Noces au Paradis
Ce passage me hante depuis que j'ai découvert en 1980 et aussitôt dévoré le livre de Mircea Eliade dont il est extrait. J'éprouve le besoin régulier de le relire...
« Elle est étrange cette soif de se confesser, de demander pardon à quelqu’un par l’intermédiaire d’un livre…
Je ne dis pas seulement cela pour m’excuser. Les indiscrétions criardes de certains écrivains dans leurs livres sont peut-être un hommage à la femme qu’ils ont aimée et que souvent sans le vouloir ils ont fait souffrir. Comment mieux demander pardon, comment rendre un plus bel hommage à l’objet de leur amour, comment le faire de manière plus éclatante et plus sincère qu’en écrivant ?...
Peut-être qu’à l’origine de mon livre, il y a le besoin de demander pardon à Ileana. Noces au paradis : il me semble que ce titre en dit assez… J’espérais qu’au moins ce livre racontant notre histoire, s’il tombait un jour sous ses yeux, la persuaderait de revenir…
Je l’attends. Parfois je m’imagine, vieux, seul au milieu de mes livres, penché sur la même table, tel qu’Ileana m’a vu tant de fois, des nuits d’affilée. Et j’imagine alors que quelqu’un frappe à la porte, que je vais ouvrir distraitement et que je la trouve sur le seuil. J’y pense constamment… »
Mircea Eliade, Noces au paradis, (L'Herne. Repris en L'Imaginaire/Gallimard)

Commentaires
Je partage totalement ce besoin régulier de revenir à des pages aimées, avec le poids des années, juste pour ressentir à nouveau l'émerveillement premier. Il y a un côté réconfortant, comme un vieux vêtement dont on ne peut se séparer, ou une vielle correspondance retrouvée par hasard...
Exact. De Mircea Eliade, je ne connais que "Patanjali et le Yoga", qui me fait penser subitement, pour parler de vieillerie, à "Siddhârta" -remarquable, encore une fois- d'Hermann Hesse. Et, là, je retombe dans mes lectures et préoccupations actuelles de chez Pascal Quignard: le triangle amoureux, bien classique, repris, presque à l'identique, dans une série d'ARTE, "Infidèle: vu en entier assez rapidement, je dois dire.
Ces "vieilleries" valent tellement mieux que certaines nouveautés insipides...
C'est la question des grands écrivains, voire des génies...
Oui, le vieux vêtement dont on ne peut se séparer bien qu'il soit troué et distendu de partout, cher Sylvain... Ainsi des livres usés et racornis, lessivés par nos lectures... Ah, Quignard encore et toujours... Je relisais avant-hier au hasard des pages son magnifique "Vie secrète", au sujet de l'amour. Et j'ai avalé moi aussi "Infidèles", la mini-série d'arte, cher André. Que de correspondances !