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L'Étranger de Camus, via Ozon, en passant

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Vu, hier soir, au cinéma Le Sélect à Saint-Jean-de-Luz, une adaptation admirable de L'Étranger, d'Albert Camus, roman paru chez Gallimard en 1942, par le très talentueux François Ozon, avec un formidable Benjamin Voisin dans le rôle si difficile, absurde, taiseux, glacial (je sais pas, répète-t-il...), désabusé, nihiliste peut-être, absent davantage qu'inconscient, de l'inoubliable, iconique Meursault. Une sublime Rebecca Marder à ses côtés, un Pierre Lottin totalement dans son rôle de marlou (mais que l'on aimerait bien voir un jour "à contre-emploi", certain qu'il serait admirable). Le texte est respecté, jusqu'à la dernière phrase, sublime, du roman, et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine. Le noir & blanc est indispensable à l'esthétique générale du film. Quelle heureuse idée ! Même s'il y manque (je trouve) l'incandescence en quadrichromie surexposée à l'extrême du soleil et de la mer lorsqu'elle scintille d'une chaleur insoutenable, infiniment brûlante. Mais cela relève de ma propre vision, projetée, de l'oeuvre si méditerranéenne de Camus, et souvent relue : Noces, L'Été, Le Premier homme, L'Étranger, La Chute, les Carnets... Le soleil qui tue, qui provoque, qui agit ; facilite le passage à l'acte. Le couple extrêmement sensuel augmente le film, sur la bouée, dans l'eau, entre les draps. Leur amour apaise, la nudité de leur corps procure du bien. Le Schpountz aussi, avec un Fernandel tout en dents de cheval dehors, vu au cinéma Le Majestic, alors interdit d'accès "aux indigènes", dit un panneau près de la caisse. Les rues d'Alger, la rue de Lyon notamment, la tension qui monte, bien que "les événements" soient encore une absurde vue de l'esprit, en 1938. Ils n'ouvriront leur sinistre boite de Pandore que seize ans plus tard, à la Toussaint, dans un autocar... La chaleur, le soleil seuls responsables. L'arabe. L'Arabe. Nommé (enfin) comme dans le premier livre de Kamel Daoud, afin de lui conférer une identité... existentielle. Une espèce de repentance déplacée. Ozon s'inscrit ainsi dans l'air du temps, et nous ne lui en ferons pas reproche. Et puis la chanson de The Cure, signée Robert Smith, Killing an arab, en référence directe au texte de Camus, pour accompagner le générique de fin. Clin d'oeil apothéotique. Une relecture. Bienfaisante. Revenir au texte. Le relire. Je le fais, ce soir. C'est hygiénique, comme relire L'Été chaque été, et l'offrir. Comme on sème, d'un geste auguste de semeur hugolien. Aimer le faire. Partager le plaisir du texte. Surtout lorsqu'il touche par sa désarmante simplicité, son efficace évidence, sa vérité universelle, à une séduisante intemporalité. L.M. 

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P.S. : J'ai appris (merci Benoît), s'agissant de la première adaptation de L'Etranger par Luchino Visconti, que le maestro souhaitait Delon pour interpréter Meursault, qu'Alain refusa (craignait-il les avances homos appuyées du génial réalisateur du Guépard ?), et que Marcello accepta. Cela donna - j'ai revu la version il y a peu- un Etranger affadi par un Mastroianni sans épaisseur dramatique, désinvolte et non conduit par un Visconti n'ayant visiblement rien compris à la densité tragique du singulier roman de Camus. Regret, car Delon eut été un autre Samouraï à la façon melvillienne, pour peu que Visconti eut eu envie de tout donner pour ce faire. Mais, bon...

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