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KallyVasco - Page 5

  • Il est brisé, n'y touchez pas...

    Curieux comme ce célèbre poème de Sully Prudhomme (1839-1907, il fut, en 1901, le premier prix Nobel de littérature de l'histoire) résonne à la manière des non moins fameux derniers mots de Henri Calet (1904-1956), dans Peau d'ours (Ne me secouez pas, je suis plein de larmes). Une même sensibilité extrême, celle qui définit la littérature en ce qu'elle renferme de plus ténu.

    LE VASE BRISÉ

    Le vase où meurt cette verveine
    D'un coup d'éventail fut fêlé ;
    Le coup dut effleurer à peine :
    Aucun bruit ne l'a révélé.

    Mais la légère meurtrissure,
    Mordant le cristal chaque jour,
    D'une marche invisible et sûre
    En a fait lentement le tour.

    Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
    Le suc des fleurs s'est épuisé ;
    Personne encore ne s'en doute ;
    N'y touchez pas, il est brisé.

    Souvent aussi la main qu'on aime,
    Effleurant le cœur, le meurtrit ;
    Puis le cœur se fend de lui-même,
    La fleur de son amour périt ;

    Toujours intact aux yeux du monde,
    Il sent croître et pleurer tout bas
    Sa blessure fine et profonde ;
    Il est brisé, n'y touchez pas.

    René-François Sully Prudhomme

     

  • Klaipėda

    Je n'ai jamais cru au hasard. Je viens juste de tomber sur cette photo que je ne connaissais pas en surfant sur la Toile. Et voici onze ans, ce 2 décembre, que mon père a disparu.

    On y voit l'un des cargos de feu l'armement maritime familial, portant le nom de mon grand-père, de mon père et le mien (ainsi que son port d'attache : Bayonne). Le bandeau de la cheminée frappée d'un M blanc est bleu ciel. La coque est noire, les châteaux blancs, les chaloupes orange et bâchées de vert.

    La photo (signée Bernardas Aleknavičius), a été prise au début des années 1970 dans le port de Klaipėda, en Lituanie, où le Léon, ainsi que mon père le désignait, se rendait régulièrement.

    Le navire est visiblement chargé, vu le tirant d'eau qui est presque à calaison (son maximum), mais j'ignore ce qu'il a dans ses flancs.

    Je n'ai pas pour habitude de consigner des informations personnelles d'ordre familial, sur ce blog. Cette exception confirme la règle. L.M.

     

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  • La Nostalgie de l'honneur

    Le courage (Athos), le panache (Cyrano), l’honneur (les Résistants), l’humilité (notre héritage judéo-chrétien). Quatre raisons  - il y en a d’autres -, de lire « La Nostalgie de l’honneur », de Jean-René Van der Plaetsen (Grasset), prix Interallié 2017.

    Voici un entretien avec l'auteur paru dans Le Figaro :  La Nostalgie de l'honneur


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  • Six bordeaux rouges de talent

     

    IMG_20171120_163159_resized_20171122_030555964.jpgUn bordeaux supérieur, château La Verrière à Landerrouat (85% merlot,15% cabernet-sauvignon), stupéfiant de concentration et de vérité - loin de ces centaines de bordeaux buvardeux, rêches, austères mais sans classe -, s’ouvre à nous ( : trois amateurs). Le viticulteur se nomme Alain Bessette et son œnologue Jean-Louis Vinolo. Les vignes sont en conduite raisonnée. Le flacon ne coûte pas 6€, c'est donc une superbe affaire : c’est élégant et vigoureux, souple et riche, dense et fruité à souhait, pur et propre, avons-nous envie d’ajouter. 

    Il fait partie des six nouveaux Bordeaux et Bordeaux Supérieur rouges « de talent », sélectionnés récemment dans le millésime 2015, au cours d’une dégustation à l’aveugle d’une centaine de flacons. Et c'est notre chouchou...

    Le second, la cuvée Fougue (100% merlot, 7,50€) du châteauIMG_20171122_134344_resized_20171122_024219169.jpg Saincrit porte bien son nom. L’énergie d’un étalon au galop donne rendez-vous à une douceur en finale –souplesse, suavité et puissance retenue -, qui signent l’esprit de dompteur de sa viticultrice, Florence Prud’homme. Passionnée de cheval, elle a placé une licorne pour blason de son domaine, sis à Saint-André-de-Cubzac. Détail d’importance : aéré longuement, le vin s’ouvre avec bénéfice comme les cuisses d’une jument d’avril.

    IMG_20171122_134352_resized_20171122_024221093.jpgLe troisième lauréat, château Les Reuilles, cuvée Héritage AL (60% merlot, 40% cabernet-sauvignon, 9€), élaboré par l’équipe de Patrick Todesco, qui siège à Savignac-de-Duras dans le Lot-et-Garonne (aux confins de l’Entre-Deux-Mers et de Saint-Emilion) – le vignoble est situé dans l’aire de l’appellation Bordeaux Sainte-Foy -, offre un nez de fruits noirs mûrs et de violette, assez caractéristique. Cette cuvée haut de gamme du domaine est le fruit d’une sélection qui jouit d’un élevage d’un an en barriques partiellement neuves. C’est opulent, concentré sans être embarrassant, car fluide et jamais lourd. Une réussite, là aussi.

    Château Barreyre, géré par Claude Gaudin (Vitigestion), exprime ceIMG_20171122_134402_resized_20171122_024219942.jpg qu’il peut et pour moins de 10€ cependant. Soit une belle expression, honorable mais guère davantage, d’un pourcentage correctement conduit de 70% merlot - 30% cabernet-sauvignon, élevage sous bois une année durant (1/4 de fûts neufs), mais dont le résultat est on ne peut plus académique, bordelais mais moyen, tannique ce qu’il faut, fruité ce qu’il convient. Zéro surprise (mûre, cassis correctement dosés, soyeux de série œcuménique, élégance pile au rendez-vous mais sans entrain – vous saisissez ?.. ). Un « bordeaux supérieur » comme il s’en trouve près de mille, ou à peine moins.

    IMG_20171122_134312_resized_20171122_024219561.jpg« Au suivant », me souffle Jacques Brel : le château Pierrail (90% merlot, 10% cabernet franc - ? - 12€), est d’une austérité étrange, qui n’a rien de monacal ni de militaire, mais qui fait sérieux. C’est Erich Von Stroheim sans son col amidonné, de Boïeldieu sans ses jambières, le désert sans les Tartares, les Syrtes sans Amirauté. Il manque quelque chose à ces merlots pourtant habiles à séduire le nez, mais impuissants à garder en bouche ce « tssa », cette indéfinissable saveur qui persiste à retenir, coûte que coûte, notre présence redoutable, soit en avant-poste. Néanmoins, Pierrail parle, ou plutôt chuchote. Il possède une certaine classe qui ne se détecte pas à la première gorgée. C’est là son mérite.

    Le château Landereau, cuvée Prestige, enfin, qui appartient aux vignobles Bruno Baylet àIMG_20171122_134435_resized_20171122_024220302.jpg Sadirac, est un pur merlot vieilli en fûts neufs 18 mois durant, qui titre 14,5° d’alcool (la Terre se réchauffe, n’est-ce pas ?), mais qui ne fleure pas la « tisane de bois », ni les éthers, ces saveurs alcooleuses et peu racoleuses qui flirtent parfois avec des arômes de térébenthine. Rien de tout cela dans un verre de Landereau prestigieux (13€). En revanche, son sérieux rebute un peu. C’est certes capiteux, riche, mais peut-être trop, et je ne vois qu’une daube de sanglier ou bien une côte de bœuf bien maturée pour le calmer en l’épaulant. Question d’accords. Ce n’est donc pas un vin d’apéro. Ni de tafiole. Et c’est ainsi que, kaléidoscopique, Bordeaux est grande. L.M.

  • Le Désert des Tartares, le film

    Capture d’écran 2017-11-22 à 02.15.16.pngCapture d’écran 2017-11-22 à 02.16.13.png

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     Le Désert des Tartares, de Dino Buzzati, adapté au cinéma en 1976 par Valerio Zurlini, avec une distribution mirifique : Fernando Rey, Vittorio Gassman, Max Von Sydow, Philippe Noiret, Jean-Louis Trintignant, Laurent Terzieff, Giuliano Gemma, Francisco Rabal, Helmut Griem... Et un jeune Jacques Perrin impérial, est de ces films, à l’instar de La 317ème Section ou du Crabe-Tambour, pour ne citer que deux opus signés Pierre Schoendoerffer avec Jacques Perrin et d’immenses Bruno Cremer, Jean Rochefort, Jacques Dufilho pour escorte, qui laissent des traces dans notre mémoire. Celle-ci est faite de vertu (virtus), d’honneur, de dignité, de parole donnée, de fidélité, de respect, de courage enfin. Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq plane sur ce Désert, et le lieutenant Drogo ressemble tellement à Aldo que parfois nous les confondons dans une lecture croisée ou plutôt mêlée agréablement, sans dissociation excessive.

    Un tressaillement de coque

    Nous trouvons, en prêtant l’oreille et l’attention, un même vrombissement ourdi, une marée montante, un bourdonnement, un « tressaillement de coque ». Au lieu de citer Buzzati, je choisis de citer l’humilité de Gracq à propos de son propre Rivage, roman frère (*) du Désert : « J’aurais voulu qu’il ait la majesté paresseuse du premier grondement lointain de l’orage, qui n’a aucun besoin de hausser le ton pour s’imposer, préparé qu’il est par une longue torpeur imperçue » (En lisant en écrivant). J’ai revu le film adapté du Désert, ce mardi soir, et j’en garde derechef le sentiment suranné d’une morale perdue, d’un art d’être, d’un comportement fraternel entre tous admirable ; profondément humain, en somme, là, sur cet « excipient inerte », comme Gracq qualifiait le matériau géographique de son Rivage. Et cet « imperçu » volontaire est magnifié par Valerio Zurlini ainsi que par les puissantes jumelles de la Capitainerie,Capture d’écran 2017-11-22 à 02.12.28.png brandies entre les créneaux du Fort Bastiani, siège d'un roman de l'attente (d'un ennemi)... Ce qui se raréfie possède un prix, et ce livre ainsi que ce film fidèle au texte de Buzzati, en sont l’inestimable preuve. Il s’agit là d’un septième art révolu, eu égard à l’indigence de la production ambiante, laquelle ne serait presque rien sans son Botox technologique. Faites donc passer. L.M.

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    (*) J'évoquerai ultérieurement la tout aussi évidente fraternité du Rivage et du Désert avec Sur les falaises de marbre, d'Ernst Jünger.

  • Le Prix In Extremis

    Capture d’écran 2017-11-15 à 16.11.51.pngIl y a des prix littéraires qui prennent le goût de l'extrême onction. La grande anthropologue Françoise Héritier, décédée ce matin, jour de ses 84 ans (*), auteur d'un délicieux et si personnel  Le sel de la vie, en marge de ses livres majeurs, avait reçu le 8, soit il y a une semaine, un prix spécial du jury Femina pour l'ensemble de son oeuvre. Aura-t-elle eu le temps d'en savourer le funeste artifice?..

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    Bravo, au passage, au talentueux Jean-Luc Coatalem, qui a décroché le Femina essai (pour lequel Héritier concourrait), avec son hommage prenant à Victor Segalen : Mes pas vont ailleurs (Stock).

    L.M.

    (*) La dernière fois que je l'ai croisée, lors d'un salon littéraire il y a un an environ, elle se déplaçait sur un fauteuil roulant et ses cervicales avaient de la peine à maintenir sa tête droite.

  • La Guerre à neuf ans

    Capture d’écran 2017-11-15 à 15.35.33.pngReprendre ce livre-là de Pascal Jardin et se délecter de ses images, de ses traits et de ses portraits. Extraits au hasard :

    L'enfance c'est le point d'eau. On y revient toujours.

    La vie a tapé sur moi comme sur un tambour...

    ... la marée qui monte à la vitesse d'un cheval au galop dans la Baie du Mont Saint-Michel...

    La torpédo est une Ford noire, trapue, décapotable, à malle arrière spider. Ses larges marchepieds, ses phares comme des marmites à confiture et ses roues à rayons lui donnent fière allure. (...) ... le chemin ravaudé avec du mâchefer craque comme des pommes chips sous les roues de la torpédo. 

    L'Angleterre : une monarchie, un brouillard, une île immense flottant au milieu d'une mer de thé.

    Alain Delon : son magnétisme animal le dispute à sa ruse d'aventurier aguerri. (...) Il promène sur le monde un regard d'acier où semblent briller des larmes venues de la petite enfance.

    Yves Salgues (qui fut journaliste à Jours de France) : Débordant de vitriol, il trempait par devoir alimentaire sa plume dans le miel, racontant avec flamme et circonspection les grossesses des reines, les mariages de Bardot. C'était Céline à la Semaine de Suzette. Sa pensée est zébrée et ses phrases chantantes prennent naturellement la forme des alexandrins. Son esprit chimérique baigne dans un cocktail de vapeurs indéfinissables, aussi la moindre de ses explications est-elle touffue et luxuriante comme la forêt amazonienne.

    Pierre Fresnay : ce soir-là j'ai vu en chair et en os le capitaine de Boïeldieu avec ses bandes molletières, son air modeste et noble. (...) Il n'était pas accompagné d'Eric Von Stroheim mais de sa femme, Yvonne Printemps. Elle était belle, comme on peut l'être avec un corps d'éphèbe, une taille élancée, une cascade de cheveux d'or, un esprit pointu, un nez retroussé d'une drôlerie extrême et puis sa voix avec des inflexions incomparables, comme des sourires. Tout de suite, je les ai aimés, tous les deux. Ils appartenaient et appartiennent encore à la race des impossibles. Lui était solide comme une digue, sur laquelle venaient se briser inlassablement les colères fantasques de sa femme.

    Jean Anouilh : Trente ans après (leur première rencontre) le génie n'avait toujours pas pris chez lui le visage de Mozart. Une consternation universelle et aiguë s'étalait sur sa figure de clerc de notaire et, derrière ses lunettes rondes, brillaient deux yeux terribles qui ne semblaient voir qu'en lui-même.

    Jean Gabin : ... Non, ça suffit! Allez-y voir vous même. C'est disponible dans Les Cahiers Rouges (Grasset). Moi, je continue de le lire... L.M.

     

     

  • Le Cédrat de Martine

    Capture d’écran 2017-11-15 à 11.13.11.pngNon, décidément rien ne l'arrête. Martine Brana, distillatrice basque, après avoir ajouté à sa gamme emblématique (poire, prune, framboise...) une clémentine bio de Corse, puis un Gin au piment d'Espelette, propose à présent une eau de vie de Cédrat bio de Corse - élevée en cuves inox afin de préserver toute la fraîcheur de ce fruit doté de qualités organoleptiques exceptionnelles -, dont la suavité et la fraîcheur sont confondantes. Le nez est aussi puissant que séducteur, infiniment fruité et zesté, et l'attaque en bouche est forte comme une aube dans la forêt de Vizzavona, avec ce rien de résiné qui envoie du caractère. Il faut avouer que l'association de la Corse et du Pays basque, fut-elle alambiquée, ne produit pas de petit lait... Très belle persistance en arrière-bouche. On en redemande. 722 flacons seulement (50 cl, 44°, 83€). Dépêchez-vous, c'est un bijou. L.M.

    Cavistes, ou bien : brana.fr

  • El Cid


    Capture d’écran 2017-11-14 à 10.58.20.pngUn lépreux : Merci Seigneur El Cid.


    Rodrigue : Tu sais donc comment on m’appelle. 

     

    Le lépreux : Il n’y à qu’un seul homme en Espagne qui puisse humilier un Roi et faire boire un lépreux à son outre.

     

  • Tout Perros

    Une bonne nouvelle arrive ce matin : les oeuvres complètes de Georges Perros sont réunies en un seul volume (Quarto/Gallimard, 1600 pages). Nous relirons ses Papiers collés avec une ferveur intacte. Perros, c'est un peu comme Desproges : il manque.

    Capture d’écran 2017-11-14 à 09.39.58.png

  • Conf sur Gracq ce 7 novembre à l'IFM

     

    L'Institut Français de la Mode (Paris), où j'interviens parfois (le mois dernier sur Les grands vins français, puis au sujet des Fromages emblématiques de notre hexagone), m'invitait à venir évoquer l'oeuvre de Julien Gracq (et l'homme) ce matin. Un régal, un cadeau pour moi. Un vrai bonheur, surtout grâce à Lucas Delattre, et à un parterre d'étudiants de joli calibre. L.M.

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  • ITHAÏLIE

    Les Foodies

    L’ITHAÏLIE DANS LE MARAIS

    Un trio international aux commandes d'un néo-bistrot gastro mais pas trop. Cuisine créative du jeune chef italo-thaï. Superbes produits mais pas trop chers. Inventivité ma non troppo, là encore. Service tendre. Déco chic. Un bon rapport subtilité/prix.

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    IMG_20171025_154008_resized_20171030_020913158.jpgIMG_20171025_154030_resized_20171030_020916086.jpgD’emblée, c’est l'élégance de la décoration qui frappe agréablement le regard lancé large dans la salle : la pierre brute et patinée alterne sur les murs avec des vitraux multicolores cadrés façon Mondrian du meilleur effet, le sol est carrelé de noir, de gris et de blanc, un bleu roi – la couleur marquante du lieu – habille les cadres des grandes fenêtres, le plafond, ainsi que les fauteuils qui font face à de longues banquettes vertes, la vaisselle est design et chic (superbes verres à dégustation), comme l’accueil et le service de Keenan, qui vient d’Afrique du Sud. Tout cela est bienveillant, discret et de bon goût. La direction est assurée par Alex, RusseIMG_20171025_144330_resized_20171030_020912719.jpgIMG_20171025_135232_resized_20171030_020915740.jpg ayant bourlingué aux States. Une formule à 21€ à déjeuner (entrée + plat, ou plat + dessert), attire forcément le chaland. Les prix sont autrement élevés à la carte, mais la cuisine du chef Davide Galloni, mi-italien (Milan), mi-thaïlandais (ci-contre), à la fois originale et subtile, retient le même chaland. C’est que l’homme, encore jeune, a déjà roulé sa toque à travers le monde. D’où son sens pointu de la « fusion », et mesuré de l’expérimentation. Revue de détail :

    Inspirations croisées davantage que fusionnées

    L’amuse-bouche (ci-dessus) est composé d'une chips de risotto à l’encre de seiche bien croustillante,  surmontée d’un tartare de langoustine puissant et à l’agréable texture collante. Le ton est donné.

    Puis, l’air de rien, soit sans nous en rendre compte, nous avons fait un repas italien type : antipasto, pasta, secondo piatto, dolce : la totale.

    IMG_20171025_140224_resized_20171030_020913506.jpgIMG_20171025_142351_resized_20171030_020914230.jpgL’entrée choisie (23€) ce 24 octobre dernier, fut un tartare de langoustine (plus morcelé, plus délié qu’en amuse-bouche) sur un lit de stracciatella (le cœur de la burrata, soit la crème de sa crème), croûtons de pain à l’encre de seiche (noir sur blanc, comme le carrelage), demi-tomates cerises et une eau de tomate riche en saveur pour arroser l’ensemble. Rien de saillant ne vient jouer les mâles dominants, dans ce plat onctueux, sinon le citronné léger mais salutaire du tartare, qui envoie son « pep’s » au détour d’une bouchée. C’est smooth, fin. Discret, en somme.

    Un nid de tagliatelle (maison) avec en son sein un jaune d’œuf cuit à basse température (déjà délayé sur la photo), l’ensemble parsemé de copeaux de truffe blanche d’Alba comme autant de plumes et de duvet éparpillés, constitue un plat simple (il n’y a pas lieu d’évoquer ici le prix du kilo de truffe blanche), brut, à trois ingrédients (plus un indispensable soupçon de beurre fondu avec de l’huile d’olive), des plus réussis car, c’est fort mais pas trop, onctueux encore, délicat. Direct (33€).

    L’ancien sur le moderne et dessert reloaded

    Les suprême et cuisse désossée (et reconstituée) de pintade (24€) sauce Penang, copieux,IMG_20171025_144210_resized_20171030_020913869.jpgIMG_20171025_144238_resized_20171030_020914600.jpg sur un lit de quinoa rouge, grains de raisin frais, et feuilles d’épinard fumées – c’est d’ailleurs servi sous cloche - translucide et pas en argenterie comme au resto de grand-papa -, afin de laisser la fumée se répandre sous les narines au moment de servir-, sans oublier un jus d’ail noir chinois (fermenté une année durant), qui signe l'ensemble sans pour autant donner dans la peinture sur assiette, devenue si ringarde, forme un recueil d’alliances surprenant. Le fumé ne nuit pas, au contraire. Le jus des raisins est bienvenu, même si le suprême n’est pas sec (mais sa peau manque de croustillant), et la cuisse grise est moelleuse. Le quinoa reste croquant, et l’épinard d’une fraîche fermeté. Un patchwork à reprendre une prochaine fois.

    IMG_20171025_150335_resized_20171030_020914951.jpgJardinmisu (8€) est un dessert pour jeune paysagiste créatif ou vieil accro du jardinage tiré au cordeau. Un carré de faux gazon pour tapis sur une assiette ronde (il vaudrait mieux insérer l’herbe synthétique dans un assiette carrée), sur lequel est posé un vrai petit pot de fleur, contient un tiramisu reloaded. Qu’on en juge : ne cherchez pas à retrouver le goût du café, il n’entre pas dans cette composition – aux deux sens du terme. En revanche, nous trouvons du thé vert (matcha) japonais à l’orange, des biscuits broyés Amaretti au bon goût d’amande, et surtout des morceaux de cartucci – fameux biscuits toscans croquants aux amandes -, au lieu des boudoirs, mais en dilution ; pas dressés. Le crémeux est idéal, et un léger goût de pralin surgit en arrière-bouche. Des fleurs roses et délicieuses d’hortensia et des feuilles en pâte d'amande décorent le tout. C’est réussi. En somme, hormis la musique d’ambiance peut-être un peu trop présente, et le manque de ce que j'appelle le « tsssk » (ou pep’s), ici ou là dans l’assiette, l’adresse se pose d’évidence parmi les néo-bistrots fusion qui comptent, dans le Marais.

    Léon Mazzella 

    Texte et photos.

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    IMG_20171025_153952_resized_20171030_020915312.jpgCarte des vins française. Petit choix – suffisant – de vins au verre (de 6 à 9€). Bon pic saint-loup (Mas de l’Oncle, 2016).

    Trois brunchs au choix le dimanche.

    Les Foodies : 6-8, Square Sainte-Croix de la Bretonnerie, 75004 Paris.

     

  • Un sommelier dans mon canap', dernière

    Dernière soirée ma masterclass privée crozes-hermitage hier soir 26 octobre, sur invitation de Pierre-Guillaume, chez son amie Jane, en compagnie de cinq autres initiés. Dégustation enjouée, avec un Rouvre de Yann Chave toujours aussi souverain, un Clos des grives de Laurent Combier consensuel, un Domaine des Grands Chemins de Delas surprenant, et un blanc de Laurent Habrard gourmand. Pour escorte, il y avait de bons produits charcutiers et fromagers de l'Aveyron et au-delà.

    Léon Mazzella, alias Kally Vasco

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  • Un dimanche à Anglet

    Capture d’écran 2017-10-23 à 09.23.17.pngSignature enjouée hier matin aux Cinq Cantons, avec  Sébastien et Régis. Pas mal d'amis passaient acheter Sud-Ouest Dimanche - et puis pas que!.. 40 exemplaires signés, casse-croûte au jambon truffé et côtes-du-rhône. Et puis, à ma querencia, la Petite Chambre d'Amour, ces lumières divines au couchant...

    cesoir.jpgchambre.jpg 

  • Anglet à 6 mains et 6 yeux

    Enchainement des signatures de notre livre ANGLET (Passiflore) avec les talentueux photographes Sébastien Carnet et Régis Guichenducq. Ici, à la FNAC de Bayonne, cet après-midi. Plus de 100 exemplaires signés depuis hierCapture d’écran 2017-10-21 à 23.03.53.png soir (à la Mairie d'Anglet, surtout, pour la sortie officielle). On remet le couvert demain matin à 9h30 aux Cinq Cantons. Qu'on se le dise au fond des bois...

     
  • Un sommelier dans mon canap', ça continue

    Soirée formidable chez Serena - robe verte -, la bien nommée (puisqu'on appelle la syrah la sereine), Italienne des Pouilles (jeudi 19 dans le XI ème, à Paris) et ses amis italiens de Basilicate, de Naples et aussi de Sicile et encore d'Afrique et de Chine, pour cette séance d'initiation au crozes-hermitage : nous avons dégusté jusqu'à pas d'heure, des vins dociles et néanmoins corpulents (Pradelle), fruités et épicés (Gaylord Machon), automnaux et élégants (domaine des Entrefaux), complexes et séreux (domaine des Alexandrins). Grazie mille! L.M.IMG_20171019_211743.jpgIMG_20171019_211854.jpg
     

  • Lisez Des âmes simples

    Capture d’écran 2017-10-19 à 07.43.27.pngQue ceux qui n'ont pas encore lu Des âmes simples, de Pierre Adrian, publié aux Equateurs par l'ami Olivier Frébourg, saisissent l'occasion de le faire, avec l'attribution - hier -, du (très enviable) Prix Roger-Nimier à ce jeune auteur de 26 ans, pour son splendide récit (davantage que roman), d'une austérité et d'une vérité stupéfiantes. L'univers de frère Pierre, curé dévoué en vallée d'Aspe, conscience de tant d'âmes qu'il aide à être, l'atmosphère de l'abbaye de Sarrance, le quotidien des habitants désoeuvrés, aux "vies minuscules" (écrirait Pierre Michon), vivotant dans des villages oubliés, la beauté de la nature, la force du silence, la foi, l'écoute... L'humanité enfin, qui se dégage  de ce texte écrit dans un style épuré et d'une hiératique sobriété, force le respect. Un grand livre, que j'ai déjà pas mal offert, d'ailleurs. Faites passer! L.M.

     
  • Bouffée d'air pessimiste

    Capture d’écran 2017-10-18 à 18.38.58.pngLe nouveau livre de Boualem Sansal est une conversation avec Boris Cyrulnik animée par José Lenzini, lequel pilote la collection Méditerranées aux éditions de l'aube, où ce petit livre est publié. Son titre annonce la couleur sombre de la réflexion : L'impossible paix en Méditerranée. Il est question d'islamisme bien sûr, donc de terrorisme mondial, de volonté de conquête du monde par la violence, de l'inextricable conflit israélo-palestinien, de l'échec des printemps arabes qui ont chassé des dictatures mais ont réislamisé durablement des pays entiers, des collusions entre l'extrême droite et l'extrême gauche européennes et de leur sympathie inavouée pour l'islamisme le plus virulent, d'une certaine déconstruction de l'espace méditerranéen à force d'implosions et d'explosions imminentes, du gouvernement d'une bande de grands coquins qui tiennent la planète (Assad, Poutine, Trump, Jinping...), de la mainmise de l'ONU et de l'UNESCO par des pays arabes assez peu soucieux des droits de l'homme (on ne parle même pas de ceux de la femme), de l'empathie intellectuelle évidente, voire de la correspondance entre Sansal et Camus, de la suite terriblement logique : réparation, repentance, vengeance, comme conséquence à la décolonisation, des similitudes troublantes entre nazisme et islamisme, de la permanence de la haine, de l'impossible paix (Cyrulnik souligne que seulement dix pays ne sont actuellement pas en guerre dans le monde, aujourd'hui), d'un nouvel antisémitisme qui ne dit pas son nom mais qui avance ici et là, des tristes constats selon lesquels, d'une part les hommes se font la guerre pour des croyances, et d'autre part la violence est le ciment des peuples, du vaste danger de la nahda (renaissance) qui appelle tous les musulmans à l'éveil et à la mobilisation, et encore des tentatives d'apaisement modestes - la part du colibri à l'incendie de la forêt amazonienne -, comme le Rassemblement mondial des écrivains pour la paix, dont Boualem Sansal est l'un des principaux initiateurs... J'ai lu ce dialogue hier soir, et j'en suis ressorti galvanisé, mais à l'envers. Il s'agit cependant d'un constat froid, réaliste hélas, pas d'un discours alarmiste ou mortifère, ou forçant le trait noir sur le monde tel qu'il va mal. Très mal... L.M.

  • Blandine a encore frappé

    Capture d’écran 2017-10-18 à 14.26.57.pngElle récidive, l'experte en couenneries, avec sa plume gourmande, saupoudrée de traits   à l'humour vif de son complice Patrick de Mari. A eux deux, ils animent le site gretagarbure Mais là, c'est Blandine Vié, auteur de tant de livres de cuisine ayant trait aux testicules, à la morue, à la cuisine aphrodisiaque...  Qui mène la danse des canards gras. En ces temps light et veganisés de buveurs d'eau à la grise mine, soit en ces temps tristes à mourir de soif ou de faim de xingar, l'auteur publie 99+1 (bonnes) raisons de manger du gras (Artémis, 7,90€).  Ce petit bouquin est un éloge lipide au beurre et à la graisse, une ode à l'huile et au saindoux , une apologie de la ventrèche et du colonnata, et c'est joliment bardé, ficelé et troussé d'une maquette pimpante. Les amateurs de lard contemporain apprécieront la mini anthologie littéraire qui s'est glissée entre deux tranches pages, et où Voltaire et Zola côtoient Audiard et Manchette. Dans ce florilège qui double sans coup férir les cinquante nuances de gras, la sensualité a la frite, puisqu'il faut frotter son lardCapture d’écran 2017-10-18 à 14.27.07.png contre le sien, nous rappelle Rabelais. Tous les lipophiles décomplexés liront par conséquent avec délice ce livre léger et sans recettes, cette fête des mots et de la liberté d'aimer dévorer ce que la morale réprouve. Noël aux dindons, Pâques aux jambons, clame un proverbe gretagarburien. On approuve! L'art, le vrai, n'est pas en reste, puisque les peintres préférés de l'auteur sont, évidemment, Eugène Boudin et Francis Bacon... Achetez ce bouquin tordant, et lisez-le à haute voix à votre voisin(e) de matelas, un dimanche de grasse matinée avec des croissants beurre plein le plateau. L.M.

  • Masterclass privée Crozes-Hermitage

    unsommelierdansmoncanap.com

    Chaude ambiance à fond crozes-hermitage, hier soir chez Thibaut (dans le XVIII ème, à Paris) et ses dix amis attentifs, curieux, dont trois américains amateurs, et certains pourvus d'un nez exceptionnel. Le blanc de Laurent Habrard a séduit, le Rouvre de Yann Chave a fléchi, le Clos des grives de Laurent Combier a conquis, le domaine des Grands Chemins de Delas a bluffé. Comme quoi, les masterclass privées se suivent et ne se ressemblent pas. En dépit d'une température estivale, le vin, être bien vivant, demeure souverain, surtout avec des syrah imprévisibles comme autant de Carmen... ¡Olé! Léon Mazzella

    L’image contient peut-être : 10 personnes, personnes souriantes, personnes debout et intérieur
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  • Ventenac, plus c'est simple et plus c'est bon

    Capture d’écran 2017-10-16 à 14.30.19.pngCapture d’écran 2017-10-16 à 14.32.04.pngHeureusement, le plaisir ne s’évalue pas à l’aune d'un nombre d’euros. Témoin, cette dégustation des cuvées du domaine Ventenac, dirigé par Stéphanie Maurel et son mari Olivier Ramé. Nous sommes en AOP Cabardès (Aude, Languedoc), et sur 160 ha conduits en agriculture raisonnée (Terra Vitis). Les cépages s’y épanouissent, et les cuvées leur ressemblent, qui sont d’apparence modestes, mais d’une belle fraîcheur, et d’une teneur étonnante. La cuvée Stéphanie (2016) est un merlot friand aux notes de fruits rouges croquants, vif et long qui coûte 6€ à peine. Je souligne. Idem pour la cuvée Pierre (2016), - en référence au grand-père d’Olivier, le mari de Stéphanie -, issue de cabernet-franc, d’une droiture et d’une amplitude aussi croquante que délicatement épicée (6€). La Grande Réserve de Georges (2014), en référence au père d’Alain Maurel, fondateur du domaine (50% de cabernet sauvignon, 40% de syrah et 10% de merlot), nous envoie certes du tabac blond, du moka, de la puissance « sous la pédale, pied droit » mais bon… C’est déjà chouia too much, si je puis l’écrire ainsi (9,5€), car nous sentons une volonté de concentration inhabituelle, à tout le moins peu naturelle. Enfin, le Mas Ventenac (22€) ne nous a pas séduit, à cause sans doute de son côté parkerisé qui nous semble (et nous souhaitons nous tromper) un rien forcé. Capture d’écran 2017-10-16 à 14.31.10.pngCertes, c’est du parcellaire, du cousu main, du rendement minimal maîtrisé… Et de la macération minutée, du remontage et du pigeage scrupuleux, puis un élevage sous bois calculé en proportions (neuf/pas neuf). Au fond, c’est assez lourdingue, mais ça se veut corpulent et dense. Or, ça en fait des tonnes. Aussi, allez-y plutôt les yeux fermés sur les premières cuvées d’une « complexe simplicité » oxymorique qui me fait sourire. Elles valent 6€ et procurent un petit bonheur simple, ces affranchies du body building. L.M.

     

     

  • A déguster jusqu’à la... lit

    Capture d’écran 2017-10-13 à 11.41.47.pngNous connaissions le château La Levrette, superbe bordeaux (rouge et blanc) élaboré dans le triangle d’or du Blayais par Laetitia Mauriac, et que j’évoque dans mon « Dictionnaire chic du vin » (lire plus bas les pages 213-214). Voici le chardonnay En Levrette, cuvée du domaine des Marnes Blanches, dans le Jura. Blanc ouillé, bio, élaboré par Géraud et Pauline Fromont sur un terroir à calcaires gryphées, son étiquette est sans équivoque.Capture d’écran 2017-10-13 à 10.26.49.pngCapture d’écran 2017-10-13 à 10.27.20.png Dans les deux cas, l’allusion originelle est claire, mais elle diverge (et dix verges, c’est beaucoup, me souffle Pierre Desproges) : d’un côté, la référence à une race de lévrier italien ainsi qu’à la femelle du lévrier commun figure, silhouettée, la queue glissée entre les pattes de derrière, sur l’étiquette du vin de Laetitia Mauriac. Celle aux lièvres qui bouquinent (se reproduisent) à la saison des amours, sur la parcelle où le chardonnay pousse, est signalée – non sans malice -, sur la contre-étiquette du vin des époux Fromont. Cependant, la seconde référence est un poil abusive, car, si le lièvre mâle se dit aussi bouquin – d’où le mot bouquinage, éloigné de toute lecture, fut-elle licencieuse (on le nomme aussi capucin, oreillard, rouquin…), et eu égard à l'activité à laquelle se livre alors le... léporidé, la femelle du lièvre se nomme hase, comme celle du lapin, lapine… Mais pas levrette. Qu’importe, après tout ! Le chardonnay enjoué du Jura y va d’ailleurs franco, et anticipe nos traits d’esprit. La rédaction a tout prévu (agrandissez la photo) : ce vin, subtil étreinte d'un terroir (...) sera le partenaire idéal de vos acrobaties gourmandes (...) En Levrette vous mettra à genoux… J’ai découvert par hasard son existence sur Internet, ce matin. Je ne l’ai donc pas encore eu en mains, ni goûté ci-devant (par derrière). Ce qui ne saurait tarder, au moins pour m’initier à une gymnastique – strictement œnologique -, consistant à associer lever de coude et génuflexion : Et hop, et hop… L.M.

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    Capture d’écran 2017-10-13 à 12.03.51.pngCapture d’écran 2017-10-13 à 12.04.21.png

     

    Notons qu’il existe par ailleurs une bière artisanale nommée Levrette (goûtée en aout dernier dans les Cévennes), qui elle aussi, ne se prive pas d’allusions grivoises sur son habillage, puisque sur le col de la bouteille, nous pouvons lire (voir ci-contre) : Une petite Levrette entre amis, puis, plus bas, Bière blonde de position... A vos marques !

     

     

     

     

     

    Capture d’écran 2017-10-13 à 12.21.42.pngCapture d’écran 2017-10-13 à 12.21.55.png

  • Un sommelier dans mon canap', seconde


    Seconde prestation "apéro (qui tire en longueur avec bonheur) crozes-hermitage", Un sommelier dans mon canap' : unsommelierdansmoncanap.com chez Agnès, cette fois (dans le Marais, à Paris), avec ses cinq ami(e)s. J'ai eu affaire à des connaisseurs, pour cette soirée "ma masterclass privée", à des fans de Laurent Combier et de son consensuel et infiniment respectable Clos des Grives, mais époustouflés aussi par Le Rouvre de Yann Chave. Faut dire, aussi, hein... Sans parler du stupéfiant domaine des Grands chemins, de Delas, (et oui!), un nom si "gracquien", et du blanc sensuel (bio) issu de marsanne de Laurent Habrard, "vigneron heureux"... Il fut question d'onctuosité, de robe d'encre, de fruits noirs, d'épices douces, et de salinité aussi, de persistance, de tanins soyeux, de délicatesse, de paradoxe enfin : les crozes peuvent être si "oxymoriques" - soit,
     à la fois puissants et délicats, raffinés et gentlemen-farmers... On adore. L.M.

    IMG_20171012_212040_resized_20171013_120323825.jpgIMG_20171012_221140_resized_20171013_120324609.jpg

     
  • L’apprentissage de la sagesse pour 3,50€, c’est cadeau, les djeun’s !

    IMG_20171012_110659_resized_20171012_110722476.jpgNous l’avons déjà écrit ici, mais nous remettons le couvert avec enthousiasme : la collection folio sagesses (3,50€ chaque volume) est une aubaine. Une centaine de pagesIMG_20171012_111004_resized_20171012_111025310.jpg de Cicéron, de Cioran, de Saint-Augustin, de Simone Weil (pour citer les dernières parutions), ou bien d’Epictète, Voltaire, Marc-Aurèle,
    Montaigne, La Rochefoucauld, Gandhi, La Bruyère, Sénèque, Alain, Machiavel, Thoreau… Et à ce prix-là, ce sont des vitamines de bonheur, un feu d'artifice philosophique. Faites passer ! Mieux : « abandonnez » ces ouvrages, une fois lus, sur un banc public, une banquette de train. Avec un peu de chance, ils continueront de vivre en propageant leur sage parole. L.M.

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    Collection folio sagesses, 3,50€

  • Le Crabe-Tambour

    L’escorteur d’escadre « Jauréguiberry » (du nom – d’ailleurs - d’un quai de bord de Nive à Bayonne, bordé de restaurants accortes). Mr Lucifer dans le rôle du chat (noir et docile). Dufilho, Rich, Perrin, Rochefort donc, ce soir. L’apparition divine et diaphane d’Aurore Clément. Revu pour la 4ème fois, Le Crabe-Tambour, en hommage double ou triple. En hommage. A Schoendoerffer d’abord. Aux suivants après. A commencer par l’immense JR. Un très grand film, un excellent livre. Un état d’esprit inaltérable. LM

    Capture d’écran 2017-10-10 à 21.23.31.pngCapture d’écran 2017-10-10 à 21.46.20.pngCapture d’écran 2017-10-10 à 22.52.27.png

     
  • Sortie du livre ANGLET

    Bon, je m'y prends un peu à l'avance : A l'attention de tous ceux qui seront dans les parages - Bienvenue! Afin de partager un verre, deux mots, trois rires, et repartir avec un livre signé à trois mains.
    J'ajoute que, outre cette présentation le jour même de la sortie du bouquin, il y a trois autres signatures au cours du week-end :
    - le samedi 21 octobre de 11h à 12h30 à la librairie Darrigade à Biarritz ;
    - le samedi 21 octobre à 15h à la FNAC d’Anglet ;
    - le dimanche 22 octobre à 9h30 à la Maison de la Presse des 5 cantons d’Anglet.

     

    Capture d’écran 2017-10-05 à 11.47.10.png

     
  • FLAIR #5 est paru => aux kiosques, citoyens!

    Capture d’écran 2017-10-04 à 11.24.37.pngC'est aux côtés de prestigieuses signatures (Sophie Surullo, Christophe Schaeffer, Benoît Jeantet, Nemer Habib, Vincent Péré-Lahalle, François Trillo, entre autres) que je me (re)trouve à chaque numéro, avec ma double page de J'aime. FLAIR Play magazine, c'est du rugby et beaucoup plus que ça. Ne manquez pas, dans cette cinquième livraison, les reportages, portraits et entretiens sur et avec François Berléand, Imanol Harinordoquy, Philippe Lafon, Mourad Boudjellal, Pierre Berbizier, Christine Hanizet, Henri Estirac... Un numéro copieux où il est pas mal question de rugby au féminin. 140 pages de bonheur viral : Faites passer!

    Ci-dessous, ma double page qui paraît, où il est question de l'épaisseur d'une toile de Nicolas de Staël, du croquant idéal du chipiron, du frôlement de la hanche (extrait joint), des larmes en littérature, de l'impossible consolation, et de la règle de la patate chaude... L.M.

    Capture d’écran 2017-10-04 à 10.55.34.pngCapture d’écran 2017-10-04 à 10.55.50.png

  • Il n'y a plus de sorcier à Galapagar

    Capture d’écran 2017-10-04 à 09.35.12.pngVictorino Martin Andrès s'est éteint. Ses "victorinos" continueront de sortir, vêtus de leur robe cendrée dans les arènes de première catégorie. L'éleveur de légende surnommé à ses débuts el paleto (le plouc) par l'aristocratie de la corne, aura prouvé à ce mundillo qu'il était le meilleur, et que son bon sens campesino avait du bon ¡Suerte!

  • Kalach-Mont-Blanc

    Capture d’écran 2017-10-04 à 00.45.16.pngAu fin fond du Yémen, il y a quelques années. Je viens de m'emparer de la Kalachnikov de l'homme que l'on voit à droite, subjugué que j'ai osé le faire, dans ce rade où nous prenons un café à la cardamome, avec mes compagnons de voyage. Je m'apprêtais alors à allumer un cigare (Specially Selected de Ramon Allones, pour les chieurs tentés de me poser la question), lorsque me vint cette idée saugrenue. Peu après, je lui ai rendu son arme (chaque homme, là-bas, même jeune, en possède une semblable, en plus de sa jambiya, ce poignard recourbé porté au milieu de la ceinture, que l'on aperçoit à peine, ici), et lui ai offert un cigare. Nous avons fumé ensemble, plus ou moins peinards. Ca l'a détendu. Puis, nous avons mâché le qât, car il m'en offrit un sachet...

    Détail important (que j'avais d'ailleurs oublié) : j'ai fiché mon inséparable stylo à plume Mont-Blanc au bout du canon. Comme quoi, hein...

  • Un service d'une rare violence

    Capture d’écran 2017-10-03 à 21.23.27.pngC'est un restaurant japonais comme il en existe des brochettes dans la rue Sainte-Anne, voisine. Nous sommes du côté de l'Opéra, à Paris, rue de Ventadour précisément. La table se nomme Sara, même s'il est écrit Soba à l'entrée. Et pour cause : On y entre pour  manger des soba, soit des nouilles à base de farine de sarrasin (faites sur place, paraît-il - au sous-sol, sans doute) et servies chaudes ou froides avec, au choix : tofu, poulet, boeuf... Ca ne casse pas non plus trois pattes à un canard laqué. Mais ce n'est pas ça, le problème. Le problème vient du patron et de sa haine affichée (il a très visiblement un réel souci, le gonze), qui officie en salle, et traite le client - non Japonais - comme un caporal chef ses trouffions dans Full Metal Jacket... Malaise, malaise! A moins d'être maso (le Parisien aime bien se faire maltraiter par la gouaille des vieux serveurs, dans les brasseries, mais là, il s'agit d'un autre niveau d'agressivité), ça ne le fait pas et ça ne le fera jamais : Le client est houspillé, engueulé lorsqu'il demande quelque chose, le boss a une obsession, qui est de retirer, de confisquer même tout objet à peine utilisé, carafe d'eau comprise, il aboie au lieu de répondre, affecte une morgue impatiente et méprisante à la prise de la commande qui frise l'inconvenance. Il ne dit ni bonjour ni au revoir, a des gestes brusques, des attitudes plus que déplaisantes, violentes, oui : je pèse le mot. Du jamais vu. Et lorsque des clients japonais entrent et s'assoient, ils ont aussitôt droit à la danse du ventre, aux rires, à l'allant incroyable du même patron. Dr Jekyll et Mr Hyde. On croit rêver devant tant d'aplomb, d'ostentation, d'agression caricaturale. Ce n'est de surcroît pas donné  (11€-22€ le soba). C'est la double peine, lorsqu'on vient de subir un tel traitement. Ciao, petit caporal!. L.M.

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    PS : Sara n'a rien à voir avec Yen, autre Japonais " à soba" créé par le même investisseur japonais (M. Kitada), sis rue St-Benoît dans le 6ème arr., mais autrement plus accueillant, raffiné, subtil, et carrément classe.

  • La Traversée

    Capture d’écran 2017-10-03 à 20.21.38.pngL’endroit est avenant, comme l’accueil et le service. Nous nous trouvons au début de la rue Ramey, dans le 18ème arrondissement de Paris, soit en haut, dans une zone moins vivante qu'en bas, passée la rue Custine. C'est le Village Ramey.

    L’espace de cette cave à manger est confortable avec ses salles, son bar, la mezzanine, la petite terrasse… La déco est vintage sympa, brune, roots et néanmoins claire. Joli carrelage d'époque, patine bienvenue sur le gros radiateur, bois, cuir : on se sent immédiatement bien.

    La cuisine s’essaie à des tendances lourdes ayant cours encore actuellement (on ne parle plus de mode évanescente) dans le paysage des fourneaux parisiens, tenus par de plus ou moins jeunes chefs avisés et inspirés par les vents d’extrême-orient notamment (Adeline Grattard/Yam’Tcha, Iñaki Aizpitarte/Chateaubriand, William Ledeuil/The Kitchen Galerie, et KGB, pour n’en citer que trois parmi trente).

    Mais l’imitation, à La Traversée, balbutie, elle est encore superficielle, les saveurs sontCapture d’écran 2017-10-03 à 20.21.02.png mal accordées, hésitantes, sans franchise ou bien trop concentrées, soit too much, et certains plats sont franchement huileux. L’harmonie n’est pas encore au rendez-vous - normal, ils ont ouvert à la mi septembre ! Leur intention est grande et c’est déjà louable. Il faudra « attendre de voir » comment cela évolue ces prochains mois.

    La carte des vins (bios, voire nature) est en revanche judicieuse, et des noms de vignerons « attendus » sont au rendez-vous. C’est bien, et le rapport qualité/prix du verre est bienvenu (4 à 6€), comme celui de la carte (trop courte cependant, trop tapas façon « raciones » à San Seba pour qui souhaite manger copieusement - à l’exception du très savoureux boeuf de Salers grillé). 

    Il faut surtout y aller pour boire des canons d'Olivier Pithon (Mon P'tit Pithon, cotes catalanes), du château Guibeau (montagne saint-émilion), le viognier de Freesia (mas d'Espanet, Cévennes), ou encore le gamay friand de Nicolas Dubost (Just drink it). Ou bien des bières tendance issues des nombreuses micro-brasseries qui fleurissent un peu partout, y compris en ville, et même d'un Gin fabriqué à un jet de cailloux, rue Labat : Lord Barbès. Tous ces verres seront dûment accompagnés d'une planche de fromages du Jura ou de charcuterie (14€ chacune), d'oeufs : pickled eggs bio (7€), curcuma et poireaux frits,  de haricots verts en tempura (à condition qu'ils soient épongés), de croquettes de truite fumée et pomme de terre, sur lit de haricots de Paimpol, ou encore de cette savoureuse pièce de boeuf de Salers (16€) correctement grillée, donc, et surmontée de lamelles d'artichaut et d'allumettes de poireaux frits (bis repetita). L.M.

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    La Traversée, 2 rue Ramey, Paris 18, est pilotée par un petit groupe d'amis : Charles, Vincent (en cuisine), Witold, et Camille. Formules à déjeuner : 17€ et 20€.

    https://www.latraverseeparis.com

  • Ciao Didier...

    Didier Sorbé, photographe pyrénéiste de grand talent, a été retrouvé sans vie hier matin, à genoux, appareil photo en mains, en Vallée d'Ossau, près du lac de Moundelhs. Pensées pour Hélène, sa femme. L.M.

    Capture d’écran 2017-09-27 à 15.47.54.pngCapture d’écran 2017-09-27 à 15.48.07.pngCapture d’écran 2017-09-27 à 15.50.21.png

  • Relire Ellul, bien sûr, mais également le "City of Benares"

    J'avais participé à la réédition des Contes du subtil et délicat Jean de La Ville de Mirmont, à la demande de Jean Curutchet, pour ses jeunes éditions (Harriet). Ah, Le City of Benares...
     
    Je corrige une faute qui me fit enrager, lors de la publication de ce recueil, en 1987 (putain, 30 ans déjà!), c'est le mot espoirs qu'il convient de remplacer par celui de départs...
     

     

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  • L'élève Gilles

    Le bonheur de relire cette sorte de Grand Meaulnes bordelais, qui s'était perdu parmi mes étagères (il avait fui par l'arrière, comme parfois les livres font - et puis, pfuit, on les oublie puisqu'on ne les voit plus). Avec "La Maison au bord du Fleuve", de son amour Jeanne Alleman (Jean Balde), "L'élève Gilles" figure un diptyque. Ce sont deux fleurons entre quinze ou vingt de cette génération perdue si bien décrite par Michel Suffran, et à laquelle nous joignons immédiatement le délicat Jean de La Ville de Mirmont, et quelques autres méconnus comme Emile Despax ou André Lamandé. Et à la marge de laquelle se tenait François Mauriac, préfacier amoureux et vigilant; le gardien du temple...IMG_20170923_151408_resized_20170926_024718815.jpg

  • Jean Gamay

    Capture d’écran 2017-09-12 à 14.33.39.pngL'anecdote est singulière, vous allez voir. Je reçois des échantillons de la maison Jean Loron (vignerons en Beaujolais et en Mâconnais depuis 1711, sis à La Chapelle de Guinchay, dans le 71) avant l'été, et je marque un temps d'arrêt sur les indéniables qualités organoleptiques d'un flacon, la cuvée Jean, issue de gamay noir (2016) qui s'épanouit sur des coteaux pas très éloignés de Lyon. L'étiquette est chic et moderne, et puis c'est surtout fruité (marqué par la mûre et la myrtille) et croquant, simple et corpulent quand même, parfum de violette au premier nez, réglissé à l'attaque en bouche, puis c'est rond et suave, franchement équilibré; bien fait, quoi : le genre de vin sans histoire compliquée, à déboucher sans hésitation lorsque les potes déboulent à l'improviste et - comme par hasard - à l'heure de l'apéro-qui-s'éternisera-forcément, grâce à l'appui logistique de force charcuterie, plateau de fromages et pain excellents. Une fois la dégustation "pro" achevée, la bouteille à peine entamée attendit l'improviste, qui ne vint pas, ce jour-là. Le lendemain, elle acheva par conséquent son histoire dans l'évier, une météo clémente ne m'intimant pas l'ordre d'élaborer la première daube de joue de la saison. Puis, j'en parlais, de ce gamay de Jean. Rendez-vous fut donc pris. Mais... Je ne savais comment faire pour relever le gant, alors je tapotais sur l'Internet, afin d'en acquérir trois flacons. Et en trouvai à vendre chez Pimprenelle* (le genre de démarche qu'aucun de mes confrères journalistes spécialisés n'oserait avouer...). Il m'en coûta la bagatelle de 5,85€ l'unité ! Une vraie affaire. Foncez, c'est gamayment bon. L.M.

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    * Nicolas, pour les intimes.

  • des boires

    Ci-dessous, ma récente chronique publiée par FLAIR Play magazine (du rugby et pas que !..).

    J'y ajoute que "Le nez dans l'herbe" est également un livre d'entretiens avec Jean Carrière, comme celui-ci en fit avec Jean Giono, et Julien Gracq. Relire d'urgence, de l'immense Carrière, "L'Epervier de Maheux", et tous les autres, rangés par là, mais pas oubliés. La littérature âpre, nécessaire, vraie, rude et de pleine nature, c'est lui. La seule, en somme, à laquelle nous acceptons de nous unir.

    J'aime, par Léon Mazzella, FLAIR Play magazine : 

    L’ineffable

    C’est une pièce plus mince qu’un After Eight, mais ça envoie du menthol pour un moment. C’est une hostie théâtrale, une victime qui fond bien sous la langue, il suffit de fermer les yeux. Et sa teneur est d’une densité épaisse. « Pour un oui ou pour un non », de Nathalie Sarraute, c’est comac. Son pitch tient en deux phrases. Il est question d’amitié. D’un mot de trop, prononcé – par l’un, à l’autre -, avec une once de mépris et de jalousie mêlés : « C’est bien, ça… ». Genre drop de la dernière seconde. Tout tourne autour de ces trois mots, qui mettent à bas des années d’amitié. Le talent de Sarraute, avec une économie de mots janséniste, fait le reste. Soit « le job ». J’aime.

     

    Épaule

    Je ne pense pas à l’agneau pascal. Ni aux épaules de Pascal Ondarts. Je suis tenté de penser à celles d’une femme aimée, ainsi qu’à la mienne, sur laquelle elle pourra toujours s’appuyer sans avoir à le demander. Non. Là, je pense à celle de Julien Gracq, un matin de janvier 1999 à Saint-Florent-le-Vieil. Le 30. J’avais osé lui donner à signer les deux Pléiades de son œuvre, en groupie : j’étais devant Johnny. Ou plutôt derrière lui. Debout, par dessus son épaule droite, et sa main hésitait, sur la page de garde du premier volume. Il me demanda alors de m’éloigner afin de pouvoir écrire. Je fus couvert de honte. Ce n’était pas Johnny, mais Julien. Ainsi, le second volume comporte-t-il une phrase merveilleuse, tandis que le premier est orné d’une dédicace moins sentie. Mal épaulée. J’aime.

     

    Kiefer

    La matière est boueuse comme un stade de la campagne basque intérieure un dimanche d’hiver. L’ouvrage en impose, il est long, large, prenant  - des tripes aux cheveux -, et c’est vertical comme la Justice est raide. Sentiment qu’Anselm cramponne, strie, rugit en y allant franco. Ca malaxe, ça épaissit, s’épaissit, plisse, fourrage, goudronne, enterre, amasse, engouffre, larde, ça truelle, métallise, s’ensuque, empègue, brunit. Chaque toile, immense, sublime, d’Anselm Kiefer est une élégie métaphysique, un poème d’amour et de mort, un match. Une pelea. Sans cesse remis sur le billot comme on se déleste de la carcasse d’un demi-bœuf. Épaulé-jeté. Associé à Rodin jusqu’au 22 octobre au musée éponyme, il y a combat, là, mais entendu. Une lutte de titans qui s’aiment et ne nous ont pas attendus pour s’épouser debout. J’aime.

     

    Morsure

    Rien à voir avec les regards plantés dans l’autre, en face, sous la mêlée. Quoique. Le mot est de Giuseppe Antonio Borgese, et c’est l’incipit* d’une nouvelle intitulée La Syracusaine, extraite du recueil Les Belles : « … et s’il pleut, elles préfèrent rentrer à la maison avec l’ourlet de leur robe maculé de boue que d’avoir les bas mordus par des regards chauds comme des baisers. » La morsure d’un regard sur un mollet, et c’est toute la littérature érotique qui se trouve ramassée, circonscrite. Le frôlement, le presque-rien et le tellurique en même temps. Ce baiser-là. Les papillons dans le ventre. L’incandescent. Les cils qui clignent tout à trac comme frissonne l’épaule d’un cheval. Juste un baiser d’yeux, nom de Dieu. Je veux croire que de telles morsures, puisque un regard chargé de désir est plus dangereux qu’un fusil chargé de plomb, me susurre un proverbe napolitain, engendrent des histoires d’amour fou. J’aime.

     

    Le nez dans l’herbe

    Face contre terre façon knock out, mais sans k.o. Le nez tout contre la terre, entre des brins d’herbe, parmi les boutons d’or, sur un tapis vert piqué de poussins. C’est un sous-bois, « c’est un trou de verdure », aucune rivière n’y chante, mais les merles amoureux lancent leur trille avec autant d’élan que des pêcheurs de bar leurs longues cannes sur le rivage atlantique. Le nez dans la terre, je respire l’humus. C’est un parfum biscuité, friable, mat, imprégné, orangé, net, poivré blanc, mouillé, séveux, solitaire, gras sur la narine gauche, et sec à droite. Va comprendre, des fois. Le corps se détend comme jamais, comme la mort. Face contre terre, les bras écartés comme des ailes –non, pas en croix -, des ailes, tout peut arriver, tomber, surgir, être, disparaître. L’esprit végète, se décompose, épouse le sol, le meuble, les cheveux s’allient à l’herbe. Un rayon de soleil perce un œil comme une oreille. Le printemps m’étreint. J’aime.

     

    La vie d’un vin

    La vie d’un homme dure autant que celle de trois chevaux. Le quart d’heure du toro qui jaillit du toril dans l’arène figure la métaphore de la vie ; son opéra. Avec le vin, la métaphore est voisine… Il s’agit d’un Ribera del Duero. Vega Sicilia Unico 1980. Malgré la longue garde mythique de ce Grand d’Espagne, c’est vieux. Le bouchon, maigre, sort sans effort au bout de trente-sept années passées dans le goulot. Sent le raisin madérisé et le bois de santal. La robe, grenat profond, est tuilée. Elle prendra vite des reflets rouillés. C’est la première et dernière promenade d’une vieille dame. Au nez, les fruits rouges ont la vivacité du retraité qui s’entretient. Une note confiturée de baies noires évoque une concentration passée, et annoncent le linceul ; l’oxydatif définitif. C’est rond. Il y a, réunis, la finesse d’un saint-julien et l’élégance d’un chambolle-musigny. Velours et dentelle. Trame serrée. Les tanins sont faiblards mais soyeux. C’est juteux et épicé. Un quart d’heure plus tard, ça s’étiole, soupire, semble vouloir s’excuser. Passée une demi-heure, Vega s’évapore, s’effrite, se fissure, regagne la chambre. Une heure après son ouverture, le vin surnage à grand-peine, titube, puis il sombre. Saint-Augustin : « Les morts ne sont vraiment morts que lorsque les vivants les ont oubliés ». Ce Vega Sicilia a la vie devant lui. J’aime.

     

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    * In extenso, cela donne : « A Mégara,  on met encore des œillets aux balcons, et les femmes portent des robes longues ; c’est pour cette raison que la simple vision d’une cheville fait littéralement trembler les jeunes gens. Mais ceci arrive rarement, car elles sont prudentes et surveillées, et elles se surveillent elles-mêmes ; et s’il pleut, elles préfèrent rentrer à la maison avec l’ourlet de leur robe maculé de boue que d’avoir les bas mordus par des regards chauds comme des baisers. » (Gallimard)

     

  • ma rentrée littéraire

    Certes, il y aura le nouveau Toussaint chez Minuit (Made in China), le nouvel Ovni littéraire annoncé : Victor Pouchet (Pourquoi les oiseaux meurent, chez Finitude) et quelques autres perles. Mais, pour l'heure, je préfère m'en tenir à, me caler là. C'est une histoire de cohérence, de famille d'écriture, d'émotion induite, de courant qui passe fort, très fort, entre :IMG_20170905_193659.jpg

  • Relire Delibes

    Reprenant la "Trilogia del campo" de l'immense Miguel Delibes ("Les rats", "Le chemin", "Les saints innocents"), publiée par Verdier, comme tout l'oeuvre de l'auteur de "Dame en rouge sur fond gris"), je replonge illico dans une atmosphère rurale et âpre, celle des plateaux de Castille où (sur)vivent des êtres simples et habillés de Nature, et dont L'Azarias (dans "Les saints innocents"), l'un des personnages les plus attachants "créés" par l'auteur de "L'Hérétique", constitue l'archétype.

    Cette littérature-là a été progressivement submergée, en Espagne comme en France et partout ailleurs, par une littérature... urbaine, confinée, renfermée, nombriliste, manquant singulièrement d'horizon. Reste l'Américaine des grands espaces pour nous donner encore, bon an, mal an, quelque roman de facture sauvage et à l'indéniable et ensorcelante épaisseur - celle qui ouvre toute seule nos fenêtres et chausse nos bottes de sept cent lieues.

    Je joins ici le lien des éditions Verdier, à la page Miguel Delibes. Au paragraphe "Hommages", figure celui que j'écrivis (ici même) le jour de sa mort, le 12 mars 2010. j'en profitai alors pour résumer à gros traits son oeuvre, à l'intention de ceux qui n'ont pas encore lu cet auteur espagnol capital. Et que j'envie. L.M.

    => Verdier/Delibes/LM

     

    Capture d’écran 2017-08-27 à 13.45.02.png

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Hommage, en passant, à John Abercrombie : https://www.youtube.com/watch?v=a3gW5Tuw8jc

  • Science & Vin

    science&vin.JPGJ'aime saluer le travail bien fait de mes confrères. Voici un numéro spécial de Science & Vie consacré au vin sous ses aspects pratiques et originaux, qui change un peu (foin des fastidieux dossiers consacrés aux Foires des supermarchés!). Le magazine qui s'efforce de répondre aux questions légitimes que chacun se pose, aborde le sujet comme un guide copain, jamais didactique mais toujours pédagogique et simple sans être simpliste. La plupart des questions de néophyte, et que l'expert ne se pose plus mais dont il a parfois oublié les réponses, se trouvent détaillées sur 56 pages riches d'infographies immédiatement compréhensibles. Chiffres clés, santé, histoire, principes de vinification, méthode champenoise, glossaire utile, réchauffement climatique, vins bios, dégustation, spectre du vin de synthèse... Du bon boulot. En kiosque pendant deux mois. L.M.

  • Camionnette

    Un véhicule automobile muni d'un moteur thermique à combustion interne, alimenté d'essence ou de gazole peut donc être atteint de folie, devenir soudain la proie d'une crise de démence et puis foncer comme ça sur une foule de touristes qui déambulent, peinards, dans un endroit bourré de charme... En feuilletant l'"Histoire de la folie à l'âge classique", de Michel Foucault, je n'ai relevé aucun cas semblable. Devrai-je aller voir du côté de Roland Barthes, qui se prit une telle folle en pleine poire, et en mourût?.. Voici donc ce que l'on a pu lire et entendre : "Une camionnette folle fonce sur la foule à Barcelone". Certes, il y a de l'allitération là-dedans, et même un brin de poésie sans doute involontaire. Mais, pardon, moi j'appelle un chat, un chat : ce sont des dingues, des terroristes aveuglés et sans doute shootés, des merdes inhumaines qui ont foncé (dans une camionnette), sur la foule. CQFD

    PS : je félicite la prudence de mes confrères, lorsqu'ils écrivent cela et que nul ne sait encore rien de rien. Mais, deux choses : 1 - Mieux vaut attendre un peu avant de propager de telles incongruités choquantes, car elles restent et ne sont jamais datées par les consciences - soit ne pas céder à cette satanée dictature de la vitesse qui conduit aux pires effets pervers du métier de journaliste. 2 - Lors de la publication de cette phrase en forme de Palme d'Or de la Soumission et du Prix Spécial du Jury, catégorie Frousse, les faits étaient déjà défrichés, sinon déchiffrés. Et nous savions qu'il s'agissait d'un acte terroriste. Enfin, je ne peux m'empêcher de citer encore Hannah Arendt, et il m'en coûte, car le faire désigne tant notre impuissance : son concept de "banalité du mal" frappe à nouveau nos esprits. Gardons-nous par conséquent de nous "habituer" un jour à l'horreur.

     
     
     
     
  • Barcelona, etc

    et ça larmoie en lisant un mini discours pondu par un stagiaire supérieur, ça regrette et veut consoler, ça clame son aide si besoin est, ça appelle à un retour à la normale... Ca sent le marshmallow en brochette au-dessus de faibles braises, ça pue le pleutre, et la lâcheté morale, la SOUMISSION, oui. La peur, la frousse, la trouille, les jetons devant ces spectres noirs de l'EI. Le tout petit discours de Rajoy sent le faisandé obsolète. Barcelone, Cambrils, la Catalogne, l'Espagne, vous, moi, Bruxelles, Ouagadougou, Nice, Orlando, Londres, le Bataclan, le siège de Charlie... Le monde (qui l'écoutait) attendait autre chose qu'une énième-énième tout'pitite bougie Ikea verbale allumée devant des fleurs déjà fatiguées, face à une photo aussitôt flétrie de victime forcément innocente (my god, joder!). Moi, je voudrais du Cyrano, de l'épée dégainée car elle a des fourmis, j'ai envie de cran, d'un regard droit, je veux des dents serrées, de l'intelligence au service de nous-mêmes. Soit, d'abord, davantage de moyens pour l'opération Sentinelle, des policiers et des militaires partout, de l'Urgence sans état ni Etat à foison, et merci de féliciter ceux qui nous protègent à bas coût, lorsque vous les croisez, au lieu de conchier leur action, comme le font chaque jour des écervelés islamo-collabos dont les rangs grossissent, car le chiendent pousse, et la vermine prospère. Face à la Barbarie, nul discours n'est envisageable : pas de perte de temps. Action.

     
     
     
     

     

     
     
     
  • Gracq 107

    Capture d’écran 2017-07-27 à 15.03.55.pngCela fait beaucoup de 7 : le 27/07/2017, déjà. Aujourd'hui, donc : 107 ème anniversaire de la naissance de Julien Gracq (mort il y a dix ans, le 22 décembre 2007). J'y pense chaque année. Je me dis : tiens, c'est l'anniversaire de Gracq. C'est vain, sans intérêt littéraire quelconque, sinon historique. Cela relève d'un certain fétichisme au sujet d'un homme que j'ai eu la chance de rencontrer. C'est à vrai dire un peu gamin, ou groupie, de se souvenir de telles dates. J'assume, et le relis. L.M.

  • limpidité

    Lipides... pourquoi s'offusque t-on d'un mot si proche de limpide, dès lors qu'il s'agit d'en ingérer? Et glucides, alors, qui sonne comme un suicide à la glu; une espèce de mariage. Quant à protides, je suis contre, comme tout ce qui semble pour.

    L.M., pensée pendant que ça cuit, au four, et j'ai faim.

     
     
     
     
  • Le C n°2

    Capture d’écran 2017-07-13 à 12.26.32.pngJ'ai pas mal donné, dans cette seconde livraison du magazine Le C, entièrement consacré au Champagne (extraits ci-dessous) : Tendance coquetailes (je passe en revue les nouvelles façons de boire du champagne). La saga Pol Roger (l'histoire d'une maison marquée par Winston Churchill). Champagnes rosés de Taittinger pour un repas d'alliances à la Marquetterie (ou la rencontre entre Vitalie Taittinger et Alessandra Montagne, chef du Tempero, à Paris). L'art de l'étiquette des bouteilles de Champagne et leur histoire (ou l'art du graphisme créatif allié à celui du marketing pragmatique). Les verres Riedel (ou la perfection pour sublimer chaque cépage)... Et ça pétille comme ça sur 120 pages. L'amateur y trouvera son content d'effervescence à la fois journalistique et gustative. L.M.

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    C Le Magazine. Luxe, business and champagne club. Edition 2017 (n°2)

    Extraits : 

    2017-07-13 12.34.36.jpg2017-07-13 12.49.07.jpg2017-07-13 12.35.24.jpg2017-07-13 12.36.06.jpg2017-07-13 12.36.20.jpg2017-07-13 12.36.45.jpg

  • Tutiac a flairé le filon

    lbahabhfdohiekga.pngC'est d'une cave qui en impose qu'il s'agit (4000 ha, 450 adhérents, 28 millions de bouteilles),Capture d’écran 2017-07-12 à 04.41.31.png qui plante des haies à tout va, car Tutiac, dans la vaste région du Bordelais viticole, est soucieuse de développement durable, de biodiversité et d'agriculture soft et raisonnée... Et qui produit des flacons intelligents, soit des cuvées au rapport qualité/prix très performant (4,70€ chacun des 3 flacons baptisés FLAIR, évoqués ici), avec des qualités organoleptiques basiques, mais irréprochables : rien n'est surligné, il y aCapture d’écran 2017-07-12 à 04.41.17.png même une subtilité citronnée dans le sauvignon, une certaine épaisseur dans le merlot qui rend son fruité on ne peut plus sympathique. Quant au rosé, il est capiteux, et il envoie un joli fruité (cassis, agrumes, fraise écrasée ). Que voulez-vous, des vins sans chichis et qui se dévissent (j'adore) comme ceux-là, les copains en Capture d’écran 2017-07-12 à 04.40.46.pngredemandent. Alors, ça alimente l'apéro qui n'en finit pas, les tapas, et les conversations... Tutiac a donc eu un certain flair, en créant cette gamme à la fois populaire et savoureuse (comme les cuvées Carrelet d'estuaire, évoquées ici il y a quelques mois). Cela m'évoque par ailleurs le magazine rugby (et pas que) auquel je livre ma rubrique J'aime, et qui s'appelle FLAIR Play. Un air de famille évident - dans la liesse, la simplicité, la franchise du regard (le vin peut en posséder un), la finalité en partage. Faites passer, c'est si bon. L.M.

    Ce qu'en dit la comm. de Tutiac : Très tendance, avec un clin d’œil au passé : dans les années 1900, cet attachant bouledogue français était le chien favori des marchands de vin dont il gardait les entrepôts.


    L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération. 

     

  • Touche et prise

    Je m'explique toujours difficilement, et les applaudissements avant la fin d'un concert, et le triomphalisme hâtif qui en appelle au proverbe (il ne faut jamais vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué). Surtout face à un hydre aussi diffus que viral, opérant par capillarité dans n'importe quel endroit du monde. Aussi, la déclaration empressée d'Emmanuel Macron, hier, comme le titre - à mes yeux - imprudent de Une du Monde qui paraît cet après-midi, me renvoient à l'incipit de Tu, mio, superbe livre d'Erri De Luca : Le poisson n'est poisson qu'une fois dans la barque. Il est faux de crier que tu l'as pris quand il vient juste de mordre et que tu sens son poids danser dans la main qui tient la canne. Le poisson n'est poisson qu'une fois à bord.

     

    Capture d’écran 2017-07-10 à 12.56.06.png

  • Gamay reloaded

    Chateau Terrière_Régnié_Nature.pngVin sauvage à poil. C'est son nom. Audacieux, non... L'étiquette, griffue, déchire, et son fond kraft appuie le côté roots. On adore. Il s'agit d'un AOP Cru Régnié, 2016, rouge, issu à 100% de gamay, donc. D'un Beaujolais. D'un vin nature, d'un vin sauvage. On aime davantage. Zéro sulfites. Du pur de vrai. On nous le dit. A l'oeil, ça envoie du sombre, une promesse de sérieux qui aime la rigolade quand même. Vous savez, ces vignerons décontractés, comme ça, mais en réalité plus scrupuleux, au boulot, que des contrôleurs de gestion. On aime. Grave. Au nez, ça balance du fruit mûr, à jus, rouge vif et noir surtout (cassis, mûre de début septembre, celle qui croque et que l'on doit disputer aux mouches vertes et aux guêpes, lorsqu'on se promène avec des idées de confiture). C'est minéral avec franchise, aussi. Et floral (pivoine, me chuchote-t-on derrière), et tellement épicé avec une douceur orientale, comme un massage au hammam : le poivré se pose élégamment, ne s'impose pas. En bouche, c'est ample comme un discours de politique générale sans bavures, donc assez rare. Et onctueux, si. Et long, de surcroît. Qui croirait au gamay, à ce stade? Ca pinote, dit un voisin approximatif. Pas faux. Ni vrai. Ca oscille, plutôt. Nous pensons plutôt que ça hisse, hausse, extrait Régnié, et les Beaujolais dans leur ensemble. Nous nous disons que ce flacon les éloigne d'un injuste préjugé qui fiche tout ça dans un casier nouveau aux accents judiciaires. C'est juste dense, concentré, puissant, frais et capiteux, riche et généreux, savoureux et sapide, gouleyant avec richesse, et avec une belle matière. Bref, allez-y les yeux fermés et la bouche ouverte. Car, ce vin nature du château de la Terrière, à Cercié (une star en AOP Cru Brouilly) est marqué par la patte de Frédéric Maignet, vigneron de caractère. Et de respect. Qui fait face, chaque matin que Dieu fait, au Mont Brouilly. Qui sait ce qu'il veut faire. Et qui le fait. Sa cuvée désigne la quintessence du gamay. Et l'expression de l'exigence et du goût pour le défi : lorsque les raisins sont au top, il réalise sa cuvée nature et ce, depuis 2009. Techniquement, c'est du parcellaire, soit des vignes s'épanouissant sur le lieu-dit La Sibérie. D'où l'ours de l'étiquette, peut-être. Ce n'est pas soufré, donc. A peine filtré, et sans collage. Il s'agit d'un vin vraiment nature. Le résultat est ce miracle de fruité, de pureté qui s'impose immédiatement, de minéralité franche et droite, et puis ces notes de violette, là, et ces mûres qui regagnent nos gencives comme si elles emplissaient la bouche, ces tanins fondus et comme confits, enfin. Equilibre, fraîcheur, bonheur. A 12,50€, ce flacon dégusté pour vous est un cadeau du ciel. Tendez le bras! L.M.

  • Grand Finale / Hofesh Shechter

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    Vu, hier soir à la Villette (Paris) un spectacle du jeune et déjà immense chorégraphe britannique d’origine israélienne Hofesh Capture d’écran 2017-06-15 à 17.21.36.pngShechter : «  Grand Finale ». Comme il s’agissait d’une première mondiale, ses dix danseurs et son ensemble de cinq à sept musiciens, étaient galvanisés. L’émotion – parfois extrême : le bord des larmes, la teneur, la force (jusqu’au frisson), la suavité, la poésie, et aussi la brutalité, le cru, la puissance tellurique de la musique supplémentaire qui remuait les ventres, les images, la lumière d’une précision d’horloger genevois – un spectacle comme en noir et blanc -, et puis, comme toujours en pareille occasion, les références, réminiscences, métaphores, comparaisons, évocations, illuminations même, qui affluent à notre esprit et à notre corps défendant, Capture d’écran 2017-06-15 à 17.21.52.pngcar celui-ci lutte avec notre sensibilité, laquelle emporte toujours la partie. Oui, la peau met chaque fois awazate ippon les neurones. Pêle-mêle surgirent (en moi)  les camps de la mort et le remplissage de leurs fosses communes par des esclaves dédiés, les Réfugiés de ces jours-ci, le gaz propagé au-dessus d’un village syrien peuplé d’enfants, Moïse fendant la mer, le cuirassé Potemkine et l’écho qu’en donnât Eisenstein, la stupéfiante gaité mélancolique des déracinés, les danses tziganes et ashkénazes mêlées, des folklores

    Capture d’écran 2017-06-15 à 15.02.00.pngextrêmement orientaux, et soudain si proches, des tableaux comme une expo photo, et puis Hiroshima, et encore Anselm Kiefer et ses créations fortes et lourdes, verticales et épaisses, Soulages et ses monumentales noirceurs d’une luminosité aveuglante, la Renaissance désirée comme au sortir du roman apocalyptique « La route », de Cormac McCarthy, et le sourire suggéré en seconde partie du spectacle. Mais surtout… Une chorégraphie de groupe – non pas synchronisée, à l’américaine -, mais en symbiose totale, en tacite conduction, en « commune présence ». Comme si ces dix danseurs d'exception étaient conduits par une force intérieure, et 
    Capture d’écran 2017-06-15 à 15.16.23.pngen partage absolu. Douceur, mollesse under control, flagada professionnel, alternent avec une rigueur magnifiquement brusque, dont le coupant du geste, et la fulgurance rythmée, n’ont d’égales que l’abandon des corps dans les muscles des autres, soit ceux qui retiennent, ceux qui restent, ceux qui veillent. Et cela recommence. L.M.

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    Capture d’écran 2017-06-15 à 15.17.05.pngLe spectacle est donné jusqu’au 24 juin. Au-delà de cette date, vous serez exposé à un accès de manque peu recommandable.

  • Plonger dans la Nive

    Merci à José Tiburce (un pote du Lycée de Bayonne - voilà qui ne rajeunit guère), d'avoir exhumé ce cliché datant du début du siècle dernier, où l'on voit nombre de personnes plonger dans la Nive, depuis le pont Pannecau d'où je plongeais, une nuit arrosée (pléonasme) de Fêtes de Bayonne. Le risque était inégal, car le mien - outre le niveau de l'eau variant au fil des marées, mais il fut diligent -, était celui de rencontrer une machine à laver ou un cadre de lit. Or, il n'en fut par bonheur rien, et mon nez fut épargné. Et l'effet, immédiat sur mon ébriété. L'autre différence, de taille, est la pureté de l'eau. Inutile de dire que je plongeais alors dans le glauque, dans les années 1990. Pas ceux du cliché. Mais... Si nous rêvions, à notre époque verte, de retrouver un jour, une nuit, une Nive praticable, et nos arrière-petits-enfants une rivière buvable?..

     

    https://www.youtube.com/watch?v=oT-fY6z7CPk

     

    Capture d’écran 2017-06-13 à 13.17.19.png

  • Extravagant

    Un peu de tendresse dans cette campagne électorale de brutes : le roman le plus gai, le plus détendant, le plus sympa paru en janvier 2016 chez Finitude, reparaît en folio : lisez ou relisez En attendant Bojangles, d'Olivier Bourdeaut l'espiègle au coeur doux et à la plume enchantée. LM

    Voici ce que j'en disais à sa sortie :  L'amour loufoque

    Et le lien pour écouter la chanson : Mr Bojangles par Nina Simone

    Capture d’écran 2017-05-03 à 13.05.15.png

     
  • un folio salutaire

    RC:AC.JPGAu courrier, ce matin, une BD pédagogique sur les châteaux de la Loire signée Bamboo éditions, la très respectable revue Le Rouge & le Blanc, consacrée aux vins vivants. Et quelques livres de poche, dont ce folio infiniment salutaire, car il va permettre à encore plus de lecteurs de découvrir la lumineuse correspondance entretenue de 1946 à 1959, par de deux amis à la Montaigne et La Boétie : René Char et Albert Camus. Soit deux géants de la poésie et de la prose. Deux figures emblématiques de la Résistance : Camus avec les années Combat, Char avec Les Feuillets d'Hypnos, lorsqu'il s'appelait capitaine Alexandre. Ce livre, qui rassemble plus de 200 lettres (dont 8 inédites), est devenu un classique de la littérature épistolaire de haut-vol.

    Il s'agit de la conversation bienveillante, précieuse, de deux immenses plumes qui portent un regard sur l'homme, sur un siècle qui expose sa monstruosité, sur leur oeuvre en cours, la poésie simple du matin, les lectures, les amours sûres... Cet échange entre deux authentiques compagnons exprime aussi l'appui sur l'ami, quand il sait et comprend, et qu'il marche lui-même, du même pas (Camus à Char). C'est à lire piano, piano. C'est un recueil de pépites à déguster comme un grand bas armagnac. Mieux : un mouchoir dont on dénoue les quatre oreilles avant de plonger une main avide et gourmande dans un grouillement de binagates enfouies (billes d'agathe, en pataouète pied-noir)... Où l'on découvre que Char ne cessa jamais d'être poète, où l'amitié, leur rivière souterraine, se construit lettre après lettre et mûrit comme le miel durcit, où Camus s'expose comme il fut : d'une désarmante sincérité et d'une émouvante générosité d'âme. Un livre essentiel, en marge de nos relectures régulières, soit du commerce comme disait Montaigne, avec l'oeuvre de ces deux grands bonhommes qui vécurent aussi (peu de temps), en voisins dans le Luberon, jusqu'à ce qu'un matin, Camus quitte Lourmarin et prenne la route à bord d'une funeste Facel-Véga FV3B ... L.M.

    Lire aussi cette note publiée ici même le 29 novembre 2009 à propos de : La postérité du soleil

  • Vu au Mans (Salon Dico-Plaisir)

    Capture d’écran 2017-03-15 à 09.01.31.pngDimanche dernier au Mans, je signais les trois dicos que j'ai commis, puisque ce salon, Dico-Plaisir, est dédié aux dictionnaires en tout genre. J'ai surtout signé des Parler pied-noir à des nostalgériques (il en reste, et puis il y a désormais ceux qui ont envie de lire et donc de réentendre les mots de leurs parents disparus, avec l'accent que j'y ai mis, volontairement, phonétiquement), pas mal de Dictionnaire chic du vin, aussi, mais parce que j'y cause de Jasnières, et des coteaux du Loir!... Mais aucun Sud-Ouest vu par ma pomme. Les rillettes ne frayent guère avec le foie gras.

  • Kiefer / Rodin

    2017-03-13 16.22.09.jpg2017-03-13 16.23.25.jpg
    Evidemment, des photos prises avec un téléphone ne rendent rien. C'est l'une des toiles, avec un peu du plomb du toit de la cathédrale de Cologne que l'artiste a racheté, et l'une des sculptures sous vitrine de l'immense Kiefer, exposées au musée Rodin *. Il s'agit d'une interprétation par Kiefer des Cathédrales de France, de Rodin (le livre que le sculpteur fit paraître en 1914). De la matière épaisse, goudronnée, chargée de pigments, sur ses grands formats, et puis ces vitrines, toutes inédites, avec fleurs de lotus carbonisées, et toujours, le Livre... Transpercé par le végétal, ici. Ailleurs dans cette expo, des dessins érotiques et des moulages de Rodin, et puis des fragments, des lambeaux de tissus, des inscriptions, des empreintes, des traces, des esquisses, des accidents, des repentirs. Une émotion. L'alliance formidable de deux monstres. L.M.
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    * Rue de Varenne, à Paris. L'exposition s'inscrit dans le cadre du centenaire de la mort du grand sculpteur.
    Capture d’écran 2017-03-14 à 10.14.11.png 

  • La marche à l'amour

    Capture d’écran 2017-03-08 à 08.44.40.pngVoici le poème dont Jean-Louis Trintignant a lu un extrait (les derniers vers, en prenant la liberté de les prolonger un peu..) hier soir à la salle Pleyel - voir la note précédente, plus bas donc. Il s'intitule La marche à l'amour, et nous le devons au poète québécois Gaston Miron (1928-1996). Extrait du livre L'homme rapaillé  © Poésie/Gallimard : 

    La marche à l'amour
    Tu as les yeux pers des champs de rosées
    tu as des yeux d'aventure et d'années-lumière
    la douceur du fond des brises au mois de mai
    dans les accompagnements de ma vie en friche
    avec cette chaleur d'oiseau à ton corps craintif
    moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches
    moi je fonce à vive allure et entêté d'avenir
    la tête en bas comme un bison dans son destin
    la blancheur des nénuphars s'élève jusqu'à ton cou
    pour la conjuration de mes manitous maléfiques
    moi qui ai des yeux où ciel et mer s'influencent
    pour la réverbération de ta mort lointaine
    avec cette tache errante de chevreuil que tu as

    tu viendras tout ensoleillée d'existence
    la bouche envahie par la fraîcheur des herbes
    le corps mûri par les jardins oubliés
    où tes seins sont devenus des envoûtements
    tu te lèves, tu es l'aube dans mes bras
    où tu changes comme les saisons
    je te prendrai marcheur d'un pays d'haleine
    à bout de misères et à bout de démesures
    je veux te faire aimer la vie notre vie
    t'aimer fou de racines à feuilles et grave
    de jour en jour à travers nuits et gués
    de moellons nos vertus silencieuses
    je finirai bien par te rencontrer quelque part
    bon dieu!
    et contre tout ce qui me rend absent et douloureux
    par le mince regard qui me reste au fond du froid
    j'affirme ô mon amour que tu existes
    je corrige notre vie

    nous n'irons plus mourir de langueur
    à des milles de distance dans nos rêves bourrasques
    des filets de sang dans la soif craquelée de nos lèvres
    les épaules baignées de vols de mouettes
    non
    j'irai te chercher nous vivrons sur la terre
    la détresse n'est pas incurable qui fait de moi
    une épave de dérision, un ballon d'indécence
    un pitre aux larmes d'étincelles et de lésions
               profondes
    frappe l'air et le feu de mes soifs
    coule-moi dans tes mains de ciel de soie
    la tête la première pour ne plus revenir
    si ce n'est pour remonter debout à ton flanc
    nouveau venu de l'amour du monde
    constelle-moi de ton corps de voie lactée
    même si j'ai fait de ma vie dans un plongeon
    une sorte de marais, une espèce de rage noire
    si je fus cabotin, concasseur de désespoir
    j'ai quand même idée farouche
    de t'aimer pour ta pureté
    de t'aimer pour une tendresse que je n'ai pas connue
    dans les giboulées d'étoiles de mon ciel
    l'éclair s'épanouit dans ma chair
    je passe les poings durs au vent
    j'ai un coeur de mille chevaux-vapeur
    j'ai un coeur comme la flamme d'une chandelle
    toi tu as la tête d'abîme douce n'est-ce pas
    la nuit de saule dans tes cheveux
    un visage enneigé de hasards et de fruits
    un regard entretenu de sources cachées
    et mille chants d'insectes dans tes veines
    et mille pluies de pétales dans tes caresses

    tu es mon amour
    ma clameur mon bramement
    tu es mon amour ma ceinture fléchée d'univers
    ma danse carrée des quatre coins d'horizon
    le rouet des écheveaux de mon espoir
    tu es ma réconciliation batailleuse
    mon murmure de jours à mes cils d'abeille
    mon eau bleue de fenêtre
    dans les hauts vols de buildings
    mon amour
    de fontaines de haies de ronds-points de fleurs
    tu es ma chance ouverte et mon encerclement
    à cause de toi
    mon courage est un sapin toujours vert
    et j'ai du chiendent d'achigan plein l'âme
    tu es belle de tout l'avenir épargné
    d'une frêle beauté soleilleuse contre l'ombre
    ouvre-moi tes bras que j'entre au port
    et mon corps d'amoureux viendra rouler
    sur les talus du mont Royal
    orignal, quand tu brames orignal
    coule-moi dans ta plainte osseuse
    fais-moi passer tout cabré tout empanaché
    dans ton appel et ta détermination

    Montréal est grand comme un désordre universel
    tu es assise quelque part avec l'ombre et ton coeur
    ton regard vient luire sur le sommeil des colombes
    fille dont le visage est ma route aux réverbères
    quand je plonge dans les nuits de sources
    si jamais je te rencontre fille
    après les femmes de la soif glacée
    je pleurerai te consolerai
    de tes jours sans pluies et sans quenouilles
    des circonstances de l'amour dénoué
    j'allumerai chez toi les phares de la douceur
    nous nous reposerons dans la lumière
    de toutes les mers en fleurs de manne
    puis je jetterai dans ton corps le vent de mon sang
    tu seras heureuse fille heureuse
    d'être la femme que tu es dans mes bras
    le monde entier sera changé en toi et moi

    la marche à l'amour s'ébruite en un voilier
    de pas voletant par les lacs de portage
    mes absolus poings
    ah violence de délices et d'aval
    j'aime
               que j'aime
                                 que tu t'avances
                                                          ma ravie
    frileuse aux pieds nus sur les frimas de l'aube
    par ce temps profus d'épilobes en beauté
    sur ces grèves où l'été
    pleuvent en longues flammèches les cris des pluviers
    harmonica du monde lorsque tu passes et cèdes
    ton corps tiède de pruche à mes bras pagayeurs
    lorsque nous gisons fleurant la lumière incendiée
    et qu'en tangage de moisson ourlée de brises
    je me déploie sur ta fraîche chaleur de cigale
    je roule en toi
    tous les saguenays d'eau noire de ma vie
    je fais naître en toi
    les frénésies de frayères au fond du coeur d'outaouais
    puis le cri de l'engoulevent vient s'abattre dans ta 
               gorge
    terre meuble de l'amour ton corps
    se soulève en tiges pêle-mêle
    je suis au centre du monde tel qu'il gronde en moi
    avec la rumeur de mon âme dans tous les coins
    je vais jusqu'au bout des comètes de mon sang
    haletant
               harcelé de néant
                                        et dynamité
    de petites apocalypses
    les deux mains dans les furies dans les féeries
    ô mains
    ô poings
    comme des cogneurs de folles tendresses
    mais que tu m'aimes et si tu m'aimes
    s'exhalera le froid natal de mes poumons
    le sang tournera ô grand cirque
    je sais que tout mon amour
    sera retourné comme un jardin détruit
    qu'importe je serai toujours si je suis seul
    cet homme de lisière à bramer ton nom
    éperdument malheureux parmi les pluies de trèfles
    mon amour ô ma plainte
    de merle-chat dans la nuit buissonneuse
    ô fou feu froid de la neige
    beau sexe léger ô ma neige
    mon amour d'éclairs lapidée
    morte
    dans le froid des plus lointaines flammes

    puis les années m'emportent sens dessus dessous
    je m'en vais en délabre au bout de mon rouleau
    des voix murmurent les récits de ton domaine
    à part moi je me parle
    que vais-je devenir dans ma force fracassée
    ma force noire du bout de mes montagnes
    pour te voir à jamais je déporte mon regard
    je me tiens aux écoutes des sirènes
    dans la longue nuit effilée du clocher de 
           Saint-Jacques
    et parmi ces bouts de temps qui halètent
    me voici de nouveau campé dans ta légende
    tes grands yeux qui voient beaucoup de cortèges
    les chevaux de bois de tes rires
    tes yeux de paille et d'or
    seront toujours au fond de mon coeur
    et ils traverseront les siècles

    je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi
    lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme
    je marche à toi, je titube à toi, je bois
    à la gourde vide du sens de la vie
    à ces pas semés dans les rues sans nord ni sud
    à ces taloches de vent sans queue et sans tête
    je n'ai plus de visage pour l'amour
    je n'ai plus de visage pour rien de rien
    parfois je m'assois par pitié de moi
    j'ouvre mes bras à la croix des sommeils
    mon corps est un dernier réseau de tics amoureux
    avec à mes doigts les ficelles des souvenirs perdus
    je n'attends pas à demain je t'attends
    je n'attends pas la fin du monde je t'attends
    dégagé de la fausse auréole de ma vie.


    Gaston Miron (1928-1996), L’homme rapaillé (Poésie/Gallimard)
    Et, ci-dessous, un spectacle splendide à écouter et à regarder : Daniel Mille Sextet invite Jean-Louis Trintignant :
    https://www.youtube.com/watch?v=qTwcdyaPX5Y

     

  • je marche à toi

    Capture d’écran 2017-03-08 à 01.06.41.pngJ'ai écouté la voix de Jean-Louis Trintignant ce mardi soir, à la salle Pleyel (Paris). Il a lu de nombreux poèmes de Desnos, de Prévert, de Vian... Le plus émouvant, de loin, car il invoquait le souvenir de Marie sa fille, est de Gaston Miron, et ce sont les derniers vers du long poème intitulé La marche à l'amour, extrait du recueil L'homme rapaillé). J'ajoute que, sans les violoncelles, la contrebasse et l'accordéon (Daniel Mille) superbement mis au service de la musique d'Astor Piazzolla, ce spectacle formidable n'aurait rien donné ; ou si peu. Voici le poème majeur - arrangé, allongé par Trintignant :

    --- 

    je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi

    lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme

     

    je marche à toi, je titube à toi, je bois

    à la gourde vide du sens de la vie

    à ces pas semés dans les rues sans nord ni sud

    à ces taloches de vent sans queue et sans tête

     

    je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi

    lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme

     

    je marche à toi, je titube à toi, je bois

     

    je n'ai plus de visage pour l'amour

    je n'ai plus de visage pour rien de rien

    parfois je m'assois par pitié de moi

    j'ouvre mes bras à la croix des sommeils

    à la croix des sommeils

     

    mon corps est un dernier réseau de tics amoureux

    avec à mes doigts les ficelles des souvenirs perdus

    je n'attends pas à demain je t'attends

    je n'attends pas la fin du monde je t'attends

    dégagé de la fausse auréole de ma vie

     

    je n'attends pas à demain je t'attends

    je n'attends pas la fin du monde je t'attends

    je n'attends pas à demain je t'attends

    je n'attends pas la fin du monde je t'attends

     

    je t’attends…

     

     

  • Un 5 à 7 chez mon caviste

    J'ai récemment participé à une opération voisine, organisée par la même agence de comm° lyonnaise spécialisée dans le vin (mais pas que) Clair de Lune, et cela s'appelait Un sommelier dans mon canap'. Je fus ainsi, avec d'autres (cavistes, sommeliers, journalistes vins), le sommelier de quelques soirs en m'invitant chez des gens, et l'expérience fut formidable.

    Capture d’écran 2017-03-07 à 12.39.52.pngLà, ce sont des cavistes (parisiens), des vrais, et des bons, qui reçoivent dans leur boutique, et qui animent (du 27 mars au 24 avril) des ateliers Premier flirt (débutants) ou A la folie (initiés) au sujet de la grande palette des vins en AOC Languedoc de la grande région Occitanie. Tous les détails sont dans le lien ci-après. Parmi les cavistes participant à l'opération, je ne saurais trop recommander ma chouchou Elodie Cadiou, Et si Bacchus était une femme (rue Monge dans le 5è).

    Cliquez et foncez => 5à7

     

  • Garden_Lab

    Capture d’écran 2017-02-28 à 09.18.09.png

    C’est le nom d’un nouveau mook (magazine-book) trimestriel qui se propose d’explorer « les jardins de demain », notamment urbains, mais pas seulement, « pour tous les jardiniers d’aujourd’hui » – soit vous et moi. Une équipe de spécialistes (notamment d’anciens de Mon jardin & ma maison) présente des « balades inspirantes », des expériences, des témoignages d’aménagements de micro-jardins (par exemple) ingénieux, originaux, esthétiques, écologiques, expose des réalisations envisageant l’habitat autrement, avec davantage de vert, y compris dedans. Le métier de paysagiste est donc ici capital. Ceux de décorateur et d’architecte d’intérieur également. Mais le mook ne s’adresse pas aux spécialistes seulement.

    Ce premier numéro a pour thème général « Couleurs et matières ». Un entretien avec deux paysagistes sur « le jardin de demain intégré à l’habitat », le récit de la réalisation collective d’un « champicomposteur », une histoire de la rose, etCapture d’écran 2017-02-28 à 09.24.39.png une échappée indienne à travers un carnet de croquis, entre autres, donnent un ton délicat au magazine.

    Garden_Fab le prolonge sur le Net. Il s’agit d’une plateforme, sorte de boîte à outils pour créer son jardin en ligne, où des pros (paysagistes, pépiniéristes, artisans créatifs), prodiguent leurs conseils, trucs et astuces pour réaliser soi-même des mises en scène originales.

    Le n°2 aura pour thématique principale « Jeux et lumière ». A suivre.

    L.M.

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    Garden_Lab est une publication des éditions Rue de l’échiquier. 176 p. 19,90€

  • Le chant profond des vivants qui ne renoncent pas


    Capture d’écran 2017-02-27 à 16.41.21.pngCapture d’écran 2017-02-27 à 16.36.24.pngCapture d’écran 2017-02-27 à 16.35.40.png
    Capture d’écran 2017-02-27 à 16.36.39.pngTenir parole, transmettre, conjuguer visible et invisible. La poésie endosse bien des rôles. Deux poètes à leur façon, André Velter, auteur et directeur de la fameuse collection de poche Poésie/Gallimard, et Ernest Pignon-Ernest, artiste plasticien imbibé par l’âme et le regard des poètes, ont déjà signé plusieurs ouvrages ensemble. Ceux consacrés à « Zingaro, suite équestre », sont dans nos mémoires vives. Le nouveau, qui paraît, « CEUX de la poésie vécue » (Actes Sud) est un magnifique album qui rend hommage, en dessins et en mots, à une vingtaine de poètes majeurs, et dont la parole est éternelle : Nerval, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Apollinaire, Cendrars, Maïakovsky, Éluard, Artaud, Aragon, Garcia Lorca, Michaux, Desnos, Hikmet, Neruda, Char, Genet, Pasolini, Darwich. Nous connaissons l’ardeur de Pignon-Ernest à poétiser les murs, comme ceux de Naples avec ces fameux grands dessins de Pasolini représenté en Pietà, ceux des docks de Brest avec Genet, ou encore de Darwich à Ramallah, à Jérusalem. Car la parole en lutte est aussi de mise dans ce riche album. C’est des poètes irréductibles, capteurs de signes et porteurs de paroles de révolte qu’il s’agit. « La poésie a la vie dure, même si on l’annonce régulièrement à l’article de la mort », précise Velter en introduction. « La poésie refuse d’être un ornement », poursuit-il, car « ceux de la poésie vécue ne sont en aucun cas des adeptes d’on ne sait quelle tour d’ivoire ». La poésie comme arme de combat « dit le réel, mais en le révélant plus vaste, et d’une prodigieuse intensité ». C’est cette tension, cet escalier vers la pureté qui jaillit de chaque page, et les splendides portraits au trait de poètes, les photos des grands dessins en pied de Pignon, prises sur les murs de tant de villes, y compris françaises : Desnos, Rimbaud à Paris et Charleville-Mézières, Artaud à l’hôpital d’Ivry-sur-Seine… donnent à ce livre précieux sa dimension de liberté chérie. L.M.