Cette phrase me hante depuis sa découverte il y a quarante ans.

    De même, la métaphore du fruit appelé physalis (d'un mot grec signifiant vessie), surnommé amour en cage (photo), laisse rêveur.

    De là à prendre ce qui fait battre mon coeur pour une lanterne...

    Kafka, ce drôle d'oiseau, craignait peut-être la liberté. L.M.

  • Zouave d'aujourd'hui

    On parle beaucoup de la statue du zouave (le zwawi) du pont de l'Alma, à Paris, parce que l'eau la "gagne"... Et il est étrange que ce représentant des unités françaises d'infanterie légère appartenant à l'armée d'Afrique - souvent d'origine kabyle, d'ailleurs (le corps des zouaves a été créé lors de la conquête de l'Algérie, en 1830, et c'est à la guerre de Crimée, leur première campagne hors du sol algérien, que les zouaves s'illustrèrent en prenant les Russes par surprise, au cours de la bataille de l'Alma), devienne une espèce de symbole du (mauvais) temps qu'il fait, sa jauge...

    Je me souviens de mon père me répétant souvent, lorsque j'étais môme : "Arrête de faire le zouave!", pour : arrête de faire n'importe quoi, ou des bêtises, voire rien : arrête de ne rien faire... Cela pouvait également signifier : cesse de faire "l'intéressant", le "matto" (en napolitain), le fanfaron... Il y a encore la chanson de Ray Ventura, "ça vaut mieux que d'attraper la scarlatine", dans laquelle le chanteur dit : "ça vaut mieux que d'faire le zouave au pont d'l'Alma!"

    Au Lycée, à Bayonne, l'année du bac (qui fut aussi celle de l'impôt sécheresse), une blague inspirée d'une pub qui circulait alors, une sorte de clip d'avant l'inondation des ondes par les clips, disait ceci : "Tu sais pas?.. Ils ont remplacé la statue du zouave du pont de l'Alma, dis-donc!.. - Ah, bon! Et par quoi a-t-elle été remplacée?.. Par une énorme bouteille de Coca-Cola!.. - Ah, bon, et pourquoi?!.. Eh bé... Parce que "Zouave d'aujourd'hui!..." "coooca-colaaaa"...(mouais). L.M.

    :https://www.youtube.com/watch?v=N0rZfJDgQTo

     http://www.culturepub.fr/…/coca-cola-soif-d-aujourd-hui-a-…/

  • Poésie de la douleur

    Définitions de la douleur : "La douleur lancinante est une douleur proche de la douleur exquise, c'est-à-dire comportant des épisodes de lancement survenant par paroxysmes. La douleur fulgurante est une douleur dont l'intensité est particulièrement vive et qui survient de manière spontanée. Les patients la comparent d'ailleurs à des coups de poignard ou à des éclairs. Ce genre de douleur survient au cours de la dégénérescence nerveuse (neuropathie) comme celle apparaissant pendant les complications neurologiques du diabète entre autres. La douleur exquise est une douleur localisée dans des zones bien limitées et qui survient par acmé c'est-à-dire par épisodes pendant lesquelles elle est plus intense. Cette douleur est caractéristique entre autres de l'appendicite ou encore de l'hyperuricémie (goutte). La douleur térébrante est une douleur profonde semblant correspondre à la pénétration d'un corps susceptible de causer une infraction dans l'organisme (vulnérant). La douleur pulsative se caractérise par des élancements sous forme de battements douloureux qui sont perçus dans les zones présentant une inflammation entre autres. La douleur pongitive est une douleur comparable à celle obtenue après pénétration profonde d'un objet contondant . Ce type de douleur est celle de la pleurésie entre autres. La douleur tensive est une douleur s'accompagnant d'une sensation de distension. Cette douleur est celle de l'abcès, de l'inflammation d'une muqueuse digestive ou respiratoire entre autres. La douleur erratique est une douleur labile, qui n'est pas fixe, changeant souvent de place. Cette douleur est caractéristique des rhumatismes. La douleur tormineuse correspond à une atteinte du gros intestin, ou plus généralement d'un viscère abdominal quel qu'il soit (voie digestive, voies urinaires, ...) et correspondant à la colique. Ce type de douleur survient sous forme d'accès. La douleur ostéocope appelée également ostéodynie est une douleur profonde de type aiguë. La caractéristique majeure de ce type de douleur est l'absence de coïncidence avec un symptôme extérieur. La douleur gravative est une douleur qui s'accompagne d'une impression de pesanteur."

    Ces lignes sont extraites de : vulgaris-medical.com , où je me suis rendu par hasard, en googlelisant pour voir, savoir, lorsque j'appris que je souffrais d'une douleur exquise qui me conduisit aux urgences hospitalières... L'expression m'apparut si splendide, sur le compte-rendu rédigé par l'interne, qu'elle eut presque un effet soulageant -enfin, dans l'idée que je m'en fis seulement. Tout à coup la médecine me sembla plus douce, plus sensible. En un mot, poétique oui. Ecoutez : Palpation des épineuses cervicales indolore... Pas de signe de la sonnette... Pas de systématisation radiculaire de la douleur... Douleur exquise à la palpation de l'insertion des tendons de la coiffe au niveau de l'humérus. C'est simplement beau (pour désigner une jolie tendinite calcifiée du sus-épineux). J'entends Laurent Terzieff prononcer ces mots, voire Jean Vilar les déclamer. Je ne sais pas si je soumettrais le diagnostic à la lecture par un Fabrice Luchini… N'était l’emploi, toujours malvenu, de ce au niveau de, l'extrait de cet « examen clinique initial » pourrait s'être échappé d'une page de Ponge. Magie des mots qui surgissent, comme enluminés, là où on ne les attend jamais. L.M.

  • Magnanimité

    téléchargement.jpegMichel Onfray : « On devient vraiment majeur en donnant à ceux qui ont lâché les chiens contre nous sans savoir ce qu'ils faisaient le geste de paix nécessaire à une vie par-delà le ressentiment - trop coûteux en énergie gaspillée. La magnanimité est une vertu d'adulte. (...) Serein, sans haine, ignorant le mépris, loin de tout désir de vengeance, indemne de toute rancune, informé sur la formidable puissance des passions tristes, je ne veux que la culture et l'expansion de cette puissance d'exister -selon l'heureuse formule de Spinoza enchâssée comme un diamant dans son Ethique. Seul l'art codifié de cette puissance d'exister guérit des douleurs passées, présentes et à venir. » (La puissance d'exister, Grasset et Livre de Poche).

     

  • matinalement

    L'aube. Au Moyen-Âge, cela désigne aussi un genre, ou plutôt une forme littéraire assez singulière : c'est une poésie lyrique qui a pour thème la séparation de deux êtres qui s'aiment au point du jour . Accompagnée d'une mélodie savante, elle comporte trois grands thèmes : séparation des amants à l'aube; chant des oiseaux et lever du soleil, intervention du guetteur qui interdit à tout importun de s'approcher et prévient les amants qu'avec l'aube vient la séparation.

    Karl Gottlob Schelle : La bienveillance, la cordialité, la franchise, s'installent dans le coeur qui s'ouvre à la nature; le genre humain, qui cesse de s'agiter dans l'arène des grandes passions telles que l'envie, l'avidité, l'égoïsme, apparaît, dans le miroir de la nature, dans une lumière plus pure. Un homme qui n'est pas dégénéré se sentira oppressé dès qu'il sera resté quelque temps sans voir la nature. (L'Art de se promener).

    Proust : Quand on aime, l'amour est trop grand pour pouvoir être contenu tout entier en nous; il irradie vers la personne aimée, rencontre en elle une surface qui l'arrête, le force à revenir vers son point de départ, et c'est ce choc en retour de notre propre tendresse que nous appelons les sentiments de l'autre et qui nous charme plus qu'à l'aller, parce que nous ne reconnaissons pas qu'elle vient de nous. (A l'ombre des jeunes filles en fleur).

    Gracq : Tant de mains pour transformer le monde et si peu de regards pour le contempler. 

    Capture d’écran 2016-06-03 à 07.05.16.png

    Photo : Maurice Ronet, dans Le Feu follet, de Louis Malle, d'après l'oeuvre de Drieu La Rochelle.

     

  • La révolution sera poétique ou ne sera pas

    Capture d’écran 2016-05-28 à 11.32.10.pngJe fais souvent ce rêve étrange et pénétrant... D'un monde gouverné par la poésie, d'un système dans lequel le mot politique serait toujours remplacé par le mot poétique, où la poésie serait la règle douce et désirée. Je me répète souvent (ici encore, il y a quelques semaines, et ce depuis qu'un jour de juillet 1977, je découvris sa parole), le mot de Hölderlin (photo) : A quoi bon des poètes en un temps de manque? (Wozu dichter in dürftiger zeit?), persuadé qu'ils ne sont jamais aussi nécessaires qu'en temps de crise, de guerre, de marasme social, de doute sociétal. Quand les mythologies s'effondrent, c'est dans la poésie que trouve refuge le divin, écrivait Saint-John Perse. Baudelaire : Il n'y a de grand parmi les hommes que le poète. Hölderlin, encore, répétait que c'est poétiquement que l'homme habite - ou doit habiter -, le monde. Voilà la parole vraie. S'efforcer naturellement (osons l'oxymore) de voir la beauté sous la peau des choses, de même que nous dev(ri)ons toujours frotter et limer notre cervelle à celle d'autrui, disait Montaigne à propos des voyages (en précurseur de l'ethnologie débarrassée de tout ethnocentrisme). Faire de la poésie un mode de vie, un état d'être au monde de chaque instant. Regarder, ressentir, penser, respirer, aimer, rire, parler poésie. Perse, à nouveau (*) : La poésie est action, elle est passion, elle est puissance (...) L'amour est son foyer, l'insoumission sa loi, et son lieu est partout, dans l'anticipation. A chacun sa foi. Croire en cela ne procure aucune espérance en un quelconque au-delà, mais forge et renforce notre pas sur la terre ferme, pensant, avec Eugenio de Andrade, que la démarche crée le chemin. L.M.

    (*) cité dans Habiter poétiquement le monde, anthologie manifeste présentée par Frédéric Brun, éd. Poesis - un livre pas encore vu/lu, évoqué par Le Figaro littéraire d'hier, et d'où je tire ces deux citations de Perse.

    ALLIANCES : 

    Capture d’écran 2016-05-28 à 15.16.34.pngEcouter :  Cigarettes after sex / Affection (cliquez).

     


    Capture d’écran 2016-05-28 à 15.15.42.pngBoire
    :
    le champagne de Barfontarc, un brut blanc de noirs de la Côte des Bar 100% pinot noir, donc. C'est miellé, abricoté, framboisé, crémeux, pulpeux, délicatement vivifié par une acidité gentiment surprenante en bouche. Finale exotique (15€ le prix du plaisir, à fiancer -manger!- avec un dos de cabillaud très épais, juteux, à peine pris au four par le haut).

     

  • Je suis Claude Sautet

    Capture d’écran 2016-05-24 à 11.15.52.pngJ'ai revu, une fois de plus, César et Rosalie, à la télé, avec ce plaisir étrange de l'identification totale, aussi forte qu'entre les pages d'un roman d'amour pourvu d'une épaisseur certaine (Zweig, Marai, Eliade). L'empathie est terriblement sensible, avec les films de Claude Sautet. Alors, j'ai repensé aux Choses de la vie, encore la sublime Romy, et l'immense Piccoli. Et la petite musique Sautet. Années soixante-dix. Mes parents. Leur amour fou. Un spectacle permanent et lumineux, incandescent, idéal, pour leur fils -et filles. Un côté En attendant Bojangles, le roman de Bourdeaut (lire ici, plus bas, au 18 avril), soit une mélancolie gaie, les larmes avec les rires. Les années bonheur, l'insouciance, la mer, le soleil, la terrasse toujours remplie d'amis... Une atmosphère que j'ai - très modestement - décrite dans mon roman Flamenca. Et donc Sautet, sa façon de dire avec tant de tact et de justesse les sentiments, une époque... Comme Aznavour sait chanter l'amour mûr, devenu adulte. Alors je pense à Capture d’écran 2016-05-24 à 11.14.15.pngla chanson d'Hélène, comme on pense au thème de Camille, de Georges Delerue, dans Le Mépris, de Godard, (évoqué sur ce blog de façon récurrente)... La chanson d'Hélène est la plus bouleversante qui soit, la plus douce. Aussi douce et forte que les regards de Sami Frey et d'Yves Montand, à la fin de César et Rosalie, par la fenêtre, lorsque Rosalie/Romy revient... Aussi douce et irrémédiable que l'eau (ou parfois le sable), qui coule, s'échappe d'entre nos doigts. La vie qui fuit, l'amour qui ne se retournera pas, une plage soudain déserte, une page à nouveau blanche, une saison sèche qui tremble à l'horizon comme un mirage. Un côté comme ça... Alors, oui, il y a des jours comme ça. Et, aujourd'hui, comme si souvent, comme ce soir nous sommes septembre (davantage que Charlie), Je suis Sautet. L.M.

    Cliquez là => La chanson d'Hélène 

    Capture d’écran 2016-05-24 à 10.53.04.pngCapture d’écran 2016-05-24 à 11.17.24.png

     

     

  • Spleen parisien

    téléchargement.jpegAlors les copains te disent, te répètent depuis des lustres « trop la chance », « arrête, je vais pleurer », « et moi tu sais où j’ai bouffé », et « plains toi », et j’en passe. Trente ans que ça dure. Que j’accepte de me faire rincer dans les plus beaux endroits, en vertu d’un système huilé, admis, et qui ne se pose plus de question (s’en est-il jamais posé ?), selon lequel il faut engraisser le journaliste comme une oie pour qu’il chie un papier, même pas son foie. Dans le domaine du journalisme gastro/oeno/art de vivre/chose, comme ailleurs (j’en ai connu d’autres, très différents, et c’était la même chose : le voyage en first, le petit cadeau à l’arrivée dans la chambre, le gros juste avant de repartir, qui te fait tellement rougir que tu es obligé de le refuser -question d'éthique, mec, et tout le toutim qui ne frise plus le ridicule). Alors, oui, la semaine dernière, j’ai déjeuné chez Pierre Gagnaire, invité par les grands vins bourguignons de Bouchard, et le lendemain aux Crayères, à Reims, pour une jolie histoire champenoise – et je rendrai compte bientôt des deux, l’ingratitude étant, dans mon top-ten des déconvenues rédhibitoires, un spectre voisin de la déception : si tu acceptes, tu joues le jeu, mais tu n'entres pas dans Troie!.. Deux gargotes de très haute volée ! (meilleur déj’ à la seconde, d’ailleurs). Et j’ai séché plusieurs choses : Dutournier, Apicius… Mais je sais aussi que je me suis régalé d’un jambon-beurre avec un demi, au comptoir d’un rade improbable du 18ème arrondissement de Paris, en filant à l’Anglaise d’un énième machin. Et qu’un jour, au moment de passer à table, au George V, invité par Bernard Magrez et son château Pape-Clément à partager un somptueux repas, en compagnie de « people » éparpillés ici et là, comme Depardieu, Weber, et je ne sais plus qui encore (mazette !), saisi d’un stress des grands jours –celui qui mouille la chemise plus rapidement qu’une douche, j’ai fissa fui (prétextant un bouclage anticipé plutôt hard), puis j’ai respiré un très grand coup une fois dehors, et je me suis alors précipité dans une pizzeria de rien du tout pour manger une Margherita avec les doigts, en repliant sa pâte hélas trop molle (et en pensant fort à celle –formidable-, de Vesi, à Naples)…
    Alors, heureusement que je sais des gens intelligents parmi mes lecteurs, qui ne diront pas, hâtivement, ce mec est blasé, c’est un con, c’est un enfant gavé, un gâté pourri, et gnagnagna... Car, cela n’a rien à voir avec le fait de devenir blasé. Ce que je ne suis pas encore, au bout de tant d’années passées à « tester » les étoilés, les spas, les choses, moi qui n’aime rien comme dormir sous la yourte et partager un steak de cheval cru (épargné par les ours, la nuit dernière), avec des aigliers Kazakhs, ou un filet de buffle à la braise, en compagnie d’un pisteur Burkinabé, adossé à une roue du Land-Rover, tout en écoutant rugir les lions dans le lointain... Non, fuir les mondanités, les convenances, les précautions d’usage, les sourires forcés qui finissent par te refiler une crampe singulière aux zygomatiques, ce blazer encore neuf depuis dix ans qui te serre le dos et les épaules, les moc’ qui étranglent ton cou de pied, lors que tu portes jean-t-shirt-sneakers chaque jour, et n’aime rien comme enfiler tes bottes en caoutchouc – tes vraies pantoufles -, pour aller patauger dans les marais, non, cela n’a rien à voir avec la suffisance de certains qui s’indignent de ce que le red carpet soit plissé – soit pas assez tendu -, devant leurs augustes pas. Cela pour dire que là, au lieu d’un proutproutpincefessedemesdeux, j’ai, one more time, réellement joui (avec fierté, oui), de quatre raviolis vietnamiens « à emporter », dégustés dans leur barquette en plastoc (en me cramant les doigts : j'ai jeté trop vite la poche avec les instruments), au cœur de la ménagerie du Jardin des Plantes, au soleil, entre une chouette harfang des neiges, des oryx d’Arabie et un caracal du désert, qui partageaient une profonde mélancolie proche de la dépression animale, celle que nous ne voulons pas analyser, ni amoindrir, nous les inhumains. Empathie. L.M.

  • Les vins d'Ardèche au Pinxo

    Capture d’écran 2016-05-20 à 19.01.53.png

     

    Splendide dégustation orchestrée par Michèle Piron-Soulat et son équipe féminine, au restaurant Pinxo, spécialiste de la « tapa » de très haut-vol : extraordinaires bouchées de pieds de cochon, délicieuses saint-jacques bardées sur une purée de petit pois, formidable boudin noir landais, et jambon chipsé (de chez Aimé à Dax, ou de chez Montauzer à Guiche, c'est selon), entre autres merveilleuses tapas savoureuses comme à San Seba, ou à Bilbao (bravo, par conséquent, à Fabrice Dubos et à l’équipe très pro de ce restaurant de l'armada de l'ami Alain Dutournier, d’une qualité extrême, sis rue d’Alger). Cela escortait les nombreuses cuvées de vignerons indépendants, et de caves coop’ de respect. L’Abbé Dubois de Cécile et Claude Dumarcher, à St Remèze, propose un viognier 2015 en IGP Ardèche au nez de pêche et d’agrumes délicat, bouche friande et vive, au sein de laquelle acidité et douceur font bon ménage (6€ à peine). La cuvée Originel, nouvelle, vaut franchement le détour, car il s’agit d’un IGP Ardèche rouge issu de Plant de Brunel à 100% Kezaco ? Un cépage quasi inédit, reconnu par l’INRA depuis 2010, planté au domaine des Dumarcher, en 2011 : les vignes ont donc à peine 4 ans, et donnent leur premier vin : c’est très original : robe sombre, nez de fruits rouges vifs (cerise croquante, légère acidité), c’est franchement tannique en bouche, puissant et sans détour possible, cojonudo. 3000 bouteilles à peine pour cette curiosité totale (15€). Le domaine des Accoles, de Florence et Olivier Leriche, à Coux, en certif' Demeter depuis 2015, propose un blanc très grenaché (additionné de clairette blanche et rose), Recto Capture d’écran 2016-05-20 à 19.06.33.pngVerso 2015 (9€) aux notes d’agrumes affirmées. Rendez-vous des Accolytes 2014 bio, rouge, issu de grenache à 100%, très mûres (7€), une cuvée Miocène 2013 bio (13€), où grenache (70%) et carignan expriment une vivacité sans ambages, derrière un mentholé du meilleur effet. Le château Les Amoureuses, de Jean-Pierre Bedel, à Bourg St Andéol (07), donne un rouge assez rond, Black Sublim 2012, avec une jolie acidité délicate en bouche, et doté d’une belle présence en bouche, dans le millésime 2011 (25€, ça rigole pas). Et un Absolu Black 2012 Capture d’écran 2016-05-20 à 19.07.25.png(grenache, syrah, mourvèdre, carignan) 41€, et oui. Très grenaché, sur le Capture d’écran 2016-05-20 à 19.08.53.pngmillésime 2011. Le domaine Arsac, de Sébastien Arsac (photo), en culture bio certifiée, est un domaine solide au discours construit, et aux cuvées ad hoc. Argence 2014, un chardonnay bichonné de la vigne au chai, est floral, beurré en bouche, et pourvu d’une impeccable fraîcheur (13,25€). La Chaumette 2015, un rosé de grenache à 95%, résolument gastronomique du début à la fin d’un repas, se fiche de sa couleur peu « modeuse », plutôt soutenue (comme on aime), et affirme sa clarté, sa délicatesse, et sa force en bouche (10,75€) : Respect, Sébastien!.. Mais Terra Occidens 2014, à fond merlot (85%), ne convainc pas, malgré son étonnante vivacité de cerise croquante (13,25€). Le domaine de Cassagnole, d’Audrey et Alex Biscarat, à Casteljau, propose un blanc (viognier 100%), Esprit de Cassagnole, vif, épicé et rond en bouche : réconciliateur, en somme (8€). Esprit de Cassagnole rosé 2015, issu de syrah corpulentes, de grenache et d’un chouia de viognier, possède une délicatesse et une suavité d’une jolie franchise (8€). Esprit de Capture d’écran 2016-05-20 à 19.11.29.pngCassagnole rouge 2014, ose le marselan, cépage réputé difficile à réussir. Et c’est bien travaillé, bravo. Accompagné de syrah et de carignan, ce rouge élégant, cru, fruité, sauvage, est néanmoins souple et fin en bouche (8,50€). Le domaine du Chapître, de Frédéric Dorthe, à St Marcel d’Ardèche, propose une syrah 100% avec la cuvée Aria 2012, puissante, avec de la matière (8€). Et un blanc, Exsultate 2015, issu de roussanne et de muscat à petits grains, peut-être trop muscaté, vif certes, épicé aussi (10€). Le domaine Coulange, de Christelle Coulange, à Bourg St Andéol, offre un côtes du Rhône blanc (grenache blanc, viognier, roussanne, marsanne) d’une grande rondeur, avec du gras et une belle acidité en bouche qui réveille l’ensemble (6,50€). Mistral 2015 est un côtes du Rhône rouge très grenache (80%, et syrah), mis en bouteille il y a moins d’un mois (nous sommes le 20 mai), et déjà prometteur, sans défaut majeur apparent. Fruits rouges, épicé délicat, réglissé fugitif (6€). Rochelette 2014, du même domaine, est très marqué par la syrah, c’est complexe et élégant, ça appelle l’entrecôte ou le carré d’agneau (7€). Le domaine du Grangeon, Capture d’écran 2016-05-20 à 19.13.07.pngde Christophe Reynouard, à Rosières, est une référence absolue, selon nous : son viognier 2015, travaillé à l’ancienne, soit comme dans les années 1990 (à peine!), possède une sucrosité (3,8g/l) donc une douceur avenante, qui n’apparaît qu’après une fraîcheur superbe au nez (poire, pêche), et une vivacité en première bouche (pêche blanche, chèvrefeuille), et le tout explosa littéralement sur la coquille St-Jacques lardée du Pinxo ! (10,50€ : avec tant de soins apportés, c’est cadeau). Le Chatus 2013, un cépage adoré et minutieusement travaillé par Reynouard : nous avons là l’expression délicate du fruit, avec cette acidité nécessaire, ses tanins discrets, fondus, et qui nous font juste un clin d’œil amical; c’est joliment épicé, doucement alcooleux, fruité profondément (et sur certains millésimes, la nèfle s’invite pour adoucir la fin de bouche, mais pas là). 13€, re-cadeau. Et bravo. Bravo aussi à Benoît Chazallon, vigneron absolu, adepte instinctif de la bio culture biologique et biodynamique (label Ecocert AB) de son déjà célébrissime domaine de La Selve. Madame de 2014, que l’on ne présente plus à aucun aficionado, est un blanc en IGP Ardèche, « mention coteaux de l’Ardèche blanc », viognier 100%, d’une pureté droite, très floral, avec des notes Capture d’écran 2016-05-20 à 19.13.57.pngaffirmées de pêche et d’abricot du meilleur effet (24,50€ le prix du voyage dans un verger rarissime). Serre de Berty 2013 est le vin étonnant de cette grande dégustation. Ce rouge issu de syrah (50%), grenache et cinsault à part égale, en culture bio et biodynamique sans aucun insecticide, intrant chimique et tout le bazar bordelais (oops !), jouit d’une cuvaison très longue (6-8 semaines). Levures indigènes, of course, ce n’est ni collé, ni filtré, ça donne un nez incroyable où domine la poire (!), il n’y a aucune extraction, ni aucun pigeage, c’est à peine-à peine soufré à la mise, et cela donne… « le toucher du vin ». Un concept aussi poétique qu’essentiel, retenez-le, c'est un peu comme le toucher de la hanche pour un danseur de tango, et pour un vin aussi puissant que délicat, cela figure une sorte de synthèse, une bouqet ramassé. Très longue fin de bouche... Et c'est armé d’une délicatesse infinie, d’un soyeux presque irréel : le coup de cœur absolu (15,40€). Solera tirage 2015, viognier 100% de Chazallon aussi, muté à mi fermentation, ouillé (pas comme à Jerez : pas de « flor »), est très liquoreux mais nerveux, et capable de se battre en duel avec un fromage bleu, un foie gras poêlé, et un chocolat amer (20€ le flacon de 50 cl). Le Mas de Libian, d’Hélène Thibon, à St Marcel d’Ardèche, en biodynamie certifié Demeter, c’est la classe et la pureté mêmeCave Vinum 2015, un blanc issu de roussanne, viognier et clairette, exprime la fluidité, laCapture d’écran 2016-05-20 à 19.15.34.png suavité, oui... Cette limpidité que l’on est désormais forcé de « retrouver » devant un vin en biodynamie – c’est comme ça, cela commence à se reconnaître, et nous le savons, lorsque nous dégustons entre nosotros... Et cette nouvelle « distinction » passera désormais par là. Un blanc exotique, après les fleurs et les fruits à chair blanche, d’une élégance et d’une noblesse qui évoque la démarche droite et inflexible des Africaines traversant la brousse avec un énorme bac rempli d'eau, en plastique de couleur vive, posé sur leur tête (13€). Bout’zan 2015, très grenaché, est un rouge envoyant une jolie mâche virile (10€). Le domaine Notre Dame de Cousignac, de Raphaël Pommier, à Bourg St Andéol, propose un blanc marqué par la clairette, floral en diable, avec un léger gras (8€). Le domaine de Vigier, de Marjorie Dupré, à Lagorce, offre un viognier 100%, Inès 2014, au nez exotique (ananas) et « viennois » (beurre frais) bienvenu, le rapport qualité prix nous apparaît probant : 7,65€. Les méritants Vignerons Ardéchois, présidés par André Mercier, sis à Ruoms,Capture d’écran 2016-05-20 à 19.16.26.png proposent une grande gamme séduisante : le viognier Tradition (6,40€), possède une douceur de bon aloi. Son frère (100% viognier, aussi), élevé en barriques, Terre d’Eglantier, est naturellement charnu, boisé donc, mais avec raison (8,50€). Terre d’Amandier 2015, chardonnay 100%, rond, équilibré, sur la pêche et l’aubépine, l’épicé doux aussi, voire le fruit sec torréfié, est une réussite recommandable (7€ à peine). Grotte Chauvet, une toute nouvelle gamme, existe déjà en rosé 2015, AOP Côtes du Vivarais : c’est friand à souhait, gourmand, et ça appelle les copains et le barbecue (6,30€). En rouge 2014, avec 70% de syrah et un complément de grenache, Grotte Chauvet est marqué, affirmé, c’est cohérent avec le visuel préhistorique : voici un vin offrant une belle matière (6,30€). Enfin, la cave La Cévenole, à Rosières, donne un Chatus Monnaie d’Or 2013 (100% chatus) d’une puissance contenue, avec une bouche généreusement épicée (7,65€).

    Léon Mazzella

    L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

  • Le Blanc de Noirs de Dauby

    Capture d’écran 2016-05-17 à 20.48.54.pngC'est une petite merveille, ce Brut Premier Cru-là...

    Champagne Dauby (« Mère & Fille »), Blanc de noirs (issu des plus beaux pinot noirs du terroir magnifique de Mutigny, classé Premier Cru) :

    Bulle fine, cordon régulier et enjoué, sous une robe jaune, vive, sans reflets clinquants : franche.

    Joli nez d’une grande fraîcheur, et « viennois », de pain brioché, quasi « cremoso », avec une touche de pêche blanche, une pointe de myrtille, et puis de mûre, et enfin un zeste caressant de pomelo rose.

    Bouche ronde et ample, pleine, avec un léger crayeux (le sol parle !), et juste ce qu’il faut d’agrumes mûrs, soit un citronné presque confit. On y retrouve la viennoiserie délicate, et une finale de framboise encore croquante.

    Un champagne gourmand, d’apéritif attentif, et surtout pour accompagner dignement un poisson de rivière en sauce (beurre blanc, crème), ou une volaille justement cuite, encore juteuse.

    La famille Dauby, sise à Aÿ, jouit de terroirs exceptionnels et élabore une gamme de champagnes de respect depuis soixante ans. La marque au coquelicot – emblème qui souligne le respect absolu de la nature et de la biodiversité, possède le sens de la recherche d’une certaine authenticité qui laisse parler la terre. C’est « juste » bien fait... (18€!). L.M.

    Alliances :

    téléchargement.jpegLa table de Montaigne, de Christian Coulon (Arléa), car l'auteur (prof émérite à Sciences-Po Bordeaux - nos universités!), révèle un auteur des Essais qui se fiche de la gastronomie comme d'une guigne ou de sa première culotte pour aller chevaucher bride abattue, et plutôt un philosophe gourmand, voire bafreur. Et ce bouquin passionnant se double d'une vraie histoire des moeurs gastronomiques du Sud-Ouest de l'époque... Un régal, pour qui aime la région, Montaigne, et manger généreusement. 

    Ecouter, avec ce duo :

    Une compil de bons vieux standards des Pink Floyd.

    Comfortably numb

    Et aussi des succès de Peter Gabriel (post Genesis)

    http://bit.ly/1cGBpHz.

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  • Le Moulin de La Roque, à Bandol, et ses 5 terroirs à rouges

    Capture d’écran 2016-05-16 à 18.49.38.pngLe vignoble du Moulin de la Roque, au Castellet (Var), en appellation Bandol, jouit de cinq terroirs distincts qui donnent cinq vins rouges aux propriétés singulières : les Sables Rouges, les Marnes Noires, les Marnes Sableuses, les Calcaires à Rudistes et les Galets du Trias (18,50€ chaque bouteille, ou bien – mieux ! : en coffret de 5 bouteilles de 50 cl : 55€). Nous les avons dégustés pour vous ce 16 mai (un jury de 3 pros), dans le millésime 2011.

    Les Sables Rouges (présence d’oxyde de fer Capture d’écran 2016-05-16 à 18.44.38.pngdans le sol, la mourvèdre adore ça), offrent un vin à la robe si foncée qu’elle paraît noire. Un nez vif de cerise et de fruits noirs mûrs, presque confiturés saute aux narines. La bouche est ample, puissante, et riche, avec une pointe réglissée surfant sur une longueur respectable – on sent le vin sérieux de bonne garde.

    Les Marnes Noires – un terroirCapture d’écran 2016-05-16 à 18.47.07.png magnifique et envié -, présente une robe profonde, grenat dense. Nez épicé, avec des notes affirmées de petits fruits rouges croquants. Bouche très présente, soit structurée, avec de beaux tanins, et une longueur acidulée très fruitée, du meilleur effet.

    Capture d’écran 2016-05-16 à 18.53.51.pngLes Marnes Sableuses, assez empierrées, obligent les racines de mourvèdre à se frayer un chemin tortueux. Œil élégant, grenat à reflets mauves. Un nez de cassis et de mûre, ex-aequo, s’impose. La bouche est souple, riche, comme crémeuse, les tanins, d’une souplesse de gymnaste olympique, marchent sur la pointe des ballerines. Longueur généreusement fruitée.

    Les Calcaires à Rudistes désignent un sol compact qui refuse l’eau à l’entrée comme un videur obtus devant une boîte de nuit refoule le frimeur suffisant. Compliqué, pourCapture d’écran 2016-05-16 à 19.03.18.png abreuver les racines. Braconnières, celles-ci parviennent à s’insinuer, à s’inviter, en bonne Résistantes… Œil foncé, grenat dense. Nez explosif de cerise, de framboise mûre, et de pruneau sec mais charnu, encore chouia juteux. La bouche est d’une grande douceur bordée de puissance. Là aussi, ça sent la garde, la bonne garde !

    Capture d’écran 2016-05-16 à 19.03.45.pngLes Galets du Trias, vieux sol (une poignée de millions d’années et des poussières) très calcaire, qui accueille l’eau comme l’Allemagne le réfugié syrien au début. Au début seulement… Mais qui sait garder la chaleur, avec une minéralité très réceptive. La robe est noire comme la petite robe noire que les filles aiment tant porter. Le nez est résolument braqué sur les petits fruits (noirs) de sous-bois. La bouche est souple, sans agressivité, et franchement longue (il faudrait compter les caudalies, pour s’amuser).

     

    Cerise sur le plateau :


    Capture d’écran 2016-05-16 à 18.48.25.pngLe rosé Tarente, bandol 2015, du même Moulin de La Roque, est quant à lui un rosé sérieux, vineux, riche, corpulent même, qui ne s’en laisse pas compter. La mourvèdre dans toute sa splendeur. Nez volontiers exotique, bouche délicatement persistante. C’est aromatique en diable, structuré et tout en finesse. Tarente peut soutenir un repas entier. Ou bien un apéro de trois rugbymen ayant envie de rigoler, voire de chanter avant de passer à table (14€).

    L.M.

    L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

  • flacons divers pour temps incertain

    Ma Simonetta me le disait, tôt ce matin, en terrasse, au café voisin : ce temps, c'est vraiment n'importe quoi! Donc, ne voici pas des rosés tranquilles pour les canicules à venir, mais trois flacons inégaux pour des temps incertains, comme nous tous. Qui réclament un feu ardent de cheminée assoupie, et à réveiller, à enflammer -pas d'urgence, surtout-, petaloso, à mesure, en se déshabillant doucement de ses pétales, (comme Peter Pan de son vêtement végétal - d'autres l'ont de lumière). A la manière de l'empereur Auguste, qui se hâtait lentement. Ah, les nuages, les merveilleux nuages, striés de martinets au chant strident qui pince les coeurs en morceaux, tout en zébrant l'indigente portion rectangulaire de ciel qui nous est allouée, ici, soit loin de l'essentiel, à des années lumineuses d'une certaine vérité naturelle (mais forcément apprivoisée par d'autres que nous mêmes), pétrie de silence sauvage, et solidement bâtie, en revanche, sur des regards entendus...

    Capture d’écran 2016-05-15 à 14.38.45.pngLa Tour du Bief, Moulin-à-Vent 2011

    Belle corpulence pour ce domaine sis à Chenas. Un rouge fruité, profond, à la robe grenat soutenu, avec une touche de violette, au nez, ainsi que des fruits rouges (cerise) et noirs (mûre) que l’on retrouve à l’identique en bouche. Un vin gourmand, charnu et velouté, très équilibré et d’une belle fraîcheur, qui convient à un poulet à la broche accompagné de papardelle fraîches avec un pesto rosso légèrement pimenté. Un beaujolais qui n’a rien à envier à certains voisins bourguignons (13,50€).

     

    Montus Pacherenc du Vic Bilh blanc 2011Capture d’écran 2016-05-15 à 14.47.05.png

    L’excellence de la patte Alain Brumont (vigneron – inspiré depuis belle lurette -, à Maumusson, dans le Gers) s’exprime aussi en blanc, avec ce pacherenc sec (petit courbu (80%), petit manseng), élevé en demi-muids (600 litres) sur lies fines, 15 mois durant. La robe est dorée, brillante et dense. Le nez, de fleurs et de pêche blanches, et légèrement truffé, est d’une grande fraîcheur - limite saline - , du meilleur effet. La bouche est soyeuse, chouia grasse comme il faut, ample et longue, très longue. La minéralité, droite, le dispute à une certaine douceur convaincante (et à peine boisée), voire immédiatement séduisante. Un beau flacon pour escorter un bar grillé, des joues de lotte poêlées, et pourquoi pas un foie gras au torchon (30€).

     

    Capture d’écran 2016-05-15 à 15.06.51.pngGrémillet, champagne « rosé vrai »

    Il ne convainc pas, malgré sa robe à la tonalité intense (100% pinot noir), avec sa bulle grossière façon Perrier, ce champagne rosé « vrai » (de saignée, ou de macération : soit pas un rosé d’assemblage) extra-brut (de 0 à 6 g de sucre par litre maximum). C’est le genre de produit qui semble fait pour la Fête des mères, e basta. Or, la vinosité, d’une faiblesse indigente, le nez fuyard, de fraise surtout, puis de groseille, la touche bonbon anglais en bouche, laissent coi. Ou sur notre soif de découverte, et de goût. En montant en température, le vin s’assouplit cependant, et un fruité plus complexe s’affirme à mesure. Attendez-le, donc, et sifflez le à l’apéro, même si votre mère n’est pas encore arrivée. Et puis, bon, faites sauter un autre bouchon pour la fêter… (24€).

     

     

  • Dictionnaire chic du vin, deuxième

    Capture d'écran 2016-04-06 16.25.34.pngLe Dictionnaire chic du vin (éd. Ecriture), paru vers la fin du mois de septembre dernier, est en rupture de stock depuis une belle poignée de semaines (ce qui ne m'a pas empêché de signer un reliquat d'exemplaires glanés ici et là, aux salons du livre de Saumur, du Mans, et de Rue89). Sa réimpression prend du temps, mais elle devient imminente. J'en profite pour remercier ses 3 000 premiers acquéreurs, ainsi que les auteurs des nombreux articles et autres émissions de radio qui en ont fait écho dans leurs colonnes et sur les ondes. Le livre sera donc à nouveau disponible sous peu en librairie, sur simple demande/commande.  

  • Rosés, la suite

    Capture d’écran 2016-05-06 à 14.46.53.pngPrestige du Président est un rosé corse de coopérative (l'Union des vignerons de l’île de Beauté, à Aléria), issu de sciaccarellu et d’un peu de syrah. Sa robe est claire, mais dense et brillante. Son nez exprime les fruits rouges vifs et croquants : framboise, fraise des bois, et un léger citronné dépourvu de cette agressivité qui semble être à la mode (et la mode semble être, tous secteurs confondus, à l'agressivité, à l'arrogance, à l'irrespect de... Je m'égare, là). Jolie bouche ample, pleine, fruitée et tendrement épicée, en finale. Très agréable sur un poulpe a la Gallega, servi tiède, avec du pimenton (ou du paprika), et des légumes verts croquants cuits brièvement à la vapeur (pois gourmands, petits pois, brocolis), finis à froid d’un filet d’huile d’olive vierge généreux. C’est, de surcroît, une bouteille belle, lourde, dont la teinte du verre cache la couleur du vin (7,50€). Très Corse, cette façon de dissimuler, d'ourdir, de comploter jusqu'à la couleur du... contenant. J'aime.

    Lire, avec : Le vin & le sacré, d'Evelyne MalnicCapture d’écran 2016-05-06 à 15.47.41.png (Féret), un superbe album richement illustré, à l'usage des hédonistes, croyants et libres-penseurs : c'est le sous-titre. Une ferveur commune a toujours associé vin et divin, depuis plus de six mille ans. Le vin est en effet au coeur de la civilisation méditerranéenne. Il est dans la Bible, il imprègne, voire imbibe les textes fondateurs en Mésopotamie, en Egypte, en Grèce bien sûr. La Pâque juive, le paradis d'Allah... Nul n'est épargné, du moins du côté des monothéismes. La trop fameuse métaphore du sang versé (le Graal), l'image classique du sang de la vigne du poète persan (païen et jouisseur, pour le coup, donc hors-sujet!) Omar Khayyâm, le vin est aussi et surtout redevable du cep de vigne que Noé garda serré dans sa main, en montant dans l'Arche. C'est là le cep fondateur! Celui dont les Légions romaines ont semé les fils, partout où elles passaient. Mon Dictionnaire chic du vin (éd. Ecriture) évoque abondamment ces sources fondamentales, ainsi que les figures de Dionysos et de Bacchus, ainsi que le passage du divin au païen. Alors, lisez ce très bel album, dans lequel Evelyne Malnic a tout donné, et sur lequel nous reviendrons ici, prochainement. Rappel : religion signifie ce qui relie (les hommes entre eux). Et quoi de plus reliant que le vin?

     

    Capture d’écran 2016-05-06 à 15.25.24.pngEt si Bacchus était une femme. Parenthèse dans ce feuilleton des vins frais de l’été, amorcé ici le 18 avril (lire en faisant défiler les notes), une fois n'est pas coutume, car le vin que j'évoque ci-dessous s'adresse à ceux qui passent à Paris ou bien y vivent, en raison de l'unique adresse où nous pouvons le trouver. Collector, mes amis, collector! Et vintage, tant qu'on y est! Ce vin rare est incontestablement le rosé de l’été parisien. Gourmand, fruité, délicat, ce Provençal étiqueté spécialement par le célèbre domaine Gavoty, dans le Var, pour la cave parisienne « Et si Bacchus était une femme », est un rosé qui ne manque ni de claquant, ni de classe. Issu de cinsault et de grenache, il est idéal pour un déjeuner sur l’herbe dans un jardin parisien, qu’il soit des Plantes, de Vincennes, ou d’Acclimatation, avec des fromages de chèvre, du jambon de Parme, des grissini et une tapenade maison.

    Robe pâle et élégante. Nez fruité deCapture d’écran 2016-05-06 à 16.04.40.png groseille, de fraise mûre et de framboise croquante. Bouche ample, généreuse, avec des hanches, et pourvue d’une jolie longueur, à la fois tendre et fraîche. Le vin idoine pour un apéro sur les bords de Seine ou de Marne, depuis les quais se trouvant à l’aplomb de la Très grande bibliothèque, jusqu’à Joinville-le-Pont et au-delà. Ou bien pour un dîner amoureux sur le petit balcon, collés-serrés par la force des choses foncières... Et encore pour une soirée entre copains et copines, à l’appart’, en écoutant le dernier album collectif Autour de Chet (Baker). Le rosé « Et si Bacchus était une femme », c’est la griffe discrète d’un grand de Provence dans un gant de velours. L’alliance de la fête et de la finesse (10€). Et vendu, donc, uniquement à la boutique (coordonnées ci-dessus). Cette cave cosy est à la gloire du vin de vigneronne, et volontiers bio. A noter que la gamme Et si Bacchus était une femme se décline en blanc, en rouge, ainsi qu'en champagne (de vigneronnes, évidemment). L.M.

    L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

  • Folio entre guillemets

    Capture d’écran 2016-05-06 à 10.08.41.pngJubilatoire, cette petite collection folio : "entre guillemets", dont chaque volume est enrichi de dessins d'illustrateurs, et qui reprend par exemple le formidable Les mots de l'époque, de notre ami Didier Pourquery (Autrement, 2014, évoqué ici même à sa parution), sous le titre Les mots passants de tous les jours (une sélection de ses meilleures chroniques Juste un mot, parues dans M/Le Monde). Pourquery analyse avec un talent d'observateur tendre et subtil, tant de mots attrapés au vol, dans la rue, le métro, n'importe où, entre citoyens jeunes et moins jeunes : ce sont les termes de l'époque, de genre, à deadline, en passant par clivant, dans la boucle, impacter, ou encore j'allais dire, et tongs... Désopilant, le livre de Lionel Besnier, L'argot du polar, qui est une anthologie des meilleures citations et répliques piquées dans les polars (500 en tout), soit les perles d'une langue verte qui, lorsqu'elle vire au noir, ne manque pas de claquant. Drôle,Capture d’écran 2016-05-06 à 10.08.13.png évidemment, et tellement auto-dérisoire, L'humour juif, de Judith Stora-Sandor, truffé d'histoires de rabbins que l'on est tenté de lire à voix haute, afin de faire rire les copains. Une quinzaine de titres sont déjà parus, de Comment dit-on humour en Arabe, de Mohammed Aïssaoui, aux Meilleurs zeugmas du Masque et la plume (collectif). Notons par ailleurs le soin apporté au graphisme, à la qualité du papier, au thermoformage de la couverture, soit à l'originalité supplémentaire de cette collection qui hisse le livre en  format de poche au rang d'objet en tous points agréable. A suivre. L.M.

  • "Alliances décoiffantes" (Yul Brynner dixit)

    téléchargement.jpegLà, avec deux potes, on s'est dit on y va, on verra. D'ailleurs, on se le dit souvent, ça. C'est (un peu) vivre, d'une certaine façon. Château Minuty 281, avec sa longue larme bleue intense, est une cuvée tropézienne très particulière (grenache et tibouren, vignes de 25 ans minimum, sélection parcellaire). François Matton, son co-propriétaire (avec son frère Jean-Etienne), souligne avec justesse sa belle longueur en bouche, et ajoute que ce 2015 est moins marqué par l'acidité que le 2014. Oh, combien! Nous n'avions franchement pas aimé le 2014, vraiment trop marqué agrumes verts. Celui-ci est davantage en rondeur,Phared'Eckmühl_SardinesPimentEspelette.jpg très floral, délicat, avec une bouche légère de pomelo, et de pêche blanche résolument gourmande et, néanmoins (ou plutôt nez en plus), une force en retrait, comme un coup de reins salutaire. Un truc capable de soutenir des sardines du Phare d'Eckmühl au piment d'Espelette bio, lequel ne fait pas semblant d'être dans la boîte. Et oui, l'accord se fit. Minuty (45€ env. quand même), surnagea, et ces splendides petits poissons, d'une fermeté ad hoc, mon capitaine, expriment l'excellence de la conserve, avec un paquadjingue sobre et du meilleur effet, comme très souvent avec les sardines à l'huile (davantage qu'avec les Pataugas). A noter que Minuty, fondé par Ganriel Farnet, fête ses 80 ans, cette année (à suivre).

    Capture d’écran 2016-05-04 à 13.27.55.pngQui l'eut cru? Le porto blanc extra sec, Extra Dry White Reserve, de la Quinta das Lamelas, soit un pur joyau (19€ le flacon de 50cl), qui naît dans Le Cima Corgo, un terroir exceptionnel du Douro, exprimant certes aussitôt la noix, l'amande torréfiée, l'abricot sec mais moelleux, avec une tension idéale qui l'empêche de flirter avec la douceur encombrante, le gras lourdingue, va à merveille -tenez vous bien-, avec des filets de hareng fumés, doux toutefois, augmentés (maison) d'oignon blanc, de poivre noir et d'huile neutre avec un chouia d'huile d'olive toscane, dûment marinés deux bonnes heures. L'accord est étonnamment symbiotique. L'iode, le gras, le salin, le fruité sec, la raideur douce, le croquant du vin et la douceur molle du poisson, tout cela dansait un tango sauvage dans la bouche. Et mes potes murmuraient, les yeux mi-clos. Nota : Si vous passez par la capitale (Paris), sachez qu'a ouvert une boutique unique en son genre : Portologia, rue Chapon, dans le 3ème arrondissement. C'est le temple du Porto, des portos, vins tranquilles blancs et rouges compris, et des produits dérivés : charcuterie, fromages, huiles... Plus de 200 références, une majorité de petits producteurs, même si nous trouvons un négociant comme Dalva (lequel nous évoque davantage le regretté Jim Harrison que les vins de la vallée du Douro...), des vins tranquilles, bien sûr, et qui sont si bons (Esencia, essayez donc ça!) et puis la gamme de Bulas, ou bien celle de la Quinta do Murao), et la grande palette, des tawnys au Late Bottled Vintage, en passant par les Colheitas... Julien Dos Santos, maître des lieux, est un specialista disert. Il vous en dira tant... Rappel : la France est le premier pays consommateur de Porto (et de whisky aussi. Nous cumulons!). Dernier détail, de taille : on peut déguster sur place, entre amis, en grignotant des choses superbes tout en débouchant des flacons. Convivial, cette cave, bar à vins, maison de dégustation (comme on parle de maison de thé), est un lieu qui devrait logiquement devenir fissa pronto une adresse sympa pour les apéros que l'on aime tant prolonger...

    Château Larroque, un bordeaux blanc - propriété de la familleCapture d’écran 2016-05-04 à 13.25.08.png Ducourt (dans le millésime 2015 bien sûr), est très équilibré, tonique, fruité (exotique) à souhait, avec une acidité de bon aloi, un nez complexe que l'on retrouve en bouche. Ce vin-là fait d'ailleurs partie, avec 17 autres domaines, des Oscars des Bordeaux de l'été 2016. Et il est capable de soutenir une salade de cogollos (coeurs de laitue), avec force vinaigre balsamique et fleur de sel, ce qui n'est jamais évident, ainsi que des boulettes de ventre de veau (celui que l'on hache pour préparer l'axoa basque, avec du piment d'Espelette - encore lui!), roulées au plat de la main maison, puis poêlées (6,30€).

     

     

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  • Rosés, ça suit, ça suit...

    Suite du feuilleton des vins de l'été prochain, commencé le 18 avril (lire en déroulant sous cette note).

    Capture d’écran 2016-05-01 à 10.35.43.pngLa famille Bougrier, négociant implanté dans la Loire depuis 1885, innove « carrément » en mettant sur le marché une gamme de trois bouteilles aux bords carrés et à capsules à vis, appelée Pure Loire. Nous sentons le vent de la jeunesse, voire de la relève, avec l’arrivée de Nicolas Bougrier aux côtés de Noël, son père. Il s’agit d’un Rosé de Loire (gamay et cabernet franc), d’un Rosé d’Anjou (gamay, grolleau, cabernet franc), et d’un Touraine blanc (sauvignon). Distribuée aux USA et chez Auchan, cette toute nouvelle gamme de la Famille Bougrier joue la carte de la modernité, du packaging innovant et du bon rapport qualité/prix (env. 6€). Le Rosé de Loire a notre préférence. Belle robe lumineuse et coraillée. Joli nez de fraise mûre et de petite cerise croquante, délicat citronné au second nez. Bouche fruitée, léger épicé (poivre), en finale. Il fit ses preuves sur un tartare de saumon au soja, puis –plus surprenant -, sur un plat maison classé fétiche : dos de cabillaud, chorizo chipsé, tomates cerise aillées.

    Capture d’écran 2016-05-01 à 10.31.13.pngLe Tavel de Vidal-Fleury (grenache, syrah, cinsault), à la robe dense, rouge profond, au nez intense où se bousculent la cerise, le cassis, le poivre, offre de surcroît une bouche complexe et longue, où les petits fruits rouges se mêlent puissamment. Un vrai rosé « gastronomique » pour tout un repas volontiers épicé, exotique. Une réussite qui nous ferait oublier tous les rosés frêles, modeux, light, voire insipides (ils sont nombreux, mais vous ne lirez pas leur nom, ici, par pudeur). C'est d'un vin qu'il s'agit. Un vrai, bon, vin rosé avec du caractère (14,80€).

    Yves Leccia, une star en Patrimonio (Corse) propose « E Croce », unCapture d’écran 2016-05-02 à 19.43.15.png rosé (80% niellucciu et 20% grenache), qui croît sur un sol argilo-calcaire, sur socle schisteux, à Poggio d’Oletta, soit là où se trouvent les plus belles parcelles des vignes de son père, doucement ventées, salinisées, par le golfe de Saint-Florent, si proche. C’est séveux, puissant, corpulent même, c’est un vin qui possède un regard – comprenne qui pourra. A l’œil, c’est relativement pâle, et donc ça cache quelque chose. Le nez, floral, exprime une vinosité assumée. La bouche est d’une grande fraîcheur, et d’une douce minéralité, avec une pointe épicée comme le coup de talon d’une danseuse de flamenco : ni trop, ni pas assez. C’est, de surcroît, le rosé désaltérant par excellence, pour les retours du boulot, lorsqu’on a envie que d’une chose : un verre d’un truc comme ça… (14€ env.). Et voilà, maintenant, il va quand même falloir lancer le barbecue…

    L.M.

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  • Vins de l'été... Qui vient - ou non?..

    Capture d’écran 2016-04-29 à 11.18.08.pngRoque Star, côtes de Provence du Moulin de la Roque, au Castellet (Var), est un rosé de caractère. Finesse, élégance, ce vin est pulpeux, authentique, sans aspérité. Grenache, cinsault, mourvèdre sont le trio gagnant : zéro risque. Robe « saumon de l’Adour » soutenue, donc. Nez de fraise mûre, mais encore croquante en son coeur, bouche d’une élégance rare, façon pub parfumée jouée par Charlize Theron – vous saisissez ?.. 5,50€ le flacon, c’est donné. Et ça ira bien sur une pizza della casa à la pancetta, augmentée de pecorino au poivre sicilien, histoire de mettre à l’épreuve le roc de cette star-là.

     

    Petit Bourgeois est un sauvignon blanc de Henri Bourgeois, àCapture d’écran 2016-04-29 à 19.57.18.png Chavignol, maison célèbre notamment pour sa gamme de vins de Sancerre. Ce blanc, classé en vin de pays du val de Loire (IGP), possède une grande fraîcheur et une vraie franchise. Le floral et le fruité, typiques du sauvignon, sont bien présents au nez comme en bouche – on sent notamment la fleur de vigne, et une jolie minéralité s’exprime avec tact, en finale. Idéal à l’apéritif pour lui même, puis sur des crustacés (10€ env.).

     

    Gris d’Ardèche. Ce premier « jus de goutte » de Capture d’écran 2016-04-29 à 20.11.21.pnggrenache noir du sud du département, classé en Ardèche IGP, et produit par les talentueux Vignerons Ardéchois – une cave de respect -, naît sur des sols rocailleux. Sa robe « melon », détonne tant elle est sombre, pour un gris. Joli nez équilibré d’agrumes et de pêche. C’est vif, et même tonique, en fin de bouche, et cela escorte élégamment une grillade d’agneau au thym, ou des boulettes de boeuf mêlées de coriandre. Chapeau pour l'habillage, très classe -Vous ne trouvez pas? (5,50€).

     

     

    Le château Tour de Mirambeau (famille Despagne), bordeauxCapture d’écran 2016-04-29 à 20.31.54.png rosé réserve, est aussi vif que floral, et son fruité léger en fait un vin idéal pour l’apéritif sous la tonnelle, en grignotant des olives huilées et aux herbes, et des grissini entourés d’une chiffonnade de jambon de Parme. « Vin produit dans le respect de l’environnement pour une viticulture durable », lit-on sur l'étiquette. C’est de bon augure, à Bordeaux… (9€).

     

    Capture d’écran 2016-04-29 à 21.04.31.pngAlliances : les livres de Simonetta Greggio, et prenez donc les derniers parus : Femmes de rêve, bananes et framboises (Flammarion), un recueil de nouvelles qui disent l'amour avec l'acuité redoutable du regard de Simo, doublée comme d'hab' d'un sens incroyablement profond pour dire les sentiments, soit avec une précision chirurgicale, toujours mâtinée de poésie - l'écriture féminine vous a un tact pour écraser d'un coup de talon ce qu'elle veut!.. Car, avec Simonetta, c'est toujours faussement léger, et finalement vertigineux.

    Et aussiCapture d’écran 2016-04-29 à 21.07.28.png  Black Messie, son dernier roman (Stock), qui paraît la semaine prochaine, car c'est une sorte de polar (elle ne nous avait pas encore habitué à cela), ou plutôt un vrai roman noir, qui nous invite à suivre un serial-killer, le Monstre de Florence, qui dézingua nombre de couples lorsqu'ils faisaient l'amour, entre 1968 et 1985, et ça n'est pas piqué des hannetons... Un flic de légende, façon Adamsberg (pour les lecteurs de Vargas), Jacopo d'Orto, mène l'enquête, et le lecteur est embarqué illico presto pour six (pieds sous) terre! J'en parlerai plus tard -ici- davantage, lorsque je l'aurai achevé (je n'en suis qu'au début).

    Et en écoutant quoi? Du light, histoire de faire contrepoint à cette trame romanesque, glaçante par endroits : Izzy Bizy, Elodie Frege, les Brigitte, Ariana Grande Feat & Lil Wayne (dans Let me love you, notamment)... Des voix fluettes de femmes dotées d'un sacré caractère. Et d'un sourire dévastateur. Et allez!

    Cliquez : 

    let me love you

  • Rosés 2015 de l'été prochain : le feuilleton continue

    Capture d’écran 2016-04-29 à 08.31.59.pngNOUS POURSUIVONS NOTRE SÉLECTION DE ROSÉS (ET DE BLANCS) PAS TROP CHERS, A DÉGUSTER ENTRE AMIS CES PROCHAINS MOIS (épisodes précédents : lire plus bas). L.M.

    La Grande Cuvée de Dourthe, Bordeaux rosé très mode, à dominante de cabernet franc (70%), exprime surtout le pamplemousse à peine mûr, puis la groseille. Trop formaté, trop éloigné de l'idée simple que l'on se fait d'un vin estival, ce rosé de pressée, une nouveauté dans la maison Dourthe, n'est pas obligé de plaire à chacun, avec sa finale plus acide que ronde (6,90€). 

    Capture d’écran 2016-04-29 à 08.33.21.pngLe château Lauduc Classic, Bordeaux Clairet des vignobles Grandeau,Capture d’écran 2016-04-29 à 08.28.19.png possède une belle vinosité. Avec sa robe groseille foncée, son nez de fraise mûre, une bouche ample et ronde, ce flacon, où le merlot domine agréablement, et qui titre tout de même 14°, peut s'inviter à table - il y aura sa place de l'entrée au dessert (5,80€).

    Montagne Blanche, un coteaux du Vendômois Gris (Touraine nord), choisit de mettre en valeur le pineau d'Aunis, cépage quelque peu oublié, qui s'exprime sur un sol caractéristique de tuffeau. Robe très pâle (forcément, c'est un gris), nez d'agrumes, où la fraise tente de se frayer une place, avec une pointe épicée (poivre blanc) délicate. Il tiendra correctement son rang aux côtés d'une grillade marine ou terrienne (5,20€).

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  • Vins de l'été qui vient, suite de notre sélection

    Capture d’écran 2016-04-28 à 19.59.12.pngExcellent rosé des coteaux du Languedoc : La Bergerie de l'Hortus, des fameux vignobles Orliac (syrah, grenache, mourvèdre par tiers). C'est rond, salivant, fruité, gourmand, vineux, pas d'agrumes cassants, un acidulé bien dosé au contraire, et une jolie longueur chouia citronnée. Robe saumonée, soutenue sans être sombre, nez fruité et franchement friand. Ananas, fraise, framboise en bouche, après un léger poivré à l'attaque. Une beauté à boire à l'apéro, et  - même -, une bouteille que l'on reprend pour la finir à table, au moins avec l'entrée. (11€).

    Le château Recougne, des vignobles Xavier Milhade,Capture d’écran 2016-04-28 à 20.14.53.png un bordeaux mixed sauvignon/sémillon, est un blanc qui exprime ce côté agrumes (trop courant, désormais, comme pour les rosés), éclatant, mais qui peut gêner, et qu'une acidité cousine - celle de la pomme verte - vient refroidir tendrement, comme par compassion. Mais, nous y cherchons en vain le plaisir simple de boire un blanc humble de Bordeaux. Qui serait gourmand et sans complexe. Certes, une touche de groseille, curieusement, pointe sa pulpe en arrière-bouche. Et convoque quelques huîtres du Bassin (7€)

    RS, Rosé Séduction, est une création Plaimont. Et Capture d’écran 2016-04-28 à 20.27.59.pngj'adore cette cave gersoise. Voici un rosé (en appellation Saint-Mont), issu de pinenc, de tannat et de cabernet-sauvignon. Robe pâle et élégante, nez vif et parlant : groseille et framboise palabrent, tchatchent, tandis que nous passons déjà à l'étage supérieur de la fusée : bouche ample, avec une vivacité qui insiste, la bougresse, en envoyant ses fruits rouges frais et bavards, tout en appelant les bulots et la mayo à la rescousse. Soit un rosé bien réglé (5€)

     

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  • Parle plus bas si c'est d'amour

    Capture d’écran 2016-04-28 à 09.42.44.pngIl y a des parfums shakespeariens dans l'atmosphère. Qui s'en plaindrait! Hier soir, Arte redonnait Beaucoup de bruit pour rien, du fougueux (et egocentrique) Kenneth Branagh - avec la superbe Emma Thompson, entre autres (le casting est de rêve) : la joie, la jeunesse, la beauté, l'audace, l'honneur, la frivolité et la turbulence des sentiments, la jalousie, la vengeance, l'amour, la délicatesse, la force... C'est d'ailleurs de cette pièce que la phrase reprise en titre de cette note est extraite. Et c'est le titre que Grasset (Les Cahiers Rouges) propose pour une petite anthologie délicieuse, en forme de dictionnaire d'à peine 130 pages, des citations du grand Will, dispersées dans ses quarante pièces et ses cent quarante-quatre sonnets. D'Ambition à Vieillesse, nous musardons et retrouvons avec un air satisfait Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves (Prospero, dans La Tempête), Un cheval! Un cheval! Mon royaume pour un cheval! (Richard III), et sans aller jusqu'à chercher To be..., nous tombons sur des perles, comme L'oiseau de l'aube chante toute la nuit (Hamlet), ou Les paroles qui les accompagnaient étaient faites d'un souffle si embaumé qu'ils en étaient plus riches. Puisqu'ils ont perdu leur parfum, reprenez-les; car, pour un noble coeur, le plus riche don devient pauvre, quand celui qui donne n'aime plus (Ophélie, dans Hamlet). Le même éditeur propose également un "vrai" Hamlet, présenté par Gérard Mordillat, qui en connaît un rayon. Il s'agirait là de la version antérieure à celle que le monde entier joue à l'envi sur toutes les scènes. Et qui aurait été écrite à quatre mains, avec le concours de Thomas Kyd donné à Shakespeare. C'est ce qu'affirmait un universitaire britannique, Gerald Mortimer-Smith, shakespearien éruditCapture d’écran 2016-04-28 à 09.43.16.png jusqu'au bout des ongles et des cheveux (disparu il y a tout juste sept ans), et avec lequel Mordillat a travaillé. Nous tenons donc là, en traduction, le fameux proto-Hamlet. Soit un petit événement dans le mundillo. Quoiqu'il en soit, c'est une belle occasion de relire une pièce qui nous offre d'emblée des bouquets de fleurs printanières. En voici deux. L.M.

    Horatio :

    Mais moi je veux mourir sur tes lèvres, maîtresse

    C'est ma gloire, mon heur, mon trésor, ma richesse

    Car j'ai logé ma vie en ta bouche, mon coeur.

    Hamlet :

    Doute que les astres soient des flammes

    Soute que le soleil tourne

    Doute de la vérité même

    Mais ne doute pas que je t'aime.

    Capture d’écran 2016-04-28 à 10.07.51.pngAlliances :

    Le Beaujolais rosé de Dominique Piron, parce qu'il est à la fois délicat et profond. Nous tenons là un gamay (2015, bien sûr), floral et rafraîchissant comme on l'aime en cette saison.

    Pour 7€, c'est une affaire.

    Avec une pièce de luth de John Dowland, of corse! Le compositeur qui illustra les pièces de Shakespeare de son vivant.Capture d’écran 2016-04-28 à 10.26.38.png

    podcast

    Il s'agit en l'occurrence d'une Lachrimae, interprétée par mon ami talentueux Raymond Cousté.

    L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

    Mais l'abus de poésie, de verbe, de musique élizabethaine et de beauté, eux, ne le sont pas... 

  • Les réparties de Nina, Rimbaud

    Capture d’écran 2016-04-28 à 08.34.16.pngUn poème long comme une ivresse, une espèce de Sensation étiré : ouvrez vos narines, pensez au Printemps, laissez aller vos désirs, roulez dans l'herbe, faites l'amour, et la poésie...

    Les réparties de Nina

    LUI – Ta poitrine sur ma poitrine,
    Hein ? nous irions,
    Ayant de l’air plein la narine,
    Aux frais rayons

    Du bon matin bleu, qui vous baigne
    Du vin de jour ?…
    Quand tout le bois frissonnant saigne
    Muet d’amour

    De chaque branche, gouttes vertes,
    Des bourgeons clairs,
    On sent dans les choses ouvertes
    Frémir des chairs :

    Tu plongerais dans la luzerne
    Ton blanc peignoir,
    Rosant à l’air ce bleu qui cerne
    Ton grand oeil noir,

    Amoureuse de la campagne,
    Semant partout,
    Comme une mousse de champagne,
    Ton rire fou :

    Riant à moi, brutal d’ivresse,
    Qui te prendrais
    Comme cela, – la belle tresse,
    Oh ! – qui boirais

    Ton goût de framboise et de fraise,
    O chair de fleur !
    Riant au vent vif qui te baise
    Comme un voleur ;

    Au rose, églantier qui t’embête
    Aimablement :
    Riant surtout, ô folle tête,
    À ton amant !….

    ………………………………………………..

    – Ta poitrine sur ma poitrine,
    Mêlant nos voix,
    Lents, nous gagnerions la ravine,
    Puis les grands bois !…

    Puis, comme une petite morte,
    Le coeur pâmé,
    Tu me dirais que je te porte,
    L’oeil mi-fermé…

    Je te porterais, palpitante,
    Dans le sentier :
    L’oiseau filerait son andante
    Au Noisetier…

    Je te parlerais dans ta bouche..
    J’irais, pressant
    Ton corps, comme une enfant qu’on couche,
    Ivre du sang

    Qui coule, bleu, sous ta peau blanche
    Aux tons rosés :
    Et te parlant la langue franche – …..
    Tiens !… – que tu sais…

    Nos grands bois sentiraient la sève,
    Et le soleil
    Sablerait d’or fin leur grand rêve
    Vert et vermeil

    ………………………………………………..

    Le soir ?… Nous reprendrons la route
    Blanche qui court
    Flânant, comme un troupeau qui broute,
    Tout à l’entour

    Les bons vergers à l’herbe bleue,
    Aux pommiers tors !
    Comme on les sent tout une lieue
    Leurs parfums forts !

    Nous regagnerons le village
    Au ciel mi-noir ;
    Et ça sentira le laitage
    Dans l’air du soir ;

    Ca sentira l’étable, pleine
    De fumiers chauds,
    Pleine d’un lent rythme d’haleine,
    Et de grands dos

    Blanchissant sous quelque lumière ;
    Et, tout là-bas,
    Une vache fientera, fière,
    À chaque pas…

    – Les lunettes de la grand-mère
    Et son nez long
    Dans son missel ; le pot de bière
    Cerclé de plomb,

    Moussant entre les larges pipes
    Qui, crânement,
    Fument : les effroyables lippes
    Qui, tout fumant,

    Happent le jambon aux fourchettes
    Tant, tant et plus :
    Le feu qui claire les couchettes
    Et les bahuts :

    Les fesses luisantes et grasses
    Du gros enfant
    Qui fourre, à genoux, dans les tasses,
    Son museau blanc

    Frôlé par un mufle qui gronde
    D’un ton gentil,
    Et pourlèche la face ronde
    Du cher petit…..

    Que de choses verrons-nous, chère,
    Dans ces taudis,
    Quand la flamme illumine, claire,
    Les carreaux gris !…

    – Puis, petite et toute nichée,
    Dans les lilas
    Noirs et frais : la vitre cachée,
    Qui rit là-bas….

    Tu viendras, tu viendras, je t’aime !
    Ce sera beau.
    Tu viendras, n’est-ce pas, et même…

    Elle – Et mon bureau ?

    Arthur Rimbaud, Poésies

  • Un air de week-end sur le Bassin

    Pièce 1jointe.jpegLorsque une cave coop bosse bien, qu'elle garde une dimensionPièce jointe2.jpeg pas encore déraisonnable (4000 ha et 70 châteaux quand même, 500 vignerons adhérents et 30 millions de cols), qu'implantée dans l'immense vignoble du bordelais, elle s'entête à produire des flacons simples, sans chichis (que l'on trouve forcément en grande distrib', et alors?), de ces rosés et blancs frais de l'été qui pointe son nez, des vins qui semblent faits pour l'apéro avec les copains, que l'on dévisse et que l'on ne débouche pas d'ailleurs (et j'adore ce geste-là, de dévisser une bouteille de vin. Oui), un blanc aromatique en diable, un rosé léger et fruité comme il faut, qui appellent l'Opinel pour le chorizo, et le charbon pour le barbeuque, tout à l'heure, quand Pierrot commencera à nous raconter des histoires drôles, basques surtout - je l'écris. Tutiac est le nom de cette cave... Ils sont élégants, ces deux flacons de régalade-là, de surcroît, et leur nom, bien qu'il désigne le fleuve, le nord de la Gironde, du côté de Blaye et de Bourg (*), évoque des week-ends sur le Bassin ou bien au Ferret (en tout cas pour moi qui ai vécu quatorze ans à Bordeaux) : Carrelet d'Estuaire. Cela vous donne donc aussi envie de pique-niquer sur l'herbe, en bord de fleuve, entre deux de ces fameux carrelets typiques du paysage... Et vous m'en direz tant. Tant? - Et bé ça vaut 3,90€ en rosé comme en blanc. La ruine, mon drolle, la ruine... L.M.

    (*)Les Vignerons de Tutiac se trouvent à Marcillac, soit au niveau de Pauillac et de Saint-Estèphe, grosso-modo, bien au-delà de Blaye et Bourg. En plein coeur des terres. Rien à voir avec l'océan, le Bassin d'Arcachon, et le Cap-Ferret. Mais, c'est une évocation, l'idée des huîtres, du sable, d'une pinasse... Un désir transposable un peu partout.

    L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

  • Narassa

    Capture d'écran 2016-04-18 13.19.11.pngIl s'agit d'une sélection parcellaire d'1,6 hectare sur laquelle de vieux cépages du Roussillon s'épanouissent : grenache noir surtout, et gris, carignan, et enfin mourvèdre. Cette parcelle est tournée vers le Pic de Narassa, d'où le nom de la cuvée. Un terroir complexe, lit-on sur l'étiquette, où roches anciennes et roches neuves se combinent : calcoschiste pur sur argile bleue, pour les férus de géologie. Un lieu frais, en somme. Et un rosé soigné, signé Mas Amiel (à Maury), très légèrement perlant à l'ouverture, avec une robe saumonée, un nez pourvu d'un joli acidulé, où percent les fruits du verger à chair blanche et les petits fruits rouges du sous-bois. Bouche citronnée couvrant l'acidulé. Un vin pour la table, qui appelle la caponate et les côtelettes d'agneau à la rescousse (17,60€) Alliances : Un chemin de tables, de Maylis de Kerangal (Seuil), en écoutant Porgy & Bess (Ella & Louis).

     

    L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

  • réso (2015)

    Capture d'écran 2016-04-18 13.19.28.pngLaurent B. est un formidable rosé du domaine Brusset, à Cairanne (grenache, mourvèdre, syrah) : la force tranquille, la suavité et la délicatesse se sont donné rendez-vous. Rose (nez), cerise, fraise, coing (en bouche), épicé (fin de bouche) : une puissance qui augmente à mesure, comme le moteur d'une Triumph Bonneville. C'est progressif, et empli d'une franche fraîcheur (7€) Alliances : En attendant Bojangles, d'Olivier Bourdeaut (lire plus bas), avec la chanson éponyme de Nina Simone : cliquez => Bojangles

    Belle buvabilité pour ce chinon rosé de Couly-Dutheil, baptisé René Couly,Capture d'écran 2016-04-18 13.19.43.png à la robe sombre, vineuse, hors-mode. Charnu, friand, gourmand, le cabernet-franc exprime ici sa capacité à se tenir bien à table, pour un repas de charcuterie et de grillades (6,90€). Alliances : Bonnes nouvelles de Chassignet, de Gérard Oberlé (Grasset), en écoutant Patti Smith (Uncle Ho).

    Tarente, réserve, rosé de Bandol du Moulin de la Roque Capture d'écran 2016-04-18 13.11.19.png(mourvèdre et un peu de cinsault) a un côté agrume (pamplemousse encore vert) trop agressif. On y cherche le raisin et les sortilèges qu'un rosé est capable d'exhaler, sous, également, un peu de fruits rouges et un soupçon de litchi (14€) Alliances : Lao-tseu : Tao-tö-king (folio), et n'importe quoi au violon, mais interprété par Sarasate. 

    Honnête syrah de la cave de Tain, à la production fiable, régulière. Un rosé vineux et ample, avec de jolies notes de fraise mûre et de cerise croquante. Idéal pour l'apéritifCapture d'écran 2016-04-18 13.23.14.png avec des tapas entre copains : un rosé sans chichis mais avec du corps (4,15€). Alliances : Le silence, du regretté Jean-Claude Pirotte (Stock), avec le bruit du vent à la cime des arbres (débrouillez-vous, allez en forêt!).

    (à suivre).

    L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

  • L'amour loufoque

    Capture d'écran 2016-04-18 11.22.09.pngEn attendant Bojangles, premier roman successfull d'Olivier Bourdeaut, publié par l'excellent (ex-)petit éditeur bordelais Finitude, mérite l'engouement qu'il suscite. Gai, tendre, foutraque, sans queue ni tête, cet ode à l'amour conjugal raconté par le fils unique (au fil des jours dont il prélève l'écume), la présence séduisante d'une grue de Numidie apprivoisée nommée Mademoiselle Superfétatoire, quelques personnages satellitaires figurant une équipe de cirque, possèdent la légèreté d'une bise matinale sur la côte normande, avec ce rien de perfide qui chatouille l'oreille. Bien sûr il y a une histoire, et même de tragiques événements, mais la langue de Bourdeaut a ceci de magique, qu'à l'instar de certains joggers plus marcheurs que coureurs, il semble pouvoir aller sans jamais faire de mouvement vertical : ça roule. Et donc ça marche. Cela prend les contours d'une certaine forme de réalisme magique. Oh, très éloigné de l'imaginaire baroque d'unCapture d'écran 2016-04-18 11.43.57.png Garcia Marquez, bien sûr, mais pourvu de ce petit côté plus loufoque que surréaliste, qui rend la folie amusante, la mort supportable, la peine gaie, et les larmes indistinctes. C'est un court roman fantasque, et de lin, oui, un livre comme le costume blanc que porte Marcello Mastroianni dans Les Yeux noirs (le film magnifique de Nikita Mikhalkof). Elégant, aérien, délicat. Un livre cousu de grâce. L.M.

     

  • C'est cochon, donc c'est bon!

    téléchargement.jpegIls aiment les cochonneries. En faire, en manger, en dire. Et en écrire. Pour notre bonheur, Blandine Vié & Patrick de Mari adorent raconter des histoires cochonnes et gourmandes. Ils en ont commis un paquet en prenant sans doute leur pied (et sans bêler pour autant), rassemblé sous le titre Cochonneries en tous genres (Les Itinéraires). Et on y fait son marché : au total, vingt-huit nouvelles charcutières, tantôt tendres, drôles, voire désopilantes, douce-amères, souvent cocasses, émouvantes, burlesques, ou coquines. Toujours littéraires, c'est-à-dire écrites dans le souci primordial de la langue : ce n'est jamais du mauvais gras qui est servi. Il y a du boudin ici, du jambon là, de l'andouillette ou encore des rillettes là-bas, un air de polar ici, un faux-air de bluette là, une idylle romantico-grassouillette par là-bas, des histoires de rugby, des anecdotes de mecs, des trucs deCapture d'écran 2016-04-11 14.29.29.png filles (prénommées Rosette ou Mariette), des fantasmes (ah, le boucher!..), des histoires d'ogres ne pouvant plus avaler le moindre gosse, à cause de la malbouffe dont il sont gavés! Ca devient dangereux, ces choses-là... Il y a de la poésie aussi, au détour d'un bouquet de paragraphes. Nous tombons même sur des rimes (voir la nouvelle intitulée Goret est un cochon!). Nous y croisons par ailleurs deux teckels baptisés Francfort et Strasbourg, et une baronne de Chambon-Parme. Et l'ensemble, loin de couper l'appétit, aiguise celui-ci. Assez peu Vegan, le livre des créateurs du site gourmand Greta Garbure résonne, de surcroît, comme une jolie provocation, en ces temps light et comme ourdis par une peur panique de s'avouer amateur de cochon... Alors, vive ces cochonneries en tous genres! Et leurs deux jolies plumes gourmandes à la commande. L.M.

  • L'usage d'un classique

    téléchargement.jpegRelu attentivement L'Usage du monde (La Découverte), de Nicolas Bouvier, dans sa nouvelle et splendide édition. C'est le bréviaire, que dis-je : le mot de passe des écrivains voyageurs, des voyageurs, des écrivains aimant davantage décrire que crier, mais doucement, en observant d'un oeil faussement distrait les petits faits, les grands horizons, les regards larges, les senteurs, les saveurs, les odeurs, les rires francs, les sentiments ourdis, les petites choses que peu savent prélever, capter, et puis noter à la fraîche, ou bien tard dans la nuit, à la lueur d'une lune accorte ou d'une lampe vacillante, sur un cahier ami. Nicolas Bouvier (déjà évoqué ici, notamment pour son superbe texte posthume, Il faudra repartir, Payot - cherchez l'archive dans le blog), est un maître. Disparu en 1998, il nous a laissé un chef-d'oeuvre, avec L'Usage du monde. Peu importe où il va, vagabonde, avec son acolyte peintre Thierry Vernet, entre juin 1953 et décembre 1954 (de Genève à là-bas, d'Anatolie et partout en zig-zag, jusqu'en Afghanistan), car il aiguise chaque jour son talent d'écrivain du réel, de l'humain, et c'est cela qui compte : il est celui qui dit, qui décrit, par touches d'une subtilité cristlalline, et la langue, le choix des mots, le goût de l'adjectif idoine, de la métaphore juste, semblent lui être un impératif vital, une quête obsessionnelle et charmante, une source de plaisir qu'il n'a de cesse de partager avec son lecteur. Son voyage devient ainsi celui de chacun d'entre nous. Bouvier passe la main à chaque page, et nous tutoyons aussitôt ceux qu'il côtoie, ainsi que les paysages, les sensations, les déboires, la douleur, la soif, la chaleur, la rage de se faire voler, comme le petit bonheur chipé au quotidien (voyager n'est pas toujours de tout repos), les rencontres minuscules, le don du nada, une esquisse de potlatch parfois, le repos réparateur du corps meurtri par la route, la jouissance du presque-rien : un thé, un sourire, une voix d'enfant, un chant d'oiseau. C'est la magie de l'écriture de Bouvier... Si je commencais à reproduire ici des extraits de ce livre exceptionnel, cette note deviendrait un fleuve anthologique. J'avais lu L'Usage du monde, distraitement, car trop jeune sans doute, il y a des lustres. Je l'ai repris, et d'un trait ou presque, j'ai bu ses 375 pages. C'est un long drink pimenté, aigu et très doux, percutant et lascif, intraitable, poétique toujours. Avec, en bandoulière, cette permanente leçon de vie : nous ne sommes que des passagers, des errants, des observateurs éphémères, des hôtes; tout ça... Le respect nous anime et doit gouverner chacun de nos gestes, chacun de nos mots, et puis nous devons l'enseigner, ce respect de toute chose; il le faut. Une leçon de vie. LM

  • Cyrano l'inoxydable

    téléchargement (1).jpegVu, hier soir au théâtre de la Porte Saint-Martin (*), à Paris, un Cyrano brillantissime interprété par un Philippe Torreton aussi émouvant que magistral, avec une mise en scène décapante et truffée d’excellentes trouvailles contemporaines (en particulier la scène du Balcon de Roxane, jouée avec Skype!.. Et la finale : Mon panache... Sur une chanson d'Alain Bashung : émotion maximale), signée Dominique Pitoiset. J’y ai amené mon fils, et j’en étais fier, car Cyrano est définitivement le personnage que je préfère, pour ses inflexibles vertus morales – c’est un modèle pour un jeune, à l’instar du rugby, qui peut en être un autre, et vous voyez ce que je veux dire. Je considère par ailleurs le texte d’Edmond Rostand (que j’apprends peu à peu par cœur, avec les années), comme l’un des plus beaux de la littérature française. Il y a quelques semaines, je voyais le Cyrano, réalisé par Denis Podalydès àtéléchargement.jpeg la Comédie-française, avec Michel Vuillermoz dans le rôle-nez. Magnifique, dans le registre classique, en costumes d’époque. Je pense que chacun a en mémoire l’interprétation époustouflante que Gérard Depardieu offrit au cinéma, parce qu’elle est propre à graver durablement les esprits. Aussi, celle-ci est-elle devenue, inconsciemment, notre référent. L’interprétation-étalon. Force est malgré tout de reconnaître que, tant Vuillermoz que Torreton renouvellent le genre avec leur talent respectif. Et surtout que téléchargement (2).jpegle texte, inaltérable, d’une facture splendide, avec ses rimes, ses traits, son humour, sa candeur, sa délicatesse, son infinie mélancolie, sa pudeur et sa grandeur, traverse chaque mise en scène, quelle qu’elle soit, comme une flèche. Et que cela durera encore longtemps, pour notre bonheur d’amateur et de lecteur. L.M.

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    (*) Emotion! C'est dans ce théâtre que Rostand donna la Première deCapture d'écran 2016-04-11 13.55.43.png son Cyrano, le 27 décembre 1897, craignant un bide : vingt minutes d'applaudissements, quarante rappels... La pièce fut jouée quatre cents fois de décembre 1897 à mars 1899. Elle fêtera sa millième représentation en 1913. Excusez du peu... Hier soir, ce furent cinq rappels et une standingue ovacheune, comme on dit en Gascon, qui firent faire un peu de gymnastique assouplissante à onze comédiens ravis.

  • Ciao Chien-Brun, Dalva... Ciao, Big Jim!

    Capture d'écran 2016-03-27 19.32.46.png

    Je reproduis ci-dessous les deux pages que je consacre à Jim Harrison (lequel a quitté ce monde hier), dans mon Dictionnaire chic du vin (Ecriture, sept. 2015, pp.177-178), à la lettre H. So long, Jim. Notre rencontre sur tes terres n'aura donc pas lieu... 

    HARRISON, Jim

    Capture d'écran 2016-03-27 19.35.30.pngAutant faire une note sur Gargantua, tant « Big Jim », son surnom, aime bouffer, picoler (du bon – toujours lucide, le garçon !), lâcher prise, vivre en somme, dans son jardin des délices partagées en amitié. Je le sais amateur de Cos d’Estournel, saint-estèphe de très haut vol, et de tant de flacons français, de Loire, de Bourgogne et de Bordeaux. Avec Gérard Oberlé, son double du Morvan, son « jumeau astral », dirait Pierre Veilletet, Oberlé l’écrivain rabelaisien et subtil, Big Jim aime à en découdre avec les flacons purs, droits, riches, profonds, capiteux, débordant d’énergie substantielle des Côtes-du-Rhône.

    Un soir que je dînais chez Manuel Carcassonne (patron des éditions Stock, et de Grasset alors), avec Laure Gasparotto et Emmanuelle Jary, et que Pascal Quignard (l’un de mes écrivains français vivants favoris, avec Pierre Michon, Jean Échenoz, Pierre Bergounioux, Sylvie Germain et peu d’autres : Olivier Frébourg, Christian Authier, Stéphane Guibourgé...), devait être de la partie, ce fut Oberlé qui surgît, Gérard Oberlé de toute sa masse, de toute sa voix, de tout son crâne, de toute l’amplitude de sa verve et de tous ses gestes larges, nous parlâmes donc forcément de Big Jim. Je racontais que rendez-vous avait été pris, quelques années auparavant, avec lui afin de l’interviewer dans sa retraite du Montana, lorsque j’étais rédacteur en chef d’un magazine de chasse, et que je dus renoncer à ce voyage parce qu’un cancer méchant et dévastateur venait de se déclarer dans le corps de ma mère. Nous avons bu les flacons sélectionnés par la délicate Laure, ce soir-là. Et Emmanuelle, fine connaisseuse (elle débutait dans le métier de journaliste gastronomique et nous avions déjà asséché son meuble Eurocave, qui contenait de très grands crus), commentait les bouteilles tandis que Jim revenait sur la nappe de nos paroles. Manuel arbitrait, l’œil avisé – il connaissait l’animal borgne et auteur de Légendes d’automne, et il avait même déjà donné, je crois me souvenir, un vibrant entretien avec l’inoubliable auteur de Dalva au Magazine littéraire, mais il observait un demi silence de sage Sioux campé sur sa réserve. Comme quoi. Oberlé, lui, la voie si libre, en rajoutait, pantagruélique, ogre – oui ogre ! Et la soirée se plaçait naturellement sous le double signe des vins de France et de Jim Harrison, écrivain adulé par les Français. Je me jurais d’offrir un Cos d’Estournel à Jim H. lors de sa prochaine tournée « promotionnelle » en France. Las. Je ratai les suivantes. Aujourd’hui que son dos est vermoulu, et qu’il ne se sépare pas d’une canne pour aller jusqu’à un tire-bouchon, je me demande si je ne vais pas reprendre un billet d’avion pour le Montana et rouler un Cos d’Estournel dans les chemises. Vu que le vin est tiré et que ma mère est morte. L.M.

    Capture d'écran 2016-03-27 19.35.17.png

     

  • Il neigeait.

    Capture d'écran 2016-03-26 12.27.01.png

    Il y a des matins, comme ça, où la voix de mon père déclamant du Hugo, ou du Corneille - toute occasion lui était bonne -, avec une voix empruntée au théâtre antique, frappe à la porte de ma mémoire. Je pense à Hugo à cause de Jean-Paul Kauffmann et de son Outre-terre qui paraît aux Equateurs. Il y est question de la bataille d'Eylau (donc j'ai relu Le Cimetière d'Eylau, poème apocalyptique de La Légende des siècles), du Colonel Chabert (Balzac a été tiré des étagères, lui aussi), mais surtout de son auteur... Et, en attendant d'ouvrir très prochainement Outre-terre, je lève ces vers de Victor Hugo à votre belle santé pascale : 

    L'EXPIATION

    Il neigeait. On était vaincu par sa conquête.
    Pour la première fois l'aigle baissait la tête.
    Sombres jours ! l'empereur revenait lentement,
    Laissant derrière lui brûler Moscou fumant.
    Il neigeait. L'âpre hiver fondait en avalanche.
    Après la plaine blanche une autre plaine blanche.
    On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau.
    Hier la grande armée, et maintenant troupeau.
    On ne distinguait plus les ailes ni le centre.
    Il neigeait. Les blessés s'abritaient dans le ventre
    Des chevaux morts ; au seuil des bivouacs désolés
    On voyait des clairons à leur poste gelés,
    Restés debout, en selle et muets, blancs de givre,
    Collant leur bouche en pierre aux trompettes de cuivre.
    Boulets, mitraille, obus, mêlés aux flocons blancs,
    Pleuvaient ; les grenadiers, surpris d'être tremblants,
    Marchaient pensifs, la glace à leur moustache grise.
    Il neigeait, il neigeait toujours ! La froide bise
    Sifflait ; sur le verglas, dans des lieux inconnus,
    On n'avait pas de pain et l'on allait pieds nus.
    Ce n'étaient plus des cœurs vivants, des gens de guerre :
    C'était un rêve errant dans la brume, un mystère,
    Une procession d'ombres sous le ciel noir.
    La solitude vaste, épouvantable à voir,
    Partout apparaissait, muette vengeresse.
    Le ciel faisait sans bruit avec la neige épaisse
    Pour cette immense armée un immense linceul.
    Et chacun se sentant mourir, on était seul.
    - Sortira-t-on jamais de ce funeste empire ?
    Deux ennemis! le czar, le nord. Le nord est pire.
    On jetait les canons pour brûler les affûts.
    Qui se couchait, mourait. Groupe morne et confus,
    Ils fuyaient ; le désert dévorait le cortège.
    On pouvait, à des plis qui soulevaient la neige,
    Voir que des régiments s'étaient endormis là.
    Ô chutes d'Annibal ! lendemains d'Attila !
    Fuyards, blessés, mourants, caissons, brancards, civières,
    On s'écrasait aux ponts pour passer les rivières,
    On s'endormait dix mille, on se réveillait cent.
    Ney, que suivait naguère une armée, à présent
    S'évadait, disputant sa montre à trois cosaques.
    Toutes les nuits, qui vive ! alerte, assauts ! attaques !
    Ces fantômes prenaient leur fusil, et sur eux
    Ils voyaient se ruer, effrayants, ténébreux,
    Avec des cris pareils aux voix des vautours chauves,
    D'horribles escadrons, tourbillons d'hommes fauves.
    Toute une armée ainsi dans la nuit se perdait.
    L'empereur était là, debout, qui regardait.
    Il était comme un arbre en proie à la cognée.
    Sur ce géant, grandeur jusqu'alors épargnée,
    Le malheur, bûcheron sinistre, était monté ;
    Et lui, chêne vivant, par la hache insulté,
    Tressaillant sous le spectre aux lugubres revanches,
    Il regardait tomber autour de lui ses branches.
    Chefs, soldats, tous mouraient. Chacun avait son tour.
    Tandis qu'environnant sa tente avec amour,
    Voyant son ombre aller et venir sur la toile,
    Ceux qui restaient, croyant toujours à son étoile,
    Accusaient le destin de lèse-majesté,
    Lui se sentit soudain dans l'âme épouvanté.
    Stupéfait du désastre et ne sachant que croire,
    L'empereur se tourna vers Dieu ; l'homme de gloire
    Trembla ; Napoléon comprit qu'il expiait
    Quelque chose peut-être, et, livide, inquiet,
    Devant ses légions sur la neige semées :
    « Est-ce le châtiment, dit-il. Dieu des armées ? »
    Alors il s'entendit appeler par son nom
    Et quelqu'un qui parlait dans l'ombre lui dit : Non.

    Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! morne plaine !
    Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine,
    Dans ton cirque de bois, de coteaux, de vallons,
    La pâle mort mêlait les sombres bataillons.
    D'un côté c'est l'Europe et de l'autre la France.
    Choc sanglant ! des héros Dieu trompait l'espérance ;
    Tu désertais, victoire, et le sort était las.
    O Waterloo ! je pleure et je m'arrête, hélas !
    Car ces derniers soldats de la dernière guerre
    Furent grands ; ils avaient vaincu toute la terre,
    Chassé vingt rois, passé les Alpes et le Rhin,
    Et leur âme chantait dans les clairons d'airain !

    Le soir tombait ; la lutte était ardente et noire.
    Il avait l'offensive et presque la victoire ;
    Il tenait Wellington acculé sur un bois.
    Sa lunette à la main, il observait parfois
    Le centre du combat, point obscur où tressaille
    La mêlée, effroyable et vivante broussaille,
    Et parfois l'horizon, sombre comme la mer.
    Soudain, joyeux, il dit : Grouchy ! - C'était Blücher.
    L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme,
    La mêlée en hurlant grandit comme une flamme.
    La batterie anglaise écrasa nos carrés.
    La plaine, où frissonnaient les drapeaux déchirés,
    Ne fut plus, dans les cris des mourants qu'on égorge,
    Qu'un gouffre flamboyant, rouge comme une forge ;
    Gouffre où les régiments comme des pans de murs
    Tombaient, où se couchaient comme des épis mûrs
    Les hauts tambours-majors aux panaches énormes,
    Où l'on entrevoyait des blessures difformes !
    Carnage affreux! moment fatal ! L'homme inquiet
    Sentit que la bataille entre ses mains pliait.
    Derrière un mamelon la garde était massée.
    La garde, espoir suprême et suprême pensée !
    « Allons ! faites donner la garde ! » cria-t-il.
    Et, lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,
    Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires,
    Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres,
    Portant le noir colback ou le casque poli,
    Tous, ceux de Friedland et ceux de Rivoli,
    Comprenant qu'ils allaient mourir dans cette fête,
    Saluèrent leur dieu, debout dans la tempête.
    Leur bouche, d'un seul cri, dit : vive l'empereur !
    Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur,
    Tranquille, souriant à la mitraille anglaise,
    La garde impériale entra dans la fournaise.
    Hélas ! Napoléon, sur sa garde penché,
    Regardait, et, sitôt qu'ils avaient débouché
    Sous les sombres canons crachant des jets de soufre,
    Voyait, l'un après l'autre, en cet horrible gouffre,
    Fondre ces régiments de granit et d'acier
    Comme fond une cire au souffle d'un brasier.
    Ils allaient, l'arme au bras, front haut, graves, stoïques.
    Pas un ne recula. Dormez, morts héroïques !
    Le reste de l'armée hésitait sur leurs corps
    Et regardait mourir la garde. - C'est alors
    Qu'élevant tout à coup sa voix désespérée,
    La Déroute, géante à la face effarée
    Qui, pâle, épouvantant les plus fiers bataillons,
    Changeant subitement les drapeaux en haillons,
    A de certains moments, spectre fait de fumées,
    Se lève grandissante au milieu des armées,
    La Déroute apparut au soldat qui s'émeut,
    Et, se tordant les bras, cria : Sauve qui peut !
    Sauve qui peut ! - affront ! horreur ! - toutes les bouches
    Criaient ; à travers champs, fous, éperdus, farouches,
    Comme si quelque souffle avait passé sur eux.
    Parmi les lourds caissons et les fourgons poudreux,
    Roulant dans les fossés, se cachant dans les seigles,
    Jetant shakos, manteaux, fusils, jetant les aigles,
    Sous les sabres prussiens, ces vétérans, ô deuil !
    Tremblaient, hurlaient, pleuraient, couraient ! - En un clin d'œil,
    Comme s'envole au vent une paille enflammée,
    S'évanouit ce bruit qui fut la grande armée,
    Et cette plaine, hélas, où l'on rêve aujourd'hui,
    Vit fuir ceux devant qui l'univers avait fui !
    Quarante ans sont passés, et ce coin de la terre,
    Waterloo, ce plateau funèbre et solitaire,
    Ce champ sinistre où Dieu mêla tant de néants,
    Tremble encor d'avoir vu la fuite des géants !

    Napoléon les vit s'écouler comme un fleuve ;
    Hommes, chevaux, tambours, drapeaux ; - et dans l'épreuve
    Sentant confusément revenir son remords,
    Levant les mains au ciel, il dit: « Mes soldats morts,
    Moi vaincu ! mon empire est brisé comme verre.
    Est-ce le châtiment cette fois, Dieu sévère ? »
    Alors parmi les cris, les rumeurs, le canon,
    Il entendit la voix qui lui répondait : Non !

     

    En voici un qui fit monter les larmes à mes yeux d'enfant, lorsque mon père me le lut la première fois : 

     

    APRÈS LA BATAILLE

    Mon père, ce héros au sourire si doux,
    Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous
    Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
    Parcourait à cheval, le soir d’une bataille,
    Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
    Il lui sembla dans l’ombre entendre un faible bruit.
    C’était un Espagnol de l’armée en déroute
    Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,
    Râlant, brisé, livide, et mort plus qu’à moitié.
    Et qui disait:  » A boire! à boire par pitié !  »
    Mon père, ému, tendit à son housard fidèle
    Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
    Et dit: « Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé.  »
    Tout à coup, au moment où le housard baissé
    Se penchait vers lui, l’homme, une espèce de maure,
    Saisit un pistolet qu’il étreignait encore,
    Et vise au front mon père en criant: « Caramba!  »
    Le coup passa si près que le chapeau tomba
    Et que le cheval fit un écart en arrière.
    « Donne-lui tout de même à boire », dit mon père.
     
    La peinture, d'Antoine-Jean Gros, ci-dessus, s'intitule Le champ de bataille d'Eylau. Elle représente Napoléon in situ, le 9 février 1807.
  • KallyVasco, ce blog, que je surnomme "mon chien", a dix ans aujourd'hui même

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    Bon, et bien, je continuerai de le nourrir. Merci de votre fidélité. Vous êtes des centaines chaque jour à feuilleter des milliers de pages parmi ces dix années d'archives. Et, même si vous avez fait migrer la plupart de vos commentaires sur ma page facebook, et parfois sur mon compte Twitter (il fut un temps où c'était la foire, ici : les commentaires pleuvaient et croisaient le fer), je sais cette source-ci assidument visitée. L.M.

     

  • Belgica

    Capture d'écran 2016-03-25 23.34.01.pngJe sors à l'instant secoué de la projection de Belgica (en salle depuis le 2 mars). Felix van Groeningen, à qui l’on doit notamment le magnifique, le poignant Alabama Monroe, signe un film d’une force, d’une brutalité aussi rêche que la douceur qui nimbe, imprime Belgica est envoutante. Frank (Tom Vermeir), et Jo (Stef Aerts), deux frères qui s’étaient perdus de vue - magnifiques acteurs -, se retrouvent autour du projet d’extension du bar de Jo. Agrandi, métamorphosé, le café Belgica devient vite the place to be des night people de tout poil, et de solides ensembles de rock y défilent. L’alcool, la cocaïne (difficile de compter les pintes bues et les lignes aspirées pendant le film), le sexe, la violence, les débordements de toute sorte, les addictions, y compris à l’amour, à la fidélité comme à l’infidélité, forment un tourbillon de plans larges et de séquences serrées - formidablement mis en musique par Soulwax. Un film à la fois bouleversant et percutant, sec et sensible, cash et tendre. L.M.

    La bande annonce : Belgica