ITHAÏLIE
Les Foodies
L’ITHAÏLIE DANS LE MARAIS
Un trio international aux commandes d'un néo-bistrot gastro mais pas trop. Cuisine créative du jeune chef italo-thaï. Superbes produits mais pas trop chers. Inventivité ma non troppo, là encore. Service tendre. Déco chic. Un bon rapport subtilité/prix.
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D’emblée, c’est l'élégance de la décoration qui frappe agréablement le regard lancé large dans la salle : la pierre brute et patinée alterne sur les murs avec des vitraux multicolores cadrés façon Mondrian du meilleur effet, le sol est carrelé de noir, de gris et de blanc, un bleu roi – la couleur marquante du lieu – habille les cadres des grandes fenêtres, le plafond, ainsi que les fauteuils qui font face à de longues banquettes vertes, la vaisselle est design et chic (superbes verres à dégustation), comme l’accueil et le service de Keenan, qui vient d’Afrique du Sud. Tout cela est bienveillant, discret et de bon goût. La direction est assurée par Alex, Russe ayant bourlingué aux States. Une formule à 21€ à déjeuner (entrée + plat, ou plat + dessert), attire forcément le chaland. Les prix sont autrement élevés à la carte, mais la cuisine du chef Davide Galloni, mi-italien (Milan), mi-thaïlandais (ci-contre), à la fois originale et subtile, retient le même chaland. C’est que l’homme, encore jeune, a déjà roulé sa toque à travers le monde. D’où son sens pointu de la « fusion », et mesuré de l’expérimentation. Revue de détail :
Inspirations croisées davantage que fusionnées
L’amuse-bouche (ci-dessus) est composé d'une chips de risotto à l’encre de seiche bien croustillante, surmontée d’un tartare de langoustine puissant et à l’agréable texture collante. Le ton est donné.
Puis, l’air de rien, soit sans nous en rendre compte, nous avons fait un repas italien type : antipasto, pasta, secondo piatto, dolce : la totale.
L’entrée choisie (23€) ce 24 octobre dernier, fut un tartare de langoustine (plus morcelé, plus délié qu’en amuse-bouche) sur un lit de stracciatella (le cœur de la burrata, soit la crème de sa crème), croûtons de pain à l’encre de seiche (noir sur blanc, comme le carrelage), demi-tomates cerises et une eau de tomate riche en saveur pour arroser l’ensemble. Rien de saillant ne vient jouer les mâles dominants, dans ce plat onctueux, sinon le citronné léger mais salutaire du tartare, qui envoie son « pep’s » au détour d’une bouchée. C’est smooth, fin. Discret, en somme.
Un nid de tagliatelle (maison) avec en son sein un jaune d’œuf cuit à basse température (déjà délayé sur la photo), l’ensemble parsemé de copeaux de truffe blanche d’Alba comme autant de plumes et de duvet éparpillés, constitue un plat simple (il n’y a pas lieu d’évoquer ici le prix du kilo de truffe blanche), brut, à trois ingrédients (plus un indispensable soupçon de beurre fondu avec de l’huile d’olive), des plus réussis car, c’est fort mais pas trop, onctueux encore, délicat. Direct (33€).
L’ancien sur le moderne et dessert reloaded
Les suprême et cuisse désossée (et reconstituée) de pintade (24€) sauce Penang, copieux, sur un lit de quinoa rouge, grains de raisin frais, et feuilles d’épinard fumées – c’est d’ailleurs servi sous cloche - translucide et pas en argenterie comme au resto de grand-papa -, afin de laisser la fumée se répandre sous les narines au moment de servir-, sans oublier un jus d’ail noir chinois (fermenté une année durant), qui signe l'ensemble sans pour autant donner dans la peinture sur assiette, devenue si ringarde, forme un recueil d’alliances surprenant. Le fumé ne nuit pas, au contraire. Le jus des raisins est bienvenu, même si le suprême n’est pas sec (mais sa peau manque de croustillant), et la cuisse grise est moelleuse. Le quinoa reste croquant, et l’épinard d’une fraîche fermeté. Un patchwork à reprendre une prochaine fois.
Jardinmisu (8€) est un dessert pour jeune paysagiste créatif ou vieil accro du jardinage tiré au cordeau. Un carré de faux gazon pour tapis sur une assiette ronde (il vaudrait mieux insérer l’herbe synthétique dans un assiette carrée), sur lequel est posé un vrai petit pot de fleur, contient un tiramisu reloaded. Qu’on en juge : ne cherchez pas à retrouver le goût du café, il n’entre pas dans cette composition – aux deux sens du terme. En revanche, nous trouvons du thé vert (matcha) japonais à l’orange, des biscuits broyés Amaretti au bon goût d’amande, et surtout des morceaux de cartucci – fameux biscuits toscans croquants aux amandes -, au lieu des boudoirs, mais en dilution ; pas dressés. Le crémeux est idéal, et un léger goût de pralin surgit en arrière-bouche. Des fleurs roses et délicieuses d’hortensia et des feuilles en pâte d'amande décorent le tout. C’est réussi. En somme, hormis la musique d’ambiance peut-être un peu trop présente, et le manque de ce que j'appelle le « tsssk » (ou pep’s), ici ou là dans l’assiette, l’adresse se pose d’évidence parmi les néo-bistrots fusion qui comptent, dans le Marais.
Léon Mazzella
Texte et photos.
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Carte des vins française. Petit choix – suffisant – de vins au verre (de 6 à 9€). Bon pic saint-loup (Mas de l’Oncle, 2016).
Trois brunchs au choix le dimanche.
Les Foodies : 6-8, Square Sainte-Croix de la Bretonnerie, 75004 Paris.