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BAYONNE : LA BELLE GASCONNE EST BASQUE

Voici un papier que j'ai donné à Pyrénées magazine et qui paraît dans le spécial Pays basque, avec un superbes photos signées Dominique Chauvet. 

PM HS PB.jpegLE COEUR DES BASQUES

Ville à l’histoire gasconne,Bayonne est marquée depuis le XX ème  siècle par la culture basque, au point d’être considérée comme la capitale du Pays basque nord... Mais le débat est vieux comme Lapurdum. Par Léon Mazzella. Photos : Dominique Chauvet.

Bayonne est-elle une ville basque ou une ville gasconne ? Si cette question que l’on se pose encore est devenue une antienne, c’est qu’elle n’est toujours pas tranchée, sinon à la sauce normande : ptêt’ ben qu’oui, ptêt’ben qu’non. Nous irons plus loin : la situation géographique de Bayonne, d’abord, lui donne droit de cité en Euzkadi. Située aux confins des Landes et du Pays basque, elle est incontestablement réputée capitale de la Côte basque, comme Pau est celle du Béarn, dans un département ou les Pyrénées, de Basses dès 1790, sont devenues Atlantiques en 1969. C’est par extension et presque naturellement que Bayonne est considérée aujourd’hui comme la capitale du Pays basque français dans son ensemble. Capitale économique du Bassin de l’Adour, port de commerce d’importance (le 9ème de l’hexagone par l’importance de son trafic), Bayonne a par ailleurs toujours joué un rôle d’aspirateur des énergies humaines, notamment celles du Pays basque intérieur. Lapurdum (son nom latin, qui a donné Labourd), est par ailleurs  située à la frontière occidentale entre le Pays basque et la Gascogne. À la sortie de Bayonne en prenant la rue Maubec, on arrive très vite dans les Landes – Tarnos est à peine à une encablure et demie de la gare. Si l’on se penche sur l’origine du peuplement de la ville de Bayonne, on s’aperçoit vite que les Vascons (habitants d’une zone englobant la Navarre espagnole et remontant jusque dans les Landes, grosso modo), ancêtres des Gascons (la langue gasconne est d’ailleurs un mélange de vascon et de latin), peuplent dès avant les Basques la future cité, qui appartient à une région appelée Novempopulanie, puis justement Vasconie (dès 626). Néanmoins, la chute de l’empire romain voit apparaître les Basques, ou Baskones, et le mot glisse vers celui de Gascons. Cherchez l’erreur… Comme ils venaient de l’actuelle province de Navarre espagnole, cela ne pose pas de problème historique majeur. On parlera gascon à Bayonne jusqu’au début du XXème siècle, car Bayonne, comme capitale du Labourd jusqu’en 1177, avant d’être rattachée au duché d’Aquitaine, restera donc une ville gasconne pendant des siècles. La langue française chasse progressivement la langue gasconne, qui fut pourtant la langue officielle de la région de Bayonne pendant au moins 400 ans, tandis que de nombreux Basques venus de l’arrière-pays s’installent dans la ville tout au long du siècle dernier. Ainsi cohabitent trois langues, de nos jours. L’occitan gascon, devenu minoritaire, régresse considérablement, le basque résiste au français, qui est omnipotent, parce que les Basques constituent une minorité qui sait s’imposer, devenue au fil du XXème siècle, une population bayonnaise influente. 

UNE VILLE MÉTISSÉE

D’ailleurs, à ce stade de l’exploration de Bayonne, ville hybride, autant gasconne que basque, ou peu s’en faut pour certains, résolument gasconne pour d’autres ou seulement basque pour d’autres encore, nous pouvons affirmer que, historiquement, Bayonne fut gasconne et qu’elle est devenue basque à l’époque contemporaine, et qu’en tant que ville européenne, au passé notamment enrichi par la communauté Juive venue du Portugal au moment de l’Inquisition, et qui s’installa dans le quartier Saint-Esprit (lequel fut lui-même gascon jusqu’en 1857, date à laquelle il est rattaché à Bayonne), c’est une cité aux cultures métissées – ce qui en fait sa richesse.  Terre de brassage et de mélange, de langues distinctes et d’apports humains, économiques, culturels, religieux divers, avec l’Espagne à proximité, l’océan et un port d’accueil, les Landes de Gascogne au nord et le Pays basque « sur place », Bayonne est une ville des confins, une ville frontière sans barrières, une ville que l’on répugne à quitter, une ville de ponts entre les cultures. La toponymie originelle des rues, des lieux-dits, même si elle est aujourd’hui « francisée », se partage les trois langues et est « entretenue » sur les panneaux de signalisation et la signalétique générale. Plusieurs émissions de télévision, de radios, des chroniques dans certains journaux sont en Basque et en Gascon. Les ikastolas encouragent l’apprentissage de l’euskara (le gascon n’est cependant guère enseigné officiellement), les académies, tant basque que gasconne, continuent de produire des études savantes, puisque la question fait encore couler beaucoup d’encre, mais il est à noter aussi, avec bonheur d’ailleurs, que les acteurs culturels, issus du monde associatif, s’accordent désormais en collaborant à l’occasion de « semaines » riches d’animations collectives basques et gasconnes à la fois. 

DES SYMBOLES BASQUES FORTS

Gorka Robles Aranguiz, chanteur basque bien connu à Bayonne, souligne d’emblée que Ibai Ona (la bonne rivière) qui a donné Bayonne, est un nom basque ! Et pan. Et l’homme à la voix qui porte et aux rires homériques enchaîne en évoquant la présence, à Bayonne, du seul musée qui se revendique exclusivement basque ! À Bilbao, c’est un musée d’art contemporain qui fait la gloire de la ville, tandis qu’ici, c’est le Musée basque, ou Maison Dagourette. Notons cependant l’existence du musée San Telmo, à Saint-Sébastien, le plus vieux musée du Pays basque d’ailleurs, qui ouvrit ses portes en 1902. Ce musée de la société basque et de la citoyenneté se trouve néanmoins « de l’autre côté », et la présence du Musée basque sur les quais de la Nive renforce le rôle – de plus en plus indubitable - de Bayonne capitale basque depuis plusieurs décennies. Car, en effet, dès le début du siècle dernier, un phénomène quasi naturel, logique, a fait couler, découler, venir à Bayonne, depuis la campagne, depuis la montagne, depuis l’Espagne aussi, au marché hebdomadaire, au stade, une population basque de plus en plus nombreuse, qui a progressivement pris racine, notamment dans le quartier Saint-André. 

UNE CONQUÊTE VENUE DE L’ARRIÈRE-PAYS

Clément Soulé, emblématique patron du Café des Pyrénées (qu’il a vendu il y a sept ans et qu’il ouvrit le 1er avril 1982), évoque le Petit Bayonne en ces termes : « on l’a conquis ! ». On, ce sont les Basques du Pays intérieur, surtout les Souletins, s’agissant du quartier Saint-andré. Ce mouvement de conquête connut une accélération dans les années 1980. À l’instar de Biarritz, où de nombreux Béarnais choisirent de s’installer, de nombreux Basques des villages environnants et des vallées plus lointaines posèrent leur sac dans le quartier du Petit Bayonne, plus populaire que le Grand Bayonne, traditionnellement bourgeois. C’est ainsi que des familles de Tardets, comme les Soulé, de Mauléon aussi, et d’autres originaires de Saint-Jean-Pied-de-Port, de Saint-Palais, d’Hasparren, « colonisèrent » plusieurs quartiers de Bayonne en imprimant rapidement leur marque euzkadienne. Prenons la place Saint-André avec son grand parking. C’est là que de nombreux autobus venaient de l’intérieur du pays, c’est donc là que les gens échangeaient les nouvelles, chaque mardi, jeudi et samedi. Certes, le quartier vécut aussi des périodes sombres, notamment avec les années ETA, IK (Iparretarrak) et GAL. La rue Pannecau, entre autres, demeure une partie de la ville où une forte identité basque, largement revendiquée par la jeunesse, a pris le relais des années où c’était des réfugiés, les « Réfus », qui hantaient les lieux, surtout dans les années 1983 à 1987, ainsi que le souligne Colette Larraburu (1). Une trentaine d’assassinats perpétrés par le GAL, notamment au Café des Pyrénées même le 29 mars 1985, ainsi qu’au célèbre café-hôtel Mon Bar, au bar Lagunekin, ou encore chez Etxabe (tous situés rue Pannecau), des explosions criminelles (à commencer par celle de la librairie Zabal, spécialisée dans la culture basque, et qui ouvrit ces années noires), ont marqué les esprits à jamais et certains murs en portent encore les stigmates. Le quartier fut longtemps déserté, et pour cause, et il fallut plus d’une dizaine d’années pour qu’il retrouve une atmosphère paisible et son sens inné de la fête. « Le quartier Pannecau », dit Clément Soulié, fonctionne comme un petit village où chacun se connaît et provient d’un coin du Pays basque intérieur, tout le monde y a échafaudé vaillamment sa petite stratégie de l’occupation des lieux, en y travaillant, en montant des commerces, en reprenant des pas-de-porte, modestement d’abord. Bayonne fonctionne un peu par communautés, en somme, » ajoute Clément, « Ce n’est pas contre les Gascons que les Basques de l’intérieur ont conquis une partie de la ville, ça a toujours fonctionné comme cela : les Béarnais à Biarritz, les Juifs à Saint-Esprit, les Basques entre Nive et Adour. » Clément Soulé reconnaît cependant que sa communauté est moins performante que celle des Auvergnats (de Paris), par exemple, pour s’entraider. « Autrement, c’est Bayonne dans sa totalité qui serait aujourd’hui annexée par les Basques de l’intérieur ! », lance-t-il en souriant.  

LE RÔLE CAPITAL DES FÊTES

« Cependant, jusque dans les années 1980, parler Basque à l’école, ça ne passait pas bien », rappelle Gorka Robles, « et le syndrome des histoires belges où le Basque remplace un Belge a la couenne dure ! ». Le Gascon était la langue de la bourgeoisie bayonnaise jusqu’au XIXème siècle, et ce jusqu’en Guipuzkoa, où c’était le peuple, surtout rural, qui parlait Basque. Répétons le, Bayonne assume aujourd’hui son rôle de capitale du Pays basque nord, comme Pampelune celui de capitale du Pays basque sud – c’est historique, pour la Navarre en tout cas, Vitoria tenant le rôle de capitale administrative. « La culture basque impulse la culture bayonnaise dans son ensemble, précise encore Gorka. Il n’est qu’à citer certaines initiatives innovantes comme le Bizi ! (mouvement alternatif alter mondialiste), et les  deux ikastolas que compte la ville, bien sûr. » Un signe ne trompe pas, vient des autorités :  le drapeau basque flotte au balcon de la Mairie de Bayonne… La chance énorme, sur ce sujet, c’est Baionako Bestak, les Fêtes de Bayonne : un million de personnes, un océan rouge et blanc, en cinq jours, voit des gens chanter et danser en langue basque, et les spectacles  proposés ont beau être différents les uns des autres, chacun a plus ou moins consciemment le sentiment de venir faire la fête dans la capitale du Pays basque. Pis, qui pense venir faire la fête dans Bayonne, ville gasconne ?..  L.M. 

 

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Pratique :

- Le Festival gascon de Bayonne, organisé par le Ligam Gascon deu Baish-Ador (LGBA), tiendra sa 5ème édition au cours de la première semaine de juillet prochain. Rens ; : 0559086422

- Bizi ! www.bizimugi.eu

- Académie gascoune de Bayonne : www.gasconha.com   

- Académie de la langue basque (Bayonne : 0559256426).

- Baionako Bestak, les Fêtes de Bayonne 2014 se dérouleront du 23 au 27 juillet. www.fetes.bayonne.fr

- Lire : (1) « Rendez-vous Place Saint-André. Trente ans de vie au Café des Pyrénées, de Colette Larraburu. Préface de Léon Mazzella (éd. Elkar).

- Festival musical Black & Basque, en septembre, lieu d’échanges culturels entre les peuples Afro-américain et Basque, créé il y a quatre ans par Christian Borde, alias Moustic (Groland, sur Canal+). www.blackandbasque.com

- Bar-restaurant sympa du moment, à l’ambiance jeune et basque garantie : Kalostrape, 22, rue Marengo, à deux pas de la Place St-André.

 

GASCON

« Comment peut-on être Persan ? » demandait Montesquieu. Comment peut-on être Gascon ?.. On ne le devient pas, on l’est de naissance. C’est un caractère, une manière d’être au monde, de penser, de marcher, de parler, de rire et de chanter, d’aimer et de préférer, de manger et de boire, de donner et de partager, de faire la fête et de cultiver l’amitié avec autant de soin que la vigne, une façon de vivre le paysage, de caresser la plaine, de rentrer dans l’Océan, d’écouter la forêt, de voir la montagne, de songer la ville, de vivre le village, de dompter un étranger un peu trop conquistador. C’est une attitude de tous les instants, un accent, un regard, une fierté, une franchise, un laisser-aller contrôlé, une morale, un savoir-vivre à nul autre pareil. Parmi les Gascons auxquels je pense aussitôt, je compte Jean-Jacques Lesgourgues, vigneron en Armagnac, à Bordeaux et en Madiran. Mécène, collectionneur d’art contemporain, Jean-Jacques est l’archétype du Gascon total. Je pense aussi à Jean Lafforgue, érudit, ancien libraire emblématique du temple des livres bordelais : Mollat. Je pense à Jean-Pierre Xiradakis, autre Bordelais aux origines grecques, restaurateur à l’enseigne de « La Tupiña ». Je pense enfin à  Joël Dupuch, ostréiculteur sur le Bassin, amateur au sens noble du terme, ex rugbyman et cultivateur d’amitié. Le Gascon est un égoïste qui ne pense qu’aux autres. Un aventurier qui néglige l’objet pour la cause, un homme qui n’adhère à rien sauf au plaisir qu’il souhaite « faire passer ». Le Gascon est le contraire du militant. C’est un rugbyman au quotidien qui donne le ballon comme une offrande, parce que « ça » doit jouer, jamais stagner. Et pas que le dimanche après-midi. C’est un joueur qui fête la défaite, un homme qui engage sa vie pour son salut, à l’instar de « l’Aventurier » comme l’écrivain Roger Stéphane en dressa le « Portrait » dans un livre éponyme fameux. (Extrait de : « Le Sud-Ouest vu par Léon Mazzella ». Hugo & Cie).

Commentaires

  • Merci pour vos précieux conseils

  • Notez que j'ai également écrit un reportage sur les Fêtes de Mauléon, dans Pyrénées magazine également, dont on trouve trace ici (tapez Mauléon dans "rechercher"). Merci de votre message et bonne lecture éventuelle.

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