Lectures sauvées des jours
Parmi mes lectures marquantes au cours de cette année qui s’achève ce soir, je retiendrai une petite poignée de livres émouvants, à commencer par « Frère unique », d’Olivier Frébourg (Mercure de France), récit poignant, à la limite de l’insoutenable parfois, sur la disparition tragique, accidentelle, et injuste de son frère Thierry, « ponte » de la médecine, chercheur généticien de renommée mondiale et victime d’une minable erreur médicale sur le lieu même où il officia tant d’années : l’hôpital de Rouen – rendu coupable de n’avoir de surcroît jamais vraiment reconnu sa faute, ce qui donne lieu à des pages enragées de la part du frère meurtri et inconsolable ; révolté. Double peine. Mais ce livre intime (Olivier Frébourg avait déjà donné « Gaston et Gustave » sur la disparition d’un de ses fils grand prématuré, et – ai-je envie d’ajouter, « La grande nageuse », sur la douloureuse séparation d’avec la mère de tous ses fils) brille avant tout par les souvenirs d’enfance heureuse de deux frères sous le soleil des Antilles où la famille vécut un temps, de 1969 à 1972, puis en Normandie, berceau familial, car le père est un brillant commandant de Marine (officier de la Transat, il fut pressenti pour prendre le commandement du France). Nous savons Olivier Frébourg, écrivain de Marine, habité par la mer. Nous le découvrons ici « frère et fier » de son frère, son « pilier lumineux », qu’il admire sans ambages. « Nous étions des brotherships », écrit-il joliment. « J’étais enfant de la mélancolie. Il était le soleil. J’étais la lune ». L’écrivain Frébourg appelle alors à la rescousse ses vieux compagnons, Hemingway, Ovide, Dante, Virgile, Hugo, Reverzy, Buzzati, Chatwin, Brauquier et autres trafiquants d’exotisme, les poètes, les oiseaux aussi, tout fait baume, ou devrait pouvoir panser... L’ouvrage est bouleversant de bout en bout qui vous traverse de part en part. Je me souviens que, le livre achevé, mes mains tremblaient et j’avais le cœur serré comme une gorge.
« Éloge des oiseaux de passage », de Jean-Noël Rieffel (Équateurs, vénérable maison dirigée par Olivier Frébourg) est un de mes chouchous car je suis un peu à l’origine de cette publication, puisque mon ami Jean-Noël m’avait envoyé son texte (devenant son premier lecteur, ce qui m’honora), que j’ai aussitôt aimé et transmis à mon autre ami Olivier Frébourg, qui s’enthousiasma à son tour. Ce premier livre est une ode à la migration, au pouvoir des oiseaux sur l’esprit de l’homme et donc sur son bonheur. Je partage avec son auteur trois passions : les oiseaux, la poésie et les vins purs. Il en est question dans ses pages, notamment de l’œuvre sensible et précieuse de Philippe Jaccottet. Quant aux oiseaux, ils imprègnent tant l’ouvrage qu’il me semble être composé de plumes et de chants. Je sais que le livre a connu un joli succès, et c’est justice qui me réjouit.
Fervent lecteur de Pascal Quignard, dont je lis absolument tout, j’ai été une fois encore enthousiasmé par « Les heures heureuses » (Albin Michel) qui poursuit la quête spirituelle de la sensation, des émotions pures, de la source de l’amour, de l'émoi originel, l’ensemble dans une langue tendue et on ne peut plus baroque (depuis « Tous les matins du monde »), minérale, d’une précision d’horloger genevois, à la limite du jansénisme littéraire, en tous cas d’une rigueur admirable qui n’exclut jamais – et c’est l’un des talents de Quignard, la dimension extrêmement poétique de sa prose. L’auteur aborde une foule de petits sujets universels par le biais de l’anecdote historique, de la description de l’événement au demeurant insignifiant. Chacun de ses livres, notamment cette « suite » intitulée « Dernier royaume » et dont c’est le XIIe opus, renvoie - à mes yeux en tous cas - à la phrase célèbre de Miguel Torga, « l’universel, c’est le local moins les murs ». Et n’est-ce pas la première vertu de la littérature, sa mission que de rendre universel le village de Macondo dans « Cent ans de solitude » – par exemple. Aussi, et c’est un sacré atout, « un » Quignard se dévore en picorant, le lecteur peut l’aborder comme des pintxos au comptoir d’un bar de San Sebastian. Et, par surcroît, il instruit considérablement, car il n’est jamais avare de détails étymologiques, philologiques, historiques, littéraires et philosophiques, qu’il évoque La Rochefoucauld ou un inconnu, la regrettée Emmanuèle Bernheim ou Spinoza. Et nous sortons de ces « heures heureuses » galvanisé et comme abasourdi lorsque, dans une salle obscure, d’un film exceptionnel nous lisons le générique de fin avec une scrupuleuse gourmandise...
« La grande ourse », de Maylis Adhémar (Stock) est un roman brillant sur un thème devenu « à la mode » : la difficile cohabitation de l’homme en milieu pastoral avec (le retour) des grands prédateurs comme le loup et l’ours – le lynx croquant surtout les chevreuils des forêts vosgiennes. En l’occurrence, il s’agit des bergers ariégeois du Couserans – cette si belle région que l’auteur(e), toulousaine, connait dans les recoins, et de l’ours. L’écriture est sensible, précise, ciselée, les personnages parfois caricaturés (les rugbymen des bars de l’arrière-pays, le chasseur bourru, le berger bucolico-gionesque, la bergère dure à la tâche...), les paysages ne sont à mon goût pas assez
magnifiés, la narration d’un conflit qui enfle l'est bien davantage, et la jalousie de l’héroïne pour l’ex de son amoureux un peu too much. Une économie d’une cinquantaine de pages sur le sujet eut été bénéfique. Mais bon, cela n’exclut pas que ce livre soit pétri de qualités, et je le rapproche d’un autre grand texte franchement admirable, sur le même sujet, de Clara Arnaud, « Et vous passerez comme des vents fous » (Actes Sud).
Sous-titré « Petite rhétorique itinérante », « En marchant », de Patrick Tudoret (Tallandier) est un précieux livre total car il entremêle érudition (sans frime aucune) et petite philosophie de la marche avec brio. Le tout piqué de souvenirs très personnels comme un gigot d’agneau l’est de gousses d’ail. Souvenons-nous que Montaigne, marcheur (et cavalier) impénitent, prétendait « penser par les pieds », et songeons avec Eugenio de Andrade, que « la démarche crée le chemin ». Tudoret est dans cette mouvance-là. Contemplatif et jamais sportif acharné, il prend le lecteur par la main, lequel prend son bâton de pèlerin, et c’est parti. Véritable anthologie littéraire à dominante poétique, le livre devient vite un compagnon que l’on est tenté de glisser dans le sac à dos pour nos prochaines haltes dans la montagne basque – où l’auteur randonne également. « Il y a une ivresse de la marche comme il y a une ivresse d’écrire », note-t-il. Tudoret aime à sentir « la pulpe d’un lieu », à en saisir « le pouls intime », et aussi marcher dans les pas des écrivains qu’il aime. Il en appelle à Saint-Augustin : « Qui n’avance pas piétine », souligne : « La marche comme école de détachement, d’affranchissement. On largue les amarres. La marche art du délestage, de l’allègement. Délestage physique, matériel, mais aussi moral : se déprendre de soi ». Et précise salutairement : « Les assis m’ennuient, ceux qui courent me fatiguent, j’aime ceux qui marchent ». Nous tous aussi, non ?..
« Monsieur Nostalgie », de Thomas Morales (Heliopoles), déclaration d’amour aux Trente Glorieuses, hymne au « c’était - tellement - mieux avant », est un livre délicieux d’un grand styliste dans la lignée hussarde de Blondin, qui assume avec talent son attachement aux choses surannées et passées de mode. Mais qui pourrait prétendre que Claude Sautet, Bébel, le culte de la langue française, le panache hexagonal, les livres paillards de Boudard, la voix de Michel Delpech, le plat Berry qui est le sien puissent passer un jour de mode ? Morales possède ce passé brillant, truculent, hédoniste, cultivé, amical, gascon et rastignacien, épris de clochers et de ballons de rouge partagés au zinc, du mythe B.B. et des fromages bien faits, chevillé à l’âme comme au corps. Et nous le suivons, page à page, avec une gourmandise qui augmente à mesure, en lisant en ronronnant. « Arrière les esquimaux ! » Olé...
« La Vie derrière soi. Fins de la littérature », d’Antoine Compagnon (folio essais) est un essai aussi important que sombre. « La littérature a un lien essentiel avec la mort, le deuil et la mélancolie », prévient d’emblée l’ex-universitaire et essayiste des « Antimodernes » et le biographe inspiré (et à succès) de Montaigne, Proust et quelques autres. Est-ce l’âge, le décès de son épouse, la retraite prise... Compagnon se penche sur les œuvres tardives, évidemment pas comme Narcisse sur son reflet dans l’eau, mais en intellectuel constamment en question, à l’écoute, notamment sur ce qui pourrait constituer ce fléchissement de l’âme, sur ce qui préfigure chaque chant du cygne, sur les faiblesses physiques aussi – qu’il ne faut pas négliger, car elles gouvernent le mouvement de la main sur la feuille... L’érudition de l’ancien professeur au Collège de France (dont je suivais les cours, parfois dehors devant un écran géant, pour cause de succès, lorsque je vivais dans le Ve arrondissement, à un jet de galet du Collège...) brille par mille feux en voie d’extinction, et cette plongée dans les eaux profondes de l’ultima verba donne à voir et à réfléchir sur la teneur des dernières pages de « La Recherche », sur la théâtralisation du « Journal » de Gide, sur tant de récits de la vieillesse qui se révèlent parfois, souvent, plus toniques que ceux de la jeunesse, aussi. Stimulant.
Bien sûr il y eut la divine surprise – oh, vingt-neuf pages à peine -, mais de l’indépassable Julien Gracq, avec « La Maison » (Corti), nouvel inédit, cadeau du ciel et des étoiles, condensé du talent immense du « patron » comme disait Nourissier. L’histoire, mais en est-ce une, est mince come un papier Rizla+, et en faut-il d’ailleurs une pour faire œuvre (à vocation) universelle ? cf. supra. L’apparition énigmatique d’une maison enfouie dans une friche sur le trajet du bus, « comme l’affût précautionneux et tendu d’une bête lourde au milieu de ces solitudes », « de ces fourrés sans oiseaux ». Nous sommes aussitôt chez Poe que Gracq vénérait autant que Verne. Son approche furtive un jour, à pied, « le besoin de me sentir le cœur net de l’envoûtement bizarre de ces bois sans joie », « une extraordinaire suggestion d’abandon et de tristesse », et tout à trac le chant à peine perçu d’une femme, « une voix nue », la vue, l’espace d’un court instant, de « quelque chose d’elle », « la pointe de deux pieds nus », et il n’en faut pas davantage pour générer une montagne d’un désir retenu serré par l’écriture comme jamais maîtrisée de l’auteur du « Balcon en forêt ». La charge érotique de ce très court texte est d’une intensité sublime puisque tout est suggéré, entrevu, et enfin la chute, que je délivre ici car elle n’empêche aucunement le plaisir du texte, sa montée en puissance comme le mercure dans le thermomètre, « ... plus nue encore, et plus secrète que les pieds nus, la masse ondée, prodiguée, déployée, comme une draperie, d’une longue chevelure blonde, la chevelure défaite d’une femme ». Qui écrit mieux ?
Grâce soit rendue à Brice Matthieussent, traducteur magnifique de tout l’œuvre – volumineuse (trente ouvrages) de « Big Jim » et à Flammarion d’avoir rassemblé tout ce que ce corpus compte de récits et d’extraits de romans, de « novelas » aussi, placés sous la personne emblématique de Chien Brun, double de Jim Harrison, « Chien Brun. L’intégrale » (Flammarion), donc. Il s’agit d’un livre en surnuméraire lorsqu’on possède une étagère pleine à ras-bord des bouquins de Jim, et qui – pour l’anecdote, faillit un jour me priver de vieillir, en tombant brusquement sur ma tête. Je m’en tirai avec un éclat de rire étrange et une bosse énorme. Ah, Chien Brun, mélancolique bâtard supposé d’Indien mais n’ayant que du sang chaud qui circule ardemment dans les veines, Chien Brun l’anar broussard du Michigan dépourvu de numéro de sécurité sociale – notez la poésie insolite de ces mots, Chien Brun pêcheur de truites et devant l’éternel, Chien Brun chasseur et trousseur, sauvage comme on aime les personnages de cette Amérique des grands espaces, court ici sur près de six cents pages, et plus on les feuillette, s’y arrête, plus Jim nous manque. Mais ce n’est pas si grave, Chien Brun se retourne, décèle votre peine, et vous embarque, et c’est bon de le suivre à nouveau, de le lire...
Voici un ouvrage singulier que Jim Harrison aurait sans doute aimé. « Chanteurs d’oiseaux », de Jean Boucault et Johnny Rasse (Les Arènes/PUG), ou l’histoire de deux surdoués de l’imitation des chants d’oiseaux – l’un est spécialiste du goéland argenté, l’autre du merle noir, qui raflent tous les concours (ce qui semble très étrange, pour un citadin) ayant cours notamment en baie de Somme, d’où ils sont issus. Terre d’oiseaux de passage, ils ont grandi parmi eux, du côté d’Arrest, leur parcours est narré en alternance, et ils se donnent aujourd’hui en spectacle, et c’est paraît-il bluffant (mais j’ai la chance immense de pouvoir les écouter bientôt, vers la mi-janvier, à Paris, à la faveur du Salon du Livre de Nature, où se tiendra leur prestation). Leur récit alterné est touchant, simple, qui décrit leur quotidien, l’école – surtout buissonnière, l’amour infini des oiseaux, l’apprentissage de leur parole, de l’infinie subtilité des « modulations de fréquence » de chacune d’elles, la naissance d’une passion dévorante, tout cela est décrit dans une langue directe et sensible, naturellement sauvage et saumâtre, avec des adjectifs beaux comme des marécages à l’aube, des joncs éclairés par un soleil timide. « Je t’apprendrai à faire le courlis cendré ». Juste cette phrase et je frissonne. Comprenne qui sait déjà...
« L’ABéCédaire de Michel de Montaigne », choisi par Michel Magnien (L’Observatoire) est issu d’une collection particulièrement attachante (celui de Romain Gary nous avait ravi, il y a quelques mois). Il agit comme un « memo », un rappel, un vaccin, on le feuillette en cherchant des entrées moins convenues, laissant tomber amitié, cannibales, apprendre à mourir, éducation... en musardant du côté de bordel, branloire, chasse, constance, cul, délectation morose, désir, difformité, écrivaillerie, garde-robe, ivrognerie, etc. Inépuisable Montaigne. Ce livre est à rapprocher du (déjà ancien) « Le meilleur de Montaigne », concocté par Claude Pinganaud pour arléa. Revenir, toujours, à Montaigne.
J’en attendais plus. Je fus déçu. Comme souvent, avec le choix de l’Académie Nobel. Louise Glück ne profita pas longtemps du sien, obtenu en 2020, car elle vient de nous quitter. La « grande » poétesse américaine se voit compilée par Poésie/Gallimard, avec « L’Iris sauvage, Meadowlands, et Averno » lesquels m’ont laissé sur ma faim de poésie profonde, dense, parce que, page 193, je ne me contente pas du début du poème intitulé
« Anniversaire :
J’ai dit que tu pouvais faire un câlin.
Ça ne veut pas dire tes pieds froids sur ma bite.
Quelqu’un devrait t’apprendre les bonnes manières au lit. »
Un poème, un seul (sur 450 pages, c’est léger) a trouvé grâce à mes propres critères, « Rotonde bleue :
J’en ai assez d’avoir des mains
dit-elle
Je veux des ailes –
Mais que feras-tu sans tes mains
Pour être humain ?
J’en ai assez de l’humain
dit-elle
Je veux vivre sur le soleil »...
Approcherions-nous, via cette dernière image, de l’éternité décrite (« Quoi? »..) par Rimbaud, dont on célèbre le 150eanniversaire de l’impression à compte d’auteur à Bruxelles, des cinquante-quatre pages d’« Une saison en enfer » (Poésie/Gallimard), soit une mince plaquette de textes en prose sertie de sept poèmes en vers, avec des pages blanches, des fautes typographiques demeurées (il s’agit d’un fac-similé, comme celui qu’arléa offrit à ses fidèles clients il y a quelques années). La mention PRIX : UN FRANC qui barre la page de titre (intérieure) comme une ceinture de bourreau, possède finalement l’élégance surréaliste d’un aquoibonisme de belle facture. Rimbaud détruisit le faible tirage, non sans avoir offert un exemplaire à Verlaine. C’est grâce à celui-ci que le texte fut sauvé, nous est parvenu, et nous touche encore de plein fouet :
« Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s’ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient.
Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. – Et je l’ai trouvée amère. – Et je l’ai injuriée. »
Ainsi débute cet ouvrage iconique, comme on dit, que nous ne nous lasserons jamais de rouvrir.
« Je suis un volcan criblé de météores », de Etel Adnan (Poésie/Gallimard), m’est une découverte majeure. Cette somme de poésies qui couvre les années 1947 à 1997 provient d’une poétesse prolixe (1925-2021) tardivement reconnue, peintre aussi, issue du carrefour de plusieurs cultures (turque, grecque, libanaise, française, américaine). Il y a des poèmes militants à connotation politique, je les ai écartés d’instinct, considérant avec Stendhal que « la politique dans un roman, c’est un coup de pistolet dans un concert », et avec Proust que des idées dans une fiction « sont comme l’étiquette du prix laissée sur un cadeau ». En revanche, de très nombreux textes sont infiniment sensibles, touchants. Extraits :
« Le soleil dit la mer est la vie originelle,
je suis les vignes futures et la vigueur des panthères.
La mer est femme sur les genoux de l’aube. »
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« La nuit coulait plus lentement
qu’un étang. L’ange comptait
les étoiles. Tu disais : L’amour
est une eau qui revient à son
aube. »
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« J’ai épousé la lumière
j’ai enfanté la folie
je suis un fleuve mon amour
tu ne peux que pleurer
sur mes bords. »
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« et la chaleur de ta
passion
prend
la couleur du givre
blanc comme un perpétuel printemps. »
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« Elle avait des yeux qui faisaient
briller le soleil au-dessus de mon lit
et tomber la pluie
c’est de ma mère que je parle... »
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« La solitude du monde animal
est entrée dans mon cerveau :
Une femme m’a aimée au-delà de toute raison »
À la faveur de retards homériques des trains de la SNCF la veille de Noël et son surlendemain, et ayant pris soin, au cas où si probable, de me munir d’une Pléiade, j’ai relu les Oeuvres romanesques de Marguerite Yourcenar, la grande Marguerite Yourcenar. « Alexis ou le traité du vain combat », Le coup de grâce », « Feux », « « Nouvelles orientales », un peu de « l’Œuvre au Noir », des « Mémoires d’Hadrien »... Un bonheur réitéré une journée durant entre Bayonne et Nîmes, via Bordeaux et Toulouse. Je suis soudain tenté de reproduire ici tout ce que j’ai pu annoter au crayon sur le papier bible, tant de fulgurances, de traits, de percussion, de vérité, de subtilité extrême... Allez, juste deux ou trois comme ça, pour frissonner :
« On dit : fou de joie. On devrait dire : sage de douleur. »
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« Posséder, c’est la même chose que connaître : l’Écriture a toujours raison. L’amour est sorcier : il sait les secrets ; il est sourcier : il sait les sources. L’indifférence est borgne ; la haine est aveugle ; elles trébuchent côte à côte dans le fossé du mépris. L’indifférence ignore ; l’amour sait, il épelle la chair. Il faut jouir d’un être pour avoir l’occasion de le contempler nu. Il m’a fallu t’aimer pour comprendre que la plus médiocre ou la pire des personnes humaines est digne d’inspirer là-haut l’éternel sacrifice de Dieu. »
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« Où me sauver ? Tu emplis le monde. Je ne puis te fuir qu’en toi ? »
J’achèverai cette brève liste (j’en oublie, c’est certain, car une année c’est long, mais je la rectifierai, le cas échéant)... Avec une relecture, « L’Amour fou », d’André Breton dans une belle édition rare, illustrée et numérotée du Club français du livre, j'ai éprouvé le besoin parallèle de reprendre le « André Breton. Quelques aspects de l’écrivain », de Julien Gracq (José Corti) pour ce qui y est souligné par celui qui fut fasciné par le père du surréalisme : ce
pouvoir prodigieux d’associer sans contrainte pour le lecteur la poésie et l’essai, la beauté de la phrase et la réflexion sur le motif. Avec Breton, comment dire... l’émulsion, pour une fois, semble pouvoir prendre : l’eau à l’huile s’allie et la fusion procède d’un alliage unique. « L’Amour fou », donc, offert par une main experte en surréalisme, « parce que la neige demeure sous la cendre », et ses inoxydables fulgurances, pour le plaisir du texte, soit pour ne jamais changer...
« La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas. »
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Et cette célèbre citation que l’on voudrait faire inscrire sur notre pierre tombale ou bien sur notre urne, au choix :
« J’aimerais que ma vie ne laissât après elle d’autre murmure que celui d’une chanson de guetteur, d’une chanson pour tromper l’attente. Indépendamment de ce qui arrive, n’arrive pas, c’est l’attente qui est magnifique. »
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Bonne Saint-Sylvestre. « Je vous souhaite d’être follement aimé(es) ». A.B.
Léon Mazzella
« Une histoire des Trente Glorieuses », ou la recherche du père mal connu, à travers le tableau tendre d’une époque.




La très singulière librairie - maison de la presse - dépôt de pain - relais de poste - souvenirs - cadeaux VOIE UNE, sise à la mini-gare de Guéthary que toutes les gares de l'hexagone envient, et d'où l'on contemple l'océan, les surfeurs, les petits bateaux, l'horizon, l'appel du large et les parallèles ferrées, à la perpendiculaire, m'accueille donc dimanche prochain. Venez nombreux.
Mon Petit éloge amoureux du Pays basque semble avoir l'heur de plaire. Privat, son éditeur, vient de le réimprimer, on se dirige vers les 3 000 exemplaires au bout de trois mois et demi d'exposition, il se vend très peu dans la banlieue de Dakar, dans le vieux Islamabad, ainsi que dans les hameaux reculés de Meurthe-et-Moselle. Cela ne m'étonne guère. En revanche, les libraires du grand Pays basque et du Sud Ouest élargi l'aiment, et le font savoir. La presse l'a certes promu, du Figaro Magazine à La Croix l'hebdo en passant par Sud Ouest bien sûr, ainsi que Causeur, Pyrénées magazine, L'Incorrect, La Dépêche du Midi, etc. Mais ce sont les lecteurs que je rencontre chaque week-end, puisque je me plie à deux séances de signature hebdomadaires (la prochaine se tiendra dimanche prochain 20 août dès 11h à Guéthary, à la librairie Voie Une, contre l'arrêt de voie ferrée le plus fantasmé de l'hexagone), qui l'élisent et le font eux aussi savoir, si j'en juge par ceux qui m'en présentent à signer pour leurs parents et amis, après l'avoir lu eux-mêmes . Cela fait bigrement plaisir. Et, ici, là, je remercie chacun. Pourvu que ça dure. L.M.
amoureux du Pays basque (éditions Privat), samedi 12 août dès 10h à la Librairie Leku Ona à Saint-Pée-sur-Nivelle, 

Rencontre-signature de mon Petit éloge amoureux du Pays basque (Privat) à la librairie maison de la presse d'Anglet, aux Cinq Cantons (place du général Leclerc) dimanche 23 juillet dès 10h. 














































Il y a quelques semaines, j’évoquais ici Laminak, le whisky de Martine Brana élaboré à Ossès, soit là où la distillatrice de génie produit ses fameuses eaux-de-vie de fruit (poire, prune, framboise), ainsi qu’un marc d’Irouléguy vieilli trente ans qui est à se damner. 






































J'ai totalement oublié d'annoncer cet événement qui a débuté hier, qui se poursuit aujourd'hui jusqu'à 18h, et que je parraine. Venez nombreux.



Marie-Luce Ribot et Antoine Tinel, qui pilotent le "mook" (magazine-book) Raffut, "Ceci est plus qu'une revue de rugby", du groupe Sud Ouest, m'ont demandé pour pour la rubrique Art et Littérature de leur n°3 qui paraît ce jour, un assez long texte sur mon rapport au rugby, que voilà (en photos). Ce fut l'occasion d'évoquer surtout mon fils lorsqu'il était rugbyman, ses grands-pères, et de raconter quelques anecdotes personnelles...





Il est certes trop tôt pour évoquer cela, mais puisque les sites marchands proposent de le pré-commander, je vous montre les "prière d'insérer" de l'éditeur de mon prochain livre, trouvés ce matin sur les sites divers comme la fnac, amazon, Babelio (ce dernier donne un texte plus touchant, mais les deux sont signés de mon éditeur chez Privat, Christian Authier). Patience jusqu'au 27 avril, jour de sortie de mon (très subjectif) Petit éloge amoureux du Pays basque.


Noël 2022 au fin fond du Périgord pourpre en compagnie de ma fille, de son bébé d’un mois et demi et de la famille de son compagnon, le père de Sael Áodhán. Nous sommes treize autour de la cheminée que j’alimente en chêne sec. J’apprends la mort de Françoise Bourdin et je me souviens. Rapidement, je parcours la dépêche reproduite un peu partout, à peine modifiée, sur cet auteur « populaire » qui a vendu plus de quinze millions de livres en cinquante romans issus de sagas familiales comme les lecteurs de Christian Signol, de Claude Michelet... et de Françoise Bourdin les aiment. Pas besoin d’un papier dans Le Monde des Livres ou Le Figaro littéraire - lesquels les boudent en se pinçant le nez - pour propulser ces sous-marins de l’édition qui, sans aucun bruit, en font beaucoup dans les chaumières, loin des bobolands circonscrits à quelques arrondissements germanopratins. Je me souviens... Je copilotais le service des manuscrits de La Table ronde avec Stéphane Guibourgé (que devient-il ?) deux jours par semaine (je vivais encore à Bordeaux), tour à tour rue du Bac, rue Huysmans, rue Corneille... Autrement dit, j’ouvrais le sac postal quotidien en toile de jute beige, j’en extrayais le monceau de tapuscrits, je les flairais tous avec une technique « pro » précise, et, un matin de l’année 1990, je suis tombé sur l’un d’eux, mince, intitulé « Sang et or » (était-ce le titre originel ou bien celui que je trouvai au moment des épreuves corrigées ?) d’une certaine Françoise Bourdin qui n’avait publié jusque là que deux romans chez Julliard, « De Vagues herbes jaunes » en 1974, et « Les Soleils mouillés » en 1975. Rien d'autre depuis quinze années. Je me souviens m’être assis par terre, entouré de piles de tapuscrits sous papier kraft comme un soldat de sacs de sable, et avoir lu d’un trait ce texte dont l’action dure quelques minutes au cours desquelles un jeune torero gravement encorné est transporté à l’infirmerie de l’arène où il est en train de toréer, et l’instant de son expiration. Entre temps, sa vie défile, Bourdin la raconte, et c’est poignant, tendre et tragique, solaire et mélancolique. J’alerte aussitôt mon pote et néanmoins président des éditions Denis Tillinac par téléphone (absent, il surfait alors en Chiraquie). On a reçu un manuscrit fascinant d'une presque inconnue, il faut que tu le lises. Bloque, appelle-là, et tu lui proposes un contrat. Mais, Denis, tu ne veux pas le lire avant ? Pas le temps, j’ai confiance, vas-y. J’appelle Françoise Bourdin. Elle me dit que Actes Sud lui a déjà donné une réponse positive. Je lui coupe quasiment la parole en lui disant que je m’en fiche. Où êtes-vous ? À la Feria de Nîmes justement, pour voir des toros. J’adore. J’arrive. (J’y retournerai en septembre de la même année, à la Feria des Vendanges, pour assister à la prise d’alternative de Jesulín de Ubrique). Je pris un contrat pré rempli comme un constat d’accident au 40, rue du Bac, et un train à la gare Montparnasse. Nous nous retrouvâmes dans les salons de l’hôtel Imperator, et elle signa le contrat tandis que je sifflais manzanilla sur manzanilla La Gitana. Nous publiâmes son troisième roman en mai 1991. Une peinture de Fernando Botero, « Muerte de Luis Chalmeta » orne en vignette la couverture. J’en conçus une certaine fierté lorsque, plusieurs années après, Françoise Bourdin devint l’un des écrivains les plus lus de France, le (ou la ?) cinquième je crois. Je l’ai croisée à plusieurs reprises lorsque je fus éditeur chez Editis entre 2002 et 2006, au sein de Place des éditeurs, dont ma boutique, fitway publishing faisait partie. Mes bureaux étaient voisins de palier de ceux de Belfond, son éditeur historique. Nous prîmes quelques verres lors de salons du livre à Paris et à Francfort je crois aussi, et puis en bas des éditions, avenue d’Italie dans le XIIIe. Elle était timide, frêle, mais son regard était doux et droit, d’acier tendre. La force du jockey sous une apparence cristalline. Elle se souvenait en riant de moi déboulant à Nîmes... Je confesse n’être pas lecteur de ses romans, de cette littérature que l’on dit populaire, mais ni par aversion ni par snobisme. Seulement parce qu’elle ne me « parle » pas, comme par ailleurs la science-fiction, la fantasy, le polar (à de très rares exceptions près), le développement personnel, l'ésotérisme, la B.D. figurent des genres qui me sont étrangers – et je m’en réjouis d’une certaine manière, car cela fait ça en moins à découvrir, lors que je sais, hélas, que je n’aurais pas assez de quarantedouze vies pour avoir le temps long et calme de lire tout ce que j’envisage de lire de poésie, de romans, de philosophie, d’essais... Je confesse n’avoir pas lu une ligne de Françoise Bourdin après « Sang et or », et je me souviens le lui avoir dit, et qu’elle me répondit par un grand éclat de rire, et qu’elle me fit déposer, la délicate, une pile de Pocket choisis de ses romans, mais que je distribuais – sans éprouver le moindre sentiment d’ingratitude, cependant -, à des amies de passage chez moi (car j’ai le sentiment que le public de sa littérature est essentiellement féminin), lors de dîners à mon domicile parisien qui s’achevaient invariablement par une répartition de livres empilés devant la porte – condition expresse établie : nul ne sortira d’ici sans plusieurs livres en mains. « Sang et or » donc, que je viens de retrouver dans le long rayon de ma bibliothèque réservé à la tauromachie littéraire. Je ne sais pas si j’ai envie de le reprendre, tant ma « desafición » est devenue grande. Peut-être, oui, quand même, en souvenir de la confiance de Denis, pour l’effervescence nîmoise de ce jour-là, pour l’émotion singulière, pour la pluie qui tombe soudain sur Bayonne ce 29 décembre 2022 après-midi, et ma moto qui se mouille avec le casque et les gants sur la selle. Pour les livres. Je vais appeler ma fille, tiens, et prendre des nouvelles du petit. L.M.




Pèlerinage émouvant de groupie assumé, hier après-midi à la tour de Montaigne, à Saint-Michel-de-Montaigne (24). Visite monacale et infiniment tranquille à l'heure où la lumière d'hiver baisse en rougissant avec componction un ciel glacé et roide. Emprunter l'escalier en colimaçon aux marches usées, voir le lit, la cheminée, des peintures murales effacées, l'âtre, ce qui faisait office de lieu d'aisance, penser la cuisine, ouvrir les fenêtres, contempler la pièce ronde du bureau surtout, les inscriptions en grec et en latin dans le bois de chacune des poutres - les citations de philosophes (au premier rang desquels loge Socrate) qui accompagnèrent Montaigne, imaginer la bibliothèque face à la table de travail, écouter le silence alors à peine troublé par un pinson et un rouge-gorge, affronter le froid d'hier et ressentir, autant que faire se peut, ce que Montaigne dut tant éprouver là afin d'y écrire ses Essais. D'où, me dis-je, la présence de trois selles d'époque, car Montaigne galopait par monts et par vaux lorsqu'il n'écrivait pas ce que, justement, il prélevait en voyageant, en frottant sa cervelle à celle de l'Autre. Par pénétration, et comme par une sorte de palimpseste, j'eus l'envie forte de croire que je pouvais me projeter instantanément entre 1533 et 1592 là même, et j'imaginai, j'ai imaginé, j'ai forcé mes sens, mes muscles, mes idées rassemblées en désordre. J'ai voulu. Le moment fut délicieux, vivifiant et d'une sereine intensité, car vide de tout élément extérieur, humain surtout. La solitude (partagée) savourée en un tel endroit me fut un cadeau du ciel. J'ai repris les Essais, ce matin, non sans avoir rangé au préalable, dans la part de rayon de ma bibliothèque consacrée à Montaigne, une bouteille qui ne se boit pas, mais qui doit loger parmi l'Oeuvre, ses éditions diverses et son exégèse. Elle porte le nom de l'auteur, car un vignoble en appellation Bergerac prospère tout autour de la tour. L.M.


La poésie militante ou insipide, pénible d'Aragon sent parfois la sueur. Ses poèmes incontinents (il perd aussi son prénom, Louis, sur les trois couvertures) proposés par Gallimard ce mois-ci :
d'hommes politiques qui comptent (Churchill, de Gaulle, Ferry, Zola, Caillaux, Briand, Herriot, Jaurès, et Hubert Beuve-Méry !..) dans le recueil
Registre voisin, Régis Debray, avec
Sénèque, 1000 pages, occupera nos prochaines après-midi. Pensez ! Oedipe, Les Phéniciennes, Hercule furieux, Hercule sur l'Oeta, Médée, Phèdre, Thyeste, Les Troyennes, Agamemnon sont capables de nous faire oublier un rendez-vous chez le dentiste. Nous y reviendrons, ici. Merci la collection folio. 














Loin du thriller d'Harlan Coben et de son adaptation au cinéma par Guillaume Canet, voici un vin blanc éponyme issu de Marsanne et de Viognier particulièrement agréable, apaisant même, mi-août, à l'heure où le soleil amorce son lent plongeon dans l'océan. Je confesse avoir bu l'étiquette, autrement dit avoir acheté ce flacon hier (chez Arostéguy, épicerie fine à Biarritz) sans réfléchir, sur son nom seul. Certes, j'aime vraiment beaucoup les deux cépages qui le composent. Le premier parce qu'il m'évoque aussitôt les meilleurs Crozes-Hermitage blancs, et le second parce qu'il est synonyme de l'appellation Condrieu, qui a ma préférence en matière de grands blancs hexagonaux. Aussi, prendre cette bouteille en confiance alla de soi (avec des grissins, du fromage de chèvre et du jamón de bellota). Pour 10,50€, je recommande donc ce flacon de 2021 classé en Vin de France, élaboré par la Vinifacture, à Saint-Étienne, parce qu'il est, simplement, de belle facture.
Romain Gary, anthologie concoctée par Mireille Sacotte et Marie-Anne Arnaud Toulouse, recèle des traits d'esprit fulgurants, ainsi que des perles avant-gardistes stupéfiantes, tant sur la détérioration de l'environnement que sur ces menaces d'abrutis que l'on appelle le wokisme (éd. de l'Observatoire). Et Jospeh Anton,
l'autobiographie de Salman Rushdie (folio), car elle évoque presque à chaque page le traumatisme de la fatwa dont l'auteur est l'objet, et la victime. La santé de l'auteur des Versets sataniques s'améliore, ai-je lu ce matin. C'est heureux. L.M.








... Celui de retomber sur un passage de Bérénice, de Racine, dans la scène IV du premier acte :
Je me dis d'ailleurs qu'il faudrait que je songe à reprendre, en l'augmentant d'une anthologie antonyme, celle des excipit (et pourquoi pas en une maquette tête-bêche), mon petit bouquin Premières phrases de romans célèbres paru en 2006 (fitway)... Cliquez ici => 












C'est dans Le Figaro, alors... On va causer hommes du rugby et potentiels personnages de roman, on va lire des extraits de nos bouquins respectifs - ah, les malins ! -, on va rigoler surtout. Ces rencontres sont faites pour ça. Venez nombreux. À St-Paul-ès-Dax le ouiquènde prochain. Augustin Meaulnes et Yvonne de Galais, excusés, ne seront pas de la partie, mais l'affiche promet du beau linge. Ouvrez le programme (joint). Perso, je lirai pas mal d'extraits de mon livre Le Bruissement du monde, dans lequel l'Ovale a souvent sa place. Ce sera Le Grand Maul...
Jean Cocteau, relève Linda Lê (*) dans « Tu écriras sur le bonheur » (Bourgois /Titres), recueil des fines préfaces données au fil du temps à la collection de poche Biblio/ Romans, « n’a qu’une seule devise, le mot d’Antigone : Tout le reste lui est égal. Hormis la poésie, tout le reste lui est égal. » Ajoute que Cocteau suggère d’écrire « mince et musclé. Le virtuose se veut libre de toute technique, il cherche le déséquilibre dans la maîtrise, l’entre-deux qui boîte avec grâce. »
Retour d'une salle obscure où la lumière, la Lumière, vint, divine, de la voix rocailleuse de Big Jim, notre cher, si cher Jim Harrison, disparu il y aura six ans dans trois jours. Le film que lui consacrent François Busnel et Adrien Soland est une ode aux grands espaces, à la poésie, à la Nature, aux animaux, aux rivières, aux arbres, aux femmes de la trempe de Dalva, l'inoubliable héroïne de son plus puissant roman, et aussi de Linda son épouse cinquante-quatre années durant. Jim est au bout du rouleau, il titube, tousse, ahane, fume sans relâche, s'aide d'une canne, s'essuie fréquemment la paupière qui abrite un oeil de verre depuis ses dix ans, il est lui-même. Cash. Tellement naturel, à Paradise Valley, dans le Michigan, avec sa bedaine qui jaillit du tee-shirt, ses gris-gris punaisés sur le mur de sa table de travail, où il écrivit tout son œuvre au stylo noir, et jusqu'au volant ganté de cuir indien de son 4x4 qui conduisit l'équipée jusqu'à Patagonia (Arizona), où il résida parfois et où la Faucheuse le cueillit. Ce film est émouvant car il est pudique, franc du collier, sans fard, silencieux, ouvert sur des territoires traversés par un pygargue, un vautour, un chevreuil, des bisons, deux chiens de chasse appartenant à Jim Fergus, une truite hameçonnée, des forêts et des montagnes larges comme l'univers, dans un clair-obscur de circonstance. On y voit aussi les villages américains poussiéreux, leurs commerces, leurs véhicules garés, une station-service à vendre, une désolation palpable, une barmaid sexy que Jim ne peut s'empêcher d'alpaguer en lui baisant élégamment la main droite avec la dégaine de Charles Denner à la fin du film L'homme qui aimait les femmes, de Truffaut. Tout est dit, en sourdine, sur la subtilité, le tact de l'oeuvre d'un grand écrivain américain. J'ai tout lu de lui. Absolument tout, sauf ce que l'édition nous réserve sans doute encore d'inédits, de raclures bonnes à déguster, d'articles récupérés, de nouvelles inédites, de poèmes retrouvés (ce fut un immense poète de la Nature). Je regretterai éternellement cette annulation forcée
(Maman était bien trop malade pour que je parte longtemps) d'un rendez-vous pris avec lui dans le Michigan afin de "tirer" son portrait sur quelques pages dans le magazine (La Chasse) que je pilotais dans les années 1995 à 2000. Je me souviens avoir déchiré avec mélancolie mon billet d'avion. Ce soir, je reprendrai Légendes d'automne et Dalva au hasard des pages, au gré du vent, en entendant le timbre craquelé - you know... - de sa voix de grizzly édenté et romantique. L.M.




























Je suis gâté par la presse béarnaise ce matin, puisque un bel article signé Karine Roby sur mon dernier livre paraît simultanément dans La République des Pyrénées et dans L'Éclair Pyrénées :
de coiffeur tentant de surfer sur le mot tif à l'aide d'un mauvais jeu de mots, le résultat est intéressant : Il s'agit d'un champagne (29€) de la Maison Charpentier (évoquée ici il y a peu), composé pour moitié de pinot meunier, de 32% de pinot noir et le reste en chardonnay, dégorgé en novembre dernier. La proposition est originale : verser environ 15 cl de cet effervescent (dosage demi-sec), ajouter un quartier de citron vert et un glaçon. C'est bluffant, délicieusement rafraîchissant, et cela change du Spritz à l'Apérol, à base - au choix : de crémant de Bordeaux, de Prosecco ou bien d'un champagne modeste.
cru juste mariné dans un généreux trait d'huile d'olive de grande qualité : Fruité Vert Intense, signée Les Terres de Provence, du château Calissanne (8,90€ le mignon flacon de 25 cl). Jolies notes d'artichaut cru, de foin et de chlorophylle.
l'inoxydable Charles Baudelaire, illustrée de photos délicates signées Matthieu Trautmann. 













La cuvée T (rouge) 2018 du château Trians, AOP côteaux varois en Provence, produit par Emmanuel Delhom et sa famille, est un vin bio (depuis 2012) capiteux, généreux, ample, très présent, avec des syrah de caractère (80% de l’encépagement) à peine tutoyées par des grenaches (20%) qui ne s’en laissent pas compter. Un vin gourmand et gorgé de notes de fruits rouges. Le flacon, râblé et large d’épaules, donne le ton en désignant son contenu. 18,50€
bordeaux blanc singulier, car le cépage dont il est issu est relativement confidentiel. Robe jaune pâle, des notes d’agrumes mais pas trop, bouche élégante, finale à peine musquée. C’est le compagnon idéal pour un filet de merlu ou des grosses gambas rôties.. C’est Producta vignobles qui propose cette nouvelle cuvée craft pour à peine 5€
Le Pinot noir 1957 by Pfaff est un AOP Alsace 2019 qui fait écho à la date de création de la cave des vignerons de Pfaffenheim. La gamme propose aussi un riesling, un gewurztraminer et un pinot gris. Nous avons choisi de découvrir le Pinot noir, lequel offre une belle robe rubis, un nez agréable pourvu de notes franches de framboise et de fraise, et une réelle présence en bouche, avec des tanins délicats. 12€
partie de la nouvelle gamme bio de la famille Abbots & Delaunay, célèbre pour son savoir-faire bourguignon. Nous sommes cependant sur les collines de Limoux (Sud de France) avec ce flacon sérieux. Belle robe pourpre, nez de petits fruits rouges et noirs (framboise et myrtille dominent), bouche ronde et délicate avec une finale légèrement boisée. Les tanins, tendrement épicés, s’expriment au bout d’une trentaine de minutes, lorsque le vin a trouvé son équilibre. 13€
Brio 2009, second vin du château Cantenac Brown, est une splendeur lorsqu’on le marie à une txuleta de bœuf souletin maturée à souhait, mais également pour lui seul ! Ce margaux de noble extraction (3e cru classé 1855), sur un millésime des plus réussis de ces vingt dernières années et davantage, est un régal de gourmandise et de fruité (cerise mûre, pruneau en finale), d’élégance (tanins formidables), et de délicatesse (léger vanillé) alliés à une force intérieure qui signe les vins des grands terroirs bordelais. Ajoutez une fraîcheur et une longueur exceptionnelle, et vous n’attendez pas la fin du repas pour passer commande. 40€ environ.
sympas. Il y a un blanc moelleux, un Pacherenc du Vic-Bilh 2019 proposé en demi-bouteille : jolies notes d’ananas mûr et d’agrumes confits. Un vin pas trop chargé en « sucre », avec une pointe d’acidité qui donne un coup de fouet bienvenu (6,40€). Et un Madiran. Nous avons dégusté ce dernier dans le millésime 2019 avec beaucoup de plaisir. Il est issu de tannats et des cabernets (sauvignon et franc) d’une belle vérité. Franc, direct, voilà un madiran de caractère qui peut se résumer par les mots de puissance élégante. Belle robe grenat sombre, nez de fruits noirs (mûre) et de réglisse. Bouche soyeuse, avec des notes épicées (vanille). Un régal avec un simple magret. 6,95€
La cave du Marmandais offre de L’Air Libre avec ses deux flacons sans sulfites ajoutés. Ce sont un rouge (merlot 65%t, malbec, cabernet franc) et un rosé (cabernet sauvignon 53%, cabernet franc, merlot, malbec, fer servadou) tout simples, élevés en cuve inox, sans chichis, de vrais vins de copains, de fraîcheur, de charme, de fruité léger et d’apéro. 6,50€
Garouge et Déshaltère. Les étiquettes de ces deux vins sont drôles, et leur jeu de mots bienvenu. Le premier est un 100% syrah 2020 des Collines Rhodaniennes pourvu d’un nez riche en fraise des bois et en mara aussi. Bouche gourmande, simple, on sent les jeunes syrah, n’hésitez pas à rafraîchir la bouteille tandis que vous disposez la chiffonnade de jamón et de chorizo de bellota. Déshaltère 2020, est lui aussi issu de syrah, et il se revendique moelleux. Or, il est plutôt agréablement sec. À servir « frappé », ce rosé humble au nez de fruits rouges et de bonbon anglais présente une grande douceur persistante en bouche. Alliances : un fromage de chèvre frais. 5,90€
Rouge Fusion 2018 de la Cave de Lugny est une vraie découverte. Cédric Gayet fait se rencontrer Pinot noir et Gamay, et « ça le fait ». Le mariage est connu. Mais, là, il y a du nouveau : les gamay sont élevés en fûts de chêne et en cuves, et les pinots le sont en cuves classiques et en cuve béton ovoïde six mois durant, vous savez ces grands œufs que l’on voit de plus en plus dans les chais ? L’assemblage suit, qui produit un vin étonnament aromatique. Cerise, framboise explosent au nez, et la bouche, ronde, est d’une grande tendresse. Étiquette sympa et un brin militante, avec l’œuf qui y figure. 11,20€
Avec « Demi-siècle », Christian Authier se lâche davantage qu’à l’accoutumée. Sa prose est plus déliée, décontractée, farcie par endroits de parler à voix haute (il manque juste le son). Les formules, les traits, les remarques sur notre monde tel qu'il va plus ou moins bien sont toujours aussi ciselées, percutantes et pertinentes, mais il y a davantage de laisser faire, de tableaux minutieusement décrits dans un style d’une souplesse féline – les deux soirées de la fin du livre (surtout la longue première, hilarante), sont un régal fitzgeraldien, ou capotien (si ça se dit, pour Truman). Nous retrouvons l’auteur et son double, Patrick Berthet (la fidélité à la référence de ce patronyme est devenue indéfectible), journaliste « vieille école » ignorant les réseaux sociaux, cultivant un goût précis pour les bons flacons dont chacun, débouché au fil des pages, est précisément nommé (de Gramenon, des Foulards rouges, de Drappier, de Selosse, de l’Anglore, nous sommes informés de cuvées précises, et pas des moindres – et les partageons en pensée avec Patrick et ses potes tout en lisant). Laurence – une fois n’est pas coutume, une femme d’importance, escorte le narrateur, et il s’agit là d’un amour fort. Ces deux là s’aiment à Paris, à Toulouse (dont on connaît à la fin du livre le nom de chaque rue et place), à Istanbul, à Beyrouth sans mesure, et avec une franchise intérieure enviable. « Demi-siècle » est un brin désenchanté comme les quatre ou cinq précédents romans de Authier, bardé de touches à la Houellebecq sur notre triste époque numérisée et envahie par des Arthur qui sont davantage Andersen que Rimbaud. C’est un livre toujours aussi imprégné de cinéma – une drogue dure -, de rock de légende, et de littérature de référence, comme on le dirait de « la puissance de feu d’un croiseur et des flingues de concours ». Les codes, les lieux (comme le Comptoir du relais, à l’Odéon, Paris VI), sont nombreux, et les aficionados, ou bien les habitués de la production de Christian Authier, s’amusent à les reconnaître en les annotant en marge, au crayon. Un jeu toujours réconfortant, façon chat qui ronronne, affalé sur le chauffage. Et la lecture de ce roman tendre et croquant à la fois comme une saint-jacques impeccablement snackée en devient un régal pâtissier. L.M.


Il y eut, douloureusement, le roman posthume de Denis Tillinac, Le Patio bleu (Les Presses de la Cité). Sa page de faux-titre sans dédicace – et pour cause, résonna longtemps comme le timbre éraillé de sa voix, « Comment tu vas!.. ». Il y a tout là-dedans, il y a beaucoup dans cet épais roman riche d’images percutantes et de phrases aussi tendres qu’assassines parfois, et si justes, si fortes. Il s’y trouve une maturité de romancier impeccablement ramassée, une intrigue tillinacienne totale, la province gersoise, Condom – d’Artagnan n’est pas loin -, des Rastignac femelles, le désir d’en découdre avec une bourgeoise a priori rangée, les intrigues de ministère comme il y en eut de cour, les coups bas ou fourrés, l’amitié triomphale, les non-dits et les ouï-dire, la tendresse des paysages d’une France encore profonde dans tous les sens du terme, une mélancolie viscérale et bougonne par crainte de paraître trop délicate, des traits d’une justesse dans le mille à faire pâlir le La Bruyère des Caractères. Une ambiance IVe République, avec un Chirac en culottes courtes, une atmosphère « rad-soc » qui eut cours dans les campagnes qu’un jacobinisme arrogant ignorait, de Bellême (Perche) à Tulle (Corrèze), en passant par Condom, donc. Un air de Claude Sautet à la caméra plane sur ce dernier opus de Denis, et l’on se souvient tout à trac de son regard de saurien lorsque le silence se faisait parfois, qu’il suspendait sa cigarette (moment rare), et que nous l’entendions nous dire tant de choses dans le virage du rien. Salut l’ami.
Il y eut la somme de chroniques d’Éric Neuhoff parues dans Le Figaro, sous le titre Sur le vif (Le Rocher), évoqué brièvement ici il y a peu, pour nous offrir le plaisir de relire les phrases brèves et toniques, à la Nimier, le style félin et claquant de son héritier spirituel. Qu’il évoque Biarritz, Brigitte Bardot, Los Angeles, Françoise Sagan, la Fontaine de Trévi, Frédéric Berthet, Cadaqués, Stallone comme Mastroianni, le Toulouse de Christian Authier ou encore l’une de ses idoles, Frank Sinatra, Dieppe ou Truman Capote, Le Ritz ou Michel Déon, Neuhoff délivre ses denses déclarations d’amour comme on ne délivre plus des compressions de César, car lui le fait avec tact et sensibilité, intelligence et style. Un pur bonheur.
Et, comme le hasard n’existe pas, il y eut deux compilations fraternelles quasiment au même moment à l’étal des librairies : d'un côté, les romans corréziens de « Tilli » chez Omnibus, Le Bonheur en Corrèze, qui rassemble en un épais pavé huit de ses romans essentiels, et de l’autre, trois romans indispensables de Neuhoff réunis par Albin Michel, Les romans d’avant.
Il y eut le premier roman d’Olivier Mony, Ceux qui n’avait pas trouvé place (Grasset) retardé pour cause de pandémie, enfin entre nos mains (nous l’achetâmes le jour de sa parution), un bref roman modianesque en diable – tant qu’on croirait entendre la voix de Patrick le Nobel le dicter, avec des personnages foutraques, soit attachants (Serge, bien sûr, Elkoubi, etc, et puis Piètre, et d’autres), un Bordeaux lisse et troussé en connaisseur, et au fond un livre comme un tapis volant sur lequel nous sommes priés gentiment d’embarquer, ce que nous avons fait gaiement.
rugueuse et âpre, si vraie « avé l’accent » médocain, ces très courtes nouvelles qui circonscrivent des personnages forts, durs, à la Franck Bouysse, des scènes d’un quotidien que peu connaissent, sauvage, reculé, essentiel car forestier, chasseur, braconnier, rude, d’une vérité crue à côté de laquelle steak tartare et carpaccio passent pour des carnes cuites. Presqu’îles, de Yan Lespoux (Agullo) est un livre précieux comme un premier roman de Sylvie Germain ou de Jean Carrière. Un beau cèpe cru dans ce beau voisinage gionesque-là...
Il y eut l’annonce du Printemps des poètes, avec pour thème Le Désir, loué par Sophie Nauleau chez Actes Sud (nous attendons l’ouvrage), et des phares ici et là pour éclairer la route du mot qui émeut plus qu’un coup de foudre. André Velter, compagnon de la précitée, livre Séduire l’Univers, précédé de À contre-peur, illustré de « tracés sonores » de Jean Schwarz (le premier), et de quatre « ciels » de Marie-Dominique Kessler (le second). Il s’agit de l’un de ces livres composés à plusieurs mains, dont Velter a l’habitude, et qui produisent un dialogue en fruition, une poésie non pas amalgamée, mais épousée, risquons un mot : « puzzle-isée », c’est l’agudeza de Baltasar Gracián invoquée par l’auteur, autrement dit l’acuité ingénieuse, dont il est ici question. « Par-delà l’espace et le temps », dit l’auteur, « il est des affinités électives, ou ce que Julien Gracq appelait des consanguinités d’esprit, qui ne peuvent durablement rester sans résurgence. »
Il y eût la somme infiniment précieuse, l’anthologie personnelle de l’immense Charles Juliet que propose Poésie/Gallimard, Pour plus de lumière, 1990-2012. L’essentiel, choisi donc par l’auteur lui-même (à l’instar de Commune présence, de Char, et de L’encre serait de l’ombre, de Jaccottet), d’une poésie placée sous le signe d’une « ardente recherche de la lumière » (et je m’autorise à reproduire ici, avec ces quelques mots, un extrait de la dédicace que l’auteur a rédigée sur mon exemplaire). Nous y retrouvons les recueils majeurs comme Affûts, Ce pays du silence, Moisson... Des trésors réunis en un seul recueil lourd et compact, que l’on a envie de trimbaler chaque week-end, où que l’on aille.
(bilingue) d’Erri de Luca, Aller simple, suivi de L’hôte impénitent, où l’on retrouve l’auteur limpide d’œuvre sur l’eau. Poésie presque parlée, comme récitée à l’église le matin, morale par endroits, humble toujours, où la barque et le filet du pêcheur, ses quelques prises, ont la grâce du simple recueillant avec reconnaissance ce qui lui suffit. Demi-surprise : Aller simple évoque l’épopée tragique des migrants échouant tant bien que mal sur les côtes italiennes, ou la poésie devient politique, militante, mais avant tout humaniste avec une remarquable sobriété qui rappelle les récits de Primo Levi. Cependant, les poèmes qui composent L'hôte impénitent nous font retrouver le De Luca romancier devenu alpiniste mystique, et toujours sensuel, dont les épaules porteront toujours les traces salées de la Méditerranée, du côté de l'île d'Ischia...
Enfin, il y eut, juste après la disparition du très grand Philippe Jaccottet, deux inédits, Le dernier livre de Madrigaux, et La Clarté Notre-Dame (Gallimard), pour nous rappeler à l’essentiel, soit au chant fragile des oiseaux à l’aube dans un verger de peu planté de longue date à Grignan, dans la Drôme, l’écho d’une cloche des Vêpres à Salernes (où vécut sur le tard le regretté Pierre Moinot), « dans l’enceinte sacrée, très-haut » (Hölderlin), des mots simples comme de ces brindilles dont Char rêvait de bâtir un rempart, des mots tragiques à peine d’un poète avouant son grand âge et citant Hölderlin encore comme on lance un grappin, « Énigme, ce qui sourd pur ». Des textes essentiels et crépusculaires, et néanmoins heureux, surtout lorsqu’il s’agit d’évoquer Claudio Monteverdi, « c’est par urgence que sa voix prend feu ». « Ainsi lié, je me délivre de l’hiver »... Jaccottet a rejoint, à 95 ans, « le tissu bleu du ciel ». Et nous continuerons d’entretenir commerce quotidien avec son œuvre capitale. L.M.



