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Jardins

  • Au cabaret des oiseaux

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    Je ne pensais pas pouvoir être ému un jour par un texte de Francis Jammes, tant sa poésie m’a toujours laissé un goût mièvre en arrière-bouche, De l’Angelus de l’aube à l’Angelus du soir et en dépit du Deuil des primevères et des Clairières dans le ciel... Or, à la faveur d’un salon du livre ancien qui s’est tenu à Bayonne dimanche dernier, j’ai fait l’acquisition d’un petit bijou intitulé Portrait de la France, Basses-Pyrénées, Histoire naturelle et poétique, par Francis Jammes, aux éditions Émile-Paul frères, avec un frontispice sous calque signé Daragnès figurant deux pelotaris. La collection était dirigée par Jean-Louis Vaudoyer auquel nous devons notamment un très beau texte sur La Havane. Le propos de Jammes n’est évidemment pas celui d’un scientifique et sa description de la géologie manque de rigueur, comme les parties consacrées à la botanique et à la zoologie souffrent d’approximations sur lesquelles nous fermons volontiers les yeux tout en regrettant que l’ouvrage ne soit visiblement pas passé sous les fourches caudines d’un éditeur scrupuleux. Jammes écrit par exemple que « Louhossoa signifie la mer » (Itsasoa, en Basque), et que l’alose est « une sardine d’environ cinq livres dont la chair délicate a le goût de la brise du premier printemps ». Il lui est beaucoup pardonné pour cette comparaison. La pibale, du temps de Jammes, semblait mal cuisinée : « Fraîche, elle est difficile à bien frire à cause du mastic poisseux qu’en grand nombre elle forme ». C’est avec son florilège consacré aux oiseaux que Jammes émeut : « Les palombes ont la couleur des nuages orageux où se lève l’arc-en-ciel (leur gorge) ». Au sujet du lagopède en plumage hivernal : « La perdrix blanche est une poignée de flocons qui a pris vie ». Aux yeux du poète, « la bécasse a l’air d’un bouquin de cuisine savante, relié en feuilles mortes, et chiné aux marges ». Mouais... « Fauvettes et rossignols enchantent successivement, c’est-à-dire la nuit après le jour, les fiancés et les époux ». L’écureuil, quant à lui, « ressemble, quand il s’ébroue au sommet d’un chêne, à un éclaboussement de soleil ». La flore suggère également des images tendres, comme les « lianes élancées, vertes, luisantes, retombantes, des églantines telles que des cascades où frissonneraient des jeunes filles ». À la page 62 de ce petit ouvrage, j’ai fait une découverte bouleversante en apprenant que la cardère - cette plante haute et piquante qui ressemble au chardon et qui pousse à la faveur des parcelles laissées en friche - est surnommée le cabaret des oiseaux parce que ses feuilles « rembrassantes », soit réunies à leur base en godet, retiennent l’eau de pluie et désaltèrent les passereaux, notamment le chardonneret, les jours de forte chaleur. Le chardonneret apprécie aussi, surtout l'hiver, les petites graines riches en huile contenues dans la fleur de la cardère. Le cabaret des oiseaux m’a laissé rêveur, d’autant que le chardonneret est l’un de mes trois passereaux préférés, avec le merle et le rouge-gorge... L.M.

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    ©le jardin de lucie

  • Arrivato

    Bon, ça y est, il m'est parvenu, ainsi qu'à la presse. Il sera en librairie le 27 de ce mois (première signature officielle le 29 à Cultura/Anglet).

    Réservez-le auprès de votre libraire. On en reparle bientôt.

    (Je l'ai aussitôt relu pour me livrer à une chasse à la coquille. Je n'en ai trouvé aucune parmi ses 190 pages.  À la bonne heure).

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  • Petit éloge amoureux...

    Voici ce que mon éditeur publie ce matin sur son compte Instagram :

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  • Secs constats

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    Je me trouvais dimanche 23 en Baie du Mont Saint-Michel, sur les prés salés, partageant l'herbe que je foulais avec de réputés moutons aux saveurs singulières, pour une marche tiédie par un air étonnamment hors-saison. Justement, l'herbe. Celle-ci crissait sous la botte par endroits, et pas une goutte d'eau n'irriguait ni les canaux au fond craquelé, ni les mares des huttes de chasse. Tout était sec jusqu'à la lisière du Mont, l'eau retrouvée. Je levai en marchant quelques alouettes, des étourneaux picoraient les crottes de moutons, de rares goélands leucophores s'envolaient à regret à mon approche, des corneilles noires demeuraient; arrogantes - il faut s'y faire depuis un certain nombre d'années. Aucun bec plat, canard ou sarcelle, aucune bécassine, aucun autre limicole, et rien qui striait le ciel, ni pluviers, ni courlis, ni pieds-rouges (chevaliers gambette) - ah si, un vanneau égaré, esseulé sans doute, cria son désarroi en virevoltant à basse altitude, sur le chemin du retour. Pour un peu, je n'aurais pas été surpris de voir décoller une ganga cata. Non, j'exagère. Mais j'y pensais, car j'étais inquiet, voire attristé.

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    Hier matin, en randonnant du côté d'Etxalar, au Pays basque espagnol (pas loin de Zugarramurdi et Sare), je levai de rares grives sur un sol vert et dru, tandis qu'habituellement elles auraient dû fuser en bouquet de chaque buisson, fut-il d'ajoncs et de ronces. Des vautours fauves planaient en spirale, des milans royaux maraudaient. Quelques coups de feu signalaient un passage timide de palombes peut-être ; de grives plutôt. Le ciel était gris, l'atmosphère opaque, et comme ourdie par un silence inhabituel. Je me suis dit que la migration, qui devrait battre son plein, était en berne, ou bien en grève, ou alors à la messe.

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    Ce matin, du côté de Bidart, levé à l'extrême pointe de l'aube, café en main, j'eus la joie de voir passer trois maigres vols de palombes, et surtout d'observer des grives musiciennes en migration, mais stationnant afin de se refaire la cerise avant de reprendre leur route vers l'Espagne et au-delà. Elles étaient cependant là, à portée, allant d'une branche à l'autre tout autour, des hauts pins aux petits bosquets, de la haie garnie de lierre et de glycine au laurier rose qui perd peu à peu ses fleurs. J'en conçus une nouvelle et amère constatation. Les grives (musicienne et mauvis, surtout), avaient un peu déserté octobre et novembre ces dernières années, et je m'en étais inquiété. Les voilà qui réapparaissent, en nombre, et c'est tellement heureux. Mais, l'urbanisation et l'invasion du territoire péri-urbain, lequel gagne la campagne, l'espace sauvage, empiète sur le biotope animal, mange l'environnement de l'oiseau. Ainsi, la grive reprend-elle des forces dans les jardins, soit là où il y avait auparavant des haies riches en baies, et des prés sous-cutanés de lombrics gras. Aussi, l'espace vital animal se confond-il désormais avec l'expansion des besoins en logement de l'homme (sur la Côte basque, cela est criant, voire révoltant : où que l'on se trouve, il y a dans notre champ de vision un immeuble en construction ou une grue trônant au coeur d'un chantier). Les grives, donc, s'accommodent des villas, des maisons, des jardins, des rues et des routes bruyantes, où leur instinct les ramène comme un aimant les attirerait inexorablement ; à leur corps défendant. Ainsi se désensauvagent-elles, et c'est cela qui m'est douloureux. L.M.

  • Un an plus tard

    Cliquez là => LE BRUISSEMENT DU MONDE

    Léon Mazzella capture quelques fragments du monde pour en saisir toute la volatilité sensuelle.

    Par THOMAS MORALES.

    Article paru dans Causeur.


    Le choix de la première chronique littéraire de l’année s’apparente à la cueillette des champignons, dans un sous-bois, à l’automne, quand la feuille morte rythme le pas, quand l’incertitude guide la main du critique. La pluie grise les sentiments, la nature protège et isole; le critique hésite, il tâtonne, il se rétracte parfois, puis il se lance, il a enfin trouvé le livre qui correspond à son souffle intérieur, à son émotion du moment, à sa volonté de ne pas ensorceler le monde. En 2021, l’esprit ne sera ni à la querelle incestueuse, ni à la légèreté béate, plutôt à la beauté qui s’efface peu à peu, elle s’échappe, nous le sentons charnellement, et pourtant, il faut la retenir, s’incliner une dernière fois devant elle, la remercier encore et toujours. Se rappeler que sans elle, nous sommes des êtres désarticulés, surnuméraires fantômes. Cette beauté fugace n’est pas grandiloquente, elle ne bombe pas le torse, elle ne nous fait pas du gringue au coin d’une rue ou à la lecture d’un paragraphe trop étincelant; discrète, elle sait tenir ses distances.

    Mazzella caresse le désenchantement

    Elle s’apprivoise difficilement. L’écrivain Léon Mazzella, styliste des terres basques, grand spécialiste du vin, part à sa recherche dans Le Bruissement du monde aux éditions Passiflore. Il est de ces explorateurs esthètes qui ne surjouent pas la surprise ou l’émerveillement. Ce gracquien sème la chronique au vent, sans charger sa phrase d’un affect débordant, elle garde sa pureté originelle tout en susurrant son pouvoir d’abstraction. Là, réside le charme vivifiant de ce recueil buissonnier qui promène son bonheur de vivre entre fragments, souvenirs d’enfance, nostalgie du cœur, sens de la transmission et plaisir du palais. Mazzella nous touche car, avouons-le, il caresse notre vieux monde, il cajole notre désenchantement, il ouvre la volière de notre mémoire. Ne vous méprenez pas sur son dessein, il ne panthéonise pas le passé, ce n’est pas un embaumeur, plutôt un exhausteur de goût. Son toucher de plume lifte l’existence, lui donne du rebond. Nous avons les mêmes codes d’entrée, les mêmes marottes, les Renault Floride et les chevauchées landaises de Christine de Rivoyre

    Compagnon hussard

    Avec ce compagnon hussard, on se rappelle d’un texte lu à l’adolescence qui a fait chavirer notre suffisance, on se met alors à dessiner des volutes de Havane dans le ciel laiteux de la province française, à rêver aux seins obuesques de Silvana Mangano dans « Riz amer » ou à la bouche désirable de l’impénétrable Monica Vitti. À nous extraire simplement de notre quotidien par le talent des autres, voilà un résumé de ce que fut notre jeunesse. Pour nous, garçons ahuris, bouffis de caractères d’imprimerie et de cinéphilie, la réalité passe souvent par le tamis de la fiction. Mazzella est un merveilleux brouilleur de météo, il détraque toutes les horloges. Avec lui, la chronologie s’émancipe des dates. On le suit avec gourmandise dans cette belle littérature, giboyeuse et sauvage des Trente Glorieuses puis, le texte suivant, il nous ramène au présent, dans le spectacle chantant d’une bergeronnette grise ou la pesanteur ensoleillée d’un champ de maïs. Tantôt mélodiste d’antan, tantôt aquarelliste du paysage en mouvement, sa mélancolie sous-jacente n’est ancrée dans aucun port d’attache. Elle est libre, elle se moque des convenances, elle cabote sur des côtes intimes. C’est pourquoi nous prenons autant de plaisir à le lire, surtout quand il écrit: « Je suis Claude Sautet » ou qu’il fait l’éloge du stylo à plume: « Bonheur de retrouver le glissement de l’encre, sa fluidité, et le crissement sur le papier vergé ivoire, cette teinte bleu nuit qui forme les lettres, les mots qui naissent, le mouvement du poignet, le sang qui afflue sur la dernière phalange de l’index comme si nous labourions ». Mazzella sait, par instinct, qu’un bon livre ne ressemble pas à une autoroute rectiligne, il doit cahoter, ne jamais utiliser le même instrument de musique, de la variété naît l’harmonie. Mazzella ose passer de Gracq au Bricomarché, sublime impertinence et poésie de l’infiniment petit, de Calet à Anouk Aimée, de Larbaud à une libellule indisciplinée, de Gómez de la Serna au croquant du chipiron. Vive 2021 !

    Le Bruissement du monde de Léon Mazzella – éditions Passiflore.

    Le Bruissement du monde

    Price: 15,00 €

     

     
     
  • Vivement le 13 janvier

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    Je tombe à l'instant sur l'annonce de la parution de mon prochain livre en surfant sur la Toile, à la recherche d'une référence bibliographique. J'ignorais qu'il était déjà signalé, notamment sur les plateformes de vente comme FNAC, Decitre, Amazon, etc. Il en va des livres comme des maillots de bain ou des manteaux : on achète les premiers en hiver et les seconds en été, lorsqu'ils apparaissent aux vitrines. Il en va ainsi de tout, au fond, sauf des fraises des quatre saisons qui naissent sous serre. Anticiper, cela me connait. Le métier de journaliste consiste aussi à avoir un temps d'avance, ne serait-ce que pour des questions de dates de bouclage. Sauf que là, il faut attendre. On peut juste réserver, pré-acheter (directement sur le site de l'éditeur, d'ailleurs). Bien, puisque ce n'est plus un secret, voici ce qu'en dit, justement, mon éditeur => Le Bruissement du monde À présent, il me tarde de distribuer le faire-part de naissance du petit dernier... L.M.

  • Sensations furtives

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    Les lièvres bouquinent encore, ou bien ils s’amusent, se roulent même dans l'herbe comme des chiens, très tôt le matin, et moi-même je lis plusieurs heures par jour, sous le saule pleureur, ou bien sous les bouleaux, ou encore sous les tilleuls, où finira l'été... Bref, je suis la course du soleil, livre (ou bouquin) en main. Les perdreaux rouges et de beaux coqs faisans s’aventurent jusque devant la cuisine. Je « lève » des chevreuils dans les haies comme des grives, à deux ou trois mètres devant mes bottes, lors de mes longues marches quotidiennes. Le chant des grenouilles le soir, loin d’être entêtant, est envoûtant. Les tulipes jaunes et rouges, les jonquilles, la glycine, des centaines de pâquerettes, de pissenlits, de boutons d’or et d’autres fleurs bleues et jaunes aussi que je n’identifie pas n’illuminent plus la pelouse, devenue jaune ; brûlée. Résistent les roses, les marguerites, et un regain de glycine. Le chèvrefeuille embaume l'atmosphère lorsque je passe devant lui comme le font les belles parfumées au jasmin croisées dans les rues piétonnes. Les poires sont encore un peu dures, je les tâte tous les deux ou trois jours. Les cris de rappel des faisans, l’aboiement des chevreuils, le passage d’un renard, le vol rasant des hirondelles, celui du Saint-Esprit du faucon crécerelle, le piaillement des moineaux dans les roseaux au crépuscule à l’heure du rosé frappé et de la kémia, sont autant de marques de beauté simple. Ces deux étourneaux qui ont niché étrangement dans une meurtrière (l’entrée d’un ancien pigeonnier) au-dessus du bûcher, et qui s’envolent chaque fois que je passe devant, pour revenir quelques minutes plus tard, deviennent des amis. Un couple de colverts fait de même, sur la mare. Je les « lève », ils font un grand arc de cercle et reviennent en planant, mais ne se reposent pas tant que je n’ai pas disparu du cadre. Un couple de palombes a eu l’audace de construire son nid fait de branches grossières et a priori inconfortables entre deux poutres de la grange (dite) du renard. La seconde nichée progresse, la première est déjà volante. Les moro-sphinx et leur vol stationnaire d’une grâce inouïe disputent aimablement la lavande aux bourdons. Les lézards lézardent, les taons m’agacent, le silence est parfois oppressant et la chaleur, depuis quelques jours, légèrement étouffante. Cela pourrait être pire, je le sais. L.M.

  • Ornithologie, humanisme, etc.

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    Grégoire Loïs est ornithologue et il travaille au Muséum national d'Histoire naturelle. Autant dire qu'il vit avec un greffon autour du cou en forme de lourdes jumelles autrichiennes increvables  - identiques à celles qui ne nous quittent guère, et qui nous ont permis d'observer ce jour - ô joie -, tout en achevant la lecture de son beau récit intitulé Ce que les oiseaux ont à nous dire (Fayard), une Grande Aigrette qui planait dehors et qui se posa dans les champs juste devant nos yeux, et y demeura, longue tache blanche, une bonne partie de la journée. Son livre évoque d'ailleurs cet oiseau rare et majestueux, dont le retour semble sauver enfin l'espèce. Le chapitre consacré au Merle noir, dans ce livre joliment écrit, est tellement beau, tellement vrai, que l'on a envie de le lire à ses proches, à ses enfants, et de l'envoyer à tous ceux qui possèdent une sensibilité particulière à l'égard des oiseaux en général, qu'ils soient familiers, rares, majestueux, mal-aimés, mystérieux. Le Merle... Sans doute l'oiseau qui offre le plus beau chant du monde - au moins de la gent ailée. Son chant, écrit Grégoire Loïs, est une promesse d'éternité... C'est le chant sublime de l'au-delà... Ce qui rend la musique du Merle si belle, ce sont ses pauses entre chacune de ses phrases decrescendo. (Et prions pour que le virus Usutu qui décime les merles disparaisse). Loïs écrit avec sensibilité, tendresse et bien sûr connaissance. Il partage avec son lecteur ses émotions, ses découvertes, en compagnie d'Anne, sa femme, puis de leur fils Tanguy (la relève), et l'Avocette élégante devient ainsi pleine de grâce, le Grand Tétras a une carrure mythologique, le Freux est moins affreux, le Rouge-Gorge confirme son agressivité, la Pie-grièche sa cruauté, la Chouette effraie, ou Dame blanche, demeure aussi furtive que majestueuse. Il est aussi question du silence des oiseaux. Soit de leur progressive disparition. Les signes sont forts, les statistiques inquiétantes, l'agriculture bashing justifié à cause de ses pratiques culturales tenaces et chimiquement intenables, car les Printemps s'avèrent de plus en plus calmes. Et puis, il y a des lueurs d'espoir ici et là, et des rencontres insolites, comme celle que l'auteur et son fils firent avec six Ibis falcinelle égarés dans les barthes de l'Adour, comme une déclaration d'amour aux oiseaux de tous les pays.

    Capture d’écran 2019-12-09 à 14.34.45.pngRé-ensauvageons la France est un beau cri prononcé par Gilbert Cochet et Stéphane Durand (Actes Sud, dans la remarquable collection Mondes Sauvages). Ce plaidoyer pour une nature sauvage et libre (c'est le sous-titre), est un cri d'alarme assorti d'une batterie de propositions encourageantes, optimistes. Les constats sont durs, au chapitre de la litanie des disparitions, des dangers en tout genre, et du spectre de l'annihilation biologique qui menacerait évidemment l'espèce humaine à la suite des espèces animales. La Nature résiste pourtant avec une belle énergie. La forêt prospère, le grand gibier aussi (peut-être trop, selon les agriculteurs et les sylviculteurs), les grands prédateurs (ours, loup, lynx) reviennent, accompagnés parfois par des programmes naturalistes controversés. Il y a toute la place dans notre bel hexagone pour accueillir une biodiversité large, renaissante, plus nombreuse, plus variée, et en pleine forme. Ce livre de deux spécialistes (Cochet est agrégé de Sciences de la vie et de la terre, et il est attaché au Muséum national d'histoire naturelle. Durand est biologiste et ornithologue), parie sur une nouvelle alliance basée sur le triptyque abondance/diversité/proximité. Preuves à l'appui en 176 pages toniques et bourrées d'informations fraîches et précises.

    Capture d’écran 2019-12-09 à 14.39.39.pngSur un autre registre, Marion Ernwein donne Les natures de la ville néolibérale. Sous-titré : Une écologie politique du végétal urbain (UGA éditions : Université Grenoble Alpes, collection Ecotopiques). Fruit d'une enquête de terrain menée à Genève notamment sur plusieurs années, cet ouvrage d'une richesse et d'une culture immenses, emprunte autant à la philosophie qu'à l'architecture, à la sociologie et bien sûr aux sciences naturelles, et intéressera au premier chef les paysagistes et tous ceux qui ont souci des politiques d'aménagement d'espaces verts urbains, non plus comme des natures mortes, mais de plus en plus vivants, participatifs, dynamiques, inscrits dans un bien-être collectif durable, écosystémique, et néanmoins hyper urbain. L'auteur enseigne la géographie à Oxford, et développe ici, avec brio, une nouvelle écologie politique du végétal urbain donc, à la lumière des nouveaux enjeux environnementaux. Magistral. L.M.

     

  • Dans mes jumelles

    IMG_20191111_151041_resized_20191111_034348943.jpgIMG_20191111_151110_resized_20191111_034225637.jpgIMG_20191111_151127_resized_20191111_034349666.jpgIMG_20191111_151204_resized_20191111_034349301.jpgIMG_20191111_151230_resized_20191111_034224946.jpgIMG_20191111_151422_resized_20191111_034113425.jpgIMG_20191111_151503_resized_20191111_034113012.jpgCette fin d'après-midi du 11 novembre, trois chevreuils sur les cinq ayant passé la journée, ou peu s'en faut, couchés dans l'herbe comme chez Manet, parfois les deux yeux fermés, ce qui est rare (mes jumelles en témoignent), sont venus musarder et brouter quelques roses tardives sous les fenêtres de ma cuisine.

    En particulier ce jeune brocard en sa seconde année de vie, avec des bois tendres lui poussant, et déjà en velours.

    Autre bonheur, hier, que celui d'entendre cancaner à qui mieux mieux, bruyamment au-dessus de ma tête, à une trentaine de mètres d'altitude à peine, quarante-deux oies grises sans doute épuisées par un long vol de migration, en quête de repos des muscles de leurs ailes, et de quelque nourriture capable de reconstituer autant que faire se peut leurs réserves de graisse, car la route est longue qui les conduira jusqu'en Afrique.

    Elles eurent l'élégance de se poser sur le champ devant chez moi, et d'y picorer à l'aise, en son centre afin de voir le danger venir de loin, des heures durant, le maïs oublié par les machines.

    Voisinaient plus d'une centaine de palombes, en migration elles aussi, qu'agaçaient de nombreux corbeaux freux, sédentaires et guère accueillants. Parlez-moi d'éthologie !..

    Un surcroît de bonheur surgit d'une grive draine venue grappiller ce qui reste de ma vigne que l'on dit vierge, et d'un couple de mésanges bleues occupé à se poursuivre comme des gosses autour d'un érable devenu malingre. Jouissif. L.M.

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    Photos prises à l'aide d'un vulgaire smartphone, derrière une vitre afin de ne pas effaroucher les animaux, d'où les reflets inconvenants. Je m'en excuse. Le 24x36 étant sans batterie, et le téléphone alors inopérant, je n'ai pu capturer le vol d'oies sauvages. Je le regrette... à peine.

  • Rotterdam

    J’ai quinze ans. Mon père tient à ce que je l’accompagne à Rotterdam pour l’acquisition d’un nouveau cargo de l’armement familial, le Niels Frelsen, qui deviendra le Cap Falcon. Nous prenons la route depuis Bayonne dans la DS blanche immatriculée 813 LY 64 (j’ai toujours eu la mémoire inutile des plaques d’immatriculation – je peux en réciter une douzaine -, de véhicules ayant appartenu à des proches : 426 HW 64, la 404 rouge étrange, mi bordeaux, mi grenache de Naphtali, 714 GG 64, la Ford Anglia jaune pâle de mon grand-père maternel, 278 LZ 64, la Simca 1100 bleu métallisé de Maman - et nous prononcions alors l'adjectif avec le sentiment d'être à la mode -, et sa Floride décapotable blanche : 837 GQ 64, tant d'autres - mes propres véhicules à deux et quatre roues. Je retenais aussi les numéros de téléphone, c'était plus utile). J’ai en stock des détails gravés. Au Park Hôtel, où nous séjournons quatre nuits, nous mangeons rituellement des T-bone steacks et nous buvons (moi, à peine) de la bière Amstel. Sur le port, je suis captivé par le ballet incessant de centaines d’étourneaux, dont beaucoup sont immatures, en plumage beige, et par les goélands qui agacent les colverts nageant le long des canaux. Au fond de la cale sèche, l’énorme bateau gris à coque rouge mat est posé sur de simples traverses en bois. Cela m’impressionne. Je prends des photos avec mon Phokina 35 aux allures de boîtier 24/36 soviétique. Je sens dans le regard de mon père un plaisir immense de me voir là, avec lui. Je ne pense qu’aux oiseaux. De longues années après, je m’intéresserai à la mer, aux bateaux, au métier d'armateur qu’il pratiqua. Devenu père, j’ai ressenti ce grand bonheur de partager quelque chose d’essentiel dans la vie avec l’un de mes enfants. Hier soir, quarante-cinq ans après ce voyage à Rotterdam qui marqua tant mon père, j’ai eu la chance de montrer à mes deux enfants des traces de sangliers venus boire à la mare la nuit dernière, une crotte de renard audacieusement laissée presque devant notre porte, les plumes d’une palombe qui fut empiétée par une buse, à la pointe de l’aube sans doute, et d’autres de la chouette effraie qui niche dans l’une des granges. Dans les jumelles, nous avons observé tour à tour deux, trois, puis cinq chevreuils et quelques lièvres. Enfin, nous avons trinqué avec du cidre élaboré par un presque voisin, et dîné devant la cheminée d'une quasi rituelle côte de boeuf généreusement maturée, sur la longue table de ferme en chêne qui ne me quitte pas depuis mes seize ans. L.M.

  • L’effraie, c’est la patronne

    Capture d’écran 2019-08-08 à 00.25.31.pngElle niche dans l’une des granges et sort tard, la nuit. Mais je veille encore, tire sur un cigare ou pas, contemple les étoiles, écoute les froissements, les chuintements, les cris, le silence ; le temps. Alors, depuis le faîte, elle ouvre ses ailes vers minuit, et se lance, décrit une courbe, tombe bas, rase le sol, évite joliment le mirabellier, puis remonte très vite et me frôle la tête, ou peu s’en faut. Cela fait déjà deux fois. Deux soirs de suite. Signe. Par son vol d’intimidation caractéristique, cette chouette effraie me signifie que je suis moins chez moi qu’elle n’est chez elle. Qu’elle entend bien rester ici, en posant ses conditions. C’est elle la patronne. J’obtempère mais elle ne le sait pas. J’aime. L.M.

  • La panthère du Jardin des Plantes

    Son regard, à force d’user les barreaux
    s’est tant épuisé qu’il ne retient plus rien.
    Il lui semble que le monde est fait
    de milliers de barreaux et au-delà rien.

    La démarche feutrée aux pas souples et forts,
    elle tourne en rond dans un cercle étroit,
    c’est comme une danse de forces autour d’un centre
    où se tient engourdie une volonté puissante.

    Parfois se lève le rideau des pupilles
    sans bruit. Une image y pénètre,
    parcourt le silence tendu des membres
    et arrivant au coeur, s’évanouit.

    Rainer Maria Rilke, 6 novembre 1902 (traduction de Lorand Gaspar).

    Capture d’écran 2018-11-04 à 02.23.39.pngCapture d’écran 2018-11-04 à 02.19.05.pngTandis que je me promenais comme je le fais parfois dans la Ménagerie du Jardin des Plantes à Paris, histoire de saluer les animaux emprisonnés, de bêtement tenter par le regard de soulager celui de l'Harfang des neiges, de l'oryx d'Arabie, du gaur, de l'orang-outan, ou encore de la panthère des neiges, je repensais à ce poème poignant de Rilke écrit ici même il y a 116 ans. La danse tragique de la panthère n'a pas changé... L.M.

  • piocs

    IMG_20180812_122457_resized_20180812_122538992.jpgCapture d’écran 2018-08-12 à 12.14.59.png

     

    IMG_20180806_105836_resized_20180812_122833640.jpgIMG_20180806_175942_1_resized_20180812_122548999.jpgIMG_20180808_202559_resized_20180809_114620048.jpgJean Rolin (*), auteur du « Traquet kurde » (POL) avoue à Pascale Nivelle, qui brosse (bien, comme d'habitude, depuis ses années Libé) son portrait pour "M/Le Monde", que sa « bible » est l’ouvrage de l’ornithologue James Bond au sujet des oiseaux des Antilles et des Bahamas (attaque et début du papier ci-dessus).

    La mienne (je me permets) est plus casanière, puisque c’est « le Peterson » comme on dit dans le milieu des barjots de piocs. : « Le Guide des oiseaux d’Europe », de R. Peterson, G. Mountfort, P. Hollom et P. Géroudet (photo).

    Mais, j’avoue que lorsque j’ai acheté le guide de James Bond sur l’île de Petit Saint-Vincent (archipel antillais des Grenadines) le 27 mars 1991 (celle de l’achat de mon premier Peterson – puisqu’il en faut également un dans la voiture, et un troisième au cas où... Quoi ? -Non, rien... date du 24 mars 1978 – j’avais dix-neuf ans et encore toutes mes dents), je n’ai pensé qu’à l’agent secret de Sa Majesté, et pas aux jumelles que ce J.B. là, à l'esprit sûrement blended, devait avoir pendues au cou à longueur de journée.

    Reste que le moineau ne piaille plus beaucoup aux terrasses parisiennes, où je me trouve pour trois jours depuis hier soir, mais qu'il prospère, joyeux, au bord de l'Adour, vers le petit port de plaisance avant La Barre, et les femelles y sont plus audacieuses que les mâles pour venir chiper à même les doigts les miettes que nous leur donnons au restaurant Le Poisson à voile...

    Je me suis néanmoins réjoui ce matin, tôt, d’apercevoir un faucon crécerelle en maraude au-dessus du Jardin des Plantes. Moins d’y observer l’arrogance grandissante de corneilles noires toujours plus nombreuses -et pour cause, comparable à celle des goélands argentés sur les plages atlantiques comme celle des Cavaliers, l'autre jour, aux abords des serviettes et au couchant, lorsque le monde s'en va (mais pas que). Car, l'évocation de ce James Bond là me donne l'occasion de dresser la liste des piocs vus ces derniers jours.

    J’y ai encore regretté le désensauvagement des étourneaux, lequel confine à celui des palombes (pigeons ramiers), grasses comme des notaires balzaciens, mais qui ne se mêleront jamais aux bisets, aussi dégénérés que bigarrés.

    J'ai enragé à la vue des cadavres de deux cigognes blanches, à Lasse (près de Saint-Jean-Pied-de-Port), sans doute flinguées par un petit (ou un gros) con avide de cartons faciles sur une espèce aussi protégée que gracile...

    Hier encore, en passant dans le Tarn-et-Garonne (du côté de Saint-Antonin-Noble-Val), puis aux abords du Quercy truffier (Lalbenque, etc), et avant-hier surtout, en montagne douce car basque (vers Iraty, et Valcarlos aussi), je savourais la vue de couples de milans noirs, de quelques royaux également, des vautours fauves se rassemblant pour une hypothétique curée sur une (désormais rare) brebis crevée - eu égard aux fulgurants progrès vétérinaires, je vis quelque perdrix - grise ! au bord de l’autoroute du retour, et rouge sur place, pas loin des Aldudes (lâcher?).

    De nombreuses buses variables, plantées sur des piquets de clôture, semblaient vouloir baliser la route de Roncevaux via le col d'Ibañeta. Sans doute digéraient-elles, repues, quelques mulots et autres rainettes, ou bien elles chassouillaient d'un oeil mi-vif et à faible hauteur.

    J’ai eu le bonheur d’observer un balbuzard pêcheur au-dessus de la Nive de Baïgorry, aperçu un seul martin-pêcheur, ai rêvé de voir un cincle plongeur - mais non, senti que les hirondelles de cheminée étaient pressées de partir, accrochées aux fils électriques d'Erratzu, en Navarre, vu de rares tourterelles des bois au vol traçant de sarcelle, en bifurquant vers Chiberta (Anglet).  

    Je ne pus (toujours pas) me résoudre à la vue devenue si banale de palombes partout, jusqu'ici, et là, lors que nous les attendions comme le Messie, que nous les espérions début octobre (du verbe espagnol esperar signifiant à la fois attendre et espérer), le coeur battant la chamade... Mais ça, c'était avant les bouleversements biologiques engendrés par le réchauffement de la planète, lequel aura la peau de toute migration, et de toute chose sensible.

    J'ai senti l’émotion de Jean Brana (une autre espèce de J.B.) lorsqu’il parlait des bouvreuils, des mésanges bleues et des chardonnerets qui fréquentent son vignoble pentu d’Irouléguy certifié HVE (Haute valeur environnementale), ou bien de ses pigeons voyageurs, qu’il s'en veut de négliger, tant le travail de la vigne l’accapare (ça débrouissaillait à tout va, avec son neveu Adrien, cette semaine).

    Les huppes fasciées semblent bien se porter. C’est bon signe. En « lisant » une rivière accorte - un affluent de l’Aveyron -, hier à l’heure du pique-nique composé de produits ibériques achetés dans une venta à taille humaine, à Dantxaria, et avant d’y plonger, je vis des ablettes. Elles figurent un marqueur écologique, comme les écrevisses vernaculaires, la sauterelle verte ordinaire, le phasme, certains papillons de nuit (mais je n'y connais rien en chasses subtiles nocturnes)... Leur présence signe une tranquillité naturelle, tant ces êtres sont fragiles et détestent à mourir la pimpante gamme des saloperies signées Monsanto (entre autres nuisances).

    Alors j’ai plongé de plaisir dans l'eau vivifiante, comme je le fis quelques jours plus tôt dans un torrent proche d'Estérençuby, après avoir copieusement déjeuné à l'auberge Carricaburu (père - ou plutôt mère : c'est elle qui officie en cuisine tandis que son époux agit, agile, en salle. J'avais somptueusement déjeuné la veille à l'Auberge d'Iparla, tenue par leur talentueux fils Stéphane, à Bidarray)...  

    Et plongeant, je criais le feu de mon bonheur d'être sur cette terre dans cette eau sous un ciel d'oiseaux. L.M.

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    (*) Nous avons aimé lire son Journal de Gand aux Aléoutiennes, sa Ligne de Front, son Vu sur la mer, sa Frontière belge, ses Zones, et même son Dinard (avec des photos de Kate Barry), à leur parution.

    Autres photos : la Nive à Saint-Étienne-de-Baïgorry. Ligne de montagnes depuis le col d'Odixar (Iraty). Le vignoble de Jean Brana depuis la terrasse de l'Arradoy (Ispoure).

     

  • Garden_Lab

    Capture d’écran 2017-02-28 à 09.18.09.png

    C’est le nom d’un nouveau mook (magazine-book) trimestriel qui se propose d’explorer « les jardins de demain », notamment urbains, mais pas seulement, « pour tous les jardiniers d’aujourd’hui » – soit vous et moi. Une équipe de spécialistes (notamment d’anciens de Mon jardin & ma maison) présente des « balades inspirantes », des expériences, des témoignages d’aménagements de micro-jardins (par exemple) ingénieux, originaux, esthétiques, écologiques, expose des réalisations envisageant l’habitat autrement, avec davantage de vert, y compris dedans. Le métier de paysagiste est donc ici capital. Ceux de décorateur et d’architecte d’intérieur également. Mais le mook ne s’adresse pas aux spécialistes seulement.

    Ce premier numéro a pour thème général « Couleurs et matières ». Un entretien avec deux paysagistes sur « le jardin de demain intégré à l’habitat », le récit de la réalisation collective d’un « champicomposteur », une histoire de la rose, etCapture d’écran 2017-02-28 à 09.24.39.png une échappée indienne à travers un carnet de croquis, entre autres, donnent un ton délicat au magazine.

    Garden_Fab le prolonge sur le Net. Il s’agit d’une plateforme, sorte de boîte à outils pour créer son jardin en ligne, où des pros (paysagistes, pépiniéristes, artisans créatifs), prodiguent leurs conseils, trucs et astuces pour réaliser soi-même des mises en scène originales.

    Le n°2 aura pour thématique principale « Jeux et lumière ». A suivre.

    L.M.

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    Garden_Lab est une publication des éditions Rue de l’échiquier. 176 p. 19,90€

  • L’exotique du quotidien

    Qu’on ne se méprenne pas, il s’agit là d’un plaisir de physionomiste, pas de fan. D’un plaisir d’ornithologue, aussi. Reconnaître un oiseau en vol par grand vent debout, ou un écrivain qui s’engouffre dans une voiture, est un plaisir égal, qui trouve sa source dans la re-connaissance. Le salaire de la mémoire est un juste plaisir.

    Capture d’écran 2016-12-19 à 20.53.34.png

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Musarder à Paris présente l’avantage d’y croiser « des gens ». Il y a quelques mois, par exemple, j’ai vu Anouk Aimée boulevard Raspail, et je fus frappé par la classe intacte d’une femme splendide. Je garderai toujours l’image de son regard qui croisa le mien, devant la librairie Gallimard, où j’espérais qu’elle fasse une halte. J’aurais alors poussé la porte sans effort afin de prolonger l’observation. Un après-midi, tandis que je trafiquais parmi les « collection Blanche » dans cette belle librairie, c’est François Mitterrand, alors locataire de l’Élysée, qui s’y arrêta, et y acheta quelques ouvrages. Sa présence envahît absolument le lieu comme un chant de silence. Aujourd’hui –cet après-midi, lundi 19 décembre, c’est Emmanuelle Béart que j’ai vue rue Gracieuse, mais comme elle était emmitouflée à la manière d’un bébé Inuit calé dans sa poussette, il a fallu qu’elle me frôle pour que je la reconnaisse. Je ne sais qui, du succès ou des frimas, l’oblige à se dissimuler sous la silhouette de Bibendum. Il m’arrivait, il y a quelques années, de prendre le bus n°83 en même temps que Laetitia Casta, et mon cœur cognait tellement que je regardais ma chemise, car je pensais naïvement qu’elle pouvait la voir trembler. Un peu comme lorsque, dans une autre vie, j’approchais à plat ventre un cerf ou un vol de vanneaux. Quand François Cheng monte dans le n°27 en même temps que moi, cela me procure une émotion poétique, davantage empreinte de sagesse. Mon cœur demeure au ralenti. Croiser régulièrement « ceux du quartier », les familiers, ou ceux qui y frayent fréquemment : Jean-Pierre Léaud, Daniel Pennac, Jacques-Pierre Amette, Monica Bellucci et ses filles, Tahar Ben Jelloun, Nancy Huston, les époux Tiberi, Hervé Vilard, Mathilde Saignier, n’émeut guère plus. C’est s’ils viennent à manquer au paysage que l’on s’interroge, puisqu’ils en dessinent pour partie les contours. Et je cite ces noms comme j’énumèrerais chevalier gambette, courlis corlieu, pluvier doré, bécassine sourde, sarcelle d’hiver et râle des genêts – pour me limiter à un biotope de zones humides, lequel a ma préférence… Tu as pris quoi aujourd’hui ? (tu as vu qui, tantôt). Je plumerai plus tard (je te raconterai les rues) – envie d’un hot whiskey et d’un disque de Savall, avant, je déchausse, décompresse, puis je m’occupe de tout, chérie… En revanche, ce qui émoustille, c’est de voir une espèce égarée, comme on le dit d’un oiseau migrateur repéré hors de ses couloirs et territoires habituels. Soit, un germanopratin à Belleville, ou un people du 7ème en plein 13ème. Pour un peu, nous serions tenté de lui demander visa et carnet de vaccination. Car, rien n’est plus simple que de vouloir observer une concentration d’écrivains du côté de l’Odéon, puisque c’est leur réserve, leur lieu de gagnage. La trophéite y est fastoche. Il n’y a qu’à zyeuter dans le tas… Non, plus excitants sont la billebaude et l’approche, surtout. Lorsque je vivais encore à Bordeaux, et que je correspondais seulement par lettres avec Julien Gracq, il m’arriva de venir à Paris (juste) pour y jouer le paparazzi-ornitho rue de Grenelle, afin de guetter sa sortie de chez lui; il vivait au n°61. J’eus un foudroiement incandescent dans le ventre lorsqu’il apparut, vêtu d’un manteau gris à chevrons et la tête recouverte d’une toque en Astrakan. Lorsqu’il disparut, happé par l’escalier, à l’entrée du métro Bac, je fus saisi d’un vertige douloureux, comme si je m’étais trouvé au bord d’une falaise de la côte normande, par vent arrière… Aujourd’hui, je me souviens aussi de grands disparus, croisés au hasard des rues : Emil Cioran, Albert Cossery, Antoine Blondin… Et aussi de moments : Patrick Modiano, le bien vivant, photocopiant Un pedigree, rue de Vaugirard, tandis que je photocopiais aussi un truc à côté de lui. Là, j’étais sans planque, sans jumelles, et l’oiseau (pas) rare – il habite à un jet de galet de là -, s’était posé devant mes bottes, bécassine se laissant tomber comme une pierre, au mépris de toute méfiance, entre chienne et louve, dans un marais accorte et avec force « ffrrrrrt » produit par les plumes de sa queue. Ce qui pour moi, encore aujourd'hui, symbolise la confiance aveugle absolue… Mais la faune que je préfère, c’est celle à laquelle je rends fréquemment visite, quand je le souhaite : les animaux du zoo du Jardin des Plantes sont mes potes. Une faune emprisonnée. Je leur fais donc des coucous de courtoisie, non sans une certaine tristesse, que je tache de dissimuler de mon mieux. Il m’arrive de parler à un oryx, à une chouette harfang, à un orang-outan, à un ara, une panthère des neiges. J’agis discrètement, afin de ne pas éveiller le regard de mes congénères, qui serait torve. J’ai de l’amitié pour les nombreuses corneilles qui prospèrent là - pourtant, elles sont invasives et de plus en plus arrogantes -, pour les palombes si grasses qu’elles répugnent à voleter jusqu’aux jardins du Luxembourg voisins, et pour les faucons crécerelle au vol furtif et rasant, qui ne cessent de chasser au-dessus de nos têtes. Et c’est ainsi que Paris est grand. L.M.

    Photo de bécassine des marais : © J.-P. Siblet

  • Picorage du mois

    téléchargement.jpegL'ami Christian Authier a décroché le Renaudot essai pour son magnifique De chez nous (Stock), évoqué ici, ainsi que sur le Huff'Posthttp://bit.ly/1xg1ELM et je suis vraiment très heureux pour lui. On trinquera! (par parenthèse : dans la première sélection de l'Interallié, figuraient les noms de quatre potes : Stéphane Guibourgé, dont j'ai chroniqué ici aussi : http://bit.ly/1t6YVFy (ainsi que sur le Huf'Post), l'époustouflant Les fils de rien, les princes, les humiliés (Fayard), Christian Authier pour son précédent livre, Soldat d'Allah (Grasset), Jean-Marc Parisis - mais je n'ai pas encore lu ses Inoubliables (Flammarion)-, et Simonetta Greggio pour sa suite donnée à Dolce Vita, avec Les Nouveaux monstres (Stock). Reste seulement Simo en lice, et je croise les doigts, de pied y compris, pour qu'elle décroche le prix!).

    téléchargement (1).jpegSarah Bakewell, avec Comment vivre? Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponses (Livre de Poche) redonne la fringale de relire les Essais. C'est brillant, tonique, lumineux, simple et tutoyant. Nous suivons Montaigne pas à pas au fil de sa vie et de ses réflexions permanentes. Et nous nous disons que l'auteur d'un incomparable livre-vie, est définitivement notre auteur-miroir, notre meilleur compagnon de chaque jour, notre philosophe quotidien.

    Avec Les Napolitains, de Marcelle Padovani, Henry Dougiertéléchargement (2).jpeg (qui créa les éditions autrement) inaugure une collection, Lignes de vie d'un peuple, aux éditions HD, qui s'attachera à raconter les peuples aujourd'hui, par trop invisibles. En mettant en scène leurs valeurs, leurs interrogations, leurs créations, leurs passions en partage, à travers des narrations fortes, des portraits, des enquêtes de terrain rédigées par des écrivains un brin ethnologues, la collection promet d'offrir des histoires marquantes issues de cultures profondes. Avec Les Napolitains, déjà, c'est gagné : leur ironie dévastatrice, leur conscience aiguë du malheur de vivre, le bonheur simple de leur puissance d'exister spinozienne, leur sens inné d'acteurs tragiques -et comiques- de la comédie humaine, en font un peuple à part qui touche néanmoins à un certain universel, que d'aucuns lui envie. Titres à venir : Les Islandais, Les Catalans, les Ecossais, les Roumains, les Suisses, les Anglais, les Canadiens francophones, les Irlandais, les Brésiliens, les Indiens, les Ukrainiens : ça promet grave...

    téléchargement (3).jpegLe Dictionnaire chic de philosophie, de Frédéric Schiffter (Ecriture) est un abécédaire amoureux et désinvolte qui donne un salutaire coup de fouet à la philo. telle qu'on l'édite. Le prof-de-philo-surfeur-biarrot - à qui l'on doit également une délicieuse Petite philosophie du surf (Atlantica), est un dilettante de génie qui aime flirter dans tous les sens du terme : avec Montaigne, Cioran, Nietzsche téléchargement (4).jpeget les jolies filles, forcément. Nihilisme, bikinisme, mélancolie, dandysme, ivrognerie, onanisme, libertinage, naufrage amoureux, égoïsme, flemme et filles de la plage sont des entrées qui se côtoient et se frottent avec joie, dans ce gros bouquin à déguster comme Montaigne recommandait de lire : en picorant à la manière des poules.

    Les mots de l'époque (autrement), est le recueil destéléchargement (5).jpeg précieuses, savoureuses, toujours très attendues chroniques intitulées Juste un mot, que l'ami Didier Pourquery a donné au Monde, et qu'il donne à présent au Huff'Post. Réunies (il y en a 100), elles dessinent un bonheur : celui de relire la pensée incisive de Pourquery, son écoute suraiguë, et tendre aussi, du monde contemporain (des mots) tel qu'il gesticule, évolue, se métisse, se fond, se confond et enrichit nos parlers contemporains. Il y est question de tics, de trouvailles, d'extravagances du langage quotidien. De Waouh! à Bâtard, de "J'lui fais" à Genre!, de Réenchanter à Melon (avoir le), en passant par Célib', Deadline, P'tit mail, Souci (pas d'), et de Boucle (tu me mets dans la), à Revisité, Improbable, Dispo, Boulet, ou encore Impacter, et Au final, les billets de Didier sont la peinture en mots de notre temps : c'est précieux, précis, drôle, fin, subtil, et c'est de surcroît un bonheur d'écriture et donc de lecture. 

    téléchargement (6).jpegRomans, de Patrick Modiano est le Quarto (Gallimard) qu'il faut avoir chez soi, car il rassemble le meilleur de notre nouveau Nobel : Villa triste, Livret de famille, Rue des boutiques obscures (son Goncourt), Remise de peine, Chien de printemps, Dora Bruder (inoubliable livre!), Accident nocturne, Un pedigree (à nos yeux le plus touchant, car peut-être le plus vrai de ses livres), Dans le café de la jeunesse perdue (sans doute le plus abouti des Modiano), et L'horizon. Avec ça, je vous mets L'herbe des nuits, ainsi que Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier (le petit dernier, d'une tendresse extrême, qui fait forcément un carton en librairie), et je vous sers aussi Une jeunesse -Allez! Voustéléchargement (11).jpeg tenez là l'oeuvre d'un homme humble, qui s'exprime aussi mal à l'oral qu'il excelle, à l'écrit, à nous (re)dire le Paris des années noires de l'Occupation - et pas seulement. Le Quarto, Romans est par ailleurs enrichi d'un cahier de photos tirées des archives personnelles de l'auteur, qui en disent plus long qu'une biographie. Intime et pudique à la fois, comme Modiano lui-même.

    téléchargement (8).jpegJe me suis régalé à feuilleter, à m'arrêter ici ou là selon l'humeur, au fil des pages, de 365 expressions philosophiques expliquées, de Michel Brivot et Nicole Masson (Chêne), car c'est un rappel salutaire et ludique qui nous est fait, à partir de citations célèbres, assorties de leur explication simple, de leur contexte et de quelques mots sur leur auteur. C'est donc pédagogique, à glisser dans le sac à dos des ados, tiens! Afin qu'ils lâchent un instant leur outils 2.0 pour se pencher sur des pistes de réflexions bien connues, comme On ne naît pas femme, on le devient (Beauvoir), L'enfer, c'est les autres (Sartre), Rien n'est beau que le vrai : le vrai seul est aimable (Boileau), Ce qui est animal devient humain, ce qui est humain devient animal (Marx), etc. Ca ne peut pas faire de mal.

    Chez le même éditeur (Chêne), paraît un petit monument éditorial que tout amateurtéléchargement (9).jpeg de plantes doit posséder, car c'est une somme, signée d'un grand spécialiste, Jean-Marie Pelt, que c'est admirablement bien illustré de planches botaniques et de chromo anciens. Cela s'appelle Les Plantes qui guérissent, qui nourrissent, qui décorent (les trois parties de ce gros ouvrage). Un album de longue garde, comme on le dit de certains grands crus.

    Un mot, enfin, pour évoquer Encore des nouilles, recueil des téléchargement (10).jpegchroniques culinaires loufoques que le très regretté Pierre Desproges donna à Cuisine & Vins de France, de septembre 1984 à novembre 1985 (on s'en souvient bien!). C'est publié par Les Echappés, et c'est hilarant de la première à la dernière ligne On en pleure de bonheur en lisant, c'est du grand Desproges. Un grand régal. A table!

     

    Ecouter : Cat Power : The Greatest

    http://www.youtube.com/watch?v=QT9qM99l9Yk

  • Des arbres et des fleurs

    images (1).jpegLe beau livre des arbres et des fleurs que signe Dominique Pen Du -journaliste et auteur spécialisée (Chêne, 25€) faisait l'objet de deux ouvrages distincts parus l'an dernier. Réunis en un joli beau volume illustré de chromos anciennes : une page de texte sur un arbre ou une fleur et un chromo en face -telle est la maquette, d'une efficace simplicité, de ce dictionnaire compact de 350 pages. L'ouvrage offre plus de 160 entrées sous formes de fiches où l'anecdote est partout, et l'histoire, les termes vernaculaires, les rappels de certaines croyances dont la botanique est truffée sautent à chaque paragraphe. Le livre va d'Abies Pinsapo (le sapin d'Espagne) à Zinnia (une fleur de la famille des Astéracées), en passant par l'ancolie, la digitale, le mancenillier, le phlox, la reine-des-prés, le sycomore et encore la verveine... Une lecture vivifiante.

    images.jpegDans le même esprit, le somptueux Grand dictionnaire de mon petit jardin, d'Anne-France Dautheville (Belin, 28€), paru précédemment chez Minerva, est riche de 400 entrées où l'on passe en revue fleurs, arbres, insectes, oiseaux, maladies, haies, sol et autres serpents ou termes comme la floraison et concepts comme la ruse -car les herbes, mauvaises ou non, savent inventer des tours de passe-passe. Chaque note sur une plante, une fleur, un arbre, un fruit... délivre son bouquet d'informations insolites, d'enseignements historiques, anecdotiques ici aussi ou encore étymologiques. On ressort plus riche de chaque lecture faite au gré. Ce gros livre est de surcroît admirablement illustré de planches en couleurs et il comporte -cerise sur le gâteau-, des petits encadrés systématiques sur la culture (quand et comment planter) et les astuces (pour que ça pousse bien). C'est précieux. Il faut dire que son auteur est une spécialiste très cultivée, une voyageuse qui a sillonné le monde, discuté avec les jardiniers de tous les continents et qu'elle possède une plume alerte.

    images (2).jpegA la cueillette des plantes sauvages utiles. Plantes médicinales, tinctoriales, aromatiques, dépollueuses, fourragères... Ou comment savoir les reconnaître et minimiser le risque si l'on tente une aventure into the wild, ou bien si l'on souhaite par exemple fabriquer une eau de toilette personnalisée, ou vouloir bien identifier, tout simplement, les plantes sauvages entre elles. Tels sont les objets de ce livre très utile signé Nathalie Machon et Danielle Machon (Dunod, 15,90€). Ce guide "nouvelle génération", réalisé en collaboration avec le Muséum national d'Histoire naturelle, est extrêmement fiable et pratique. Il appartient à la collection L'amateur de Nature, qui rassemble des guides de terrain comme celui-ci, richement illustrés (par Delphine Zigoni, en l'occurrence), bourrés d'infos et d'astuces. A glisser dans le sac à dos.

    images (3).jpegPour un nouvel exotisme au jardin, de Jean-Michel Groult (Actes Sud, 22€), fait le point sur la quête de l'exotisme devenue omniprésente dans nos jardins et ce depuis des lustres. L'auteur, à qui nous devons nombre d'ouvrages sur le sujet botanique (notamment, et parmi les plus récents, Une histoire des plantes politiquement incorrectes, évoquée sur ce blog), parle d'invitation au voyage immobile. Groult pense et démontre que cet exotisme va loin : fruit d'un tourment complexe fait de songes et de passions, il n'exprime pas qu'un aimable dépaysement, mais une façon bien occidentale, d'appréhender une relation au monde. Un essai brillant (admirable troisième chapitre, intitulé tropical pour être honnête). 


  • Les poètes des jardins

    ndex.jpgLe paysagiste est un poète des jardins et cet ouvrage magnifique est pour lui et tous ceux qui poursuivent des études d'architecte-paysagiste : Carnet de travail d'un jardinier paysagiste, de Hugues Peuvergne (Ulmer, 30€), est une sorte de carnet intime des nombreuses réalisations d'un virtuose de la nature, étape par étape avec force illustrations, photos, dessins, plans, textes poétiques et nécessairement pratiques, voire techniques mais dans une langue imagée et simple. L'ouvrage présente dix-sept des plus beaux jardins mis en scène par l'auteur dont c'est le métier depuis vingt-six ans, aménagés avec subtilité, intelligence, sensibilité, à Paris, en région parisienne et au-delà. Cela ressemble à un carnet de voyages dans un espace vert et fleuri et dans un temps apaisé, rasséréné par le travail harmonieux de l'homme lorsqu'il sait écouter la nature et l'allier à notre quotidien. Vivant, ce livre l'est aussi par le récit de rencontres humaines et paysagères, par ses anecdotes et ses croquis et esquisses, de la genèse de chaque projet à sa livraison.

    Hugues Peuvergne donnera une conférence (dédicace) le 12 avril prochain au fameux Domaine de Saint-Jean-de-Beauregard, dans l'Essonne (situé à 27 km de Paris).

  • souvenirs du paradis et autres sites paysagers

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    Souvenirs du paradis. Le titre, déjà, est une invitation au voyage. Ce voyage est poétique, photographique, architectural mais c'est d'architecture des jardins qu'il s'agit dans ce magnifique album très richement illustré. Johann Kraftner, son auteur, a consacré quinze années de recherches et de voyages à travers le monde pour faire ce livre (Actes Sud) qui collectionne les chefs-d'oeuvre de l'architecture des jardins. Baroques, classiques, contemporains, italiens, français, japonais... Chacun est remarquable et reflète les plus belles réalisations du genre à travers le monde. Emblématiques pour certains, inédits pour d'autres, tous ces jardins constituent des sujets d'étude pour de futurs architectes-paysagistes. De l'Arcadie retrouvée (Italie) aux jardins anglais et leur mise en scène caractéristique, du style enchanteur aux folies de l'imagination, des structures japonaises conçues par abstraction pour la méditation, des parcs-jardins aux cours fleuries, des espaces privés somptueux aux commandes les plus capricieuses, les plus délirantes aussi, ou bien pragmatiques -s'agissant de réalisations à destination d'un public urbain, ce voyage à travers l'espace-temps du jardin appréhendé comme un monde d'harmonie et de paix, par la grâce du végétal et par la main habile de l'homme, est ici réuni dans une somme précieuse.

     

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    Michelin ne s'intéresse pas qu'aux bonnes tables et aux bons hôtels. En publiant le Guide des Parcs et jardins de France, Bibendum a sélectionné plus de 200 sites emblématiques sur les 2000 classés et jouissant d'une protection au titre des Monuments historiques. Remarquables pour leur originalité, leur rareté et leur exotisme, ces sites sont autant de buts de balades à travers les routes de l'hexagone. Classés en six catégories : cottage, contemporain, utilitaire, botanique/exotique, paysager, régulier, ils sont richement illustrés (rare pour un guide chez cet éditeur) : 350 photos pour 300 pages environ. Un livre -pratique comme il se doit- à laisser dans la voiture, assurément.

     

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    Demain? Déjà? L'Observatoire des Tendances du jardin a 10 ans et il fête cet anniversaire en publiant un numéro essentiel. Ce carnet n°10 revisite dix thèmes, comme Le nouvel exotisme (plantes indigènes près de chez vous), La nature urbaine (d'un jardinier rebelle), Profession d'avenir (pépiniériste), Technologies avant-gardistes (pour jardins de lumière), et aussi Les jardins expérimentaux, Les plantes acrobates qui défient les forces de la pesanteur, La ville comme terrain d 'expériences fertiles pour les futures générations de jardiniers... Riche de textes d'experts, illustré avec tact et science sans être abscons, voici une publication de garde où l'on retournera souvent.


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    La France des paysages (Omniscience) recense les plus beaux sites de France. Une équipe de spécialistes a contribué à l'enrichissement d'un album dont l'iconographie est irréprochable. Ce qui frappe dans cet ouvrage, c'est l'originalité de son approche. Ce sont des sites géologiques qui ont été retenus. A partir de la géologie du paysage, une infinité de promenades pédestres, culturelles, imaginaires est en effet rendue possible. Toute randonnée en est même magnifiée. La magie opère, y est-il rappelé, à partir d'une simple lumière particulière qui fera apparaître un détail insoupçonné, lequel participera de l'émerveillement, pour qui sait s'arrêter, observer et non plus voir seulement. De la métaphore à la réalité, le paysage est une marque concrète qu'une société donne à sa relation à l'espace et à la nature. L'ouvrage invite par conséquent à une relecture des récits des écrivains voyageurs comme Hugo, Maupassant, Elisée Reclus entre autres exemples emblématiques du XIXème siècle seulement. Les lieux célèbres : dune du Pilat, roche de Solutré, Puy de Dôme, côte de granite rose, cap Fréhel, Crozon, l'île de Groix, cap de Bonifacio, Fontainebleau, Peyrepertuse, gorges du Tarn, chaos de Roquelaure, cirque de Gavarnie, falaises d'Etretat, calanques proches de Marseille, mont Ventoux, ainsi que la montagne Pelée (Martinique) ou la soufrière (Guadeloupe) et encore Bora Bora (Polynésie) ou le piton de la Fournaise (Réunion), et tant d'autres figurent bien sûr dans l'ouvrage, aux côtés de sites moins connus mais tout aussi enchanteurs. Tous nous rappelent la richesse protéiforme de la France, vu sous l'angle géologique, cette matrice, cette source d'enchantements fondateurs qui forgent le regard du promeneur depuis l'aube de l'humanité.