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Querencia(s) - Page 2

  • Anglet, les signatures du week-end

    Signatures à Anglet le week-end prochain :


    Vendredi 15 à partir de 16h au Carrefour BAB2;
    Samedi 16 à partir de 11H : conférence-signature à la bibliothèque Quintaou;
    Samedi 16, de 15h à 17h, au Centre Leclerc;
    Dimanche 17 à partir de 9h30, à la librairie-maison de la presse des Cinq Cantons.


    Lire ci-dessous : l'interview donnée à Nathalie Gomez pour Anglet Magazine, qui paraît.

     

    Capture d’écran 2017-12-12 à 11.45.32.pngCapture d’écran 2017-12-12 à 11.43.34.pngCapture d’écran 2017-12-12 à 11.29.15.pngCapture d’écran 2017-12-12 à 11.44.08.pngCapture d’écran 2017-12-12 à 11.45.05.png

  • Un dimanche à Anglet

    Capture d’écran 2017-10-23 à 09.23.17.pngSignature enjouée hier matin aux Cinq Cantons, avec  Sébastien et Régis. Pas mal d'amis passaient acheter Sud-Ouest Dimanche - et puis pas que!.. 40 exemplaires signés, casse-croûte au jambon truffé et côtes-du-rhône. Et puis, à ma querencia, la Petite Chambre d'Amour, ces lumières divines au couchant...

    cesoir.jpgchambre.jpg 

  • Anglet à 6 mains et 6 yeux

    Enchainement des signatures de notre livre ANGLET (Passiflore) avec les talentueux photographes Sébastien Carnet et Régis Guichenducq. Ici, à la FNAC de Bayonne, cet après-midi. Plus de 100 exemplaires signés depuis hierCapture d’écran 2017-10-21 à 23.03.53.png soir (à la Mairie d'Anglet, surtout, pour la sortie officielle). On remet le couvert demain matin à 9h30 aux Cinq Cantons. Qu'on se le dise au fond des bois...

     
  • Sortie du livre ANGLET

    Bon, je m'y prends un peu à l'avance : A l'attention de tous ceux qui seront dans les parages - Bienvenue! Afin de partager un verre, deux mots, trois rires, et repartir avec un livre signé à trois mains.
    J'ajoute que, outre cette présentation le jour même de la sortie du bouquin, il y a trois autres signatures au cours du week-end :
    - le samedi 21 octobre de 11h à 12h30 à la librairie Darrigade à Biarritz ;
    - le samedi 21 octobre à 15h à la FNAC d’Anglet ;
    - le dimanche 22 octobre à 9h30 à la Maison de la Presse des 5 cantons d’Anglet.

     

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  • des boires

    Ci-dessous, ma récente chronique publiée par FLAIR Play magazine (du rugby et pas que !..).

    J'y ajoute que "Le nez dans l'herbe" est également un livre d'entretiens avec Jean Carrière, comme celui-ci en fit avec Jean Giono, et Julien Gracq. Relire d'urgence, de l'immense Carrière, "L'Epervier de Maheux", et tous les autres, rangés par là, mais pas oubliés. La littérature âpre, nécessaire, vraie, rude et de pleine nature, c'est lui. La seule, en somme, à laquelle nous acceptons de nous unir.

    J'aime, par Léon Mazzella, FLAIR Play magazine : 

    L’ineffable

    C’est une pièce plus mince qu’un After Eight, mais ça envoie du menthol pour un moment. C’est une hostie théâtrale, une victime qui fond bien sous la langue, il suffit de fermer les yeux. Et sa teneur est d’une densité épaisse. « Pour un oui ou pour un non », de Nathalie Sarraute, c’est comac. Son pitch tient en deux phrases. Il est question d’amitié. D’un mot de trop, prononcé – par l’un, à l’autre -, avec une once de mépris et de jalousie mêlés : « C’est bien, ça… ». Genre drop de la dernière seconde. Tout tourne autour de ces trois mots, qui mettent à bas des années d’amitié. Le talent de Sarraute, avec une économie de mots janséniste, fait le reste. Soit « le job ». J’aime.

     

    Épaule

    Je ne pense pas à l’agneau pascal. Ni aux épaules de Pascal Ondarts. Je suis tenté de penser à celles d’une femme aimée, ainsi qu’à la mienne, sur laquelle elle pourra toujours s’appuyer sans avoir à le demander. Non. Là, je pense à celle de Julien Gracq, un matin de janvier 1999 à Saint-Florent-le-Vieil. Le 30. J’avais osé lui donner à signer les deux Pléiades de son œuvre, en groupie : j’étais devant Johnny. Ou plutôt derrière lui. Debout, par dessus son épaule droite, et sa main hésitait, sur la page de garde du premier volume. Il me demanda alors de m’éloigner afin de pouvoir écrire. Je fus couvert de honte. Ce n’était pas Johnny, mais Julien. Ainsi, le second volume comporte-t-il une phrase merveilleuse, tandis que le premier est orné d’une dédicace moins sentie. Mal épaulée. J’aime.

     

    Kiefer

    La matière est boueuse comme un stade de la campagne basque intérieure un dimanche d’hiver. L’ouvrage en impose, il est long, large, prenant  - des tripes aux cheveux -, et c’est vertical comme la Justice est raide. Sentiment qu’Anselm cramponne, strie, rugit en y allant franco. Ca malaxe, ça épaissit, s’épaissit, plisse, fourrage, goudronne, enterre, amasse, engouffre, larde, ça truelle, métallise, s’ensuque, empègue, brunit. Chaque toile, immense, sublime, d’Anselm Kiefer est une élégie métaphysique, un poème d’amour et de mort, un match. Une pelea. Sans cesse remis sur le billot comme on se déleste de la carcasse d’un demi-bœuf. Épaulé-jeté. Associé à Rodin jusqu’au 22 octobre au musée éponyme, il y a combat, là, mais entendu. Une lutte de titans qui s’aiment et ne nous ont pas attendus pour s’épouser debout. J’aime.

     

    Morsure

    Rien à voir avec les regards plantés dans l’autre, en face, sous la mêlée. Quoique. Le mot est de Giuseppe Antonio Borgese, et c’est l’incipit* d’une nouvelle intitulée La Syracusaine, extraite du recueil Les Belles : « … et s’il pleut, elles préfèrent rentrer à la maison avec l’ourlet de leur robe maculé de boue que d’avoir les bas mordus par des regards chauds comme des baisers. » La morsure d’un regard sur un mollet, et c’est toute la littérature érotique qui se trouve ramassée, circonscrite. Le frôlement, le presque-rien et le tellurique en même temps. Ce baiser-là. Les papillons dans le ventre. L’incandescent. Les cils qui clignent tout à trac comme frissonne l’épaule d’un cheval. Juste un baiser d’yeux, nom de Dieu. Je veux croire que de telles morsures, puisque un regard chargé de désir est plus dangereux qu’un fusil chargé de plomb, me susurre un proverbe napolitain, engendrent des histoires d’amour fou. J’aime.

     

    Le nez dans l’herbe

    Face contre terre façon knock out, mais sans k.o. Le nez tout contre la terre, entre des brins d’herbe, parmi les boutons d’or, sur un tapis vert piqué de poussins. C’est un sous-bois, « c’est un trou de verdure », aucune rivière n’y chante, mais les merles amoureux lancent leur trille avec autant d’élan que des pêcheurs de bar leurs longues cannes sur le rivage atlantique. Le nez dans la terre, je respire l’humus. C’est un parfum biscuité, friable, mat, imprégné, orangé, net, poivré blanc, mouillé, séveux, solitaire, gras sur la narine gauche, et sec à droite. Va comprendre, des fois. Le corps se détend comme jamais, comme la mort. Face contre terre, les bras écartés comme des ailes –non, pas en croix -, des ailes, tout peut arriver, tomber, surgir, être, disparaître. L’esprit végète, se décompose, épouse le sol, le meuble, les cheveux s’allient à l’herbe. Un rayon de soleil perce un œil comme une oreille. Le printemps m’étreint. J’aime.

     

    La vie d’un vin

    La vie d’un homme dure autant que celle de trois chevaux. Le quart d’heure du toro qui jaillit du toril dans l’arène figure la métaphore de la vie ; son opéra. Avec le vin, la métaphore est voisine… Il s’agit d’un Ribera del Duero. Vega Sicilia Unico 1980. Malgré la longue garde mythique de ce Grand d’Espagne, c’est vieux. Le bouchon, maigre, sort sans effort au bout de trente-sept années passées dans le goulot. Sent le raisin madérisé et le bois de santal. La robe, grenat profond, est tuilée. Elle prendra vite des reflets rouillés. C’est la première et dernière promenade d’une vieille dame. Au nez, les fruits rouges ont la vivacité du retraité qui s’entretient. Une note confiturée de baies noires évoque une concentration passée, et annoncent le linceul ; l’oxydatif définitif. C’est rond. Il y a, réunis, la finesse d’un saint-julien et l’élégance d’un chambolle-musigny. Velours et dentelle. Trame serrée. Les tanins sont faiblards mais soyeux. C’est juteux et épicé. Un quart d’heure plus tard, ça s’étiole, soupire, semble vouloir s’excuser. Passée une demi-heure, Vega s’évapore, s’effrite, se fissure, regagne la chambre. Une heure après son ouverture, le vin surnage à grand-peine, titube, puis il sombre. Saint-Augustin : « Les morts ne sont vraiment morts que lorsque les vivants les ont oubliés ». Ce Vega Sicilia a la vie devant lui. J’aime.

     

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    * In extenso, cela donne : « A Mégara,  on met encore des œillets aux balcons, et les femmes portent des robes longues ; c’est pour cette raison que la simple vision d’une cheville fait littéralement trembler les jeunes gens. Mais ceci arrive rarement, car elles sont prudentes et surveillées, et elles se surveillent elles-mêmes ; et s’il pleut, elles préfèrent rentrer à la maison avec l’ourlet de leur robe maculé de boue que d’avoir les bas mordus par des regards chauds comme des baisers. » (Gallimard)

     

  • ma rentrée littéraire

    Certes, il y aura le nouveau Toussaint chez Minuit (Made in China), le nouvel Ovni littéraire annoncé : Victor Pouchet (Pourquoi les oiseaux meurent, chez Finitude) et quelques autres perles. Mais, pour l'heure, je préfère m'en tenir à, me caler là. C'est une histoire de cohérence, de famille d'écriture, d'émotion induite, de courant qui passe fort, très fort, entre :IMG_20170905_193659.jpg

  • Plonger dans la Nive

    Merci à José Tiburce (un pote du Lycée de Bayonne - voilà qui ne rajeunit guère), d'avoir exhumé ce cliché datant du début du siècle dernier, où l'on voit nombre de personnes plonger dans la Nive, depuis le pont Pannecau d'où je plongeais, une nuit arrosée (pléonasme) de Fêtes de Bayonne. Le risque était inégal, car le mien - outre le niveau de l'eau variant au fil des marées, mais il fut diligent -, était celui de rencontrer une machine à laver ou un cadre de lit. Or, il n'en fut par bonheur rien, et mon nez fut épargné. Et l'effet, immédiat sur mon ébriété. L'autre différence, de taille, est la pureté de l'eau. Inutile de dire que je plongeais alors dans le glauque, dans les années 1990. Pas ceux du cliché. Mais... Si nous rêvions, à notre époque verte, de retrouver un jour, une nuit, une Nive praticable, et nos arrière-petits-enfants une rivière buvable?..

     

    https://www.youtube.com/watch?v=oT-fY6z7CPk

     

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  • Le Parler pied-noir en poche

    photo 2.JPGC'est étrange, et flatteur, de se retrouver aux côtés de Nicolas Bouvier (Journal d'Aran et autres lieux), d'Anita Conti (Racleurs d'océans), d'Alexandra David-Neel (Au coeur des Himalayas), d'Ella Maillart (La Voie cruelle), ou encore Werner Herzog (Sur le chemin des glaces), dans cette collection Voyageurs de la Petite Bibliothèque Payot.

    Mon Parler pied-noir arrivera donc en librairie le 18 janvier. Il s'agit de la réédition en format de poche de mon long-seller, paru en 1989 chez Rivages et constamment réimprimé depuis. Purée!..
    J'ajoute qu'il s'agit d'une nouvelle édition revue et - considérablement - augmentée (192p. 8€)

     
     
     
     
  • je me calfeutre

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    Le calfeutrage est une prison volontaire d’une grande douceur. On se love, on tourne en rond comme un chien au-dessus de sa couche, et pour un peu nous gratterions instinctivement, comme lui (et de manière totalement absurde, mais l’instinct n’est-ce pas…) jusqu’au carrelage, afin d’y trouver la chaleur imaginée sous la terre froide en sa surface. « Je me calfeutre », dit Cyrano. J’aime ce « feeuutre ». Le sentez-vous seulement? Il dit tout de ce que nous prenons alors soin de dissimuler avec circonspection : nos pieds d’abord, notre cou, nos extrémités, sauf le nez, quoique. Sous le plaid, la couverture, la couette, l’ensemble couvrant, le toit de la tente, même si celui-ci nous prive de la voute céleste et étoilée. J’ai vu des kayaks transparents à Mayotte. Quelle divine invention! Existe t-il des tentes translucides, comme à l’hôtel merveilleux « Aire de Bardenas », en Navarre, soit en plein désert, qui puissent nous offrir la possibilité de faire l’amour tout en regardant Orion ou la Grande Ourse – ce qui n’empêche aucune jouissance, bien au contraire. Aujourd’hui, 8 janvier, il ne fait pas chaud, et un tel euphémisme est toujours « le moins que l’on puisse dire ». Ou écrire. J’ai pourtant une furieuse envie d’enfiler une combi intégrale, de prendre une planche et d’aller, de courir, surfer. Glassy. Un mètre, un mètre cinquante, La Chambre d’Amour, ma chambre d’amour, des vagues accortes, avec des tubes ronds comme la nuit opportune, un vent d’Est, un ciel bleu pur et dur, un horizon sans promesses, pour une fois. « Que faire ? », dirait Lénine. « Foncer », répond Macron. Et vlam ! Mon époque me désespère, « la marée montante de la bêtise » (Camus) me rattrape. Faute de cieux, je choisis de lire Onfray pour tenter d’oublier tout ce bastringue. Nous surferons un autre jour. L.M.

     
  • L’exotique du quotidien

    Qu’on ne se méprenne pas, il s’agit là d’un plaisir de physionomiste, pas de fan. D’un plaisir d’ornithologue, aussi. Reconnaître un oiseau en vol par grand vent debout, ou un écrivain qui s’engouffre dans une voiture, est un plaisir égal, qui trouve sa source dans la re-connaissance. Le salaire de la mémoire est un juste plaisir.

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    Musarder à Paris présente l’avantage d’y croiser « des gens ». Il y a quelques mois, par exemple, j’ai vu Anouk Aimée boulevard Raspail, et je fus frappé par la classe intacte d’une femme splendide. Je garderai toujours l’image de son regard qui croisa le mien, devant la librairie Gallimard, où j’espérais qu’elle fasse une halte. J’aurais alors poussé la porte sans effort afin de prolonger l’observation. Un après-midi, tandis que je trafiquais parmi les « collection Blanche » dans cette belle librairie, c’est François Mitterrand, alors locataire de l’Élysée, qui s’y arrêta, et y acheta quelques ouvrages. Sa présence envahît absolument le lieu comme un chant de silence. Aujourd’hui –cet après-midi, lundi 19 décembre, c’est Emmanuelle Béart que j’ai vue rue Gracieuse, mais comme elle était emmitouflée à la manière d’un bébé Inuit calé dans sa poussette, il a fallu qu’elle me frôle pour que je la reconnaisse. Je ne sais qui, du succès ou des frimas, l’oblige à se dissimuler sous la silhouette de Bibendum. Il m’arrivait, il y a quelques années, de prendre le bus n°83 en même temps que Laetitia Casta, et mon cœur cognait tellement que je regardais ma chemise, car je pensais naïvement qu’elle pouvait la voir trembler. Un peu comme lorsque, dans une autre vie, j’approchais à plat ventre un cerf ou un vol de vanneaux. Quand François Cheng monte dans le n°27 en même temps que moi, cela me procure une émotion poétique, davantage empreinte de sagesse. Mon cœur demeure au ralenti. Croiser régulièrement « ceux du quartier », les familiers, ou ceux qui y frayent fréquemment : Jean-Pierre Léaud, Daniel Pennac, Jacques-Pierre Amette, Monica Bellucci et ses filles, Tahar Ben Jelloun, Nancy Huston, les époux Tiberi, Hervé Vilard, Mathilde Saignier, n’émeut guère plus. C’est s’ils viennent à manquer au paysage que l’on s’interroge, puisqu’ils en dessinent pour partie les contours. Et je cite ces noms comme j’énumèrerais chevalier gambette, courlis corlieu, pluvier doré, bécassine sourde, sarcelle d’hiver et râle des genêts – pour me limiter à un biotope de zones humides, lequel a ma préférence… Tu as pris quoi aujourd’hui ? (tu as vu qui, tantôt). Je plumerai plus tard (je te raconterai les rues) – envie d’un hot whiskey et d’un disque de Savall, avant, je déchausse, décompresse, puis je m’occupe de tout, chérie… En revanche, ce qui émoustille, c’est de voir une espèce égarée, comme on le dit d’un oiseau migrateur repéré hors de ses couloirs et territoires habituels. Soit, un germanopratin à Belleville, ou un people du 7ème en plein 13ème. Pour un peu, nous serions tenté de lui demander visa et carnet de vaccination. Car, rien n’est plus simple que de vouloir observer une concentration d’écrivains du côté de l’Odéon, puisque c’est leur réserve, leur lieu de gagnage. La trophéite y est fastoche. Il n’y a qu’à zyeuter dans le tas… Non, plus excitants sont la billebaude et l’approche, surtout. Lorsque je vivais encore à Bordeaux, et que je correspondais seulement par lettres avec Julien Gracq, il m’arriva de venir à Paris (juste) pour y jouer le paparazzi-ornitho rue de Grenelle, afin de guetter sa sortie de chez lui; il vivait au n°61. J’eus un foudroiement incandescent dans le ventre lorsqu’il apparut, vêtu d’un manteau gris à chevrons et la tête recouverte d’une toque en Astrakan. Lorsqu’il disparut, happé par l’escalier, à l’entrée du métro Bac, je fus saisi d’un vertige douloureux, comme si je m’étais trouvé au bord d’une falaise de la côte normande, par vent arrière… Aujourd’hui, je me souviens aussi de grands disparus, croisés au hasard des rues : Emil Cioran, Albert Cossery, Antoine Blondin… Et aussi de moments : Patrick Modiano, le bien vivant, photocopiant Un pedigree, rue de Vaugirard, tandis que je photocopiais aussi un truc à côté de lui. Là, j’étais sans planque, sans jumelles, et l’oiseau (pas) rare – il habite à un jet de galet de là -, s’était posé devant mes bottes, bécassine se laissant tomber comme une pierre, au mépris de toute méfiance, entre chienne et louve, dans un marais accorte et avec force « ffrrrrrt » produit par les plumes de sa queue. Ce qui pour moi, encore aujourd'hui, symbolise la confiance aveugle absolue… Mais la faune que je préfère, c’est celle à laquelle je rends fréquemment visite, quand je le souhaite : les animaux du zoo du Jardin des Plantes sont mes potes. Une faune emprisonnée. Je leur fais donc des coucous de courtoisie, non sans une certaine tristesse, que je tache de dissimuler de mon mieux. Il m’arrive de parler à un oryx, à une chouette harfang, à un orang-outan, à un ara, une panthère des neiges. J’agis discrètement, afin de ne pas éveiller le regard de mes congénères, qui serait torve. J’ai de l’amitié pour les nombreuses corneilles qui prospèrent là - pourtant, elles sont invasives et de plus en plus arrogantes -, pour les palombes si grasses qu’elles répugnent à voleter jusqu’aux jardins du Luxembourg voisins, et pour les faucons crécerelle au vol furtif et rasant, qui ne cessent de chasser au-dessus de nos têtes. Et c’est ainsi que Paris est grand. L.M.

    Photo de bécassine des marais : © J.-P. Siblet

  • On se croit curieux...

    téléchargement.jpegOn se croit curieux, et nous passons à côté de choses, comme ça, qui sont de petits cadeaux mieux dissimulés que des oeufs de Pâques dans le jardin de notre enfance. Je viens de découvrir (à la faveur d'un message amical et bienveillant), un écho écrit à une émission de radio (cliquez ci-dessous), et je remercie au passage Philippe Vallet, fort tard certes, mais vieux motard que j'aimais, n'est-ce pas. Il s'agit de mon premier roman, écrit à l'âge de 23 ans, soit il y a (putain!..) 35 ans... Purée... Outch, la gifle. Envie donc de partager, car c'est de saison : l'arrière-automne, le givre, les parfums capiteux de sous-bois, la migration qui strie le ciel bellement, l'écharpe diaphane du brouillard de l'aube, tout ça qui fait le sel de l'existence, pour peu que nous la voulions, ou voudrions toujours là, parmi ces plaisirs simples, et surtout naturels, sans aucun artifice. Jamais...

    chasses furtives

  • impudeur, peut-être

     

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    Je sais, c'est impudique, mais comme cette photo évoque une scène de cinéma, de l'avis, fiable, de ceux qui l'ont vue, je la propose ici, m'autorisant un coup de canif dans toute déontologie minimale. Ma mère est dans la DS. C'est un dimanche après-midi (entre 1970 et 1976), dans le port de Bayonne. Le m/s Léon Mazzella est à quai, de retour d'Afrique avec rien dans ses flancs, puisqu'il chargera ici. Ce sera selon : soufre, phosphate, traverses de chemin de fer... Derrière lui, en reflet sur les vitres du dernier hommage rendu à la carrosserie automobile (la Citroën précitée), se devine le m/s Cap Falcon, autre navire de la flotte de mon père, armateur. Papa est forcément à bord. Maman a l'air de s'ennuyer grave. Il lui tarde de rentrer et de préparer les pâtes pour la famille. Après le bain des enfants. Et zou, au lit fissa pronto!.. C'est dimanche. Après ce sera plateau-non! pas télé, autre chose avec son homme.
    L.M.
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    P.S. : Le levier de vitesses est au volant, le modèle date bien. Le rétroviseur central produit un clic-clac mat lorsqu'on l'actionne (jour/nuit), afin de lutter contre l'éblouissement des phares - jaunes -, du con qui suit et qui ne pense pas à passer en code. La montre, rectangulaire, se règle à la main avec un gros bouton. Le poste, qui a déjà connu plusieurs ID et DS, est un Radiola toujours branché sur RMC, que mon père appelait "Radio Andorra"!.. Pourquoi maman ne baisse-t-elle pas la vitre, afin de respirer un peu d'air fluvial chargé de marée montante (c'est mieux que descendante) ? Le bruit des grues, peut-être. L'envie de rentrer, sans doute...

     
     
     

     

  • "La" Morante


    Je ne suis pas peu fier de savoir (depuis longtemps déjà), que Elsa Morante a écrit L'Isola di Arturo, le roman de Procida (Prix Strega 1957), à Eldorado, la maison familiale de mes ancêtres armateurs. Ce lieu splendide, sur mon île chérie, fait naturellement partie du parcours littéraire qui chemine le long des lieux phares évoqués dans le livre, et que chacun peut effectuer sans attendre la période de l'attribution du Premio Procida Isola di Arturo Elsa Morante, dont c'est le trentième anniversaire cette année.

    Traductions :

    1) L'Eldorado, la villa Mazzella di Bosco dove Elsa scrivera

    1) L'Eldorado, la villa Mazzella di Bosco où Elsa écrira


    Capture d’écran 2016-07-01 à 10.24.56.pngCapture d’écran 2016-07-01 à 10.50.16.png

    La passeggiata inizia dall'Eldorado, la villa dell'antica famiglia degli armatori Mazzella di Bosco dove Elsa Morante visse et si ispiro per scrivere il suo grande romanzo ambientato della nostra isola...

    La promenade commence par Eldorado, la villa de l'ancienne famille d'armateurs Mazzella di Bosco où Elsa Morante vécut et où elle trouva son inspiration pour écrire son grand roman... 

     

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    Vu de Il Giardino di Elsa, un verger de citronniers qui s'achève sur une splendide terrasse en balcon au-dessus de la plage de Chiaia, avec la Corricella à gauche, la Punta Pizzaco à droite, et Capri au loin... 

     

  • Je suis Claude Sautet

    Capture d’écran 2016-05-24 à 11.15.52.pngJ'ai revu, une fois de plus, César et Rosalie, à la télé, avec ce plaisir étrange de l'identification totale, aussi forte qu'entre les pages d'un roman d'amour pourvu d'une épaisseur certaine (Zweig, Marai, Eliade). L'empathie est terriblement sensible, avec les films de Claude Sautet. Alors, j'ai repensé aux Choses de la vie, encore la sublime Romy, et l'immense Piccoli. Et la petite musique Sautet. Années soixante-dix. Mes parents. Leur amour fou. Un spectacle permanent et lumineux, incandescent, idéal, pour leur fils -et filles. Un côté En attendant Bojangles, le roman de Bourdeaut (lire ici, plus bas, au 18 avril), soit une mélancolie gaie, les larmes avec les rires. Les années bonheur, l'insouciance, la mer, le soleil, la terrasse toujours remplie d'amis... Une atmosphère que j'ai - très modestement - décrite dans mon roman Flamenca. Et donc Sautet, sa façon de dire avec tant de tact et de justesse les sentiments, une époque... Comme Aznavour sait chanter l'amour mûr, devenu adulte. Alors je pense à Capture d’écran 2016-05-24 à 11.14.15.pngla chanson d'Hélène, comme on pense au thème de Camille, de Georges Delerue, dans Le Mépris, de Godard, (évoqué sur ce blog de façon récurrente)... La chanson d'Hélène est la plus bouleversante qui soit, la plus douce. Aussi douce et forte que les regards de Sami Frey et d'Yves Montand, à la fin de César et Rosalie, par la fenêtre, lorsque Rosalie/Romy revient... Aussi douce et irrémédiable que l'eau (ou parfois le sable), qui coule, s'échappe d'entre nos doigts. La vie qui fuit, l'amour qui ne se retournera pas, une plage soudain déserte, une page à nouveau blanche, une saison sèche qui tremble à l'horizon comme un mirage. Un côté comme ça... Alors, oui, il y a des jours comme ça. Et, aujourd'hui, comme si souvent, comme ce soir nous sommes septembre (davantage que Charlie), Je suis Sautet. L.M.

    Cliquez là => La chanson d'Hélène 

    Capture d’écran 2016-05-24 à 10.53.04.pngCapture d’écran 2016-05-24 à 11.17.24.png

     

     

  • Ovide, L'Art d'aimer

    téléchargement.jpegPurée! C'est dans Ovide et ça n'a pas pris une ride. C'est splendide, mais ressenti comme audacieux, 2000 ans après. Inquiétant, non...

    Extrait : 

    Si tu veux m’en croire, lecteur, ne hâte pas le plaisir de Vénus ; sache le retarder, le faire venir peu à peu, doucement.  Quand tu auras trouvé l’endroit sensible, l’organe féminin de la jouissance, pas de sotte pudeur : caresse-le, tu verras dans ses yeux brillants une tremblante lueur, flaque de soleil à la surface des eaux… Viendront alors les plaintes et un tendre murmure, de doux gémissements –et ces mots excitants qui fouaillent le désir…

    Ne va pas, voguant à pleines voiles, la laisser en arrière ! Evite, aussi, qu’elle ne te précède : qu’un même élan pousse vos navires vers le port. Quand, vaincus tous deux en même temps, l‘homme et la femme retombent ensemble, c’est là le comble du plaisir !

    Alliance : 

    images.jpegLe Gewurztraminer Grand Cru Eichberg 2011 de Martin Schaetzel, vigneron alsacien de respect, sis à Ammerschwihr. Pour le nez généreusement fruité, aux touches exotiques (lychee) de ce grand vin de garde

    BTLE-SCZ0004.jpg(élevé en biodynamie, 15-20€). Pour sa bouche aux accents miellés. Et surtout pour cet équilibre prodigieux entre minéralité, fraîcheur, acidité et douceur extrême. La puissance et l'onctuosité mêlées, en somme. Une sorte de fading oenologique, car la longueur en bouche signe aussi sa prestance. Une invitation indirecte aux plaisirs divers du coeur de l'été. L.M.

  • Avant-première

    Les sites de vente en ligne annoncent déjà mon prochain livre, qui paraîtra fin août : Dictionnaire chic du vin (Ecriture), c'est 350 pages serrées d'hédonisme, de sérieux et de déconne, d'éloge du bien-vivre et du sang de la vigne - et ses inséparables connotations littéraires, musicales, sensuelles. Voici un aperçu capturé sur le site de la fnac : 

    Capture d’écran 2015-04-14 à 08.42.30.png(avec une belle faute d'orthographe -ZZ- sur la couv. provisoire)
    Capture d’écran 2015-04-14 à 08.48.16.png

  • Julie...

    sur ma page facebook, à l'instant :
    Kally Vasco
    8 min · Modifié · 
     
    Bon, faut arrêter ces conneries : je suis en train de regarder "Les carnets de Julie" (Andrieu) sur la chaîne n°3, parce qu'elle est a casa (au Pays basque). Mais c'est affligeant de poncifs d'un officio touristico en mal d'imagination : le château d'Abbadia, la corniche jusqu'à Hendaye, les tapas à Fontarrabie, le piment d'Espelette (in situ), Arnaga!, le petit train de la Rhune!... Arcé à Baïgorry, aussi institutionnel que Duplessy (Ostalapia à Ahetze), Dominic Lagadec et son cidre de Txopinondo (voir mon reportage dans le dernier n° de "Pyrénées magazine" sur le sujet : "Txotx"),
    et même mon pote Gorka au chant... Mais bon, ça, encore, c'est bien - il y a pire : Ciboure avec 2 "r" sur la carte (on se croirait sur les breaking news en long de BFM), je chipote, je sais, et la chasse à la palombe : au secours! Image : 2 colverts passent dans le ciel, oui, des canards, et aussitôt ça tire... Puis, après une pause taloa ventrèche dans un bar cayolar sympa, deux Dianes chasseresses apportent... des pigeons biset, des pigeons de ferme et d'église, quoi! Même pas des colombins (qui passent juste avant les palombes - c'est-à-dire les ramiers) et abusivement appelés ramiers, d'ailleurs... Ca sent le faisan concocté par une prod° parisienne sans scrupule et surtout sans aucun souci de véracité. Et ça, ça fait mal. Honteux. J'aime mon pays d'adoption, mais lorsque je le vois singé ainsi, j'ai franchement honte. Il y a aussi quelques clins d'oeil non nommés au passage - donc je le fais : les charcuteries de Pierre Oteiza, les vins de Jean Brana (deux potes, je confesse). Bon, Duplessy cite (rattrapage?) en vitesse la poire de Martine Brana. Mais l'ineffable Julie est tellement charmante, dans son rôle d'ingénue qui découvre la province et ses sauvageries comestibles concoctées par des congénères si sympathiques... Ayayaye.

  • Txotx!

    IMG_2484.jpg

    Papier qui paraît dans le dernier numéro de Pyrénées magazine :

    Txotx

    MOJON !

    Par Léon Mazzella. Photos : Serge Bonnet

    Le cidre basque n'a rien à envier à son rand cousin normand. Mieux : d'aucuns prétendent que ce dernier lui doit quelque chose… Reportage à Txopinondo, cidrerie basque du nord, avec Dominic, encyclopédiste du sagarno, lors du Txotx, la fête annuelle du cidre nouveau.

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    Il a beau être né en 1955 à Falaise (Calvados), Dominic Lagadec est le plus Basque des Normands, malgré un nom breton. Autant dire qu’il a toujours vécu “dans les pommes”.  L’apuru (patron) de la cidrerie Txopinondo ( "rassemblés autour d’un verre"), qu’il a créée à Ascain en 1998, est une encyclopédie du sagarno, le vin de pomme (Sagar : la pomme et no : qui vient de). 

    La définition juridique du cidre est “boisson fermentée à base de pommes”, et il est assimilé aux “vins tranquilles” blancs, rouges et rosés au regard des Douanes. Une cidrerie – le Pays basque en compte une centaine, surtout en Gipuzkoa, et en particulier autour d’Astigarraga et de Hernani –, désigne le lieu où l’on transforme les fruits cidricoles à pépins (pomme, poire, nèfle, coing…), à l’exception du raisin. Elles sont devenues au fil du temps des lieux de restauration. Certaines, comme Txopinondo, reçoivent le jus des pommes qui ont été pressées en Espagne, puis celui-ci est mis en barriques et il fermente à Ascain, jusqu’à la fête du Txotx, soit du cidre nouveau, qui a lieu autour de fin janvier - début février. Le terme, arrangé phonétiquement, dérive du basque zotz (petite branche d’arbre), et désigne le bout de bois qui obture l’orifice de la kupela (barrique de 5 000 à 15 000 litres – certaines peuvent contenir jusqu’à 30 000 litres !), par lequel jaillit un jet de cidre que l’on recueille dans son verre, à la queue leu leu et en file indienne, lorsqu’il est ôté d’un coup sec et à intervalles réguliers, au cri rassembleur de “mojon !” (ça mouille !), lors des longues soirées extrêmement conviviales et festives dans les cidreries, de l’hiver au printemps. Le succès rencontré par le rite du txotx et les cidreries en général va croissant et a vu passer la production du sagarno produit dans l’ensemble du Pays basque (nord et sud), de un million de litres en 1970 à douze millions aujourd’hui*. Cependant, 15 % seulement du cidre est consommé dans les cidreries et 85 % est mis en bouteilles. Le sagarno est largement distribué et même exporté : c’est le “French farm taste” très prisé des Américains, précise Lagadec, tout en mettant la dernière main au préparatifs de sa grande soirée : dans quelques heures, c'est l'ouverture de la fête annuelle du Txotx, à Txopinondo. 150 convives sont attendues, des personnalités comme José Mari Albero, qui dirige Sagardo Etxea à Aztigarraga, le maire-adjoint d'Ascain, Jean-Pierre Ibarboure… Les txuletas sont prêtes à être grillées, et la musique est assurée cette année par l'ensemble bayonnais Kriolinak. Le nombre de buveurs de cidre augmente donc vite, reprend notre encyclopédiste, et dépasse de beaucoup celui des pommiers! 

    Une histoire en dents de scie

    L’histoire du cidre basque a pourtant connu des vicissitudes et fait parfois du yoyo. La présence de pommiers en terre basque est attestée dans un document daté du 17 avril 1014, signé du roi de Navarre Sanche le Majeur.  Les cidreries sont nombreuses au Moyen-Âge, sur la Côte, autour de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz, et l’apogée de la culture de la pomme basque se situe au XVIIe siècle. Un pèlerin de Compostelle écrivit alors de façon imagée que l’on pouvait aller “de Bayonne à Bilbao sans descendre d’un pommier”, raconte Dominic Lagadec, tout en vérifiant ses kupelas : "C'est mon 16è Txotx ici". Nous goûtons le cidre 2013, qu'il voit évoluer depuis mai : "moins alcoolisé que l'an passé, son goût est plus franc, plus sec", commente-t-il, "sa belle robe jaune paille et jus de citron est superbe. En bouche, le pamplemousse et la mandarine explosent doucement" . "Il fut même un temps où les marins pêcheurs basques et normands échangeaient leurs greffons de pommiers en pleine mer", poursuit Dominic. Réputé pour combattre le scorbut, le cidre était également embarqué pour l’usage de l’équipage. D’aucuns prétendent même que les marins basques auraient très tôt exporté leurs meilleurs pommiers vers la Normandie, où la culture du cidre se généralisa au XIVe siècle, puis s’étendit à la Picardie, à la Bretagne et à l’Angleterre. 

    Il y a un siècle encore, la Normandie achetait des pommes en Gipuzkoa, car le savoir-faire de la transformation (distillerie, mise en bouteilles) était encore inexistant en terre basque. Une variété de pomme du Pays d’Auge se nomme d’ailleurs Bisquette (de Biscaye) et une pomme basque s’appelle Normanda. L’apogée du cidre, quant à elle, date de la fin du XIXe siècle, lorsque le transport des pommes se faisait par bateau de Honfleur à Bayonne, puis par bœufs depuis Hendaye. La culture de la pomme périclite avec la fin de la pêche hauturière et l’arrivée du maïs. La consommation du cidre passe derrière celle du vin, les goûts et le commerce évoluant. La fin de la seconde Guerre mondiale met un coup d’arrêt à la culture du cidre basque, jusqu’à la fin des années soixante, où un regain d’intérêt s’amorce, qui ne fera que croître, avec la forte demande, notamment, des sociétés gastronomiques de Donostia, et la mise en bouteille du sagarno qui se généralise. La consommation du cidre s’accélère après la mort de Franco en 1975, qui voit aussi l’essor du Txakoli. Le modèle de la bouteille de cidre basque, baptisée Sagardo est déposé en 1982. Aujourd’hui, c’est un million de repas “txotx” typiques - avec  omelette à la morue, txuleta (côte de bœuf), fromage de brebis, membrillo (pâte de coing), noix et cidre à volonté (pour 30 à 35€) qui sont servis chaque année. Le sagarno, qui titre 6°, est consommé dans l’année et il ignore le sulfitage, ce qui en fait un produit plutôt naturel, que l’on peut boire (avec modération) jusqu’au bout de la nuit. Ce premier février, l'ambiance conviviale augmente avec le temps, la chaleur, les chants, le cidre, les agapes et les rires se font plus clairs, plus forts et communicatifs. Les convives, venus en famille, entre potes ou en groupes, lèvent les verres et trinquent. Dominic passe entre les longues tablées, puis repart vers une kupela en lançant un long "Mojoooon!"..  L.M.

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    (*) En règle générale, les variétés Basques de pommes entrent dans la composition du sagarno à 30 % minimum (et jusqu’à 50%), puis ce sont des variétés Normandes, et enfin Espagnoles, en provenance des Asturies et de Galice, qui servent à son élaboration.

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    Relancer la culture de la pomme

    La municipalité d’Ascain exprime sa volonté de relancer la culture de la pomme en replantant des pommiers. Le village offre déjà un pommier à la naissance de chaque Azkindar. Et l’élection d'une ambassadrice de charme, la Reine de la Pomme se tient le 15 août depuis 8 ans.

    Cidreries du nord et du sud

    À l’exception de Txopinondo à Ascain, et de quelques restaurants cidreries où l’ambiance est reconstituée, comme Ttipia à Bayonne, le Fronton à Arbonne et la Cidrerie à Biriatou, l’écrasante majorité des cidreries se situent en Guipuzkoa, notamment autour des villages d’Hernani, comme la cidrerie Zetala, et d’Astigarraga : cidreries Rezola, Bereziartua, Petritegi, Alorrenea, Zaplain ou, proche de San Sebastian, Burkaiztegi. Fini le temps des cidreries rustiques au rez-de-chaussée en terre battue des fermes aux murs tapissés de kupelas, et où l’on mangeait le repas Txotx à la bonne franquette. Les cidreries modernes sont d’immenses salles de réception un rien froides, de prime abord, mais elles ne le restent jamais longtemps…

    Fêtes du cidre

    Txotx, début février, marque l’arrivée du cidre nouveau et l’ouverture des cidreries de tout le Pays basque.

    Autour du 21 mars, Kukuaren Kupela (la barrique du coucou), est une fête printanière qui rappelle une rite ancestral : lorsque le coucou chantait (il fallait alors avoir une pièce de monnaie dans la poche !) ceux qui n’avaient pas encore consommé tout le cidre durant l’hiver, le montraient au village. C’était un signe extérieur de richesse.

    À la mi-juin, le cidre est également fêté et donne lieu à un festival de chantsIMG_2483.jpg de marins (en langues Basque, Gasconne, Bretonne et Française), qui se tient en souvenir des marins qui partaient en Terre-Neuve et au Labrador : le sagarno embarqué servait de monnaie d’échange avec les Indiens des rives du Saint-Laurent (il était troqué contre de la graisse de baleine, qui servait à s’éclairer).

    À la mi-septembre, à l’occasion des Journées du Patrimoine, le Ban du Pressage donne
    lieu, à Ascain, et à l’aide des pommes des vergers du conservatoire municipal, à des démonstrations de pressage à l’ancienne (à l’attention des écoliers) dans les vieux pressoirs comme celui de Txopinondo qui date de 1875.

    Pour Urtezahar (la veille de la St-Sylvestre), un réveillon sans cotillons (avec viandes nobles et boisson à volonté, 55 €) se tient à Txopinondo, afin d’enterrer “la vieille année”. L.M.

     

     

     

  • Automne bleu

    C'est un livre de photos signées Cyrille Vidal, avec des textes d'Alain Dubos et de ma pomme, publié aux éditions Passiflore (*). Commandez-le si vous aimez la poésie des matins de partage en forêt landaise, lorsque le beau souci qui anime les amoureux des oiseaux (les palombes, en l'occurrence), est juste de les jouer, de les convaincre de se poser -d'abord sur les arbres, puis de descendre au sol- en les séduisant à la voix (en roucoulant) et en jouant des appeaux (ah, les traîtres!), puis de les prendre au filet, et après de les relâcher, et de ne jamais leur tirer dessus, comme dans certaines palombières qui tiennent aussi du restaurant de campagne et du havre de l'amitié...

    (*) Cliquez sur le C

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  • Belles plumes d'Algérie

    Papier paru dans le hors-série de L'EXPRESS, actuellement en kiosque, consacré aux Pieds-Noirs (rédaction en chef : Philippe Bidalon et Léon Mazzella) :

     

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    La littérature pied-noire naît avec Camus, mais le maître a engendré et continue d'engendrer pléthore de bons auteurs pieds-noirs.

    Par Léon Mazzella

     

     

    La littérature pied-noire – de qualité- naît au milieu des années trente avec les premiers textes d’Albert Camus, comme « L’Envers et l’endroit », et « Noces », publiés par Edmond Charlot. Cet éditeur libraire algérois fit beaucoup pour cette littérature naissante, avec son confrère Baconnier (auquel on associe le nom de Charles Brouty, illustrateur célèbre), et qui publia notamment « Jeunes saisons » d’Emmanuel Roblès, ainsi que des textes algériens capitaux, comme « Jours de Kabylie », de Mouloud Feraoun. Les auteurs phares de cette pépinière furent regroupés autour de « L’Ecole d’Alger » avec Charlot pour éditeur, et comptait, aux côtés d’Albert Camus, Emmanuel Roblès, Jules Roy, le philosophe Jean Grenier, le romancier René-Jean Clot ou encore le poète Max-Pol Fouchet. Ainsi que Gabriel Audisio et Jean Sénac. 

    Donc, Camus. Avec  « Noces », « L’Eté », « La Peste », « L’Etranger », « Le Premier homme »… L’ombre tutélaire du Nobel 1957 plane sur la littérature pied-noire comme celle d'un mancenillier. Sa génération connut de grandes plumes. Il n'est qu'à citer Jules Roy (1907-2000), dont la précieuse saga « Les Chevaux du soleil » (Omnibus), ainsi qu’un livre devenu un classique, « La Guerre d’Algérie» (Bourgois), demeurent des ouvrages majeurs, sans concession le second, et inaltérables. Emmanuel Roblès (1914-1995), qui fit tant pour les écrivains pieds-noirs et algériens aussi en qualité d’éditeur au Seuil, dépeint, entre autres dans « Les Hauteurs de la ville » et dans « Jeunes saisons » (Seuil), le petit peuple d’Oran avec une immense tendresse que l’on retrouvera plus tard dans les romans de Louis Gardel. Algérois comme Camus, habité par Jules Roy, vivant à Paris, ce romancier puissant et délicat, éditeur au Seuil lui aussi, auteur du célèbre « Fort Saganne », traverse son œuvre au fil de l’Algérie. Et ce, depuis « L’Eté fracassé » jusqu’à « La Baie d’Alger » et « Le Scénariste », en passant par « Couteau de chaleur », « Notre homme », ou encore « Dar Baroud » (Seuil). Tous disent l’Algérie heureuse avec justesse, et aucun des personnages ne gémit jamais sur le paradis perdu ; ce qui est salutaire. Une autre voix précieuse est celle de Frédéric Musso, romancier de talent, poète concis et biographe avisé de Camus, dont il faut tout lire, notamment « Martin est aux Afriques » et « L’Algérie des souvenirs » (La Table ronde).  

     

    Romanciers sans pathos

    Et puis, il y a tant d'auteurs. Pêle-mêle : Jean Pélégri, et  « Les Oliviers de la justice », « Le Maboul » (Gallimard), et un livre-testament bouleversant : « Ma Mère, l’Algérie » (Actes Sud). Jean-Pierre Millecam, auteur du sensible « Et je vis un cheval pâle » (Gallimard). Annie Cohen et le si tendre « Marabout de Blida » (Actes Sud), Assia Djebar pour la violence salutaire de « Oran, langue morte » (Actes Sud). Il y a de la  « nostalgérie » soft chez Marie Elbe, et « A l’heure de notre mort » (Albin Michel), chez Janine Montupet, « La Fontaine rouge » (R.Laffont), et chez Marie Cardinal, « Les Pieds-Noirs » (Place Furstemberg). Ainsi qu'avec Norbert Régina, qui fut secrétaire général de la rédaction de L’Express jusqu’en 1987, et l’auteur d’une trilogie romanesque : « Ils croyaient à l’éternité », « La Femme immobile », « Les crépuscules d’Alger » (Flammarion). Dans « L’homme à la mer » (Orban) de Jacques Fieschi aussi. Citons encore Roland Bacri, disparu en mai dernier, qui fut « Le Petit Poète » du « Canard enchaîné » et l’auteur du « Roro », un dictionnaire pataouète qui ne prétendait pas donner le change au (Petit) Robert, car Paul Robert, l’auteur du dictionnaire éponyme, était lui aussi Pied-Noir ! Mention spéciale pour l’absence totale de pathos à deux livres parus récemment : « Trois jours à Oran », formidable roman d'un retour au lieu d'origine signé Anne Plantagenet (Stock), et au vibrant « Le Glacis », de Monique Rivet (Métailié). Sans oublier les Morgan Sportès, romancier né à Alger, Hélène Cixous, Oranaise et grande féministe, auteurs qualifié abusivement de pied-noir, car leur oeuvre n'évoque pas l'Algérie. Il y a par ailleurs le délicat Alain Vircondelet, Algérois et "durassien", l'éditeur né à Mascara Jean-Paul Enthoven, et même le grand Robert Merle! Enfin, last but not least, l'Algérois et "camusien" Jacques Ferrandez dans le domaine de la BD littéraire imprégnée par l'histoire de la présence française en Algérie.

     

    Philosophes de grand renom

    La philosophie n’est pas non plus en reste, avec des noms aussi prestigieux que celui de Jacques Derrida (1930-2004), d’abord. Le théoricien de la déconstruction naît à El Biar en 1930 dans une famille juive, et il restera en Algérie jusqu’en 1949, puis il y retourne pour effectuer son service militaire de 1957 à 1959, soit en pleine guerre. Il y retournera encore dans les années 70 pour y donner des conférences. Sa postface à « Les Français d’Algérie », de l’historien Pierre Nora (Bourgois), inédite jusqu'en 2012, est un bijou de 50 pages à l’adresse de son ami, auquel il reproche fermement d’être injuste à l’égard des Pieds-Noirs. Collègue de Derrida à Normale Sup’, le philosophe marxiste Louis Althusser (1918-1990) est également d’origine pied-noire, puisque issu d’une famille alsacienne installée au sud d’Alger, à Birmandreis. Le très médiatique Bernard-Henry Lévy, est né en 1948 à Béni-Saf. Son arrière grand-père maternel fut le rabbin de Tlemcen. BHL a quitté l’Algérie avec sa famille pour Neuilly-sur-Seine en 1954. Notons que Derrida et Althusser furent ses professeurs, rue d’Ulm. « Le plus beau décolleté de Paris » (Angelo Rinaldi dans L'Expres) a déclaré en 2012 que l’Algérie n’était « ni un pays arabe ni un pays islamique, mais un pays juif et français, sur un plan culturel »… Parmi les écrivains journalistes célèbres, citons rapidement Jean Daniel (Le Nouvel Observateur, qui fit ses armes à L'Express, où il couvrit la guerre d'Algérie). Et Jean-Claude Guillebaud, essayiste et grand reporter, né en Algérie d’un père charentais et d’une mère pied-noire. Il a grandi dans le Sud-Ouest dès l’âge de trois ans. Journaliste, il refusa obstinément d’y retourner pour ne pas raviver ce qu’il nomme « une dislocation originelle ». Jusqu’en décembre 2011, parce que « l’heure était venue » de retrouver l’autre partie de lui-même devant la Baie d’Alger... L.M.

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    GRANDES VOIX ALGÉRIENNES

    Il est impossible de dissocier les grandes voix de la littérature algérienne des années Camus à nos jours, de la littérature dite pied-noire. Parmi celles-ci et dès avant Yasmina Khadra dont l’œuvre rencontre un succès revigorant, nous trouvons Mouloud Feraoun, ses « Jours de Kabylie », et « Le Fils du pauvre » (Seuil). Feraoun n’a pas cinquante ans lorsqu’il est assassiné le 15 mars 1962 à Alger par l’OAS .

    Il y a Jean Amrouche et « L’éternelle Jugurtha » (L’Arche), qui eut ce mot : « L’Algérie est l’esprit de mon âme. La France l’âme de mon esprit ». Mouloud Mammeri  pour « La Colline oubliée » (Seuil). Mohamed Dib le tlemcénien, qui collabora au quotidien progressiste « Alger Républicain » avec Kateb Yacine, auteur de l’inoubliable « Nedjma » (Seuil). Dib signa notamment « Un été africain » (Seuil), dans les pages duquel il nomme toujours les « événement » que l’on appellera officiellement « Guerre » qu’en 1999, par le lapidaire vocable : « ça ». Mohammed Dib est aussi l’auteur d’une trilogie, « Algérie » : « La Grande maison », « L’Incendie », et « Le Métier à tisser » (Seui) qui paraissent au moment des années de braise d’une guerre sans nom et décrivent une terre rurale, pauvre, simple, quotidienne, aux dimensions ethnographiques précieuses. Il y a également Rachid Mimouni et son « Fleuve détourné » (Stock), Tahar Djaout, assassiné en 1993 (« Les Vigiles », Seuil), et plus tard Rachid Boudjedra et son puissant roman « La Répudiation » (Denoël). Citons enfin Leïla Sebbar, romancière et pilote, notamment, d’une admirable anthologie intitulée « Une enfance algérienne » (Gallimard), et Malika Mokeddem, pour son touchant roman « L’Interdite » (Grasset). L.M.

     

     

     

  • ATTENTION, ÉVÉNEMENT

    terre_du_couchant.jpgGRACQ INÉDIT

    J'y reviendrai forcément très vite, ici même :

     

     

     

     

     

     

     

    http://www.jose-corti.fr/titresfrancais/Terres_du_couchant.html

    Extrait, pour redire brièvement l'intemporalité, la permanence, la perfection du style, l'oubli de tout repère, excepté celui du méridien de Greenwich littéraire que l'auteur figure ou dessine à lui seul, extrait donc, de l'événement littéraire 2014/2015 absolu, et propre à balayer tout le reste comme un amical tsunami - d'un revers distrait de la manche.

     

    « En ces jours-là, le monde nous faisait cortège, chaud comme une bête, touffu comme un bois noir, plein de peurs et de merveilles – nous étions conduits – de grands signes se levaient pour nous sur la route, comme à celui qui s’est mis en chemin derrière une étoile – et tout autour de nous était calme, majesté, silence – un monde tendu à nous comme sur une paume, tout rafraîchi de palmes sauvages, fouetté de grands vents qui brassaient à pleins bras son écume verte, incliné, tout entier comme une voile qui prend l’alizé vers sa destination cachée, dans un roulis de long-courrier, un balancement d’équinoxe. » 

  • Mon premier livre numérique

    CLIQUEZ => http://www.numilog.com/336488/Chasses-furtives.ebook9782918471134_w150.jpg

    Comme quoi, il faut bien vivre, écrire, publier avec son temps...

    Chasses furtives, mon premier roman, fut publié une première fois en 1992 (il reçut alors deux prix littéraires). Cette version numérique est celle de sa troisième édition (septembre 2012). Bravo à mon éditeur, Passiflore http://bit.ly/1plruwq , pour sa modernité et sa belle capacité à proposer au lecteur un tel éventail.

    PUB : L'occasion de lire autrement pendant les vacances!..

    13€en version papier et 9,99€ en version numérique.

     

    Vous pouvez me retrouvez sur twitter (@kallyvasco), facebook (KallyVasco), ainsi que sur le Huffington Post, http://www.huffingtonpost.fr/où je suis blogueur associé depuis ce matin.

  • Le Pays basque et les écrivains

    écrivains et pb.jpegPapier donné au spécial Pays basque de Pyrénées magazine (en kiosque tout l'été).

     

    Terre d’écriture et d’écrivains, le Pays basque a toujours généré de la littérature et n’a jamais laissé indifférents les hommes et les femmes de plume, écrivains voyageurs du XIXème siècle ou pas, au point d’en avoir marqué certains à vie. Et de continuer de marquer leurs lecteurs. Par Léon Mazzella.

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    Victor Hugo, dans son fameux « Voyage aux Pyrénées », donne le ton en affirmant, avec un enthousiasme et une assurance renversants, que « la langue basque est une patrie, j’ai presque dit une religion ». Cette déclaration servira d’étendard à une littérature de langue basque dont nous parlerons dans une prochaine édition, et qui va de Bernat Etxepare à Bernardo Atxaga et ses émules. La langue, donc. La matrice. Et l’enfance, aussi. Déterminante, l’enfance. 

    Voyez Barthes, Roland Barthes. Son choc bayonnais lui durera jusqu’à sa mort accidentelle : « Car lire un pays, c’est d’abord le percevoir selon le corps et la mémoire du corps. (…) Au fond, il n’est Pays que de l’enfance », écrit-il à propos de Bayonne. « Rien, par exemple, n’a plus d’importance dans mon souvenir que les odeurs de ce quartier ancien, entre Nive et Adour, qu’on appelle le petit-Bayonne »… Barthes, le Parisien et l’enfant d’Urt (où il repose), fut sensible à la lumière, « noble et subtile à la fois ; jamais grise, jamais basse (même lorsque le soleil ne luit pas), c’est une lumière-espace », écrit-il encore dans « Incidents », « définie moins par les couleurs dont elle affecte les choses (comme dans l’autre Midi) que par la qualité éminemment habitable qu’elle donne à la terre. » 

    Cette déclaration d’amour, Hugo la partage, et il donna des pages inoubliables sur Biarritz : « Je ne sache pas d’endroit plus charmant et plus magnifique que Biarritz », sur Saint-Sebastien et sur Pasajes : « Cet endroit magnifique et charmant comme tout ce qui a le double caractère de la joie et de la grandeur, ce leu inédit qui est un des plus beaux que j’aie jamais vus, (…) ce petit éden rayonnant où j’arrivais par hasard, et sans savoir où j’étais, s’appelle en espagnol Pasages et en français le Passage ». À propos de Bayonne : « …Resté dans ma mémoire comme un lieu vermeil et souriant. C’est là qu’est le plus ancien souvenir de mon cœur. (…) C’est là que j’ai vu poindre, dans le coin le plus obscur de mon âme, cette première lueur inexprimable, aube divine de l’âme. » 

    "… et quand vous entrez dans Bayonne, l'enchantement commence."

    Si Hugo a visiblement eu une histoire forte avec Bayonne, nous ne sommes pas en reste avec Pierre Loti. L’auteur de « Ramuntcho » et du « Pays basque », surtout, véritable ode à un pays adoré, regrette qu’une telle terre, si belle, soit déjà vendue à un tourisme qui néglige sa beauté, sa pureté. Loti, qui loua en 1894, puis acheta une maison au bord de la Bidassoa à Hendaye, baptisée « Bakhar Etxea » (la Maison du solitaire), et qui y mourut en 1923, sera un amoureux absolu de cette terre de recueillement, qui lui fit écrire ces textes parmi les plus profonds et les plus sentis

    Flaubert, dans son « Voyage aux Pyrénées et en Corse », est subjugué en arrivant : « … L’ennui des plaines blanches du midi vous quitte, il vous semble que le vent de la montagne va souffler jusqu’à vous, et quand vous entrez dans Bayonne, l’enchantement commence. (…) Jusqu’à présent j’adore Bayonne et voudrais y vivre ; à l’heure qu’il est je suis assis sur ma malle, à écrire (…) L’Adour est un beau fleuve qu’il faut voir comme je l’ai vu, quand le soleil couchant assombrit ses flots azurés, que son courant, calme le soir, glisse le long des rives couvertes d’herbes. » On voudrait tout citer, tant le Flaubert voyageur, à la plume étincelante, fait briller le Pays basque. Une dernière phrase :  « J’étais triste quand j’ai quitté Bayonne et je l’étais encore en quittant Pau ; je pensais à l’Espagne, à ce seul après-midi où j’y fus, ce qui fait que Pau m’a semblé ennuyeux. » 

    Pour la distinction Basques – Béarnais, il faut lire la monumentale « Histoire de France » de Michelet (tome3) : « Le joli petit homme sémillant de la plaine, qui a la langue si prompte, la main aussi (le Basque), et le fils de la montagne ; qui la mesure rapidement de ses grandes jambes, agriculteur habile et fier de sa maison, dont il porte le nom (le Béarnais)… ».

    Stendhal aussi a aimé Bayonne, ville  « resserrée », note-t-il dans son fameux « Journal de voyage de Bordeaux à Valence en 1838 ». Il se promène : Saint-Jean-de-Luz, Béhobie, Fontarrabie…  Remarque la beauté sauvage des femmes : « Toutes les femmes sont pieds nus, et, chose qui est étrange, par le vent affreux et la pluie qui verse à tout moment, elles sont nu-tête. Leurs cheveux forment une tresse qui descend presque jusqu’aux jarrets. » 

    "… elle frémit encore, mais de plaisir."

    Hippolite Taine, dans son « Voyage aux eaux des Pyrénées » illustré par Gustave Doré (1855), souligne la gaîté et le caractère espagnol de Bayonne, mais semble chagrin à la vue de la mer qui « ronge la côte » à Biarritz, et où « un mauvais gazon troué et malade » froisse son plaisir. À Saint-Jean-de-Luz, l’océan devient « un Dieu lugubre et hostile, toujours grondant, sinistre… ». Plus loin (il semble de meilleure humeur), « la mer sourit dans sa robe bleue, frangée d’argent, plissée par le dernier souffle de la brise ; elle frémit encore, mais de plaisir… » 

    Laissons-le et prenons le « Voyage en Espagne » de Théophile Gautier (1840), qui note : « Des torrents capricieux comme des femmes vont et viennent… », et qui est surpris, du côté d’Urrugne, par la « physionomie sanguinaire et barbare (des maisons) due à la bizarre coutume de peindre en rouge antique ou sang de bœuf les volets, les portes et les poutres… ». 

    Viollet-le-Duc, à qui l’on doit le château d’Abbadia (1870), parcourt l’arrière-pays, et nous lisons dans ses « Lettres » de 1833 (à son père notamment), rehaussées d’aquarelles célèbres, qu’il randonne souvent du côté de Bidarray, du Pas de Roland, de Baïgorry aussi. Il admire la Nive, porte un regard de peintre sur les paysages, mais sait aussi relever, du côté d’Itxassou, la force de la gastronomie locale : « Nous arrivâmes à une auberge ; la femme de l’aubergiste seule comprenait le français, et nous lui demandâmes du vin et de la soupe ; toute la cuisine basque des paysans (qui se borne à très peu de choses) est poivrée de manière à emporter la bouche, leur vin même semble avoir un goût de poivre ou de piment. » 

    Prosper Mérimée visite une première fois le Pays basque en 1830. L’auteur de « Carmen » tombera amoureux de Sainte-Engrâce notamment, sera très ami avec Eugénie de Montijo et écrira des lettres magnifiques qui flattent l’âme du pays : « Nous autres gens du Pays basque, nous avons un accent qui nous fait reconnaître facilement des Espagnols ; en revanche, il n’y en a pas un qui puisse seulement apprendre à dire baï, jaona. Carmen donc n’eut pas de peine à deviner que je venais des provinces…. », écrit-il en 1861. Le regard du voyageur du XIX ème siècle est donc changeant. Paul-Jean Toulet est autrement délicat dans ses « Contrerimes », et son admiration poétique du pays et des gens qui l’habitent est un chef-d’oeuvre de tact. « Bayonne ! Un pas sous les Arceaux, /Que faut-il davantage / Pour y mettre son héritage / Ou son cœur en morceaux. » 

    "… pour juger, pour aimer, il faut venir et rester…"

    Jules Supervielle  possède peut-être autant de délicatesse, avec la fin de ce poème intitulé « Coucher de soleil basque » : « C’est l’heure où, chaque jour, dans une étreinte pure / La Montagne et le Ciel mêlent leurs chevelures ». 

    Plus près de nous, divers auteurs comtemporains comme Florence Delay, une enfant de Bayonne, qui a notamment donné le roman « Etxemendi », Philippe Djian, qui a signé « Impardonnables », vécut un temps à Biarritz et qui déclare « j’ai l’impression d’avoir trouvé mes racines au pays basque », Jean Echenoz, qui y fut en immersion à la faveur de l’écriture de son « Ravel », Marie Darrieussecq, une autre Bayonnaise qui évoque son pays natal à l’occasion (« Précisions sur les vagues »), ou encore Daniel Herrero, qui sait décrire avec un style inimitable les rugbymen basques, dans son « Dictionnaire amoureux du rugby », prolongent la prose empathique d’un Joseph Peyré, d’un Pierre Benoît ou encore d’un Francis Jammes, même si ce dernier est moins subtil peut-être que Toulet - tous sont amoureux de leur terre. Et l’on s’aperçoit alors que les écrivains locaux (mais pas de langue Basque – objet, nous l’avons dit, d’une prochain article), comme les écrivains voyageurs qui se retrouvent à aimer le Pays basque, rivalisent d’enthousiasme pour cette terre que Roland Barthes invite à ne pas trop photographier, car « pour juger, pour aimer, il faut venir et rester, de façon à pouvoir parcourir toute la moire des lieux, des saisons, des temps, des lumières ». L.M.

     

    pyrmag hs pbasque14.jpegBibliographie :

    Roland Barthes, « Incidents », Seuil.

    Victor Hugo, « Voyage aux Pyrénées. De Bordeaux à Gavarnie », Cairn.

    Pierre Loti, "Ramuntcho", « le Pays basque », Aubéron.

    Michelet, « Histoire de France », t.3, Les Equateurs.

    Stendhal, « Journal de voyage de Bordeaux au Pont du Gard", Pimientos.

    H.Taine, « Voyage aux eaux des Pyrénées », Hachette.

    T.Gautier, « Quand on voyage », Lévy frères.

    Viollet-le-Duc, « Lettres », Amis du musée pyrénéen.

    P.Mérimée, « Lettres d’Espagne », Complexe.

    P-J. Toulet, « Les contrerimes », Poésie/Gallimard.

    J.Supervielle, « Poèmes », Gallimard.

    F.Delay, « Etxemendi », folio.

    P.Djian, « Impardonnables », folio.

    J.Echenoz, « Ravel », Minuit.

    M.Darrieussecq, « Précisions sur les vagues », POL et « La mer console de toutes les laideurs », Cairn.

    D.Herrero, « Dictionnaire amoureux du rugby », Plon.

    J.Peyré, « De mon Béarn à la terre basque », Marrimpouey.

    P.Benoît, « Le Pays basque », Nathan.

    F.Jammes, « de l’angélus de l’aube à l’angélus du soir », Poésie/Gallimard.

     

     

    Ernesto de Iruña

    Papa Hem’ (Ernest Hemingway) aura fait davantage pour « las Sanfermines » (les fêtes de Pampelune), qu’aucun office de tourisme ou campagne de pub aurait pu faire, et ça continue ! La chambre qu’il occupa entre 1923 et 1959 (il participa neuf fois à la feria des ferias) à l’Hôtel La Perla – conservée dans son suc - est réservée pendant les fêtes jusqu’en 2050. Sa statue trône devant les arènes qui accueillent vers 7h06 les toros de l’après-midi, à l’issue d’un encierro quotidien, au cours de la semana grande (qui se tient traditionnellement du 7 au 14 juillet), et que d’aucuns pensent courir comme Hemingway le fit - ce que personne ne peut affirmer (y compris son biographe d’entre les biographes, A.E. Hotchner, lequel, du bout des lèvres semble-t-il, murmure dans « Papa Hemingway », que dans son jeune âge, Hemingway avaitcouru devant les taureaux…) ; et ce au péril de leur vie. Et les coups de cornes sont généreux, qui frappent à l’occasion des citoyens américains aficionados à leur auteur favori davantage qu’a los toros. Il n’empêche ! La légende Hem’, car l’auteur de « Le soleil se lève aussi » - the livre sur Pampelune ! (et de « Mort dans l’après-midi » aussi), a la peau dure. Papa Hem’ suivit également quelques corridas bayonnaises, mais c’est Pamplona qui l’ancra dans la fête, son esprit, ses beuveries, son débridé païen, son culte du toro-toro, ses mines d’écriture que tout cela engendra – pour notre bonheur de lecteurs. L.M.

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    A.E. Hotchner, « Papa Hemingway », éd. Calmann-Lévy.

     

    Edmond d’Arnaga

     

    Edmond Rostand, né à Marseille, où il repose, et mort de la grippe espagnole à l’âge de 50 ans à Paris en 1918, n’aura rien écrit sur le Pays basque, et pourtant, avec sa fameuse et somptueuse résidence Arnaga, située à Cambo, ce Rostand-là fait partie du paysage littéraire régional. Le génial auteur d’un des textes les plus beaux de la langue française, doublé d’un des textes porteurs d’une morale humaine difficilement dépassable – Cyrano de Bergerac -, s’il avait écrit sur le Pays basque, aurait certainement donné des pages étincelantes. C’est le Luchonnais, où il résida dans sa jeunesse, qui l’inspira davantage. Et c’est en convalescence d’une pleurésie, à Cambo en 1900, qu’il est séduit par le pays et fait édifier Arnaga, devenue Musée Edmond Rostand : www.arnaga.com L.M.

  • BAYONNE : LA BELLE GASCONNE EST BASQUE

    Voici un papier que j'ai donné à Pyrénées magazine et qui paraît dans le spécial Pays basque, avec un superbes photos signées Dominique Chauvet. 

    PM HS PB.jpegLE COEUR DES BASQUES

    Ville à l’histoire gasconne,Bayonne est marquée depuis le XX ème  siècle par la culture basque, au point d’être considérée comme la capitale du Pays basque nord... Mais le débat est vieux comme Lapurdum. Par Léon Mazzella. Photos : Dominique Chauvet.

    Bayonne est-elle une ville basque ou une ville gasconne ? Si cette question que l’on se pose encore est devenue une antienne, c’est qu’elle n’est toujours pas tranchée, sinon à la sauce normande : ptêt’ ben qu’oui, ptêt’ben qu’non. Nous irons plus loin : la situation géographique de Bayonne, d’abord, lui donne droit de cité en Euzkadi. Située aux confins des Landes et du Pays basque, elle est incontestablement réputée capitale de la Côte basque, comme Pau est celle du Béarn, dans un département ou les Pyrénées, de Basses dès 1790, sont devenues Atlantiques en 1969. C’est par extension et presque naturellement que Bayonne est considérée aujourd’hui comme la capitale du Pays basque français dans son ensemble. Capitale économique du Bassin de l’Adour, port de commerce d’importance (le 9ème de l’hexagone par l’importance de son trafic), Bayonne a par ailleurs toujours joué un rôle d’aspirateur des énergies humaines, notamment celles du Pays basque intérieur. Lapurdum (son nom latin, qui a donné Labourd), est par ailleurs  située à la frontière occidentale entre le Pays basque et la Gascogne. À la sortie de Bayonne en prenant la rue Maubec, on arrive très vite dans les Landes – Tarnos est à peine à une encablure et demie de la gare. Si l’on se penche sur l’origine du peuplement de la ville de Bayonne, on s’aperçoit vite que les Vascons (habitants d’une zone englobant la Navarre espagnole et remontant jusque dans les Landes, grosso modo), ancêtres des Gascons (la langue gasconne est d’ailleurs un mélange de vascon et de latin), peuplent dès avant les Basques la future cité, qui appartient à une région appelée Novempopulanie, puis justement Vasconie (dès 626). Néanmoins, la chute de l’empire romain voit apparaître les Basques, ou Baskones, et le mot glisse vers celui de Gascons. Cherchez l’erreur… Comme ils venaient de l’actuelle province de Navarre espagnole, cela ne pose pas de problème historique majeur. On parlera gascon à Bayonne jusqu’au début du XXème siècle, car Bayonne, comme capitale du Labourd jusqu’en 1177, avant d’être rattachée au duché d’Aquitaine, restera donc une ville gasconne pendant des siècles. La langue française chasse progressivement la langue gasconne, qui fut pourtant la langue officielle de la région de Bayonne pendant au moins 400 ans, tandis que de nombreux Basques venus de l’arrière-pays s’installent dans la ville tout au long du siècle dernier. Ainsi cohabitent trois langues, de nos jours. L’occitan gascon, devenu minoritaire, régresse considérablement, le basque résiste au français, qui est omnipotent, parce que les Basques constituent une minorité qui sait s’imposer, devenue au fil du XXème siècle, une population bayonnaise influente. 

    UNE VILLE MÉTISSÉE

    D’ailleurs, à ce stade de l’exploration de Bayonne, ville hybride, autant gasconne que basque, ou peu s’en faut pour certains, résolument gasconne pour d’autres ou seulement basque pour d’autres encore, nous pouvons affirmer que, historiquement, Bayonne fut gasconne et qu’elle est devenue basque à l’époque contemporaine, et qu’en tant que ville européenne, au passé notamment enrichi par la communauté Juive venue du Portugal au moment de l’Inquisition, et qui s’installa dans le quartier Saint-Esprit (lequel fut lui-même gascon jusqu’en 1857, date à laquelle il est rattaché à Bayonne), c’est une cité aux cultures métissées – ce qui en fait sa richesse.  Terre de brassage et de mélange, de langues distinctes et d’apports humains, économiques, culturels, religieux divers, avec l’Espagne à proximité, l’océan et un port d’accueil, les Landes de Gascogne au nord et le Pays basque « sur place », Bayonne est une ville des confins, une ville frontière sans barrières, une ville que l’on répugne à quitter, une ville de ponts entre les cultures. La toponymie originelle des rues, des lieux-dits, même si elle est aujourd’hui « francisée », se partage les trois langues et est « entretenue » sur les panneaux de signalisation et la signalétique générale. Plusieurs émissions de télévision, de radios, des chroniques dans certains journaux sont en Basque et en Gascon. Les ikastolas encouragent l’apprentissage de l’euskara (le gascon n’est cependant guère enseigné officiellement), les académies, tant basque que gasconne, continuent de produire des études savantes, puisque la question fait encore couler beaucoup d’encre, mais il est à noter aussi, avec bonheur d’ailleurs, que les acteurs culturels, issus du monde associatif, s’accordent désormais en collaborant à l’occasion de « semaines » riches d’animations collectives basques et gasconnes à la fois. 

    DES SYMBOLES BASQUES FORTS

    Gorka Robles Aranguiz, chanteur basque bien connu à Bayonne, souligne d’emblée que Ibai Ona (la bonne rivière) qui a donné Bayonne, est un nom basque ! Et pan. Et l’homme à la voix qui porte et aux rires homériques enchaîne en évoquant la présence, à Bayonne, du seul musée qui se revendique exclusivement basque ! À Bilbao, c’est un musée d’art contemporain qui fait la gloire de la ville, tandis qu’ici, c’est le Musée basque, ou Maison Dagourette. Notons cependant l’existence du musée San Telmo, à Saint-Sébastien, le plus vieux musée du Pays basque d’ailleurs, qui ouvrit ses portes en 1902. Ce musée de la société basque et de la citoyenneté se trouve néanmoins « de l’autre côté », et la présence du Musée basque sur les quais de la Nive renforce le rôle – de plus en plus indubitable - de Bayonne capitale basque depuis plusieurs décennies. Car, en effet, dès le début du siècle dernier, un phénomène quasi naturel, logique, a fait couler, découler, venir à Bayonne, depuis la campagne, depuis la montagne, depuis l’Espagne aussi, au marché hebdomadaire, au stade, une population basque de plus en plus nombreuse, qui a progressivement pris racine, notamment dans le quartier Saint-André. 

    UNE CONQUÊTE VENUE DE L’ARRIÈRE-PAYS

    Clément Soulé, emblématique patron du Café des Pyrénées (qu’il a vendu il y a sept ans et qu’il ouvrit le 1er avril 1982), évoque le Petit Bayonne en ces termes : « on l’a conquis ! ». On, ce sont les Basques du Pays intérieur, surtout les Souletins, s’agissant du quartier Saint-andré. Ce mouvement de conquête connut une accélération dans les années 1980. À l’instar de Biarritz, où de nombreux Béarnais choisirent de s’installer, de nombreux Basques des villages environnants et des vallées plus lointaines posèrent leur sac dans le quartier du Petit Bayonne, plus populaire que le Grand Bayonne, traditionnellement bourgeois. C’est ainsi que des familles de Tardets, comme les Soulé, de Mauléon aussi, et d’autres originaires de Saint-Jean-Pied-de-Port, de Saint-Palais, d’Hasparren, « colonisèrent » plusieurs quartiers de Bayonne en imprimant rapidement leur marque euzkadienne. Prenons la place Saint-André avec son grand parking. C’est là que de nombreux autobus venaient de l’intérieur du pays, c’est donc là que les gens échangeaient les nouvelles, chaque mardi, jeudi et samedi. Certes, le quartier vécut aussi des périodes sombres, notamment avec les années ETA, IK (Iparretarrak) et GAL. La rue Pannecau, entre autres, demeure une partie de la ville où une forte identité basque, largement revendiquée par la jeunesse, a pris le relais des années où c’était des réfugiés, les « Réfus », qui hantaient les lieux, surtout dans les années 1983 à 1987, ainsi que le souligne Colette Larraburu (1). Une trentaine d’assassinats perpétrés par le GAL, notamment au Café des Pyrénées même le 29 mars 1985, ainsi qu’au célèbre café-hôtel Mon Bar, au bar Lagunekin, ou encore chez Etxabe (tous situés rue Pannecau), des explosions criminelles (à commencer par celle de la librairie Zabal, spécialisée dans la culture basque, et qui ouvrit ces années noires), ont marqué les esprits à jamais et certains murs en portent encore les stigmates. Le quartier fut longtemps déserté, et pour cause, et il fallut plus d’une dizaine d’années pour qu’il retrouve une atmosphère paisible et son sens inné de la fête. « Le quartier Pannecau », dit Clément Soulié, fonctionne comme un petit village où chacun se connaît et provient d’un coin du Pays basque intérieur, tout le monde y a échafaudé vaillamment sa petite stratégie de l’occupation des lieux, en y travaillant, en montant des commerces, en reprenant des pas-de-porte, modestement d’abord. Bayonne fonctionne un peu par communautés, en somme, » ajoute Clément, « Ce n’est pas contre les Gascons que les Basques de l’intérieur ont conquis une partie de la ville, ça a toujours fonctionné comme cela : les Béarnais à Biarritz, les Juifs à Saint-Esprit, les Basques entre Nive et Adour. » Clément Soulé reconnaît cependant que sa communauté est moins performante que celle des Auvergnats (de Paris), par exemple, pour s’entraider. « Autrement, c’est Bayonne dans sa totalité qui serait aujourd’hui annexée par les Basques de l’intérieur ! », lance-t-il en souriant.  

    LE RÔLE CAPITAL DES FÊTES

    « Cependant, jusque dans les années 1980, parler Basque à l’école, ça ne passait pas bien », rappelle Gorka Robles, « et le syndrome des histoires belges où le Basque remplace un Belge a la couenne dure ! ». Le Gascon était la langue de la bourgeoisie bayonnaise jusqu’au XIXème siècle, et ce jusqu’en Guipuzkoa, où c’était le peuple, surtout rural, qui parlait Basque. Répétons le, Bayonne assume aujourd’hui son rôle de capitale du Pays basque nord, comme Pampelune celui de capitale du Pays basque sud – c’est historique, pour la Navarre en tout cas, Vitoria tenant le rôle de capitale administrative. « La culture basque impulse la culture bayonnaise dans son ensemble, précise encore Gorka. Il n’est qu’à citer certaines initiatives innovantes comme le Bizi ! (mouvement alternatif alter mondialiste), et les  deux ikastolas que compte la ville, bien sûr. » Un signe ne trompe pas, vient des autorités :  le drapeau basque flotte au balcon de la Mairie de Bayonne… La chance énorme, sur ce sujet, c’est Baionako Bestak, les Fêtes de Bayonne : un million de personnes, un océan rouge et blanc, en cinq jours, voit des gens chanter et danser en langue basque, et les spectacles  proposés ont beau être différents les uns des autres, chacun a plus ou moins consciemment le sentiment de venir faire la fête dans la capitale du Pays basque. Pis, qui pense venir faire la fête dans Bayonne, ville gasconne ?..  L.M. 

     

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    Pratique :

    - Le Festival gascon de Bayonne, organisé par le Ligam Gascon deu Baish-Ador (LGBA), tiendra sa 5ème édition au cours de la première semaine de juillet prochain. Rens ; : 0559086422

    - Bizi ! www.bizimugi.eu

    - Académie gascoune de Bayonne : www.gasconha.com   

    - Académie de la langue basque (Bayonne : 0559256426).

    - Baionako Bestak, les Fêtes de Bayonne 2014 se dérouleront du 23 au 27 juillet. www.fetes.bayonne.fr

    - Lire : (1) « Rendez-vous Place Saint-André. Trente ans de vie au Café des Pyrénées, de Colette Larraburu. Préface de Léon Mazzella (éd. Elkar).

    - Festival musical Black & Basque, en septembre, lieu d’échanges culturels entre les peuples Afro-américain et Basque, créé il y a quatre ans par Christian Borde, alias Moustic (Groland, sur Canal+). www.blackandbasque.com

    - Bar-restaurant sympa du moment, à l’ambiance jeune et basque garantie : Kalostrape, 22, rue Marengo, à deux pas de la Place St-André.

     

    GASCON

    « Comment peut-on être Persan ? » demandait Montesquieu. Comment peut-on être Gascon ?.. On ne le devient pas, on l’est de naissance. C’est un caractère, une manière d’être au monde, de penser, de marcher, de parler, de rire et de chanter, d’aimer et de préférer, de manger et de boire, de donner et de partager, de faire la fête et de cultiver l’amitié avec autant de soin que la vigne, une façon de vivre le paysage, de caresser la plaine, de rentrer dans l’Océan, d’écouter la forêt, de voir la montagne, de songer la ville, de vivre le village, de dompter un étranger un peu trop conquistador. C’est une attitude de tous les instants, un accent, un regard, une fierté, une franchise, un laisser-aller contrôlé, une morale, un savoir-vivre à nul autre pareil. Parmi les Gascons auxquels je pense aussitôt, je compte Jean-Jacques Lesgourgues, vigneron en Armagnac, à Bordeaux et en Madiran. Mécène, collectionneur d’art contemporain, Jean-Jacques est l’archétype du Gascon total. Je pense aussi à Jean Lafforgue, érudit, ancien libraire emblématique du temple des livres bordelais : Mollat. Je pense à Jean-Pierre Xiradakis, autre Bordelais aux origines grecques, restaurateur à l’enseigne de « La Tupiña ». Je pense enfin à  Joël Dupuch, ostréiculteur sur le Bassin, amateur au sens noble du terme, ex rugbyman et cultivateur d’amitié. Le Gascon est un égoïste qui ne pense qu’aux autres. Un aventurier qui néglige l’objet pour la cause, un homme qui n’adhère à rien sauf au plaisir qu’il souhaite « faire passer ». Le Gascon est le contraire du militant. C’est un rugbyman au quotidien qui donne le ballon comme une offrande, parce que « ça » doit jouer, jamais stagner. Et pas que le dimanche après-midi. C’est un joueur qui fête la défaite, un homme qui engage sa vie pour son salut, à l’instar de « l’Aventurier » comme l’écrivain Roger Stéphane en dressa le « Portrait » dans un livre éponyme fameux. (Extrait de : « Le Sud-Ouest vu par Léon Mazzella ». Hugo & Cie).

  • 64 à 75

    C'est le score qui gagne. Avec 64, on mange 75. Comment? - En s'invitant (Saint-Léon, patron de Bayonne) à Saint-Germain, autour de la rue de la soif, rue Princesse et rue Guisarde, à un jet de gravier ramassé (à marée descendante et forte, devant un shore-break pentu et bruyant, menaçant même - celui qui te prend par les chevilles que tu dois alors planter grave comme des poireaux ou des asperges si tu veux pas t'ennoyer) à la plage de La Chambre d'Amour, à ce jet donc, de la Place Saint-Sulpice (Paris 6). Le CDT64 et ses belles (Cécile, Christiane, Emilie) avaient fait rhabiller les bars-restos de la zone aux couleurs de la Côte : Bayonne, Anglet, Biarritz, Bidart, Saint-Jean-de-Luz... Et c'était super. Il y avait un monde fou, on se serait cru aux Fêtes de Bayonne : du rouge et blanc partout, des petits foulards 64 sur les nuques, des bandas, des Paquito chocolatero (même un géant, vendredi soir) envoyés ici et là, des chants basques enchaînés dans les bars (chanter à fond les cordes Aïce Hegoa rue Princesse, ça, je n'avais jamais imaginé le faire un jour). Avec mes amis Jean-Luc Poujauran, le boulanger star et Dominique Massonde, chef d'Oppoca à Aïnhoa, nous étions les Trois Mousquetaires (sans aucun d'Artagnan) d'un jury chargé de tester les tapas de tous (neuf établissements jouaient le jeu), et nous avons élu, haut la langue, Pierre, du Birdland, angle Guisarde-Princesse, pour ses makis basques, son tartare de boeuf au piment d'Espelette, et son guacamole aux gambas impeccablement rôties... Au café Bidart, la simple tapa (tranche de pain, crème fromagère au maïs rehaussée d'un poivron rouge) était elle aussi renversante (photo de l'exécutante ci-dessous), mais nous avons tranché dans l'art. Ca, c'était vendredi soir : une soirée comme on aime, a tapear, a beber de bar en bar, transpercé d'amitié et de fierté simple, habillé de si peu, revêtu de grâce (à force de), le verbe chaud et le regard droit, le bonheur tranquillou en ligne de mire et la montre dans la Nive (ici, elle s'appelle la Seine - l'Adour sert à d'autres jets et rejets). La veille, à l'Eden Park, il y avait les amis réunis : atlantica-séguier au complet, à commencer par Jean Le Gall, le boss, et puis Sylvie Dargelez l'indispensable, leurs auteurs (dont mon ami d'enfance Alain Gardinier, l'inénarrable Roland Machenaud, ma pomme), de futures pièces rapportées  comme l'ineffable Gorka! (d'autres : mais, chuuutt!), et au fond du rade Pierre Oteiza himslef aux commandes charcutières, à l'entrée : la cave d'Irouléguy déléguée aux chutes du Niagara en trois couleurs dans des verres à pied - sélect jusqu'au bout -, et la nave vava, té! Il y avait également Régine Magné (ex-Sud-Ouest et Gascons toujours), Patrick de Mari et Blandine Vié (gretagarbure, the blog gourmand entre tous!), plein d'autres... Photos (avec un téléphone, agur les pixels!) du concours de tapas. Addeou!

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  • En hommage à Pierre Moinot, de l'Académie française, auteur du Guetteur d'ombre

    LA GUETTEUSE D’OMBRE

    Papier paru dans Billebaude n°3  (éd. Glénat) il y a deux mois environ.

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    Il y a celles qui chassent, il y a celles qui plument et il y a celles qui savent. La chasse étant une affaire d’hommes, la majorité d’entre elles subissent plus qu’elles n’agissent. Ne parlons pas des Dianes puisqu’elles égalent les chasseurs. Elles sont animées du même feu sacré et elles utilisent une arme : fusil, arc, oiseau de proie ;  chiens et cheval. Discrètes sous leur chapeau fin, tenant de leurs doigts minces un calibre vingt, et qui vous décrochent une palombe à limite de portée, qui font mouche avec l’air de ne pas y toucher et cela sans commentaire. Avec juste un léger sourire de satisfaction et un regard qui cherche –quand même- l’approbation sous la frange.

    Le gros bataillon féminin est formé de celles qui en ont marre. 

    Marre, de septembre à janvier, quand ça ne leur prend pas avant et que ça ne dure pas jusqu’à la fin du printemps, de ne jamais passer un dimanche tranquille avec leur homme, à faire la grasse matinée et à paresser toute l’après-midi. Le petit-déjeuner au lit ne sera jamais la tasse de thé de l’homme de chasse. Il faut s’y résoudre.

    Marre de plumer et d’écorcher le jeudi, de cuisiner le vendredi et d’écouter, au cours des redoutés repas de chasse, pour la mille et unième fois, les mêmes histoires, le dernier lièvre de montagne, le premier doublé de bécasses du côté d’Ahetze, et le gros sanglier que l’on a laissé passer du côté de Lapitxuri, à Dancharia. Elles se contentent alors de corriger les menteurs. Elles rectifient le tir. Et finissent par être dégoûtées de la chasse et des chasseurs, de leurs armes et de leurs chiens, des dimanches de solitude et de leur ennui de plomb, des nuages de plumes et du sang dans l’évier ; et il n’y a pas jusqu’au parfum du thym dont elles bourrent le cul du garenne pour parvenir à leur faire oublier qu’elles sont à nouveau les marquises aux repas des quatre-vingts chasseurs. Pour le banquet du samedi soir. Rares sont celles qui ont accompagné leur dingue de mari ou d’amant au moins une fois. Et j’en connais deux ou trois qui ont fini par adhérer au rassemblement des opposants à la chasse. Une manière de divorcer en réduisant la communauté aux aguets. Dans l’air conjugal, tendu comme le ressort d’une gâchette, flottent alors le soupçon et la trahison. Le doigt sur la détente à pétition, elles vous pointent de l’autre dès que vous vous sentez droit dans vos bottes vertes. Dès lors, gare au jour où ce ne sera plus du thym qui parfumera le lapin.

    *

    Il y a enfin les renardes. Celles qui ne porteront jamais une arme mais qui chassent autant que celui qu’elles accompagnent plus qu’elles ne suivent. Parce qu’elles savent. Elles ont compris. Compris que la chasse valait mieux que la prise.

    J’en sais une qui ne dort plus dès la fin du mois de juin parce qu’elle passe ses nuits en forêt à écouter les chevreuils. C’est le temps du rut. Elle vit les yeux plantés dans les jumelles, les nuits de pleine lune, à chaque aube, et elle exulte au moindre bruissement de fougères pour l’aboiement d’un brocard ivre d’amour, pour la fuite suave d’une chevrette assouvie. C’est une guetteuse d’ombre, dans l’esprit où l’entendait Pierre Moinot.

    Elle accompagne son homme de chasse dans ses marches de sauvage. Elle se lève avant le jour pour le plaisir de l’aube. Souvent avant lui. À son contact, elle a appris  à reconnaître les oiseaux selon leur vol, leur plumage, leur taille, leur envergure et leur silhouette ; elle sait aussi reconnaître une trace de daguet de celle  d’un vieux cerf. Elle a appris surtout à aimer les oiseaux comme lui. Elle a acquis les réflexes du regard et de la dissimulation. Elle est devenue renarde. Elle chasse de tout son être. Il a réussi à lui inoculer cette passion que son grand-père lui avait lui-même transmise. Lorsqu’ils chassent ensemble, avec pour arme un regard de rapace, leurs sens bandés comme des arcs, cette intimité dans la nature procède de leur amour. Elle en est l’ombre.  Le soir venu, lorsqu’elle s’assoupit sur son épaule, elle exhale une tisane de parfums sauvages, un mélange de cèpe, de lichen et de paille brûlée, capable de le transporter –en rêve-, dans un sous-bois trempé d’automne et de faire apparaître une bécasse qui jaillit en chandelle entre deux troncs. En la respirant, il plonge dans ses forêts imaginaires. Elle l’a précédé dans ses rêves. Les yeux fermés, ils fuient le monde.

    Léon Mazzella

     

     

  • A.B., hommage

    http://bit.ly/1iNMiYP

     

    Angora

    Il m'aura fallu faucher les blés

    apprendre à manier la fourche

    pour retrouver le vrai

    faire table rase du passé

     

    la discorde qu'on a semée

    à la surface des regrets

    n'a pas pris

     

    le souffle coupé

    la gorge irritée

    je m'époumonais

    sans broncher

     

    Angora

    montre-moi

    d'où vient la vie 

    où vont les vaisseaux maudits

     

    Angora

    sois la soie

    sois encore à moi

     

    les pluies acides

    décharnent les sapins

    j'y peux rien, j'y peux rien

    coule la résine

    s'agglutine le venin 

     

    j'crains plus la mandragore

    j'crains plus mon destin

    j'crains plus rien

     

    le souffle coupé 

    la gorge irritée

    je m'époumonais

    sans broncher

     

    Angora

    montre-moi

    d'où vient la vie

    où vont les vaisseaux maudits

    Angora

    sois la soie

     

    sois encore à moi

    Alain Bashung, 1.XII.47 - 14.III.09

  • Iraty, again

    images (1).jpegimages (2).jpegimages.jpegtéléchargement (1).jpegtéléchargement.jpegC’est la plus grande hêtraie d’Europe. A cheval sur la France (province basque de Soule) et l’Espagne (Navarre), avec ses 17 000 hectares,  c’est une forêt certes exploitée mais très sauvage, où la profondeur du silence n’est troublée à l’automne que par le brame du cerf et le craquement d’une brindille sous le pas d’un chercheur de champignons ou plus rarement sous celui d’un chasseur de bécasse, eu égard à la pente du terrain, qui en rebute plus d'un. Les cèpes d’Iraty se conquièrent car la montagne s’apprivoise, mais celle-ci est relativement douce et la forêt correctement balisée. En octobre, elle se pare d’un mantille rouge, or, mordorée et brune qui n’a rien à envier au manteau forestier québécois. La forêt résonne de cervidés, sangliers et toutes sortes d’oiseaux (palombes, pics, vautours fauves, milans noirs et royaux, grues cendrées, passereaux divers, du pipit à la grive draine) la survolent. L’hiver, lorsque la neige recouvre les cols et le sol de la forêt, Iraty propose 4 pistes de ski de fond (35 km au total) ainsi que des itinéraires balisés pour les randonnées en raquettes : un must ! Se promener une journée dans la forêt en raquettes à la recherche des traces laissées par les animaux sur « le livre de la neige » est un pur bonheur. Le reste de l’année, les sentiers de randonnées sont nombreux en forêt (80 km de pistes forestières au total) et sur les crêtes. Une balade classique mène au Pic des Escaliers, une autre conduit au majestueux Pic d’Orhy (2017m, le point culminant), via la route des cols de chasse à la palombe : Millagate, Odixar, Tharta ou encore Sensibil. On trouve également le GR10 au départ des Chalets d’Iraty. Non loin de là se trouve la crête douce d’Orgambidexka, le « col libre », qui sert de site d’observation privilégié pour les ornithologues en herbe drue –il est situé sur un vrai couloir migratoire. Les amateurs de pêche (omble chevalier, ou saumon de fontaine, truite arc-en-ciel) peuvent s’exercer sur les deux petits lacs d’Iraty-Soule et Iraty-Cize ou bien tenter leur chance, à la mouche, dans la rivière Irati, où les truites farios donnent de la soie à retordre (carte et timbre halieutique en vente aux Chalets). Enfin, les ennemis du silence et de la lenteur peuvent se livrer aux joies du VTT (location sur place) afin de décharger un trop plein d’énergie. Iraty c’est tout cela et bien plus encore. Car c’est un site d’une grande poésie où l’on ressent profondément l’âme du Pays basque dan sa partie la plus âpre ; la Soule. L.M.

     

    Photos © CDT64.  www.tourisme64.com

     

     

    Dormir, manger : 

    Chalets d’Iraty : location de chalets (de 2 à 30 places). www.chalets-iraty.com.  Honnête restaurant à proximité (centre).

    Chalet Pedro. Une institution en pleine forêt et à cheval sur la rivière Irati. Gîte confortable, restaurant classique et typique, grande terrasse avec le son du torrent , accueil formidable d’Isabelle www.chaletpedro.com   

    A Larrau, chez Etchemaïté. Autre  institution. Hôtel très correct. Restaurant réputé (cuisine basque généreuse, tendance gastro) www.hotel-etchemaite.fr.

    A St-Jean-Pied-de-Port, Les Pyrénées, Arrambide père et fils : Hôtel (Relais & Châteaux). Le  grand restaurant de l’arrière-pays basque www.hotel-les-pyrenees.com

    Carte : TOP25 d’IGN 1346ET. Forêt d’Iraty/Pic d’Orhy.

    Equipement :

    Vêtements discrets, de pluie, chauds, bonnes chaussures de marche, jumelles, lunettes de soleil, gourde, couteau.

    Domaine-Brana-rouge.jpgArdi gasna (fromage de brebis des bergers du cru, achetez-le chez Mayté, le spécialiste du jambon Ibaïona, qui est excellent, à St-Jean-le-Vieux, avant de monter). Irouléguy (passez chez Jean et Martine Brana à St-Jean-Pied-de-Port et prenez aussi la prune ou la poire, pour la flasque). Pain (si vous montez par l'autre côté, prenez la fougasse -pas trop cuite- à Tardets, dans le virage à la sortie). 

    téléchargement.jpegLire : le must de la poésie de Philippe Jaccottet : L'encre seraitnageur-de-riviere-416658-250-400.jpg de l'ombre (Poésie/Gallimard), Aphorismes sous la lune, de Sylvain Tesson (Pocket), le dernier livre (deux novelas, genre où il excelle) de (Big) Jim Harrison, et qui arrive ce matin en librairie : Nageur de rivière (Flammarion), ou encore un ou deux classiques comme un bon Thoreau (Walden), et La rivière du sixième jour, de Norman McLean (Points) qui devint Et au milieu coule une rivière, au cinéma. 

     

     

     

  • Oran A/R

    téléchargement.jpegUne main amie, qui sait, m'avait adressé ce livre. Trois jours à Oran, d'Anne Plantagenet (Stock), trouble ceux qui, comme moi, avaient projeté de retourner à Oran avec leur père : c'est la trame du roman, sauf qu'il s'agit d'un vrai voyage, réalisé en 2005, du père (né là-bas) avec sa fille sur la terre des origines. La fille (l'auteur) a toujours entretenu des relations ambiguës avec l'idée de l'Algérie, son appartenance pied-noir, le désir de connaître Oran et plus précisément Misserghin (il se trouve que ma propre famille possédait aussi une propriété au village de Misserghin, sur les hauteurs d'Oran. Misserghin et sa Vierge, ses orangers, ses clémentiniers surtout... Et que le roman d'Anne Plantagenet me fut par conséquent infiniment troublant, confondant même, au fil des pages). Le talent de ce livre est d'être dénué de pathos et de décrire un homme (qui est le contraire du pied-noir caricaturé à l'envi par une filmographie, des chansonniers, une forme de racisme mou, larvaire, qui eut cours...), un homme d'abord sceptique, puis heureux d'accomplir cet acte fort. Et d'une fille en observation, en voyage de reconnaissance des noms de lieux (La Sénia, la Place d'Armes, Aïn Témouchent, la rue d'Arzew, la plage des Andalouses, la rue du Général-Leclerc, le boulevard Front-d'mer, les arènes d'Eckmühl...), en vérification sensible, sensuelle, des faits : les lentilles (du premier janvier), la mouna de Pâques à Santa-Cruz, les migas... Des odeurs aussi, et des sons, des impressions tant de fois imaginées à travers les récits de sa grand-mère. Cela rend touchant ce bref roman à l'écriture simple et comme mise à distance sans être froide pour autant. Le fameux mot de René Char, La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil, trouve ici tout son sens. (Moi aussi, j'irai passer trois jours à Oran avec ma fille).

     

  • Qui o qua

    IMG_0944.jpgProcida me réconcilie avec la vie lorsque celle-ci glisse entre mes yeux. Cette île me rassemble et me ressemble. Elle irradie en moi, éloigne de la peau de mon âme les tourments. J’habite Procida comme le fleuve finit par habiter la mer. Ma confusion des sentiments s’épanouit sur le microcosme de la Corricella comme une feuille de thé dans l’eau bouillante. Chaque chose reprend place, chaque être observe l’autre en amitié ; insulairement. Ici je découle. Deviens poisson, nage en eaux claires. Je mûris comme le citron sous le soleil clément. J’oublie le manque. Je me nourris d’ombre et de petites tomates. Je IMG_0945.jpgplonge dans l’eau noire, pilote le bateau, un gozzo,  comme je caresserais une nouvelle femme. Le voilier de Paolo qui s’avance pour mouiller dans l’anse de Chiaia, le regard du vieux pêcheur taiseux qui reprise son filet, l’écho d’une Vespa à l’assaut de Terra Murata suffisent à mon bonheur écrasé de soleil du passager clandestin que je suis devenu sur l’île de mes ancêtres. 

    (photos : seul à bord, stasera : il benessere).

    Traduction de mon amie écrivaine napolitaine/procidienne et présidente du Prix Elsa Morante, Tjuna Notarbartolo : 

    Procida me riconcilia con la vita quando mi scivola negli occhi. Quest'isola mi ripiglia e mi somiglia. Mi splende dentro, allontana i tormenti dalla pelle dell'anima. Abito Procida come il fiume finisce per abitare il mare. i miei sentimenti confusi si stemperano sul microcosmo della Corricella, come una foglia di tè nell'acqua bollente. ogni cosa è al suo posto, ogni essere osserva l'altro in piena amicizia; insularmente. Sono alla deriva. divengo un pesce, nuoto in acque chiare. divengo maturo come il limone sotto un sole clemente. Scordo ogni mancanza. Mi nutro d'ombre e di pomodorini. Mi immergo nel mare profondo, guido la barca, un gozzo, come se accarezzassi una nuova donna. La barca a vela di Paolo che si avvicina per bagnarsi nell'ansa della Chiaia, lo sguardo del vecchio pescatore taciturno che ripara la sua rete, l'eco di una Vespa che scala Terra Murata, bastano alla mia felicità schiacciata di sole, da passeggero clandestino, quale io sono divenuto sull'isola dei miei avi.

  • L'âme basque

    Scan.jpeg








    Tel est le titre du long papier introductif (qui suit un bel édito), du numéro spécial Pays basque que publie Pyrénées magazine pour l'été 2013, sous la houlette de Marie Grenier (actuellement en kiosque, couverture ci-dessus). J'y signe aussi Les fêtes de Mauléon, un reportage réalisé en juillet dernier. Ca me fait drôle, car j'ai été rédacteur en chef de Pyrénées magazine et je suis un peu à l'origine de Pays basque magazine. Bon, voilà le truc sur cette indéfinissable âme basque : 


    HSbasque2013_identite.pdf

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    Dans mon pays, on remercie. Ce trait lapidaire de l’immense poète provençal René Char peut s’appliquer à l’âme basque. Ici aussi, on remercie. On reconnaît. On sait reconnaître d’un coup d’œil l’authenticité, on sait distinguer le passager sincère du faisan, on décline l’invitation du bavard, on observe le taiseux, on se toise d’un regard droit comme une pelote bien frappée. La suite appartient au temps. Celui que l’on sait donner sans compter si l’autre se montre digne de. De quoi au juste. Oh, de pas grand-chose de palpable à vrai dire, mais de tellement important, de si capital à la vérité. Un truc, une complicité, un silence éloquent, un partage fort comme un frisson, un truc quoi. Le « ça ». Un je-ne-sais-quoi-de-presque-rien-du-tout, une connivenciaSans ça, tu passes pas, tu restes là, voire tu rebrousses. Tu te casses quoi. C’est ainsi. Ainsi que la mémoire n’est pas trahie par de sournois virus, que le présent n’est pas empégué par de nuisibles invasions, que l’âme peut continuer de se sculpter au fil des jours et des nuits, à la faveur des étoiles et du savoir être de ceux qui remercient. 

    Qu’on ne se méprenne cependant pas : l’excès de méfiance nuit au développement de l’âme, la chose est entendue. Le message est passé. L’esprit n’est plus crispé sur ses traditions réputées intouchables selon une vieille rengaine devenue ringarde. Evoluons, disent les jeunes. On entend, disent les vieux. L’âme épouse l’histoire, bat la mesure de son temps, regarde devant, adossée au tronc de son précieux passé. Le tronc justement. Ce tronc commun qui n’est pas si singulier qu’il en a l’air. Qui force le respect, attire la curiosité. À présent, il convient de définir les contours, de croquer cette âme au fusain à la manière d’un jardinier paysagiste. Car elle est vaste, protéiforme, complexe et d’un bloc, paradoxalement. La nature, tantôt rugueuse, tantôt clémente du Pays a forgé l’âme basque. 

    Demandons-nous s’il est nécessaire de n’être pas Basque pour définir cette essence, à l’instar des historiens subtils de la psychologie sociale des peuples, comme le Britannique Théodore Zeldin qui a su mieux que n’importe quel observateur définir les passions françaises. Mieux vaut être un brin étranger à la cause, ou du moins avoir en soi la distance nécessaire pour pouvoir évaluer un esprit, soupeser cette fameuse âme à défaut de savoir la circonscrire exactement. Toute personne en empathie physique, géographique, sentimentale, ayant des attachements –réputés bien plus forts que d’ordinaires attaches-, avec la terre du Pays basque, peut éprouver des sensations qui touchent à cet impalpable recherché, à ce quasi-indéfinissable. « La voix, c’est ce que l’on a de plus précieux, c’est presque l’âme », me chuchote souvent une amie. Il y a un peu de cela dans l’âme basque. Au-delà du silence essentiel qui en dit long sur l’acceptation de l’un par l’autre, il y a comme une voix, une parole qui chuchote à qui sait écouter, indique le chemin ; montre la voie en somme. 

    Si nous décidons de bâtir notre demeure en terre basque, si celle-ci devient la terre élue comme on le dit d’un peuple, la résidence choisie comme on le dit de l’immigration, un courant certain, fluide et franc surtout, passe. Car c’est sur cette terre à l’âpreté profondément humaine que l’on peut se sentir habiter le monde. Le Pays basque happe. Un mot de Jorge Luis Borgès l’exprime avec une infinie justesse : « J’habitais déjà ici et ensuite j’y suis né ». Grandir, évoluer en terre basque permet d’en ressentir les bonheurs de l’enracinement serein, progressif ; souple. Se frotter aux êtres comme aux éléments permet d’en éprouver leur rigueur et leur exigence. Le Pays basque est une région de confins, ouverte sur le monde avec son balcon atlantique, qui se noie quelque peu dans des cultures cousines du Sud-Ouest et s’adosse aux Pyrénées pour mieux se tenir face aux vents. Ainsi fiance-t-il avec talent paysages et caractères. Le Pays basque s’offre à l’autre en le voyant venir. La vie d’un homme dépend tellement du génie des lieux et du beau hasard des rencontres qu’il convient d’en rater le moins possible. Davantage qu’ailleurs peut-être, le Pays basque sculpte l’autre. Nous y éprouvons avec force le sens de la fidélité et celui du bonheur. Nous y apprenons chaque jour l’amour et l’amitié qui dessinent notre géographie intérieure et délimitent nos frontières affectives. Ce territoire est une aporie heureuse. La chose est rare et par conséquent à préserver. Nous y cherchons ce qui est juste et bien. La tranquillité de l’esprit. Le repos du corps vivifié. La stimulation de la parole, le courage de regarder. 

    Le Pays basque est peuplé de femmes et d’hommes jamais blasés de leur enviable quotidien. Ils s’émerveillent sans forfanterie du pur plaisir d’exister. Cette terre enseigne le dédain du chiqué. Nos frères de joie vivent selon l’humeur des éléments : l’océan, les caprices du climat, la douceur des villages, le vent du Sud qui monte les esprits comme du lait, la montagne qui dit non. Cette façon d’être paysanne –un œil au ciel, l’autre sur la terre et cet instinct de cueilleur –saisir le bonheur, oiseau migrateur, à chaque éclaircie, apparentent l’homme d’ici à un épicurien forcé de limiter ses désirs. C’est pourquoi il est étincelant. Sa manière de vivre est une philosophie de l’instant partagé. Ce n’est pas un sage. Il sait que la parole économise l’action, mais il préfère agir, donner son pays. C’est un passeur. Ici, on s’ouvre à l’autre de manière oblative et sans se mentir à soi-même. L’âme du Pays basque est aussi une morale. Milesker. L.M.

  • Pierre Veilletet

    images.jpgC'est un grand journaliste doublé d'un écrivain précieux, précis qui vient de quitter ce monde à l'âge de 69 ans, le 8 janvier dernier. A Bordeaux. Sa ville. Né à Momuy dans les Landes et d'origine flamande par ailleurs, Pierre Veilletet aura effectué une brillante carrière au journal Sud-Ouest, qu'il pilota, jusqu'à son éviction brutale en 2000 -qu'il ne digéra pas. Prix Albert-Londres 1976 pour ses reportages sur l'agonie de Franco, il préféra rester le premier à Bordeaux au lieu d'être un numéro à Paris. C'était un maître à l'écriture rigoureuse, au ton singulier, hiératique et profond. Un styliste. Un observateur d'une finesse désarçonnante. Un taiseux au sourire rare aussi. Un personnage un rien intimidant mais toujours prompt à lancer un trait d'esprit pour détendre une atmosphère qu'il savait avoir rendue pesante, dans son bureau au journal ou ailleurs par hasard dans les rues de la ville. Veilletet avait le tact inscrit en lui. Et une délicatesse parfois gauche mais jamais empruntée. Il n'était pas d'accès libre. Ce n'est qu'à l'âge de 43 ans qu'il publia son premier livre, le court et dense roman La pension des nonnes, chez Arléa, maison cofondée avec ses amis Jean-Claude et Catherine Guillebaud et à laquelle il restera aussi fidèle que Julien Gracq le demeura à José Corti. L'allusion vaut rapprochement : le choix scrupuleux de l'adjectif, l'usage de l'italique pour appuyer comme on adresse un clin d'oeil entendu, rendent l'écriture de Veilletet voisine, sinon cousine de celle du grand écrivain de Saint-Florent-le-Vieil. Si Querencia et autres lieux sûrs peut faire penser à La première gorgée de bière de Philippe Delerm pour sa thématique, mais avec une autre tenue, une exigence altière, ce recueil de courts textes qui sont autant de bijoux ciselés évoque davantage les Préférences ainsi que Liberté grande, de Gracq, tant par sa subjectivité que par sa prose somptueuse. Le journaliste aura marqué Sud-Ouest Dimanche, qu'il dirigea dès 1979 de main de maître. Je le connus là, en 1981. Il fut mon premier rédacteur en chef et me permit d'écrire notamment des critiques de livres durant des années. J'entrais dans ma vie d'homme. François Mitterrand venait d'accéder au pouvoir et j'achevais mes études. Étrangement (encore que...), j'ai toujours trouvé en Veilletet un indéniable côté mitterrandien, dû sans doute à sa timidité -qui pouvait passer pour de la froideur et que l'on résumait en disant que c'était son côté British qui dépassait le côté Bordelais d'un homme à la casquette en tweed distincte de ses vestes de la même étoffe -qui le faisaient ressembler, physiquement aussi, au "Prince des reporters". L'homme impressionnait. Je n'oublierai pas ces inconnus célèbres (les seconds couteaux de la littérature que nous chérissions : Forton, Gadenne, Bousquet, Guérin, Perros, Augiéras, De Richaud, Henein, Vialatte, Calet...), dont nous fîmes une série dans le journal, avec Yves Harté -l'autre grande plume, qui lui succéda à Sud-Ouest Dimanche. Je n'oublierai jamais ce soir de 1986 copieusement arrosé que nous passâmes tous les trois (Yves Harté, Pierre Veilletet et moi), pour fêter la parution imminente de La pension des nonnes. En fin de soirée, nous avions porté à bout d'épaules un Pierre Veilletet ivre de bordeaux et de bonheur, de chez moi à chez lui ou jusqu'à un taxi, je ne me souviens plus très bien. Je garde précieusement le "tapuscrit" de ce roman, qui porte un titre originel schubertien : Un voyage d'hiver. Veilletet connaissait les vins et la tauromachie sur le bout des doigts et il a écrit des textes magnifiques sur ces sujets solaires qui le passionnaient.
    Attiré par l'Espagne autant que par l'Italie et par certaines villes du Nord, par les ports et par les fleuves, il plaçait l'exigence journalistique et la littérature au-dessus de tout. Il procurait, avec ses articles que nous guettions, ce plaisir du texte que l'on ne trouve plus guère dans les journaux et qui était alors flatté, encouragé à Sud-Ouest, journal de plumes donnant d'excellents papiers. Dans ses livres, que je relis depuis trois jours avec un plaisir mâtiné de tristesse, il donnait tout simplement la mesure d'une littérature de haut-vol. Car c'était un grand. Un très grand. 

    Lire (j'espère qu'Arléa aura la bonne idée de publier une compil°, un "Tout-Veilletet" comme cet éditeur de qualité a publié la totale d'Albert Londres, câbles compris, ou les Essais de Montaigne reloaded par Claude Pinganaud, ou bien comme il existe un Bouquins/Laffont des oeuvres d'Antoine Blondin, histoire de nous éclipser et de le relire peinard, à l'écart, comme un chien s'en va ronger au fond du jardin). Lire donc : Querencia et autres lieux sûrs (Mots et merveilles en collection de poche), La pension des nonnes, Bords d'eaux, Coeur de père, Mari-Barbola, Le vin, leçon de choses, Le prix du sang, Le cadeau du moine (tous chez Arléa); Le peuple du toro (Hermé), De l'esprit des vins (Adam Biro).

    Photo : Pierre Veilletet (lunettes) avec Jean-Claude Guillebaud (Prix Albert-Londres en 1972. Yves Harté le fut en 1990), dans le sannées 2000 : © Archives Philippe Taris/Sud-Ouest.


    P.S. : "l'avantage" d'un blog sur une publication dans la presse traditionnelle (je pense immédiatement et quasi exclusivement au support papier : je suis old school et j'aime ça), est de pouvoir s'autoriser des digressions personnelles, de se mettre en avant, ce qui est bien sûr proscrit partout ailleurs. C'est pourquoi je me suis laissé allé ci-dessus à partager une ou deux anecdotes, des souvenirs qui parlent de toute façon directement de Pierre Veilletet.


  • Il paraît aujourd'hui

    chasses-furtives.jpeg

    Alors je vous colle sa couverture. C'est la troisème édition de ce premier roman écrit il y a trente ans, publié la première fois il y a vingt ans et qui reparaît donc ce mois-ci avec une préface inédite, dans une édition superbe signée Passiflore; l'éditeur (détails en cliquant sur son nom). Ce petit livre a obtenu en 1993 le Prix Jacques-Lacroix de l'Académie française et le Prix François-Sommer. Faites passer!..


     

    images.jpegExtraits d'une lettre que m'a adressé le 30 décembre 1992 (il y a vingt ans), l'écrivain Pierre Moinot, de l'Académie française (1920-2007), auteur notamment du Guetteur d'ombre (Prix Fémina 1979) :

    "Cher Léon Mazzella, Je viens de lire "Chasses furtives" avec un extrême plaisir. Vous avez étonnamment rendu présent ce personnage solitaire, ses hantises, le poids de ses souvenirs, et les nuances si subtiles de sa sensibilité. Il est rare qu'un récit soit aussi évocateur, et votre style est superbe. J'ai été particulièrement touché par la constante référence au grand-père, par le chien sans nom (ce qui est une trouvaille), par tout ce que j'ai découvert d'un milieu que je connais très mal, le marais, et d'une chasse à la sauvagine que j'ai peu pratiquée; en même temps j'en ai vécu avec le personnage tous les moments forts, mais aussi bien l'atmosphère entière, et notamment le changement des couleurs selon les heures et les parfums, les odeurs, qui ont pour le personnage une grande importance. Il seimages (1).jpeg dégage du récit entier une mélancolie profonde, loin du temps, un sentiment rare d'harmonie qui d'ailleurs joue sans doute dans l'effacement du temps, le seul repère étant cette boule chaude d'un bonheur passé, du grand-père, d'une esquisse de famille au soleil - L'ensemble fait que ce récit échappe au corset réducteur des "récits de chasse" et rejoint une littérature de plus large visée. (...) Votre livre m'a touché parce que je le trouve d'une qualité littéraire très au-dessus de tout ce que je lis, parce que je découvre en vous lisant un vrai écrivain, sûr de son outil, riche de ce qu'il a à exprimer, et qui ne me touche pas seulement parce qu'il est de ma "famille d'esprit", mais parce qu'il a une sensibilité rare..." 

  • Balade littéraire dans les Landes

    Papier paru ce matin dans Le Nouvel Observateur, CinéTéléObs/Oxygène (avec d'autres papiers - à suivre ici - consacrés à l'année Klimt à Vienne et à une balade ornitho autour des lacs de Champagne).

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    Qui mieux qu’un écrivain entiché sait lire le paysage sensuel de ce département protéiforme ?

    images.jpegimages (7).jpegDu cru, ou bien frappés par cette terre, les écrivains distinguent les Landes de sable et de pins de celles vallonnées de Chalosse, les plates girondines du Tursan qui mamelonne, l’océan de maïs du silence de la haute-lande, les côteaux griffés de vignes des plages droites, le Bas-Adour drainé de fleuves du Marensin agricole, les grands étangs qui trouent la forêt de l’airial qui l’aère, le front de mer d’Hossegor des villages d’Armagnac. Les Landes sont une invitation au voyage. Immobile si l’on feuillette « l’Enterrement à Sabres » (Poésie/Gallimard), l’immense chanson de gestes hugolienne et gasconne de Bernard Manciet, l’écrivain de Trensacq, poète de images (10).jpeggénie disparu en 2005. Ou bien  en s’allongeant en pleine forêt sur un tapis d’aiguilles de pins et de fougères, le regard planté à la cime des arbres qui dansent. Il suffit alors de fermer les yeux pour confondre, comme le faisait François Mauriac, le bruissement permanent du vent dans les branches avec celui de l’océan. Le images (1).jpegimages (2).jpegBordelais Mauriac n’aimait rien comme planter ses fictions dans l’âpre lande : le village d’Argelouse est à jamais marqué par « Thérèse Desqueyroux », l’un de ses plus célèbres romans(Livre de poche). Montaigne, qui voyageait à cheval, a nourri ses « Essais » (Arléa) de centaines de chevauchées à travers les Landes. Il vante même les mérites des sources thermales de Préchacq-les-Bains dans son œuvre-vie. Jean-Paul Kauffmann a donné un livre magnifique, « La maison du retour » (folio), qui raconte comment il choisit justement de s’établir de temps à autre en forêt, à Pissos. Plus bas, on peut se promener du côté d’Onesse-et-Laharie, à la recherche de la maison des sœurs de Rivoyre, échouer à la trouver et relire « Le petit matin » (Grasset), de Christine, « la Colette des Landes », au café du coin. Les Landes, c’est la place centrale de Mont-de-Marsan à l’ouverture du premier café que l’on prend en pensant aux frères Boni : Guy et André Boniface, rugbymen de légende. Un stade porte leur nom à Montfort-en-Chalosse. Denis Lalanne, qui donna comme son ami Antoine Blondin des papiers « de garde » à « L’Equipe », écrivit un livre hommage images (3).jpegimages (4).jpegaux frangins : « Le temps des Boni » (La petite vermillon). Il vit aujourd’hui paisiblement à Hossegor. Le lire, c’est retrouver le rugby rustique de village, où les déménageurs de pianos sont plus nombreux que les joueurs du même instrument. Un autre écrivain journaliste parti trop tôt (en 2004), Patrick Espagnet, de Grignols (plus haut dans les Landes girondines), possédait une plume forgée à l’ovale. Ses nouvelles : « Les Noirs », « La Gueuze », « XV histoires de rugby » (Culture Suds), sont des chefs-d’œuvre du genre.  Les Landes, ce sont ces belles fermes à colombages avec leurs murs à briquettes en forme de fougère, qui se dressent genere-miniature.gifgrassement sur leur airial. La plus emblématique se trouve au sein du Parc régional de Marquèze, à Sabres, où l’ombre tutélaire de Félix Arnaudin, l’écrivain  photographe un brin ethnographe, plane comme un milan royal en maraude. Les clichés d’Arnaudin sont aussi précieux que ses recueils de contes (Confluences). L’un d’eux montre un images (5).jpegimages (8).jpegjeune berger, Bergerot au Pradeou, dressé dans l’immensité plate comme la main. Et évoque le tendre roman de Roger Boussinot, « Vie et mort de Jean Chalosse, moutonnier des Landes » (Livre de poche). C’est encore le souvenir de Pierre Benoît, l’auteur de « Mademoiselle de La Ferté », de « La chatelaîne du Liban » et d’Axelle » (repris le mois dernier par Albin Michel), originaire de Saint-Vincent-de-Paul, près de Dax, où il vécut « une sorte de vie animale et sylvestre » jusqu’à l’âge de seize ans. Les Landes, ce sont téléchargement.jpegenfin les inoubliables passages de Julien Gracq, dans « Lettrines 2» (José Corti). Le grand écrivain s’émeut avec l’acuité du géographe : « Jamais je ne l’ai prise (la route des Landes) sans être habité du sentiment profond d’aborder une pente heureuse, une longue glissade protégée, privilégiée, vers le bonheur » (…) « Maintenant se fait entendre dans le paysage une note plus ample et plus grave, que l’oreille surprend déjà dans le nom de Grandes Landes par lequel on désigne le massif le plus épais et le plus compact, le recès central du labyrinthe, et vraiment le cœur de la forêt. Non pas tant une forêt que plutôt une province des arbres, ce que les Anglais appelleraient woodland … »

    L.M. 

  • Grimaldi, Nicolas Grimaldi

    J'ai évoqué ses livres ici, à plusieurs reprises je crois. Là, je tombe sur un magnifique DSCF4059.JPGet très long papier paru dans Libération du 17 septembre dernier, signé Robert Maggiori (l'excellent chroniqueur philo de ce journal), sur ce philosophe un brin ermite, qui a le bonheur d'habiter depuis 1968 l'ancien sémaphore de Socoa (dans la Concha de Saint-Jean-de-Luz, près du fort Vauban, tout ça : un lieu inouï, magique, unique, de rêve total : photo ©L.M. : c'est par là-bas, au fond...). Je le regardais différemment, ces derniers jours, ce sémaphore-là (car je créchais à deux pas, entre Noël et le jour de l'An, chez mes amis Coco et Beñat : Sekulako, au passage, leur maison d'hôtes, est un pur nid de bonheur : http://www.chambres-dhotes-sekulako.com/ . Oui, je matais le sémaphore différemment, tout en me promenant là, à marée basse le matin -sous un ciel bleu dur intense d'hiver comme seul le Pays basque semble pouvoir en engendrer et en prodiguer genéreusement, avec cet air juste glacé-doux comme il faut et qui a la constante élégance de ne vous empêcher jamais d'être entièrement bien.

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    Nicolas Grimaldi... (Photo © Le Monde des religions) A Bordeaux, entre 1977 et 1981, je suivais, un poil clando, son cours en fac de philo, lorsque j'étais à Sciences-Po et en Droit (je m'échappais pour) sur "Le désir et le temps" (Vrin, pour la 3ème éd.), car le sujet me fascinait, ainsi que le talent d'orateur du prof : humble, gestuel, doux, souriant, tutoyant, sans prise de tête, citant les grands maîtres comme s'il citait Devos ou sa coiffeuse (hum...), un peu à la manière de Jankélévitch lorsqu'il naquit au grand public à la faveur d'une émission demeurée célèbre d'Apostrophes (pour Le je-ne-sais-quoi du presque-rien) mais qui mourût peu de temps après, hélas, non sans avoir vendu, de ce fait télévisuel-là, autant de ses livres en quinze jours qu'il n'en avait  écoulé durant toute sa vie... Bref, Grimaldi avait ( à mes yeux d'alors -je ne l'ai jamais revu) le talent en lui et il s'en habillait aussi, mais sans apprêt, naturellement. La classe, quoi.

    Le mec, Grimaldi, me fascinait, avec ses histoires de désir, de mort du désir, d'accomplissement d'içelui dans le plaisir, fugitif... C'était à la fois philosophique et sexuel, captivant à tous les niveaux du corps et de l'esprit. Un cours érotique et solaire, dirait Michel Onfray. En plus, c'est un type -il faut le savoir d'emblée! C'est capital (à mes yeux en tout cas), qui avance que toute la question est de comprendre comment il est possible qu'il y ait dans la nature un être aussi dénaturé que l'homme.

    Or, je matais à distance respectable sa résidence "de rêve" tout en jonglant avec les flaques d'eau de mer laissées entre les rochers, tandis que mes enfants figuraient une marelle sur elles et entre eux.

    De retour aux archives, je retrouvai donc ce papier de Libé, gardé et refilé par ma petite soeur, parce que je l'avais raté à sa parution (merci Pascale!). 
    Il est précieux, ce papier de Maggiori sur Grimaldi paru dans Libé. 

    Et je vais vous en donner quelques morceaux, comme on gratifie des moineaux et un ou deux pigeons (timides retardataires), tandis que nous cassons la croûte en famille (recomposée) au Port-Vieux (Biarritz), de pain, de jamon, d'ardi gasna, de vin et d'eau (j'allais oublier quelques pâtisseries locales, dont un Russe) -un après-midi, pluvieux que la veille-, de fin décembre 2011. 

    téléchargement.jpegPhoto © Rodolphe Escher, parue dans le n° de Libération cité ici.

    Nicolas Grimaldi : Seul l'homme se demande : que dois-je faire de moi-même pour n'avoir pas raté ma vie? Que faut-il attendre de la vie pour qu'il ne suffise pas d'avoir vécu pour l'avoir gagnée? J'en suis resté là jusqu'au bout, aujourd'hui encore.

    A propos du concept de générosité chez La Rochefoucauld, ou La Bruyère d'ailleurs (peu importe, car pour notre bonheur c'est souvent un peu pareil) : La générosité (chez ces indépassables Moralistes du Grand Siècle) traduit une sorte de sentiment du quant-à-soi, pris en un sens particulier, dit N.Grimaldi : je ne vais pas me plaindre de ma situation comme si un autre en était responsable, non, c'est à moi seul qu'il appartient d'accomplir et de réaliser tout ce qui me paraît le meilleur.

    A propos de Bergson, N.G. : D'où vient qu'il manque à l'homme quelque chose qu'il ne parvient pas à déterminer, de sorte qu'il lui suffit de l'obtenir pour découvrir que ce n'était pas ce qu'il avait désiré?

    A popos de Pascal : "Jamais personne, sans la foi, n'est arrivé à ce point où tous visent continuellement. Tous se plaignent... Nous ne nous tenons jamais au présent, tout nous déçoit toujours."(Pascal). Inconstance, ennui, inquiétude, voilà la condition de l'homme. Toute mon entreprise est d'avoir tenté de rendre raison de l'anthropologie pascalienne, sans recourir à aucun des fantasmes de sa théologie, et sans Dieu, voilà.

    N.G. : Un leurre est celui de vivre dans l'illusion que ce qui est important n'est pas encore commencé. On attend des temps nouveaux parce que le présent est insupportable, alors que tout à l'inverse, c'est l'exaspération de notre attente qui rend insupportable le présent.

    N. G. : Si l'attente est l'étoffe de la conscience, l'imaginaire en est la fibre. Contrairement à ce que Sartre a prétendu, la perception et l'imagination, le réel et l'irréel ne sont pas deux mondes étanches, structurellement séparés. La figure emblématique de l'imaginaire, c'est l'hallucination, l'envoûtement, de sorte que, comme dans tout envoûtement, la conscience est capable de vivre l'irréel comme s'il était la suprême réalité, et le réel comme s'il était moins que rien. Et cela fait aussi bien la croyance, le fanatisme, les religions, etc. Et peut-être aussi la jalousie, presque entièrement fantasmatique.

    N.G. : La vie est élan. J'ai mon identité hors de moi, je suis à moi-même mon propre manque parce que je suis vivant, au sens où le propre de la vie n'est pas d'être, mais de se propager, de se répandre par sa propre nature, et de s'éprouver d'autant plus qu'elle se diffuse, qu'elle se communique davantage.

    Le véritable bien, le véritable bonheur, ce par quoi je me sens d'autant plus vivre, c'est au contraire de m'épancher, dans une sorte de générosité vitale.

    téléchargement (1).jpegPhoto © Journal Sud-Ouest

    Mais qu'est-ce qui fait que ce déploiement vitaliste, interroge Robert Maggiori, produise forcément le bien, et non une surpuissance dominante, "colonisatrice", destructrice?

    N.G. répond que l'illusion inhérente à la vie c'est, pour chaque individu, de croire qu'il est le centre de la vie et de ramener tout à lui, au lieu que la vie ne tend qu'à rayonner à partir de lui. Pour éviter toute "volonté de puissance", il faut d'abord détruire cette illusion.
     

    Précisons que Grimaldi a beaucoup étudié Descartes, mais pas davantage que Socrate ou Proust (auxquels il a consacré de précieux ouvrages, la plupart publiés aux PUF et chez Grasset. Voir dans les archives de ce blog). Qu'il ne semble absolument pas nietzschéen, en tout cas pas aficionadévôt (si je puis risquer ce mot-valise), comme un Onfray, qui est par ailleurs un admirable décodeur des concepts philosophiques si délicats de Volonté de puissance et de Surhomme, et que Nicolas Grimaldi n'est pas non plus un Schopenhauer de Saint-Jean-de-Luz. (Mon seul manque, personnel, par rapport à Grimaldi, c'est l'absence de Spinoza chez lui, ou bien alors je n'ai pas encore tout pigé, ce qui est plus que probable). Ecoutons-le encore, car il est avant tout un être lumineux et d'une richesse précieuse :

    Psychologiquement, je m'éprouve d'abord dans la solitude, dans la séparation, dans l'abandon. Je suis tout seul dans mon lit et ne peux rien sans les autres, les autres ne sont pas d'abord ceux vers lesquels mon être va se diffuser, mais ceux dont j'attends toute chose. Ensuite, je pourrai leur donner ma vie. Or il ne s'agit pas seulement de la donner biologiquement, encore faut-il infuser, transfuser l'intensité de ce que je sens, afin que les autres fassent leur propre substance de la mienne. D'un point de vue moral, donner la vie, c'est plus facile à dire qu'à faire, car je veux bien donner de l'argent, je veux bien donner des leçons ou aider quelqu'un à accomplir sa tâche, mais comment puis-je donner ma vie sans imposer ma personne et, par là, imposer une contrainte, une sorte d'aliénation, auxquelles les autres ne sont pas prêts... Il me semble que nous n'avons que deux manières d'irradier notre vie sans imposer notre personne : c'est le travail et l'amour. Dans l'amour, je donne ma vie, mais sans ma personne, tandis que dans le travail, c'est par une sorte de dévotion anonyme, clandestine, secrète -si bien que je dirais que le travail est la forme la plus discrète et la plus délicate de l'amour.

    A la question de Robert Maggiori sur la manière de se donner sans se "fondre" dans l'autre, le philosophe de Socoa répond ceci : Il y a aussi cette forme que Descartes appelait l'amour de bénévolence ou l'amour de dévotion, par lequel je me voue à la perfection, à la réalisation de l'autre. Comment dirais-je? Que la personne aimée soit comme une oeuvre en état d'inachèvement. Un même violon, un même piano ne sonnent pas de la même façon selon le musicien qui en joue. Eh bien ce que j'ambitionnerais, dit Grimaldi,  ou ce que l'amour me fait ambitionner, c'est que la personne aimée puisse "sonner" d'une manière plus émouvante, plus personnelle, grâce à ma présence, à mon attention, à ma vigilance, que sans moi. J'ambitionnerais qu'elle n'eût pas pu être autant elle-même sans moi qu'avec moi.

    Comme cela est juste et beau!.. J'en frissonne et j'en ronronne -Pas vous?

    Maggiori relance in fine en demandant alors si cela vaut pour n'importe quel amour. Réponse de NG :  Cela vaut même pour le travail du professeur, qui est de rendre la pensée aussi contagieuse qu'une émotion! Ce qui me semble le plus analogiquement proche de cet amour que j'évoque, conclut le philosophe, c'est la complémentarité de deux solistes jouant une partition piano-violon, où chacun soutient le chant de l'autre, le porte, lui apporte un surcroît de couleur, de chair, de rythme, et par conséquent de vitalité.

    Eh bé, le voilà Spinoza! Dans la vitalité, dans la joie, dans la puissance d'exister!..

    Lisez Grimaldi.DSCF4064.JPG
    Merci.

    Désormais, je ne puis regarder la concha de St-Jean-de-Luz autrement qu'en pensant à l'ermite qui se repose là-bas tout au bout le veinard (photo ©L.M.), en peignant (car il peint aussi, et beaucoup, semble-t-il), qui sourit en regardant l'horizon marin, qui médite et continue d'écrire, pour notre bonheur à venir, qui pense à bien. Comme tant d'autres pensent à mal...
    Et va comprendre, des fois : le savoir là (me) rend cette baie en forme de croissant de lune mille et une fois foulée, encore plus paisible, encore plus agréable en toute saison.

    NB : c'est bien sûr moi qui souligne (en gras) les propos qui m'apparaissent comme étant les plus marquants.

  • flacons de décembre

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    La côte roannaise propose des vins festifs à prix plancher : oubliez le champagne cinq minutes et goûtez le demi-sec carte or 2005 de la maison JB Clair. 100% chardonnay, bulle fine, belle robe jaune paille, nez fruité (poire) et légèrement doux (miel), bouche claire, belle fraîcheur, attaque franche et persistance honorable. Cela vaut 6€ à peine et c'est très bien pour un dessert chocolaté. Les vins mousseux humbles osent le rosé : le domaine des Pothiers, cuvée Bulle est un effervescent naturel à la robe sombre (fuschia), des notes acidulées, une bulle d'une finesse correcte, sans plus. C'est un vrai vin naturel, en culture bio (8,50€) issu de gamay saint-romain qui ne se la joue pas et qui convient à l'apéro et au dessert (tarte aux fruits, par exemple).

    Du côté des coteaux d'Aix, goûtez le domaine des Terres Blanches, un blanc 2010 issu de rolle (80%), grenache blanc (10) et clairette, c'est gourmand, sur le fruit et d'une belle minéralité (11,70€).

    En saint-joseph, j'ai aimé récemment, en 2009, le domaine Pradelle, 100% syrah : charnu, paysan, fort en gueule et raffiné en arrière-bouche (14,45€). Idéal sur le petit train de côtes de chevreuil cuit juste aller-retour.

    Avec le même plat, le rasteau 2007, Ortas, excella lui aussi : 50% grenache, 40% syrah et 10% mourvèdre, d'où un relative douceur comme des chevaux en fureur sous le capot (8,90€). Au deuxième verre, ça démarre bien -fruits rouges mûrs, poivre, olive noire, herbes de garrigue... Un régal de finesse virile.

    Bu aussi un classique du bon goût des Corbières que j'aime bien retrouver chaque année : château Fabre-Gasparets 2007, du terroir de Boutenac, un rouge puissant et élégant m'annonce-t-on cette fois, et c'est d'une évidence confondante (11,90€).

    Le champagne Lenoble rosé 2006 (retour aux classiques de haut-vol) fut une splendeur de vinosité, de bulle extrêmement fine, de longueur et de souplesse, sur le foie gras mi-cuit cuisiné au torchon de la Comtesse du Barry (310g, 59,90€). Et meilleur encore sur un petit foie gras élaboré par Chailla, fromager-traiteur à Bayonne (30€ environ pour 200g je crois), testé sur...

    ...Le morgon de Lapierre 2010 (je n'avais que ça! Pour pique-niquer avec les enfants IMG_2179.jpgau-dessus de la plage -basque- de La Chambre d'Amour, en plein froid et à la tombée du jour. Et puis il faut préciser qu'il y avait aussi du chorizo patra negra et un jamon iberico formidables, achetés pour 3 sous à la venta Lapitxuri, à Dancharia. Alors...).

    Qu'est-ce qu'on a découvert encore... Ah, oui, lors d'une dégustation de Crozes-Hermitage en magnums uniquement, au restaurant Racines 2 (Paris 1er), où le boudin (chaud) de Christian Parra et l'entrecôte de boeuf Angus se tiennent bien à table, sans broncher, parmi les 21 grands flacons de 2009 (des infanticides, avouez! Et un paradoxe pour des magnums, sensés contenir des vins de garde, donc à boire plus tard), retenons le domaine Aleofane de Natacha Chave, léger et épicé, réglissé même, voire à peine chocolaté et très féminin (la douceur et la longueur). Le Rouvre, de Yann Chave (aucun lien familial avec le précédent) au nez de fruits rouges frais, et correctement équilibré. Les Pionniers, de la Cave de Clairmont, d'un classicisme rassurant et à la puissance toute en retenue. Au fil du temps, du domaine d'Emmanuel Darnaud, au nez de cerise mûre, chaud comme un vin de gibier. Les Chassis, de Franck Faugier, à la profondeur notable. La belle rondeur et la bouche tutoyante de La Fleur enchantée, du domaine Saint Clair, de Denis Basset. Enfin, l'expression nette du terroir, tonitruant parfois, de Crozes-Hermitage, retrouvée totalement dans Les Hauts du Fief, de Muriel Chardin-Frouin, de la Cave de Tain.

    Du côté des Terrasses du Larzac, qui m'épatent toujours, j'ai retrouvé avec bonheur le plaisir d'ouvrir une bouteille du domaine du Pas de l'Escalette, de Julien Zernott et Delphine Rousseau : pureté, élégance, grâce, fraîcheur spetentrionale, puissance du terroir. Et celui de découvrir le domaine Alexandrin, d'Alexandra et Jérôme Hermet, tout aussi fin et fort que le précité.

    Le champagne Gardet brut rosé est délicat, féminin à mort, et idéal à l'apéro en cette période d'agapes lourdes. Là, ce fut au bord de la Nive que cela eut lieu, et pop! on le but à la régalade, escorté d'un Mont d'or (tel quel : froid). Ca change d'un médoc comme ce La Tour de By 2001 encore vert, ou presque, et même du Txakoli canaille, servi à bout de bras dans les petits verres bodega, pour accompagner les pibales -décevantes ce coup-ci, et c'est pas le premier (à 49€ la p'tite cassolette, de surcroît!), de Chez Pablo (Sabin Etxea) à St-Jean-de-Luz, mais bon, ce n'est pas le sujet de cette page. 

    Les costières de nîmes, en blanc, ça ne le fait pas à chaque coup, comme si souvent en rouge, même chez un grand auquel je voue un énorme respect : Michel Gassier. son château de Nages Nostre Païs blanc 2010 ne convainc pas (90% de grenache blanc, 5% de roussanne et 5% de viognier). 9, 90€ le flacon. Pas davantage : la cuvée des Bernis blanc 2010 du château de l'Amarine (7€). En revanche, un bon point pour D'Or et de Gueules, Trassegum blanc 2010 et bravo par conséquent à Diane de Puymorin, la vigneronne qui l'élabore avec talent (10,50€) : c'est franc du nez (fruits à chair blanche), minéral mais pas trop, car le gras de la roussanne est bien là (80% de l'assemblage) pour t'enrober le tout avec maestria. Gourmand! 

    IMG_0793.JPGLorsque Les Vins du Sud-Ouest enivrent Paris, je me déplace. Cela se passait à La Bellevilloise (20ème). 29 vignerons étaient là. Du beau monde et de beaux flacons, pour accompagner quelques produits phares, comme le jambon, le foie gras et tout ça... Je retiens les jurançon de Camin Larredya, domaine piloté par une charmante petite équipe placée sous la houlette de Jean-Marc Grussaute : 9 ha à peine en conversion bio qui subliment avec beaucoup de talent les gros manseng, petit manseng et petit courbu. Tant en sec : La Part davan, La Virada, qu'en moelleux, notamment le remarquable Au Capceu, et l'excellent A Solhevat. Mention spéciale à la cuvée Alabets (et alors?, en Gascon) du château Plaisance, de Marc Penavayre, à Vacquiers (31). C'est un fronton 100% négrette élevé en cuves béton. Son frère élevé en barriques, Tot ço que cal (tout ce qu'il faut) est moins puissant, mais plus fin : normal. Bons souvenirs en passant : les classiques de chez Plageoles (gaillac), les vins si raffinés de Causse Marines (gaillac), Le Sid, puissant et sérieux, de Mathieu Cosse (cahors), le toujours meilleur vin de Mouthes Le Bihan (côtes-de-duras), l'excellent irouléguy de Thérèse et Michel Riouspeyrous : Arretxea, l'emblématique et indémodable gamme, encore enrichie, de Charles Hours, du Clos Uroulat, à Jurançon. La gamme "tradi" de la famille Hours nous enchantera toujours, surtout la Cuvée Marie (un formidable sec). Et sa gamme "trendy" nous renverse, notamment avec Happy Hours (prononcez api-ours bien sûr). Citons encore les cuvées Le Préphylloxérique (2007) du domaine Labranche-Laffont (madiran), les cuvées Hécate, et 666, d'un autre madiran (Laffont), et enfin la gamme toujours aussi épatante d'un de nos chouchous : Elian Da Ros, prince des côtes-du-marmandais.

    DSCN4405.JPGPour finir cette note, j'évoquerai Brigitte Lurton, qui fit carrière dans quelques unes des propriétés bordelaises de sa famille, notamment à Climens (barsac), et qui replonge après plusieurs années de "jachère vigneronne", en sélectionnant cette fois des vins de propriétaires des terroirs français, pour leurs qualités, leur personnalité, leur sincérité, leur franchise de goût et leur profonde simplicité... Soit bien loin des canons des entêtés à oeillères du vignoble bordelais, confits dans leur suffisance depuis des temps immémoriaux comme le dindon dans sa graisse, et qui s'empêtrent désormais dans une impasse bien obscure, par faute, notamment, de clairvoyance. Le packaging des flacons est design et chic, simple et efficace (Brigitte Lurton est
    artiste-peintre par ailleurs. http://www.brigitte-lurton.fr/). J'ai goûté avec beaucoup de plaisir sa sélection suivante de vins rouges (en 2010 ou 2009) humbles et généreux : Côtes catalanes, Côteaux du Salagou, Côteaux et terrasses de Montauban, vin de pays du Lot (malbec), et un seul blanc : un viognier des Côtes du Salagou vif, plein et tout en rondeur (admirable sur du chèvre). A des degrés divers, ces rouges sont élégants, fins, mais riches aussi, dotés d'une belle structure tannique, soyeux, expressifs -notamment s'ils sont issus de malbec, ou de syrah (montauban), volontiers épicés mais délicatement, et tous ensoleillés, ce qui les rend infiniment sympathiques. Une homogénéité salutaire se dégage de cette gamme jeune de vins très représentatifs des terroirs dont ils proviennent, et qui promet, car ce sont tous des vins de moyenne garde (3-5 ans), correctement taillés pour accompagner nos repas d'arrière-automne, comme ceux des planchas et barbecues à venir, au printemps prochain. En tout cas (vous-je-sais-pas-mais) moi, je vais en réserver quelques uns!

    (Photos : et plutôt que de coller la photo de chacun des flacons cités...)


  • La Havane, ces jours-ci

    IMG_6073.JPGRetour de Cuba. Reportage pour l'avant-première mondiale d'un film retentissant : 7 dias en La Habana, vu deux fois sur place (il me tarde sa sortie en France afin d'en lire les sous-titres et d'en saisir absolument toutes les saveurs), coproduit par Havana Club (¡El Ron de Cuba!) qui m'invitait. Je reviendrai vite pour en parler dans les grandes largeurs. Pour l'heure, 7 images (©L.M.) : Benicio del Toro (au micro, pendant la conférence de presse au Nacional) qui co-réalisait son premier film -l'un des 7 de ce bouquet de talents, Elia Suleiman (derrière le clap) immense acteur-réalisateur du silence, oscillant entre Tati et Hopper, l'affiche du film, et quelques vues de la ville magique : une jeune fille de couleurs, un daïquiri, hier au Floridita, contre Papa Hem', les mains d'un vieux torcedor achevant un panatela... ¡Hasta pronto!IMG_0059.jpg

     

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    IMG_0054.jpgIMG_6272.JPGIMG_6304.JPGIMG_6471.JPG

  • Venise sur Vésuve

    Venise se donne des airs Napolitains (photos prises cette semaine ©LM).

    Lu, là-bas, entre deux expos sordides ou mortifères, rarement lumineuses, de la Biennale (mais où va l'art contemporain?..), une piètre anthologie littéraire sur la Sérénissime. Revenir aux fondamentaux, comme au rugby : Suarès, Morand, Hem', Byron... Au retour, le nouveau Quignard était arrivé entre temps!

    La "4 de couv" dit seulement ceci : Ce n'était pas de l'amour, le sentiment qui régnait entre eux deux. Ce n'était pas non plus une espèce de pardon automatique. C'était une solidarité mystérieuse. C'était un lien sans origine dans la mesure où aucun prétexte, aucun événement, à aucun moment, ne l'avait décidé ainsi. 

    J'y plonge, donc. (Pascal Quignard, Les solidarités mystérieuses, Gallimard).

     

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  • IbaïOna

    IMG_2315.jpgPaisible échappée à Bayonne, ses abords et ses atours, ses Adours, mes amours, alentour et dedans. Flâner, saluer, chipironer, trinquer, déguster la lumière de l'aube sur la Nive, et celle du couchant sur la dune d'Ilbarritz -comme on prend un pintxo de jamon et una copita de navarra. Lire à peine, car ici le regard se lève de la page pour contempler devant et autour. La beauté empêche. Et je pêche la beauté à la ligne d'horizon de mes désirs, au-delà du fleuve et sous les arbres. Ici, on envisage, on ne dévisage pas. Je prends place dans ma querencia atlantique à la manière d'un chien qui gratte et tourne en rond avant de s'affaler comme un sac de farine épaulé-jeté. Car Paris au mois d'août me va comme un polo moulant à col roulé en rilsan® à même la peau : ça me gratte.

  • Cette île m'inonde

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    Procida me rassemble. Eloigne de moi les tourments. Ma confusion des sentiments se délie, s'épanouit ici comme une feuille de thé plongée dans l'eau ébouillantée. Chaque chose reprend place, chacun observe l'autre en amitié. Ici je découle. Deviens thon, nage en eaux claires. Je mûris comme un citron sous un soleil bruto. J'oublie le manque. Je me nourris d'ombre profonde, et de silence, de chaleur, de poisson crus.

    Photo prise le 27 juillet dernier : relève matinale du filet de mon ami Cesare Piro (à gauche, boina blanche), contre Punta Pizzaco et avec Terra Murata juchée sur Punta dei Monaci au fond, en compagnie de sa mère Maria, seule femme pêcheur professionnelle de l'île, et, à la rame, de ma fille Marine (debout en bleu pâle).

  • Les folies de Saint-Tropez

    C'est le titre du dossier de 12 pages que je signe dans L'Express paru mercredi dernier. Pas encore vu. Ici (sur l'île de Procida depuis le 15), on ne trouve pas grand chose et c'est tant mieux. Tout peut attendre. A Procida, je me réconcilie avec la vie lorsque celle-ci glisse entre les yeux. Cette île irradie en moi. Elle m'inonde de benessere, je m'y inscris comme un fleuve finit en mer. 

  • Risotto presto

    Tu huiles (d'olive bien sûr, banane!) un peu ta grande poêle, celle qui n'accroche pas encore, jettes un gros oignon bien haché, que tu laisses blanchir 5 minutes, puis tu mets le riz arborio (un verre Duralex pour 2-3 personnes), ça devient transparent tout doux, alors tu mets à bouillir 2 verres d'eau avec un bouillon Kub, tu jettes un verre de vin blanc sur le riz, tu laisses absorber, puis t'ajoutes le bouillon, mais doucement, en deux ou trois fois, tu re laisses absorber parce que le riz boit et ce n'est pas une contrepèterie ni une histoire de lait. T'arrêtes jamais de touiller avec la cuiller en bois, jamais t'entends? (la cuisine, c'est rester devant, toujours, et presque rien d'autre). Après tu baisses le feu, tu laisses le truc se faire, sans jamais cesser de remuer. Tu as le temps de réfléchir à quoi tu vas le faire, ce risotto. Pétoncles et crevettes, c'est pas mal, d'autant que Picard propose des sachets déjà bien gaulés, avec des tomates séchées et des herbes diverses, romarin, citronnelle, tout ça. Tu ajouteras des trucs à toi : Soja Kikkoman -une pitchounette giclée, piment d'Espelette (mets-y bien de la poudre, là, voilà), d'autres herbes (ciboulette, estragon), une grosse noix de beurre salé sous le riz pour finir (avant le sel de Guérande et le poivre) et un peu de parmesan pour napper à peine-à peine au moment de dresser. Et oilà oune risotto simple, vite fait, qui plaît (on me dit : mmmm, il est bon ton risotto! et je réponds chaque fois : c'est con à faire!). Là-dessus, plutôt qu'un blancimages (1).jpeg (banal), va sur un rouge léger : le jus de raisin fermenté bio de Thierry Germain : Domaine des Roches Neuves, en 2010. C'est un saumur-champigny qui se croque, il est frais comme une place de village genre Uzès sous les platanes à l'heure de la belote, et gourmand comme les draps un rien rêches et raides à l'heure de la sieste d'un juin forcément érotique.

      

    IMG_4918.JPGPour finir, au salon en écoutant de la viole de gambe, un limoncello della casa mazzella di bosco, ça te dit?..

    (J'imagine la jouissance du vigneron lorsque je réalise si modestement mon limoncello. Celui que je viens de faire a été élaboré le 9 avril 2011 à partir de 20 gros citrons difformes rapportés de l’île de Procida, n’ayant subi aucun traitement et qui ont été cueillis sur place les 29 et 30 mars. La macération a duré deux mois à l’ombre et au frais dans ma petite cuisine. Il est composé des zestes des citrons, de 3 litres d’alcool à 90°, d’1,5 kg de sucre et de 3,5 litres d’eau pure (bouillie). La mise en bouteille a été effectuée le 15 juin 2011 sans entonnoir mais j'ai presque rien mis à côté! Il doit titrer environ 40°, je n’ai pas vérifié. Il a été tiré ce coup-ci 7 bouteilles de 75 cl toutes numérotées. A consumare con moderazione. L'abuso di alcol è pericoloso per la salute).

      

  • Costières, again

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    J'aime cette appellation. Les costières-de-nîmes sont à ma taille, à mon goût, à mes attentes, que je sais partagées par pas mal de monde heureusement. Vendredi 10 juin en milieu de matinée à Beaucaire, avec quelques confrères, et après une soirée de feria nîmoise endiablée qui suivait une corrida de respect (El Juli au top de sa forme et Castella qui imposa son temple au monde entier, le temps d'une série de manoletinas inoubliables, plus un jeune local, P.Oliver, qui prit l'alternative sans bruit. Deux toros de Victoriano del Rio bons, sur six, c'est beaucoup par les temps qui courent), je dégustais une trentaine de ces vins chauds, sélectionnés "sans bois" (pour la plupart...) en 2009 et 2010 surtout, plus quelques 2008. De loin, devant, se distingua Nostre Païs rouge 2008, du génial Michel Gassier (château de Nages). C'est un vin de pur plaisir, gourmand, sur le fruit, généreux, soyeux et riche, frais et équilibré, franc et corpulent, séducteur et souriant. Le bonheur! Grenache noir, carignan, mourvèdre, cinsault et un soupçon de syrah le composent.


    Puis, 
    immédiatement derrière lui, se distinguent les cuvées de la dynamique Diane de Puymorin, du château D'Or et de Gueules. Les Cimels (rouge 2009) possède un bel équilibre fruit-fraîcheur, des tanins soyeux et une belle présence en arrière-bouche. La cuvée Qu'es aQuo (rouge 09) composée de vieux carignans, est d'une grande douceur. La cuvée La Bolida (rouge 08), composée de vieilles mourvèdres, est un miracle de féminité, de rondeur et de suavité. C'est un vin de longue garde qui magnifie la mourvèdre, mais qui est déjà formidable à découvrir. Enfin, Trassegum (philtre d'amour, en Occitan), rouge 08, offre un équilibre parfait entre fruité et puissance, longueur et attaque vive mais douce, encore. La syrah domine, l'élégance le détache, l'épicé et une pointe d'olive noire l'arrondissent.

    Il y avait encore Mourgues du Grès (rouge 2009) cuvée Les galets rouges, pour la puissance de son attaque, et la cuvée Terre d'Argence, aussi, (en 2008), pour la présence charmante des fruits noirs en bouche.

    L'Ermitage (rouge 09) cuvée vieilles vignes, pour le velours bien ajusté du tandem syrah-mourvèdre. 

    La cuvée Confidence du château Beaubois, que nous avons préférée à la cuvée Elégance, trouvant que la première portait bien le nom de la seconde (rouges 09).

    La cuvée tradition du château des Bressades (rouge 2010) car c'est gourmand, doux, à fond sur le fruit et qu'une pointe de cinsault active le duo grenache-syrah, à la manière d'une série de passes inspirée de Sébastien Castella lorsque la corrida glisse vers l'ennui...

    Enfin, mention spéciale au rosé Les Cimels, de D'Or et de Gueules servi en magnum (c'est tellement mieux!), en 2010, rosé de pressée de mourvèdre et cinsault enrichi de saignée de syrah, à la robe délicate et au nez profond, avec des notes d'agrumes, de miel, de fleurs blanches et une longueur en bouche que nombre de rosés envient secrètement...

     

    Peinture : © Francine Van Hove 

    Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie. Aragon, Les yeux d'Elsa.

  • France Bleu Gascogne

    Pour les oreilles que cela intéresse, je tchatche une heure durant avec Thierry Simon, qui m'interviewe (le prétexte est mon livre Landes, les sentiers du ciel, avec des photos splendides de Frédérick Vézia, éd. Privat) dans le cadre de son émission A l'ombre des pins, dimanche prochain 29 mai de 18h à 19h sur ma vie (mes bouquins, mes papiers, mon enfance, Bayonne, mes projets, la mer, la Locale : la presse quot. régionale) -pas sur mes amis, mes emmerrrrdes, car il aurait fallu bloquer le studio toute la journée!.. Sur les ondes de France Bleu Gascogne : en direct sur le Net http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-bleu/?tag=gascogne ou bien, pour les veinards qui seront sur place, sur 100.5 (Pays basque + Nord Espagne), 98.8 (Landes) et 103.4 (Gironde).

  • Bayonne m'attache

    Voici un extrait de mon livre Philosophie intime du Sud-Ouest (Les Equateurs, 14€ : c'est pas la mort), qui évoque ma ville d'adoption. Parce que ce soir, à Paris, elle me manque comme une femme. Comprenne qui voudra bien essayer de piger le truc.

    51gZyoUWwYL._SL500_AA300_.jpgOuverte au vent océanique et aussi à Aïce Hegoa, le vent du Sud, à la montagne douce, à la campagne mamelonnée, à l’Espagne complice, Bayonne se fout des métropoles. Elle est mon aimant. Paris est loin, Bordeaux davantage. Certaines cités se donnent des airs. Bayonne n’en manque pas. Il souffle les nuits de Fêtes jusqu’aux aurores qui hésitent entre Nive et Adour, à l’heure du partage des eaux et des dégâts collatéraux, des bleus à l’âme et  des pansements distribués par l’amitié. Bayonne partage le pain et le vin avec l’inconnu. Bien sûr s’il franchit avec succès l’initiation infligée par tout Bayonnais. Il faut avoir l’accent, connaître le surnom du nouveau président de l’Aviron, le résultat des matches dominicaux.

    Le Bayonnais est partout. En sous-sol, où l’on conspire à l’aise et préfère cru le jambon, à la lumière : club, peña, cave garnie. En surface : zinc, resto, à la maison. À l’air libre mais circonscrit : terrasse, arènes, stade, plage proche, marché. Enfant, la rue Thiers me semblait plus large et l’Adour figurait le Mississipi de mes lectures. J’accompagnais ma mère Aux Dames de France, devenues Galeries Lafayette, Biarritz Bonheur aussi. Les toreros descendaient au Grand-Hôtel. Les Madrilènes venaient en limousines. Les frontaliers de « San Seba » sortaient par demi-douzaines de Fiat 500 blanches arquées sur roulettes. La cage d’ascenseur du hall de l’hôtel grinçait –j’en entends encore le cliquetis. À l’accueil, l’énorme Monsieur Léonard l’était vraiment. Il n’y avait pas trop de monde aux Fêtes. On ne s’habillait pas en rouge et blanc. Devenu Bayonnais du dimanche, je reviens sur mes années d’enfance et d’adolescence aux écoles Sévigné, Albert-1er, puis au Lycée, à Marracq. Les années surf et mobylette. Mon Bayonne est gris comme les remparts, vert comme les langues d’herbe un peu partout, marron de feuilles de platane en bouillie.

    IMG_0042.JPGEnfant, le jeudi était jour de coiffeur, au Parfum de Paris. Mario m’asseyait face à un meuble en bois sombre orné d’une plaque cuivrée à l’adresse du 11, rue Jean-Goujon. La glace sans tain. Le cuir pour aiguiser le rasoir qui raidissait la nuque en remontant. Je serrais les dents. Les flacons de parfum Old Spice sur l’étagère, voilier bleu dessiné sur fond blanc, bouchons à vis crantée rouge. Ça piquait.

    Avec mon père, nous gobions des huîtres sous les arceaux rue Port-Neuf, le dimanche matin, Le Su’Ouess plié sous le bras. On ne parlait pas encore de (bons) vins du pays –les irouléguy blancs de Brana, de Peïo Espil. On ne trouvait qu’une piquette rouge baptisée Makila, du nom du bâton basque en néflier. Il fallait se cogner du muscadet pour faire passer. Et ça passait.

    Le bonheur d’apercevoir le cloître de la cathédrale chaque mercredi de cours de dessin, chez Madame Chaudière, l’année du bac, avant de jeter le vélo contre le mur.

    Les goélands et les vanneaux se posaient innocemment sur la pelouse maigre et gelée du stade Saint-Léon, rebaptisé Jean-Dauger, les après-midi d’hiver, à l’entraino, un de ces jours glacés où il fallait se pisser dans la combi en se jetant sur la planche de surf, à la Chambre d’Amour.

    Bayonne, c’est se garer au plus près des Arènes à cinq heures, les après-midi de corrida, boire un demi avant et une manzanilla après, sur le montón du Cercle Taurin.

    La subtilité des accents désigne le rang social, le quartier d’habitation, la marque de voiture. Les origines de chacun sont identiques. Chaque gorge racle un fond de terroir. C’est  mas o menos pointu, traînant, sur le S ou sur le R. Avec des Bah ! Pareil ! Sûr ! Signes de distinction affirmés haut et rouge, l’air de rien : chemise Paseo, polo 64, tee-shirt Kukuxumusu. C’est dîner à La Grange, chez Diharce et l’abono aux arènes de Lachepaillet. Ou bien un taloa au xingar, casse-croûte à la ventrèche, un rosé rue Pannecau et chanter avec les copains jusqu’à plus soif. Ou encore lancer une ligne depuis le pont Saint-Esprit et rêver de louvines grosses comme ça en remontant un muge, puis aller taper le carton rue Maubec.

    Bayonne possède un port sensuel à la courbe de l’Adour. Un croissant de lune s’y perd en étendant le bras au-delà de Blancpignon, « au soufre », la SNPA. Au soufre, j’accompagnais mon père, les yeux protégés par un masque de ski noir acheté chez le shipchandler. Il y en avait toujours deux paires sur le tableau de bord de la DS.

    IMG_0044.JPGLe pont Grenet rouge vif ne laisse plus passer les cargos. Côté Boucau, le port prend des allures de vieux jeune homme bien mis. Quais pavés, grues arquées, pontons de bois et cormorans qui sèchent leurs ailes, juchés sur des bouées, tandis que le sillage de la vedette du Pilotage leur offre une danse du ventre. Ça sent le mazout, la peinture au minium, l’aussière salée. Les moineaux ont toujours été nombreux à picorer tout ce qui échouait au creux des rails désaffectés. Sans jamais entamer ce que le port a gardé de mystères marseillais, d’histoires biscayennes, de légendes russes et de fantômes de complaisance.

    Bayonne, c’était les jouets d’Armada, les habits d’enfants à la mode chez Mamby, le faux-filet chez Bourdalès, la vraie Jacqueline au comptoir du Perroquet, la fraîcheur de la rue Gosse, l’attitude noble du paysan de pierre adossé à un bœuf, au Monument aux morts. La crampe menaçante du Cardinal Lavigerie statufié, entre les deux ponts qui partagent les eaux comme Dieu les coups de cornes. Pas toujours équitablement. L’étroite Nive n’est pas rancunière. Je lui suis reconnaissant de n’avoir pas été basse, lorsque j’ai plongé en elle depuis le pont Pannecau, au cœur d’une nuit de Fêtes.

    Le cinéma s’appelait La Feria, nous achetions des Batna à l’entracte. La librairie c’était Mon Livre rue Thiers. Marcel Dangou s’y rendait chaque soir en claudiquant pour ramasser la caisse. La boulangerie des sœurs Lascoutxs –étaient-elles nées vieilles, rue d’Espagne, sentait le Zan. Je revois leur nez maigre avec une goutte au bout. Elles vendaient bonbecs et chocolatines. Après l’école, on y chipait oursons en guimauve et carambars par poignées. À côté, farces et attrapes ne valaient rien. Émile tenait le magasin Tixit. Nous passions des après-midi à écouter des 33 tours à Disco Shop. Un jour d’octobre, tout le monde leva la tête : un vol de palombes mit l’éternité à passer, couvrit le ciel et le bruit de la ville. Un vieux crachait sans cesse de sa fenêtre du premier, en face de chez Campistron l’épicier. « Chez Campistron, tout est bon ! ».

    Aucun Bayonnais ne peut oublier son premier chocolat chez Cazenave. La mousse, les demi-toasts beurrés à chaud, la vaisselle fleurie, le petit plateau, le tablier blanc à dentelles des dames en noir.

    Mon Bayonne du ouiquende commence par le plaisir de faire la tournée des popotes, les librairies. Je traîne au marché ouvert où l’on ne trouve plus de volaille vivante, grignote une entame de fromage, feuillette le journal en buvant un coup au Mastroquet des Halles, picore un morceau de jambon Ibaï Ona tendu par Georges devant la boucherie Montauzer, passe à la librairie de La rue en pente. Je m’y sens chez moi.

    IMG_0046.JPGLa nuit, les brouillards sur l’Adour étouffent nos pas dans les rues sombres qui bordent la Villa Chagrin, la prison.

    Le sportif à la démarche montée sur ressorts, se plie au rituel des courses en ville avec sa  femme, les veilles de match. Bayonne, c’est une partie de pelote au Trinquet moderne, une volaille rôtie à l’Asador, un jaune au Clou ou au Machicoulis, un footing sur le chemin de halage depuis l’Aviron jusqu’aux contreforts d’Ustaritz et retour. Puis c’est l’heure du txakoli et des tapas à Ibaïa ou à Txotx, quai Jauréguiberry. Suivent, au choix, la pipérade chez Joséphine, au Bar du Marché (elle aura peut-être des cèpes pour l’omelette et nous nous calerons au fond, tranquilles), ou les huîtres chez Joël Dupuch, lunettes de soleil sur le nez.

    Revoir un petit Dürer au Musée Bonnat. Traîner sans raison un après-midi pluvieux. Fumer un havane à l’ombre des remparts proches de la cathédrale. S’ennuyer peut être délicieux dans les rues mortes de la ville, si on sait éprouver jusqu’au vertige le silence du désert, rue Orbe, un après-midi de match, entre deux essais. En contrepoint, le souvenir du cliquetis de la machine à faire les cartouches de Bernizan, rue des Basques, derrière le long comptoir en bois fatigué, relève de la musique.

    Bayonne, c’est se moquer de Biarritz et ignorer Dax (trop loin). Affecter l’indifférence à l’égard de la politique locale et de ses collusions séculaires avec le sport.

    Penser à revenir à Bayonne. Pour de bon. 

     

    © L.M. (texte et photos prises pendant la rédaction de ce truc)

  • Procida off

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    IMG_4332.JPGIMG_4406.JPGIMG_4291.JPGIMG_4376.JPGIMG_1959.jpgentrer des mots clefsentrer des mots clefs

    Il y avait, là, cette semaine, des silences faibles, des lumières ténues et chaudes, des rires francs et durables, des sons de cloches chaque quart d'heure sauf la nuit, des petits thons  remontés dans les filets, des citronniers envahis de fruits, des beignets de fleurs de courgettes, du vin pur d'amitié, et de l'amour entre les mains.

     

     


     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Nevica

    Il neige à angle coupant : 35-40°, avec ce vent glacial qui hache en biais le rideau des flocons, alors je pense au réchauffement de ma planète car, n'ayant jamais été bricoleur, je sais à peine isoler mes grandes fenêtres. Donc j'alimente un feu de cheminée généreux et pousse les chauffages électriques à fond. Et tant pis si la moitié fout le camp par les interstices. J'ai déjeuné merveilleusement avec mon fils au Vertbois (38, rue du Vertbois à Paris 3 : un excellent resto nouvellement tenu -depuis le 15 mars- par deux charmantes associées, Soline Bourgeot et Pauline Mure ) d'un thon rouge formidable avec son pesto et ses herbes thaï, et d'une entrecôte de l'Aubrac tendre et fameuse, en provenance de la boucherie du Rouillon, à Athis-Mons, accompagnée d'un Premières-Côtes-de-Bordeaux signé des époux Dupuch, L'Alios de Sainte-Marie (2008) friand, carrément sur le fruit, gourmand et bien merloté. A présent, je mets des légumes tranchés fins à revenir dans une bonne huile d'olive (oignon, ail, carottes, tomates cerises entières -elles crèveront toutes seules-, céleri, cèpes, champignons de Paris), j'ajoute des herbes diverses : persil plat, romarin, estragon, laurier froissé pour qu'il dégage bien. Je fais revenir à part un lapin en morceaux. Au bout d'un moment je mélange le tout avec une grande rasade de vin blanc et ça mijote à tout petit feu pendant trois quarts d'heure dans la grande cocotte. Le temps d'attraper divers bonbons : Chez Marcel Lapierre, de Sébastien Lapaque, sur le regretté Marcel et son morgon adorable, L'argot du bistrot du regretté Robert Giraud (les deux à La Table Ronde, Petite Vermillon), les livres de Simonetta Greggio (quatre sont déjà au Livre de Poche) que j'ai à la fois bouffé et dégusté  l'un derrière l'autre, ces derniers jours : j'ai particulièrement aimé la sensibilité droite et forte comme une aube de novembre sur un plateau de l'Aubrac de "son" Diable au corpsLes Mains nues, et la subtilité gourmande de Etoiles (aussitôt offert à Philippe Legendre, ex 3*** au Four Seasons - Georges V). Il y a aussi La douceur des hommes, si sensuel, et Col de l'ange, intime en diable  -familial même ... Je survole le quatuor, feuillette en m'arrêtant sur mes annotations au stylo. Ca mijote tout doux en cuisine, bbllbbllbbllbbll... A mi-cuisson, j'ôterai les morceaux de lapin pour les désosser et remettre le rongeur émietté dans la cocotte en fonte. J'ai encore le temps de prendre un vieux bouquin retrouvé, Le roman d'Angelo, de Luchino Visconti (Gallimard, Haute enfance) en pensant à l'île d'Ischia, la grande voisine de ma Procida chérie, puis Les fiancées sont froides, de Guy Dupré (Petite Vermillon, encore) pour le plaisir accru, toujours, de retrouver une prose hiératique et pure comme celle du Gracq du Rivage. Clin d'oeil amical à la préface donnée par Jean-Marc Parisis à cette salutaire réédition... Je picore, lis comme on mange des tapas entre copains, debout, à la barra d'un rade recommandable derrière la Concha de San Seba. Je tire sur un havane (Short Churchill, de Romeo y Julieta), écoute un live de M, Les Saisons de passage, au rock aride et fort comme l'armagnac de Laubade, Intemporel n°5. L'après-midi passe ainsi. Je plongerai au dernier moment les papardelle dans l'eau bouillante, ce soir, -oh, quelques minutes à peine, et les incorporerai à mon sugo di coniglio correctement réduit. Je sais d'avance que, à l'instar du couscous de ma mère, il sera meilleur demain. "Le lendemain, il sera souriant, tu verras"... La Sierra du Sud 2009, au top ces temps-ci (un côtes-du-rhône de haut vol signé Gramenon) escortera le tout avec une dignité qui forcera le respect dû à la vigneronne qui officie là-bas. Nevica : Il neige.  Je ne pense plus au réchauffement de ma planète, à présent embaumée par les parfums mêlés en provenance (j'ai failli écrire Provence) de la cuisine...

     

     

     

     

     

  • Des bars

    9788497838900 (1).jpgRendez-vous, Place Saint-André, de Colette Larraburu (Elkar) -voir la note du 10 décembre dernier, est un ravissement. Sous-titre : Trente ans de vie du Café des Pyrénées : c'est réducteur, car ce sont trente ans de vie bayonnaise qui sont ici contés, tant l'objet de l'étude reflète les années 80 à aujourd'hui dans leur globalité. Il s'agit d'une enquête aussi sérieuse que chaleureuse, vivante, profondément humaine, à la fois psychologique et sociologique. Le microcosme du Café des Pyrénées, à Bayonne, est un prisme au travers duquel un pan d'une certaine histoire du Pays basque, de la cause basque aussi, peuvent-être lus. Ce bar qui ouvre sur l'emblématique Place Saint-André, constitue un espace où l'évolution des habitus, a été marquée par des phénomènes saillants : la rue Pannecau en tant qu'artère-symbole où furent perpétrés nombre d'attentats, notamment ceux du GAL. La disparition progressive du petit commerce de proximité. La reconquête de l'espace avec l'arrivée d'étudiants. Et cela, Colette Larraburu en "rend compte" à travers de nombreux témoignages. Son livre est le fruit d'un travail minutieux de journaliste scrupuleux, qui sait donner la parole à, et reporter avec talent. Rendez-vous, Place Saint-André est l'histoire, humaine, d'un lieu singulier et à forte valeur ajoutée. Vif, alerte et précis, son écriture est belle, de surcroît

    Voici la préface que j'ai donné à ce livre :

    "Un café peut devenir une seconde maison, si l’on affectionne les lieux de rencontre, d’échanges et de fusion des caractères sur l’autel d’un comptoir unique. Chaque café est un tissu de liens, un cœur qui bat, un organe de circulation de l’information allant de l’extérieur vers l’intérieur, soit, en l’occurrence, des artères du Pays basque vers l’entrelacs veiné de la ville –Bayonne, où se chuchotent et se chantent les nouvelles depuis toujours. C’est aussi le réceptacle d’informations plus délicates, à caractère politique, disons à forte valeur ajoutée. Pas de complot ourdi, de piège déjoué ou de tension désamorcée sans un café pour les fomenter ou les dissoudre. Si les murs d’un café sont en ciment, l’esprit qui y circule cimente ceux qui le fréquentent : ça ne sortira pas d’ici. Dans ce livre précieux, qui porte un regard d’une acuité rare sur un microcosme singulier, Colette Larraburu a su avec maestria toucher l’âme de ces lieux de mémoire et de vie forte, en ouvrant celle des hommes et des femmes qui les animent par destination. L’écoute est un art, faire dire en est un autre, d’amont. Colette Larraburu possède l’un et l’autre. En la lisant, j’ai appris mille secrets bayonnais et autant de ficelles éclairantes sur l’esprit de cafés d’apparence familière. Car, en observant et en laissant s’épancher avec tact les acteurs de ce monde irremplaçable –qui bat cependant de l’aile dans nos sociétés moisies, ce que révèle Colette Larraburu, à partir d’une observation à la fois clinique et clanique, mais surtout empathique et chaleureuse, touche à l’universel. Et c’est ainsi que l’image de la palombière, avec son poste de vigie, un ou plusieurs guetteurs, pour comparer et donc mieux comprendre la philosophie des cafés bayonnais, peut être déclinée à l’envi. Il existe des palombières dans le monde entier ! Où, dès leur seuil franchi, une batterie de rites de passage se met en branle, car il ne s’agit jamais de franchir le rugby, con! Il faut encore savoir en jouer, avoir la démarche idoine pour se faire accepter, la jouer humble, passer le ballon, offrir des sourires et des verres, et laisser le sac de ses défauts à l’entrée. Entre la porte et le zinc, le café impose sa vérité à celui qui y pénètre. La situation stratégique de tel bar, comme le mythique Café des Pyrénées, au bout de la rue Pannecau –ce « pont entre le Petit et le Grand Bayonne », détermine par ailleurs l’atmosphère particulière de chacun. Au-delà, tout est question d’affinités passagères ou durables. Personnellement, j’ai longtemps été Machicoulis, puis Au Clou, et pas seulement pendant les fêtes, plutôt le matin tôt. De même que le samedi, je suis Bar du marché : un petit coup du coude avant de passer à la table de Joséphine, sur place. J’ai vu apparaître des cafés « de détournement du sujet originel », ceux où l’on grignote pas mal, à l’instar d’Ibaïa, entre tant d’autres. Les querencias changent : mon actuelle, c’est le café François : Au mastroquet des halles… Nos préférences créent des habitudes. Mais il vaut mieux prendre l’habitude de n’avoir aucune préférence : je serai à jamais du côté de ceux qui entretiennent « l’esprit bar », en défendant le convivial poteo contre le pathétique botellon, descendant du xahakua, qui avait de la classe. Enfin, la nostalgie grave nos choix irrationnels : à cause des souvenirs que j’y ai sculptés lycéen, c’est Chez Tony, ancienne « annexe » depuis longtemps disparue du Lycée, que se trouve mon bar élu. Fantomatique, il demeure et j’y entends encore, en passant devant le commerce qui l’a remplacé, l’intact brouhaha de mes potes de bahut." © L.M.

     

  • 64 primé

    Le Comité Départemental  du Tourisme a été primé pour son magazine 64 au Grand Prix Stratégies de la Communication éditoriale 2010.

    Cela me fait très plaisir car j'ai pas mal donné (en textes) pour ce splendide magazine.

    Bravo à toute l'équipe (le CDT, l'agence Because...) !

    64 en pages

     

  • Ouiquende en pers'.

    La Côte basque donne envie d’y bâtir sa demeure. À défaut, nous pouvons en déguster l’écume et le cœur. Terre élue, résidence choisie, ses habitants semblent habiter une planète aux contours souples, dessinée par les Dieux de l’hédonisme. La  Côte basque happe, adopte, nous apprend les valeurs essentielles de l’existence. Elle rend merveilleux l’aile d’un nuage, le goût d’un vin, l’aube sur la Rhune, montagne magique qui plonge dans l’Océan son trapèze généreux. Il faut appréhender cette côte comme une première fois toujours recommencée. Ici, la femme comme l’homme sont forgés dans les vagues, la montagne, des villes et des villages accorts. La Côte basque est une région de confins qui fiance paysages  et caractères. Il est par conséquent tentant de vouloir épouser sans dot cette manière de s’offrir à l’autre. Bayonne en point d’ancrage, la plage de La Chambre d’Amour, à Anglet, pour épicentre, l’infini bleu d’un côté, l’infini vert piqué de toits rouges et de clochers de l’autre. Des moutons blancs et de nature différente des deux côtés. Au-delà, les Pyrénées, l’Espagne et sa faconde attirante comme une fée. Ici, chacun ménage des repaires, des haltes privilégiées. Le voyageur, de passage ou sac à terre, peut y rencontrer des gens de bien qui s’offrent, pour peu qu’on les apprivoise avec respect. Inutile pour cela de savoir surfer sur les vagues de Biarritz ou de Guéthary, de savoir jouer à la pelote, d’être classé au golf, de connaître les arcanes de la tauromachie et d’avoir l’accent. Aimer faire la fête est cependant un atout.  Le reste viendra. Ce sera selon. La Côte basque sculpte l’esprit et le fortifie. Celui qui arrive ici éprouve le sens de la fidélité et celui du bonheur simple aussi.  Il y apprend l’amitié durable, dessine sa nouvelle géographie intérieure, délimite ses frontières affectives reloaded. La Côte basque change l’autre sans le chambouler. Nous y cherchons ce qui est juste et bien. La tranquillité de l’âme. Le repos du corps vivifié. La stimulation de la parole, le courage de regarder. La Côte basque est peuplée de femmes et d’hommes jamais blasés de leur enviable quotidien. Ils s’émerveillent sans forfanterie du pur plaisir d’exister. La Côte basque enseigne le dédain du chiqué. Nos nouveaux  frères de joie y vivent selon l’humeur des éléments : l’océan, les caprices du climat, le vent du Sud qui monte les esprits comme du lait. Cette façon d’être paysanne –un œil au ciel, l’autre sur la terre, cette âme de cueilleur –saisir le bonheur, oiseau migrateur, à chaque éclaircie, apparentent l’homme d’ici à un épicurien forcé de limiter ses désirs. C’est pourquoi il est étincelant. Sa manière de vivre est une philosophie de l’instant partagé. Ce n’est pas un sage. Il sait que la parole économise l’action, mais il préfère agir, donner son pays. C’est un passeur. Ici, on s’ouvre à l’autre de manière oblative et sans se mentir à soi-même. La Côte basque est une morale. © L.M. Extrait de 64 en pages

     

     

  • La Corse antifrime

    C'est dans Le Nouvel Observateur, supplément TéléParisObs, paru ce matin, que ça se trouve : j'y signe deux papiers sur la Bretagne : une balade ornithologique aux Sept-Îles, une autre en bateau (sans permis) sur les rivières. Et un troisième papier sur la Corse -enfin : sur un village que j'adore, Penta di Casinca, dans la région de Bastia. En voici un morceau :

     

     

    La Corse antifrime

    Ne cherchez pas à Penta di Casinca, dans la région de Folelli, la folie strass de Saint-Florent ou de Porto-Vecchio. Ici, pas de frime, mais une Corse authentique et forte.

     

    IMG_1509.JPGPenta di Casinca est le seul village corse entièrement classé, en l’occurrence comme « site pittoresque », depuis 1973. Perché sur un éperon rocheux à 400 mètres au-dessus de la mer, au bout d’une route  sinueuse qui grimpe sec, Penta se mérite. Une rue principale mais étroite –il convient de laisser votre véhicule à l’entrée du village, une église baroque, San Michele, un seul bar, tenu par deux frères, Roger et Gérard où l’on boit une Pietra (la bière corse à la châtaigne) à l’apéro, quelques moulins à huile et une ancienne forge. Basta cosi. Mais c’est d’un village d’une beauté rare qu’il s’agit, où l’on chemine lentement entre des ruelles et des maisons de pierre qui semblent toutes porter avec fierté le poids silencieux des légendes du maquis de la Casinca et de la Castagniccia. Le village ouvre sur une large vallée vert dru traversée par des pigeons, peuplée de sangliers furtifsIMG_1512.JPG sous les châtaigniers et dominée au loin  par le mont Sant’Angelo, 1218 m. Penta di Casinca, qui fait partie de l’agglomération de Folelli, est l'une des sept communes du canton de Vescovato, ou « Pieve de la Casinca ». Située dans la partie terminale du plus long fleuve de l’île de Beauté, le Golo, le village est fermé à l’ouest par une chaîne montagneuse, par un cours d’eau, le Fium’Altu au sud, et par la mer Thyrénienne à l’est. Parmi les villages voisins de la Casinca qu’il est agréable de relier entre eux, à pied et à la fraîche, ou bien en vélo pour les plus courageux  –ajoutons qu’en moto, c’est un pur bonheur-, il y en a sept vraiment splendides, Penta di Casinca y compris : Loreto di Casinca, Porri, Sorbo-Occagnano, Venzolasca, Vescovato et Castellare. Ce dernier partage avec Penta un territoire agricole et forestier commun, en vertu d’un découpage ancien (le Plan Terrier, 1770-90) lequel évoquait « une commune et deux communautés ». Mais un ruisseau joliment baptisé Noce les délimite clairement. Une des traditions du village, avec la procession du 15 août, est le gigantesque feu de Noël, installé au centre du village, après une collecte de bois et qui est alimenté nuit et jour, de la messe de 

    IMG_1464.jpgminuit du 24 au jour de l’An. Chaque soir, les habitants de Penta se retrouvent autour de l’immense bûcher. Pour parler. Une promenade simple est celle qui conduit au cimetière en passant sous une arche romaine, jusqu’à la chapelle romane San Michele. Le cimetière est ravissant car les tombes éparses semblent avoir été semées dans la nature et certaines sont partiellement ensevelies dans une végétation gourmande. La plupart regardent la mer depuis un promontoire juché donc à plus de 400 mètres d’altitude. Des randonnées à pied sont proposées par  l’association  Fiulm’Altu, à Penta, laquelle organise des sorties familiales, par exemple à la découverte de la flore du maquis, de la toponymie et de l’histoire des lieux sur le sentier botanique de Costa-verde, avec un pique-nique devant la ravissante chapelle San Mamilianu : 2h30 aller-retour. Il y a aussi le sentier San Pancraziu-Penta, à Castellare (2h30 de balade bucolique pure). La Castaniccia (châtaigneraie) est la grande région forestière d’alentour, trouée de vignes qui donnent des vins réputés, comme le Domaine du Musoleo (et le Domaine Pratali), proches, en appellation Vins de Corse. Notre chouchou est le Clos Fornelli, plus loin, à Tallone en vallée de la Bravone, notamment sa cuvée Robe d’Ange en rouge, et son rosé qui excelle sur les grillades de viandes ou de poissons. Une seule adresse pour se restaurer à Penta : « A Teppa », à l’entrée du village (pizzas formidables). À noter également : les généreux poissons grillés du Bar de la plage d’Anghione, « en bas », soit de l’autre côté de la RN 198 et du carrefour de Saint-Pancrace. D’autres plages, aussi sauvages et modestes, longent la côte jusqu’à Folelli, comme celle de San Pellegrino (avec un hôtel éponyme recommandable). Immédiatement en retrait d’Anghione, nous trouvons des exploitations agricoles entièrement dédiées à la culture fruitière, en particulier aux agrumes, très réputés. Bien sûr, on peut toujours aller louer un bateau à Bastia et filer le long du Cap Corse jusqu’au superbe petit port langoustier de Centuri (comptez la journée). Folelli n’est qu’à 10 km, Corte à 52 et Aleria à 39. Mais Penta et ses environs ont suffisamment d’arguments naturels pour donner envie de rester « là-haut », entre deux randos.

     

    Texte et photos : Léon Mazzella

     

    - S’y rendre : Vols Paris-Bastia sur Easyjet et Air France. Ou bien TGV Paris-Marseille, puis ferry-boat

    IMG_1214.JPG jusqu’à Bastia. Après, louer une voiture ou une moto. Bastia est à 34 km et Poretta, son aéroport, à 17 km de Penta di Casinca.

    - Se loger : Hôtel San Pellegrino : 04 95 36 90 61, sur la plage éponyme. Rien à Penta, excepté quelques rares chambres d’hôtes sur les sites dédiés.

    - Se restaurer : A Teppa, à Penta. 06 74 52 47 75
    Bar de la plage, à Anghione.

    - Vins : Domaine Musoleo : 04 95 36 80 12. Clos Fornelli (06 61 76 46 19).

    - Charcuterie : grand choix au Super U de Folelli. Oui !

    - Randonnées : Association Fiulm’Altu, 04 95 36 89 28.

     

     

     

     

  • Procida amore mio

    IMG_3332.jpgUne semaine sur l'île de Procida regonfle, donne envie de continuer d'écrire, d'écrire là-bas aussi, à défaut d'y vivre; entre deux balades en scooter d'une plage l'autre, et deux terrasses de restaurants de poissons et de fruits de mer. L'île n'est-elle pas devenue un jardin d'écriture, où Elsa Morante écrivit plusieurs de ses livres, dans la propriété Mazzella di Bosco ou hôtel Eldorado (rebaptisée ll giardino di Elsa), avec ses allées de citronniers qui poussent leur feuillage jusqu'à ce balcon merveilleux, en bord de falaise, au-dessus de la plage de Chiaia et du petit port de la IMG_3346.JPGCorricella,  avec la côte amalfitaine et Capri à l'horizon ? J'en reviens et comme à chacun de mes retours de cette île-querencia, je suis la proie d'une mélancolie tonique, que la lecture de L'isola nomade (adm editoriale, sept. 2010), recueil copertina-194x300.jpgde récits sur Procida rassemblés par Tjuna Notarbartolo, écrivain et présidente du Prix Elsa-Morante, augmente cette fois d'une joie singulière, celle qui rassérène car elle est fleurie de promesses et de bonheurs à venir, encore, bientôt ; là-bas.

    (Peinture de Luigi Nappa, photo LM, couverture du livre et peinture de Roger Chapelet, représentant le s/s Procida...).

     

     

    www.isoladiprocida.it

     

     

    procidaA.jpg

     

     


     

     

     

  • la grâce

    IMG_1425.JPGC'est un refrain : il faut en voir beaucoup pour... Ainsi ces derniers jours, aux arènes de Bayonne et de Dax, parfois matin et soir...

    Celles de Dax furent hier le théâtre d'une corrida vraiment exceptionnelle. Qu'importe même les 8 oreilles et la queue (il faut remonter à 99 pour en trouver une dans ce ruedo, attribuée à Ponce -là, ce fut à un Juli au faîte de sa maîtrise qu'elle fut accordée sans réserve), car il s'agissait de grâce, et surtout de toros (de Victoriano del Rio) absolument magnifiques, nobles, encastés jusqu'aux diamants et d'une alegria générale qui habita El Cid -au toreo profond, El Juli "al tope", et Morante de la Puebla, plus authentiquement torero qu'un siècle de tardes. Depuis le callejon, les cheveux caressés par Alain et Nicole Dutournier en barrera à l'aplomb, il ne manquait à notre plaisir dévastateur, qu'una copita de ce Costières de Nîmes rouge Clos des Boutes, Les Fagnes 2009, qui présente un mélange magique de boisé discret, de fruité intense, de persistance et d'élégance, avec un chocolaté subtil (entre le noir d'ayatollah de l'amer et le lacté de l'hédoniste qui sait tout du snobisme). Olé, donc.

    Photo prise avec le téléphone.

  • Partir en train

    C’est un extrait de mon prochain livre, composé de miscellanées (des mélanges) :

    Depuis le jour de mes vingt ans, je prends le train en conscience à travers le prisme d’un livre : la lecture des premières pages d’ « Un Balcon en forêt », de Julien Gracq, lues ce jour-là, a laissé en moi une trace profonde. Gracq y décrit un train qui serpente dans la forêt des Ardennes et qui conduit l’aspirant Grange vers une maison forestière ; siège social d’un récit qui se déroule pendant la « drôle de guerre ». Ces pages ont bouleversé ma façon de voyager et ma manière d’appréhender le déplacement en train. Je ne suis jamais plus monté dans un wagon sans penser au « Balcon », au train qui s’ébranle, au sens du mot départ –que seul celui d’un cargo peut égaler en sensations-, au paysage forestier qui défile, et au serpent de wagons que le voyageur découvre à la faveur d’une courbe longue et douce.


    Les trains modernes à grande vitesse interdisent la moindre ouverture. Impossible dès lors de se pencher au-dehors pour prendre une gifle de vent qui bloque la respiration et baigne de liberté nos cheveux. Cette griserie, qui procédait du voyage, en dépit de l’alerte vissée aux parois (e pericoloso sporgersi), n’est plus. La vue est désormais plate. À angle presque droit. Sauf à être assis contre la fenêtre (mais qu’est-ce qu’une fenêtre qui ne s’ouvre pas, sinon une bouche d’autiste, une mer de verre !), le voyageur des trains modernes n’a qu’une vision faciale du paysage.
    Son territoire imaginaire s’en trouve réduit, son ouverture sur la rêverie rétrécie.
    Et par là, grande ouverte aussi.
    Paradoxalement.
    Les voyages ferroviaires incitent aujourd’hui davantage à la rêverie intérieure à travers les paysages de l’âme. Il pourra s’agir d’une lecture qui transporte, du visage d’un voyageur. L’attention se porte en dedans.

    J’écris beaucoup dans les trains. Après un somme très court, mais infiniment réparateur, à la sortie duquel une fringale d’écrire l’emporte sur celle de parcourir la presse, tandis qu’une avalanche de faits précisément coloriés afflue à mon esprit soudain frappeur.



    Il y a toujours, dans le brinquebalement d’un train qui démarre et s’arrache d’une gare, quelque chose qui l’apparente à la fois au végétal et à l’animal. La longue carcasse d’un vieux reptile craque soudain en rafales vertébrales lentes, en s’extrayant d’une brousse froissée de lianes et de mille feuilles sèches.
    Dès que ce pâté en croûte s’extirpe des flancs du quai, l’air déplacé par la fusée qui prend de la vitesse en fendant l’idée d’une destination qui déjà est annoncée à la voix, ajoute à l’arrachement –comme on le ressent d’un chêne qu’on abat et qui tombe dans un fracas de fibres déchirées-, et à la séparation du corps de la gare et de ces passagers sédentaires restés à quai, en apparence satisfaits de n’être pas du voyage.
    Leurre ! Nous partons tous.
    Celui qui regarde le train s’éloigner, est pris d’un vertige immobile assimilable à une chute horizontale. À un plongeon.
    À sa manière, il part.

    Celui qui part quitte. Il est par conséquent saisi d’une nostalgie immédiate. D’un haut-le-cœur.
    Il est immédiatement captif de l’alchimie du ronronnement et des vibrations qui commencent à agir sur son corps et sur son esprit, et contre lesquels, bientôt, il ne pourra opposer aucune résistance.


    L’effet soporifique du départ en train est fulgurant. Chaque départ m’anesthésie. Totalement. La chute est délicieuse. Bercé comme un bébé dont le landau aurait été suspendu au cœur de la salle des machines d’un cargo, je sombre. Les vibrations me sont un massage crânien, un bain de kaolin pris au son du chant des baleines dans un magasin Nature et découvertes.
    Je suis généralement la proie d’une érection décontractée, à ce moment-là. Je bande long et très dur. Je le sens. J’en profite pour m’arranger sans ambages, car ça pique en tirant sur quelques poils.
    Après vient le rêve. Le rêve pénètre à l’aise le sommeil ferroviaire. Il possède le pass. S’installe chez lui, envahit l’espace, plante son décor, campe ses personnages. Envoie la musique. Lance la machine : ça tourne !
    Ce sont des rêves dont je me souviens au réveil. Les réveils les plus redoutables sont ceux du contrôleur qui vous tâte énergiquement le bras, et celui du voisin qui s’excuse de devoir vous déranger pour passer.
    L’envie d’écrire, implacable, surgit comme le regard d’une sphynge à la sortie du rêve. Après avoir feuilleté rapidement le viatique, écrire m’étreint. Livres et journaux peuvent attendre. Les idées qui cognent, non. Et c’est ainsi que se tricotent des textes et que naissent certains livres. Entre Tours et Poitiers, Dax et Bordeaux, Cork et Dublin, Séville et Malaga. L.M.