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Felicidad s'en va

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Bien sûr il y a Daimler s’en va, bref et fulgurant roman "culte" du regretté Frédéric Berthet (1954-2003), loué récemment par la prose élégante et pleine de tact de Monica Sabolo dans « Le Monde des Livres » (ce qui surprît plus d’un lecteur : Berthet là !), afin de signaler la salutaire réédition en Petite Vermillon de ce texte que l’on se refile comme un talisman, que l’on se chuchote comme une truffe noire en période de disette, soit entre potes qui savent. Et merci par conséquent à Alice Déon, qui préside La Table Ronde, d’avoir à nouveau exhumé ce livre indispensable à nos rayons. Mais il y a aussi Paris-Berry, et la Correspondance, si précieuse. Je viens de relire Felicidad (La Petite Vermillon, 7,10€), dans la foulée des précédents. Un recueil de nouvelles passé inaperçu, hélas. Celle qui donne son titre à ce recueil tantôt mélancolique, tantôt facétieux, brosse plus que dresse, caresse plus que coiffe le portrait d’une femme intelligente, belle, hussarde, insolente, claquante, débordant de chien ; de tout. Les mots de Berthet y sont singulièrement plus nus, plus vrais, plus exacts, plus essentiels que nulle part ailleurs dans son œuvre trop maigre. Surgit l’impression que, là, touché à cœur comme une pièce de bœuf sur la grille, l’auteur offre son âme en pâture, joue son va-tout à la fois amoureux et littéraire. C’est poignant au point que l'on est gagné par l'envie de tout citer, et à voix haute en plus : écoute, écoute ça !..« Nous pouvions faire l’amour pendant des heures, du fond de cette fatigue cristalline qui se levait en nous avant l’aube. C’était comme une rançon versée à l’épuisement atteint. » (...) « Felicidad disparut de ma vie et peu à peu de mes sommeils, d’où elle me réveillait encore, bien après que je l’eus oubliée en plein jour. Bientôt, pensai-je, elle ne sera plus pour toi qu’un effort de mémoire. » (...) Berthet, ou le narrateur, évoque son cœur « ne cessant de sauter comme on rate une marche ». Felicidad lui explique, comme ça, tout à trac, les bulles de champagne, lorsque son esprit effervescent pointe soudain une coupe de l’index, et prononce ceci de si juste : « Celles qui restent au fond retiennent leur respiration plus longtemps que les autres »... Voici pourquoi le charme de cette femme intemporelle, mi Fermina Marquez, mi Zelda Fitz., mi Diva mi Lolobrigida ou qui vous voula, augmente en nous ce plaisir ténu de la savoir à portée de mots. Cela suffit. L.M.

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