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Variations sur "l'art" de ne rien dire (ou peu s'en faut)

Merci à cette lectrice qui a exhumé soudain ces trois petits textes que j'avais totalement oubliés (variations sur « l'art » de ne rien dire, publiées sur ce blog même à la mi-mai 2008 : archives ouvertes à l’onglet dédié), et que je ressors volontiers, en joignant ces quelques mots de réflexion : À leur relecture, je constate que le texte 2 est bien meilleur que le 1, et que le 3 rivalise avec le 2. Conclusion évidente : cet exercice améliore l'écriture. C'est une sorte de « travail », qui ne consiste pas, comme à l'habitude, à élaguer, condenser, corriger, densifier, tonifier un seul et même texte. Cette façon de faire, en opérant par déclinaison, est avant tout ludique. Et parfaitement... inutile, au fond, n'est-ce pas? Puisqu'il s'agit de « l'art » de ne rien dire. Et comme « c'est bien plus beau lorsque c'est inutile », me souffle Cyrano, cela devient essentiel.
Nous pourrions nous amuser longtemps ainsi, sans même nous livrer à des exercices de styleà la Raymond Queneau (ou à la manière de Cyrano encore, et sa tirade du nez), mais juste en variant, justement, et à peine, par touches, quelques mots, quelques tournures de phrases :

1

22h38 13 mai 2008
Des fois je me demande si...

... Je ne devrais pas écrire, chaque jour, ici, sur ce chien que je nourris (KallyVasco ne portera jamais de collier), des choses comme... les notes qui noircissent mes carnets Moleskine successifs, lesquels s'accumulent sur une table et font la poussière (au moins comme çà, quelqu'un la fait...). Cela donnerait, pour cette fin de journée : Après le désormais traditionnel (et merveilleux) déjeuner du mardi en compagnie de mes deux soeurs, chez La Nonna Inès cette fois, rue de l'Arbalète (ah! le lard de Colonatta!), j'ai repris ma voiture après quatre mois de suspension de permis. Bizarre... Travaillé -comme d'habitude- dans la joie avec Gérard, Marie et Sophie à plusieurs dossiers simultanément. VSD J.O., Rome, 7 erreurs... Puis, à la fraîche, Gérard, trop fatigué, est rentré se coucher. Long apéro vraiment bien, amical et complice à fond, au Café Cassette avec Sophie (préféré, ce soir, au Vieux-Colombier). Ce rade fut l'une de mes annexes lorsque je vivais rue de Rennes. Moments simples et bavards, jusqu'à l'heure de son dîner prévu avec une de ses anciennes collègues. Flâné à St-Germain, l'air était doux, la lumière baissait gentiment, je me sentais bien, si bien. Echoué volontairement parmi les livres de ma pharmacie préférée, du quartier, "L'Ecume des pages", à la recherche de "Diego et Frida" pour l'offrir comme promis à Angélique. "Livre manquant"! Pris (pour ne pas sortir bredouille -je déteste cela), "La Philosophie comme manière de vivre", de Pierre Hadot, immense socratique, et "Rome et l'amour" de Pierre Grimal. Passé à la BNP consulter mon solde, puis acheté deux havanes, nouveaux sur le marché et dont j'ai entendu du bien : l'Obus de Juan Lopez. le module est orné d'une bague sur laquelle j'ai lu, pour la première fois, "Exclusivo Francia". Rentré à 22 heures. Nourri le chat de ma fille (en pension depuis hier soir pour cause de déménagement et de concours divers ici et là). Penser à dîner, mais je n'ai pas faim. Rien ne presse. Plus rien ne presse. Rien, au fond, n'a jamais pressé, ne doit jamais presser. Thé vert à la menthe. Ayo, Léonard Cohen, Catpower. Blog (J'y suis!). Ne pas oublier le réveil : re-boulot dès 8h30 à Montrouge!.. Et voilà.

Mais cela, à la vérité, ne présenterait, franchement, aucun intérêt. Nous sommes bien d'accord...

2

14h23 14 mai 2008
Deux fois je me demande si...

(otraversion sur « l'art » de ne rien dire) 

Le mardi, je déjeune en compagnie de mes deux sœurs. Nous sommes allés chez La Nonna Inès aujourd’hui, rue de l'Arbalète. L’évocation de nos parents disparus a encore besoin de drôlerie pour habiller la tendresse. Elles sont belles, mes sœurs. J’observe notre trio, désormais serré comme un bouton de rose. Il ne saurait faillir. J'ai démarré la voiture avec une impression inédite. Je ne l’avais pas utilisée depuis quatre mois. Suspension de permis. J’ai rejoint Gérard, Marie et Sophie à Montrouge. Nous avons travaillé –dans la joie comme toujours, à plusieurs dossiers. En fin de journée, Marie est partie et Gérard opposa une réelle fatigue à ma proposition d’aller dîner. Nous avons pris un apéritif amical et complice, Sophie et moi, au Café Cassette. Avec Le Vieux-Colombier, ce furent mes annexes lorsque je vivais rue de Rennes. Sophie avait un dîner. Je lus la sérénité sur son visage. Elle manifesta un bien-être raffermi. J’ai flâné à St-Germain avant de rentrer. L’air était doux, la lumière tendre. Je me sentais bien. J’ai échoué à trouver "Diego et Frida", de Le Clézio, à la librairie L'Ecume des pages, puis j’ai acheté un havane orné d'une bague étrange, mentionnant "Exclusivo Francia". Je viens d'arriver, il est vingt-deux heures, je n’ai pas faim. Je nourris le chat de ma fille, pensionnaire depuis hier soir pour cause de déménagement. Rien ne presse. Plus rien ne presse. Rien, au fond, n'a jamais pressé, ne doit jamais presser. J’affale ma voilure, relâche la carcasse, me sers un thé vert à la menthe, allume le havane, lance Ten New Songs de Léonard Cohen, flâne sur mon blog. Note ceci...
La lune monte. Le ciel paraît noir. Je le sais étoilé. Je prends conscience de mon être-au-monde. Le quotidien empêche de savourer le pur bonheur d’exister. Demain, je me lèverai tôt, prendrai le petit-déjeuner dans le salon baigné de soleil et retournerai aux écritures.

3

16h11 14 mai 2008
Trois fois je me demande si...

(variétés, suite)

Mardi. Muriel et Pascale toujours aussi belles. Surtout devant une assiette d’antipasti del nonno. À côté d’elles, les brunes qui passent devant la terrasse paraissent fades. Ce sont mes sœurs, pourquoi ? La voiture sent le renfermé après quatre mois de jachère. Putain de garde à vue (penser à créer ce Prix littéraire que je nommerai Le GAVé. Il récompensera le plus beau récit de Garde A Vue. Avis…). Bosser avec Gérard et les filles me fait aimer le travail autant que la plage. Gérard conduit trop. Ses aller-retour hebdomadaires à Izotges, Gers, le crèvent. Nous n’irons pas au bal, ce soir. En revanche, l’œil malicieux de Sophie invite à décompresser autour de deux Perrier-tranche. Notre amitié cristallise comme un pot de miel au fond d’un placard de résidence secondaire. Elle a un dîner. Sur son visage, je lis une sérénité qui me fait plaisir. J’aime Saint-Germain-des-Près en cette saison, encore basse. Rien ne presse. Personne ne m’attend, excepté le chat de ma fille, à l’appétit vagabond. Havanes, librairie. Enfin échoué, je dépose ma carcasse, sac de marin, savoure mon être-au-monde en regardant le ciel noir que je sais étoilé. Le quotidien oblige à négliger notre conscience du pur bonheur d’exister. Léonard Cohen, un thé vert, mon chien (ce blog). « Et si la littérature était un animal qu’on traîne à ses côtés, nuit et jour, un animal familier et exigeant, qui ne vous laisse jamais en paix, qu’il faut aimer, nourrir, sortir ? » (Roger Grenier). Pour un peu, je me sentirais à la campagne. Manquent les parfums de la nuit : menthe glacée, ronce, terre tiède.

 

Commentaires

  • Je penserais plutôt à cette "Note après coup sur un ciel de Provence" de Francis Ponge.
    Et la quasi perfection de celle du 13 juillet 1941...
    "Au lieu dit "La Mounine" entre Marseille et Aix un matin d'avril...."

  • "Bon sang mais c'est bien sûr!" se serait exclamé Raymond Souplex dans "Les cinq dernières minutes"... Serait-ce Alzheimer? Comment n'ai-je pas repensé à l'immense Francis Ponge et ses variations célèbres, comme la Fabrique d'un pré, le Mimosa, l'Huître, le Savon!.. Merci de ce rappel, cher André Boeuf. J'irai voir les textes que vous évoquez lorsque j'aurai retrouvé mon domicile et la Pléiade de Ponge, la semaine prochaine. LM

  • Dans "La rage de l'expression", nrf, Collection Poésie/Gallimard, 1976.

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