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reportage - Page 2

  • Le Baratin de Raquel et Pinuche

    Voici la version longue, avant coupes (il a fallu raccourcir grave et à la serpe aiguisée pour faire tenir 2 pages en 1, dans le numéro 2 de Grand Seigneur qui vient de paraître : lire notes précédentes). C'est l'une des vertus d'un blog que de donner à lire in extenso le partiel (voire le riquiqui parfois, ce qui n'est pas le cas ici).

    Restaurants / Paris

    Le BARATIN

    ON SE RISQUE SUR LE BIZARRE 

    images.jpegD’abord il y a le délicieux accent argentin de Raquel, qui dépasse en saveurs subtiles, fruitées, florales, tous les vins de vignerons que Pinuche propose à qui sait engager une conversation vraie sur le sang de la vigne et sur ceux qui en font un jus buvable à l’issue d’un processus obstiné, étiré avec patience plusieurs millénaires durant. Le Baratin date de 1987 ap. J.C. C’est déjà plus contemporain. Raquel glisse régulièrement une tête hors de sa cuisine afin de vérifier que tout roule. Philippe Pinoteau, dit Pinuche, comme dans San Antonio, parle vins avec un client accoudé au comptoir, son territoire. Raquel Carena, aux commandes du Baratin depuis décembre 1987, est arrivée de Cordoba, en Argentine sans savoir qu’elle allait se lancer dans la restauration et devenir un nom, mieux : un prénom dans le monde des bonnes adresses parisiennes. Philippe Pinoteau est arrivé dans le paysage du mythique bistrot de la rue Jouye-Rouve, Paris 20ème, en 1991 et s’y est installé aux côtés de Raquel en 2001. Pinuche, expert en vins « vivants » (il déteste l’adjectif naturel associé au vin), qu’il définit comme des vins avec des levures indigènes et aussi libres que possible de tout ajout, intrant chimique et autres sulfites en excès ou levures exogènes, qui en font des vins « morts ». Aussi humble que drôle, il se présente  comme « le chauffeur de madame avant tout, car elle n’a pas le permis ». Le Baratin fut un bistrot à vins de quartier où on cassait la graine à l’occasion, avec un peu de charcuterie et du fromage. C’est avec l’arrivée de Raquel qu’il est peu à peu devenu une table simple et de qualité, où l’on mange une excellente cuisine de bonne femme. Il est resté un vrai bistro dont l’authenticité ne se mesure pas à la patine d’un banc ou au tain d’une glace, mais à sa chaleur naturelle, à ce brouhaha nécessaire, à cette espèce de connivence amicale qui circule de table en table. Il y a deux salles, une grande ardoise, une peinture marine immense, un escalier qui conduit à la cave,  où s’ourdissent les complots tanniques et d’où Pinuche remonte des flacons choisis par lui, après avoir discuté un peu avec les clients qui veulent aller au-delà du tableau qui affiche une vingtaine de références, au verre et à la bouteille, comme La Sorga Le Désordre, le Saint-Chinian de Tortul, le Fleurie de Michel Guignier ou la Papesse de Gramenon, un côtes-du-Rhône de respect. Il n’y a jamais eu de carte des vins au Baratin. En revanche, on peut donc discuter à l’envi, sans baratiner. Le formidable menu à 16€, à déjeuner, annonce le talent de Raquel. Le 12 mai dernier, c’était un délicieux fromage de tête maison, un collier d’agneau aux épices douces qui avait confit depuis le matin, et un Saint-Nectaire idéalement parfumé. Détail agréable : le café est moulu devant vous avant que d’être passé au perco. Ici on « tchatche », on prend un verre de morgon de Foillard (la référence la plus servie au Baratin) avant de prendre une table, on refait le monde en général et celui des vins en particulier avec Pinuche bien sûr, et si le courant passe, il nous débouche des vins étranges, étrangers,  inattendus ; « on se risque sur le bizarre »…  Pinuche est ainsi : il joue avec la curiosité de ses clients. « C’est épidermique. Le vin est un produit trop complexe. J’aime comprendre ce que l’autre souhaite. Je me plante une fois sur deux, mais bon… Je suis à la fois prétentieux et paresseux ». Lorsque Raquel reprend l’adresse il y a des lustres maintenant, c’est un lieu à l’abandon. Tout à refaire. Avec son ami de l’époque, Olivier, elle propose un seul plat chaque jour. Et ça marche immédiatement. La clientèle du quartier en fait sa cantine et Raquel, qui n’avait jamais cuisiné auparavant, se prend au jeu.  « Je trouvais ça rigolo de donner à manger aux gens, alors que je ne me sentais absolument pas manuelle. Totalement autodidacte, j’ai quand même travaillé avec des chefs qui voulaient  cuisiner avec moi!». Puis, le bouche à oreille aidant, le Baratin fait boule de neige et décolle dès 1994-95, avec le soutien de copains et de copines comme Mercedès Guion, François Morel, qui ont ameuté Paris». Puis la presse de temps en temps, les guides, ont fait le reste. La cuisine de Raquel est un mélange de cuisine bourgeoise française et d’inspirations pan-méditerranéennes, terre et mer confondues. Elle aime travailler les poissons poêlés, les viandes marinées,  les « cocidos », les tripes, la joue et la queue de bœuf, le veau de qualité, les vraies volailles. Des chefs de renom comme Hermé, Rollinger, tous les grands chefs espagnols aussi, sont passés au Baratin, « du coup le monde de la gastronomie s’est vraiment intéressé à moi », dit Raquel encore étonnée. « Le Baratin, c’est indéfinissable. C’est chez moi. C’est un lieu. J’aime y nourrir les gens simplement, sans prétention gastro. Ca reste un bistro et c’est ça que j’aime avant tout, car n’ayant jamais pensé à devenir grand chef, je continue de faire et les courses et la plonge comme la cuisine ! » Simplicité et humilité sont les mots qui sautent à l’esprit lorsqu’on entre au Baratin. Des écrivains célèbres comme Jean Echenoz en ont fait leur adresse fétiche des années durant. L’austère Pascal Quignard a lui aussi élu le Baratin parmi ses repaires. Aujourd’hui, le Baratin selon Raquel, « c’est 23 ans passés dans 4 m2 de cuisine sans puits de lumière, 14 heures par jour et c’est du bonheur. Affreux, mais que du bonheur ! »

    © L.M.

    Le Baratin, 3 rue Jouye-Rouve, Paris XX.

  • Grand Seigneur n°2

    images.jpegIl est paru ce matin. C'est le trimestriel gourmand de Technikart, Grand Seigneur, le magazine qui ne se refuse rien (based-line du n°1) devenu le magazine food et lifestyle (celle du n°2). J'ai la joie (durera-t-elle, la joie?) d'y signer trois papiers, dont le premier volet d'une chronique bien placée (en dernière page), "La cuisine interdite", qui ouvre avec l'ortolan (lire ci-dessous). Les deux autres papiers traitent du resto Le Baratin (Paris 20) et du resto du Pic du Midi de Bigorre (2877 m d'alt.). 
    A lire, notamment (mais tout est à lire là-dedans, car dans le Grand Seigneur, tout est bon) : les papiers et dossiers consacrés à la cuisine des nonnes, à la passion pour les boulettes de feue Amy Winehouse, à la gauche truffée, aux apéros TV d'Aurélia, l'interview de Benjamin Bio(jo)lay et celui de Coffe, le duel Etchebest-Martin, les glaces, les fromages qui coulent, les vins en biodynamie, etc. En kiosque.

     

    La cuisine interdite, par Léon Mazzella

    Ortolans, le régime Dukan à l'envers

    Espèces protégées ou recettes de braconniers... Léon Mazzella, le Jim Harrison des Landes, nous raconte ici l'histoire secrète des cuisines interdites. Et si on commençait par l'ortolan, le grand shoot de Maïté, Juppé et Mitterrand?

    Il y a des clichés qui scotchent. Celui de Maïté, papesse de la bouffe gasconne gargantuesque des années 80,faisant une fellation au cul d’un ortolan, sur une vidéo qui circule sur YouTube, est délicieux. Une autre vidéo, où l’on voit Alain Juppé décrire  fugitivement la manière de déguster l’ortolan sous la serviette, ne dit pas que l’une des plus belles installations de chasse à l’ortolan se situait chez son père à Campagne, petit village Landais. Enfin, il y a une indécrottable anecdote selon laquelle François Mitterrand se serait gavé d’ortolans quelques jours avant sa mort, le 31 décembre 1995 chez lui à « Latché », dans le village Landais d’Azur. « L’affaire » fut rapportée dans un livre rédigé par un hâbleur, Georges-Marc Benamou. Car, renseignements pris auprès de bonnes sources (des amis présents aux côtés des Hanin, Lang, Bergé ou Emmanuelli, mais totalement inconnus du public : Jean et Yvette Munier), Tonton n’aurait pas eu la force de s’attabler ce soir-là, il goba une huître à peine et ne trouva pas l’envie de suçoter la minuscule cuisse d’un seul ortolan avant de quitter la salon. J’ai apporté moi-même ces précisions dans un courrier adressé au « Monde » daté 26-27 janvier 1997, car il fallait tenter de calmer un jeu grotesque. Reste que l’ortolan fait débat. Forcément, il est rare, cher, mythique et propice au fantasme.

    Tué à l'Armagnac

    Il fut longtemps interdit de le chasser aux matoles, ces cages-pièges qui le prennent vivant, entre la mi-août et la fin septembre, sauf si l’on était agriculteur Landais et que l’on respectait un cahier des charges kafkaïen. C’était la résultante d’une tolérance, autrement dit d’un presque vide juridique, jusqu’en 1999. Désormais, la capture de l’ortolan est totalement interdite. Piégé, l’ortolan est néanmoins (encore) engraissé jour et nuit et, ce bruant particulier (emberiza hortulana), le seul de la famille qui soit capable de tripler son poids en deux à trois semaines –c’est le régime Dukan à l’envers-, devenu gras comme un moine, achève sa vie tête la première dans un verre d’armagnac, où il est plongé, qu’il aspire et dont il inonde ses chairs. Ce qui ne gâche rien, honore l’oiseau et son bourreau. Plumé, non vidé, placé dans une cassolette à sa taille –comme un cercueil de luxe-, il est servi aux convives tandis qu’il « chante » encore tant il grésille. La serviette sur la tête, afin de ne pas laisser échapper son fumet et de masquer la grimace du dégustateur qui se brûle et se huile les babines, il est lentement dégusté avec les doigts jusqu’au bec. Tout le reste se mange, possède le goût de la noisette, du foie gras… et de l’ortolan. Et surtout, surtout, de l’interdit. Un goût indéfinissable. Autrement, ça se saurait et serait décrit ici.

    300€ par tête

    Sa commercialisation étant interdite, son prix unitaire atteint des sommets depuis quelques années. L’essentiel étant de ne pas se faire « choper », confient certains chasseurs et certains restaurateurs. Quant aux heureux consommateurs, ils figurent sur des listes d’attente, rareté des installations clandestines oblige (l’œil d’Allain Bougrain-Dubourg et des caméras de télé qui l’escortent veillent au grain, de surcroît !), et sont prêts à payer chaque oiseau une fortune. Sans parler des palais curieux, comme ceux des gastronomes japonais no limit, capables de casser la tire-lire et de supplier de grands chefs étoilés d’activer leur réseau et de leur en servir en catimini. 200, 300€ et plus l’oiseau ne leur font pas peur, mais calme la plupart des appétits. Il existe une Confrérie de l’Ortolan, à Tartas, dans les Landes. Y sont intronisés des gens de partout, puisque j’ai eu droit à cet honneur le 30 novembre 1996, aux côtés de Me Vergès, d’Alain Juppé et du cavalier olympique Jean Teulère. Les matoles réunies prenaient encore 20 à 50 000 oiseaux à ce moment-là. Invérifiable. Sur un total de un à douze millions de couples nicheurs en Europe. Difficile de savoir. Dans le doute, abstiens-toi. A ce prix-là, ce n’est pas difficile. 

    LM

    Merci à Pascal Quantin (de Tartas) de m'avoir prêté la photo qui illustre l'article, et où l'on voit 14 convives, serviette sur la tête, déguster leur ortolan à la façon d'un réu. du Ku Klux Klan.

     

     

     

  • Rosé : Le prestige de la presqu'île

    Ce papier, intitulé initialement : Du rosé « piscine » en mathusalem, est paru dans L'EXPRESS du 27 juillet.

    Le nom de Saint-Tropez suffit à faire vendre les vins rosés qui s'en prévalent. Les investisseurs s’affolent et les vignerons regorgent d’idées.

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    images (1).jpegLa Presqu’île rend fous les investisseurs avides de posséder un vignoble estampillé Saint-Tropez. Le groupe Bolloré a repris les domaines de La Croix et de la Bastide blanche, sur la commune de La Croix Valmer, 90 ha de vignes qui donnent un rosé classieux. Ce n’est pas le cas de tous les domaines, dont le point commun positif est de jouer volontiers la carte de l’agriculture raisonnée. À La Croix, on n’a pas lésiné sur les moyens pour remettre le vignoble en état et, surtout, confier à un architecte local de renom, François Vieillecroze, le soin d’imaginer et de réaliser un chai spectaculaire et futuriste. À Gassin, le célèbre Minuty, de réputation internationale, démontre que grande production peut rimer avec qualité. L’un de ses voisins, le domaine de La Rouillère, 40 ha plantés sur 120, appartient à un industriel de Lille, Bertrand Letartre, leader européen des produits d’hygiène et de désinfection en milieu hospitalier. « J’ai eu le coup de foudre il y a une dizaine d’années lorsque je cherchais à reprendre un domaine. J’ai racheté pour 4 millions d’euros une propriété un peu délaissée. 8 millions ont été injectés pour les travaux. Il y a eu notamment le rachat de terres à la famille de Robert Boulin. Une parcelle se nomme d’ailleurs Ministre », dit Bertrand Letartre. « Je tiens à rester propriétaire-récoltant, et il me fallait d’emblée être (re)connu dans mon village. » Comme le village se nomme St-Tropez, le travail sur le mouchoir de poche magique –du Vieux Port à Pampelonne- est capital. Il permet aux décideurs du monde entier de retenir le nom de sa remarquable cuvée Grande Réserve, un vin rosé (comme 70 à 80% des vins de la Presqu’île), qu’ils consomment plus volontiers en magnums, en jéroboams ou en mathusalems qu’en simples bouteilles de 75 cl –toujours ce goût de la démesure propre à St-Tropez. « L’image de nos vins circule, de Courchevel d’abord, où sont les commerçants tropéziens en hiver, à New York et à St-Barth’, soit là où la jet-set se déplace ». Les rosés estampillés St-Tropez font un malheur dans les lieux branchés de la planète. Leur prix sont en conséquence surestimés. Le chai de La Rouillère, archi design, à la propreté clinique qui frise l’obsession, est signé lui aussi de l’architecte en vogue Vieillecroze. « Oui, mais il a fait le notre avant celui de Bolloré », précise Bertrand Letartre. Au domaine Bertaud-Belieu, propriété d’un haut-dignitaire kazakh, on joue également la carte de la qualité. Cela n’empêche pas Jean-Christophe Sibelya, le gérant, de créer des événements. « Nous sortons des cuvées limitées ornées d’une sculpture métallique en guise d’étiquette, signée Michel Audiard, dont le prix peut atteindre 8000€ pour une paire de mathusalems livrés dans une mallette en cuir. Nous finançons l’opération  « Puits du désert », qui permet le creusement de nombreux puits au Niger. Ou bien nous ouvrons un bar dans un hydravion Catalina, époque Latécoère, chaque soir sur une plage de St-Trop’. » Grégoire Chaix, lui, avec 35 ha de vignes éparses dans les environs, produit Tropez, du prénom sésame de son grand-père, un vin archi marketté avec ses séries limitées à 6000 cols au look ravageur très night-club : Black Tropez, White Tropez. « J’ai créé aussi un cocktail à base de vin rosé et d’arôme de pêche, qui cartonne : on a déjà vendu 1,5 million de bouteilles! Il titre, au choix, 6,5° ou 0°, on le trouve partout, surtout chez moi, au Bar du Port », lequel n’a rien d’un wine-bar classique. De toute manière, ici, les vignerons eux-mêmes boivent le rosé en « piscine », soit dans un grand verre qui tient du vase rempli de glaçons. Parlez-moi de vin…  L.M.

     

  • St-Trop, le premier papier

    EXPRESS 27 juillet 2011_Page_1 (1).jpgRetour de Procida... 

    Au courrier, je trouve L'Express et le dossier que j'ai écrit dans l'édition datée du 27 juillet au 2 août. Il comprend 12 papiers, avec ses encadrés et ses manchettes. Voici celui qui ouvre l'ensemble :


    De BB à Abramovitch

    LOIN DU BLING-BLING

    Les traces des années B.B. sont dans les mémoires. Elles ont sculpté un Saint-Tropez inaltérable, aujourd’hui davantage tourné vers une certaine conception de la dolce vita.

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    IMG_5036.JPG« Et tard dans la nuit de cet été 1965, Margot ouvrit la porte de l’hôtel familial de La Ponche à Gunther Sachs et à Brigitte Bardot. Ils voulaient une chambre, urgemment : Ma petite Brigitte… Et monsieur Gunther, mais quelle surprise !, s’exclama Margot. Ce fut leur première nuit d’amour ». Simone Duckstein, veuve du peintre Jacques Cordier dont les peintures ornent tous les murs de l’hôtel de La Ponche et directrice historique du lieu, se souvient. Brigitte était déjà une habituée, qui disait de cet hôtel mythique qu’elle y était comme chez elle à La Madrague, « avec la même bande d’amis rigolos ». À deux pas du Port, l’hôtel le plus intime de Saint-Tropez, devant une plage enrochée de poche, la ravissante Grange Batelière et la côte de Sainte-Maxime au loin, a longtemps été l’annexe de Saint-Germain-des-Près. BB y passa des semaines entières, comme Françoise Sagan et la bande de son ami Jacques Chazot, ou avec ses maris successifs Guy Schoeller, Bob Westhoff, Bernard Frank. Les Trintignant, Romy Schneider, Maurice Ronet, Daniel Gélin, Juliette Gréco, Michèle Morgan (toutes deux vivent à quelques encablures), tout le monde est passé par ici, même Jack Nicholson il y a peu. Y compris, lorsque Simone était enfant, les Eluard, Picasso, Mouloudji, Pierre Brasseur, le peintre Dunoyer de Segonzac, enterré au splendide Cimetière marin, tout proche, non loin d’Eddie Barclay dont la tombe est ornée de disques en vinyle démesurés... Les Buffet, par exemple : Annabel a rencontré Bernard à La Ponche en 1958 ! Le petit hôtel semble ainsi être (à son corps défendant, mais pas longtemps), le méridien de Greenwich des amours naissantes et des réconciliations tardives : Simone Duckstein se flatte d’avoir entendue Catherine Deneuve lui dire, un jour de 2004 tandis qu’elle tournait Princesse Marie, de Benoît Jacquot, « c’est vous qui m’avez réconciliée avec Saint-Tropez. » Les larmes lui montent aux yeux à cette évocation. Si Maupassant parle de Saint-Tropez dans ses chroniques données au Gil Blas en 1884, si Colette séjourne fréquemment dans sa maison de la baie des Caroubiers, La Treille Muscate, acquise en 1925 et où elle écrivit plusieurs de ses livres, c’est à La Ponche que Claude Lanzmann situe un séjour avec Sartre et Beauvoir dans Le lièvre de Patagonie. Sagan ouvre un chapitre de Avec mon meilleurIMG_5032.JPG souvenir par ces mots : « Nous sommes à la mi-juin... Je suis assise sur la terrasse de l'hôtel de La Ponche, à Saint-Tropez, à six heures du soir, au seuil de l'été… Les deux pieds sur une chaise ». C’est La Ponche que Bardot désignait à ses amants comme l’endroit le plus romantique du monde… Jacques Laurent –ami intime de Simone, Michèle Perrein qui fut son épouse, Michel Mohrt, Sagan bien sûr, y ont souvent écrit, et nombre d’acteurs s’y sont reposés entre deux journées de tournage. Ce, depuis 1942, pour Le Soleil a toujours raison, avec Tino Rossi, jusqu’aux nombreux tournages des années 70 et 80, en passant par 1955 qui voit un Vadim  impuissant à lutter, l’œil rivé à sa caméra, contre un Trintignant amoureux de sa jeune épouse déjà sacrée « plus belle femme du monde », et la série des Gendarmes ou encore L’année des méduses, et La piscine… Cette maison d’artistes 4 étoiles est un bijou tenu par une élégante délicate et cultivée qui semble ignorer l’autre, les autres Saint-Tropez, lesquels ne la gênent nullement. « À chacun son Saint-Tropez, et tout le monde est heureux ainsi ! », dit Simone, en citant son amie Françoise Sagan. Chacune de ces stars a donné son nom  aux 18 chambres, y compris Georges Pompidou et Kenzo, fidèles de l’hôtel. Non loin, des yachts cathédrales immaculés pressent leur cul contre un quai envahi de badauds et de faux bling-bling facilement reconnaissables. Les terrasses de Sénequier, du Gorille, de l’Escale, du Quai, du Café de Paris et autres font leurs choux gras en quatre mois avec ceux qui passent et débarquent. Mais ce strass est circonscrit. Il a moins les dimensions d’un mouchoir de poche que celles d’un string, dont les mensurations auraient pour élastiques les quais, la Citadelle, la paisible place de l’Ormeau, la Place des Lices les jours de marché (mardi, samedi) et ses boulistes de l’après-midi, lesquels songent à Henri Salvador et à Lino Ventura, et enfin la Tour du Portalet qui ouvre sur le modeste sentier du littoral –qu’il faut emprunter. Oui, le carré des milliardaires, des oligarques, des m’as-tu photographié, est ridiculement minuscule et préserve, on ne sait par quelle magie, le village dans son ensemble. Le pouvoir d’achat de ce maillot de biens est certes considérable, mais le Tropézien, qui a la tête réellement froide, ne s’en laisse IMG_2257.jpgjamais compter. Il a oublié que Mick Jagger s’est marié ici avec Bianca en 1971, il se souvient en revanche qu’il a une autre affaire à faire tourner à Courchevel, en relais de celle-ci sur le port, en deçà ou sur une plage de Pampelonne. Car aujourd’hui, il convient de suivre le VIP à la trace, dans les sillages uniformément blancs comme la fameuse Soirée –et de son yacht et de son avion privé. Le nouveau visage de St-Trop’ est davantage cosmopolite, plus exigeant, plus arrogant aussi. Les maîtres du monde, s’ils possèdent encore, parfois, le tact et l’intelligence effacée, exposent plus fréquemment des attitudes d’enfants gâtés qui veulent tout tout de suite. « Le risque est qu’ils fichent le camp ailleurs, puisque les côtes de la planète leur sont ouvertes », dit Kaled, inquiet militant de l’avenir des plages de Ramatuelle. En attendant les suites d’un éternel imbroglio (voir plus loin), Abramovitch, Paris Hilton, tel Emir, tel rock-star ou king du basket, tel président d’un fonds de pension américain aussi influent qu’un Bill IMG_2248.jpgGates, mais transparent avec son tee-shirt imprimé et ses Havaïanas aux pieds, et dans une moindre mesure un Jean-Michel Jarre ou un Alexandre Jardin croisés ce 5 juillet au fil des quais et aux bras de leur dulcinée, fabriquent le Saint-Tropez d’aujourd’hui. Celui-ci tient du zoo, lorsqu’on se trouve devant ces yachts dont on ne sait pas qui sont les singes : ceux qui les occupent, là-haut, ou bien les humbles qui,IMG_2252.jpg menton dressé et appareil photo prêt à tirer, guettent leurs occupants et se photographient devant des pavillons de complaisance évoquant les îles lointaines ? Il relève de la réserve d’Indiens : les Bateaux Verts proposent pour 9€ une balade en navette à la découverte des « villas de célébrités ». St-Trop’ tient encore du hameau charmant, lorsque l’on emprunte, depuis les quais et jusqu’à la Place des Lices, cette ravissante ruelle Etienne Berny chargée du parfum des figuiers qui dégringolent, et où deux piétons ne peuvent se croiser. Le village magique tient de l’inaltérable enfin, lorsque, devant soi, au cœur de la nuit, à l’heure où l’on quitte hagard les Caves du Roy, un nanti indien proche de la famille Mital (propriétaire dans les environs), évoquant en Anglais son dîner au Polo Club (la cuisine, italienne, y est remarquable), achète, pour se refaire, un panini à 5,40€, ni vu ni reconnu. Record absolu.  

    L.M.

    PS : L'Express a signé à tort mon dossier du nom de Léon Mazzella di Borgo, or je m'appelle di Bosco. Pfff...

    Photos (©LM) : vue du village depuis les abords du cimetière marin, des gosses qui plongent dans la crique de La Ponche depuis la Grange batelière, Tony Parker au VIP, la lampe Kalachnikov dorée qui trône sur le bureau de Grégoire Chaix (vigneron), le seau de mon rosé au Club 55.

     

  • Les folies de Saint-Tropez

    C'est le titre du dossier de 12 pages que je signe dans L'Express paru mercredi dernier. Pas encore vu. Ici (sur l'île de Procida depuis le 15), on ne trouve pas grand chose et c'est tant mieux. Tout peut attendre. A Procida, je me réconcilie avec la vie lorsque celle-ci glisse entre les yeux. Cette île irradie en moi. Elle m'inonde de benessere, je m'y inscris comme un fleuve finit en mer. 

  • L'Express spécial Pau

    images.jpegDans L'Express de cette semaine, je publie trois papiers sur le thème des grandes familles paloises : la saga des Biraben (foies gras éponymes et chevaux de course), des Escudé (sportifs de haut niveau : foot et tennis) et celle des Loustalan (presse quotidienne régionale). Il se trouve qu'en 1984, j'ai travaillé à Pau à Pyrénées Presse (La République des Pyrénées et L'Eclair des Pyrénées). Voici pourquoi je choisis de coller ci-dessous le papier qui évoque les Loustalan. Nota : ce dossier est uniquement diffusé en Béarn.

    L'engagement au quotidien

    Albert, Henri, François, Bruno. Quatre Loustalan, trois générations de patrons de presse, un titre emblématique : L’Eclair, et un fil d’Ariane : porter un vrai courant de pensée en faisant d’un quotidien beaucoup plus qu’un journal.

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    En 1898, deux quotidiens palois, l’un royaliste et ultra catho, Le Mémorial, l’autre anticlérical, L’Indépendant,  poussent l’abbé Pon à quitter le Grand Séminaire et Albert Loustalan à quitter à 28 ans un poste confortable de banquier, pour fonder Le Patriote, journal d’informations démocrate chrétien, afin de créer un juste milieu dans un paysage béarnais qui compte encore aujourd’hui trois quotidiens (*). Le grand père Albert contribue rapidement à la prospérité financière du titre, qui affichait 25 000 exemplaires vendus chaque jour à la veille de la Seconde guerre mondiale. Modéré, Le Patriote comprend une majorité de laïcs dans son capital, et sa rédaction, d’obédience catholique, ne donne pas dans l’obscurantisme. La lutte est âpre et les lecteurs fidèles à chacun de ces titres. « Pau a toujours été une ville où l’on débat sur la place publique, au café comme au Zénith, lance François, petit-fils d’Albert, aujourd’hui âgé de 62 ans. » Quand Le Mémorial cesse de paraître en 1911, puis que L’Indépendant est happé par La Petite Gironde, ancêtre de Sud-Ouest, Le Patriote poursuit son aventure. Mais pendant l’Occupation –le grand-père Albert a disparu en 1936, le journal accepte la censure et la propagande, et voit un rédacteur en chef collabo continuer de noircir le journal… À la Libération, les « Rad-Soc » prennent le pouvoir et traînent Le Patriote en justice. Acquitté, il est déjà trop tard pour qu’il reparaisse, fut-ce nimbé d’une nouvelle virginité : La République des Pyrénées vient de naître, qui rafle un lectorat affamé de presse. Henri Loustalan, qui a appris le métier aux côtés de son père Albert, est un jeune docteur en Droit auteur d’une thèse sur le droit de la publicité dans la presse. Avec sa bande de potes : l’équipe des Chrétiens Sociaux de la Résistance, qui comptent à leur tête Louis Bidau, syndicaliste agricole qui sera à l’origine de la culture intensive du maïs et de la création de l’actuel consortium Euralys, ainsi que Mgr Annat, ils fondent L’Eclair des Pyrénées en octobre 1944. La ligne éditoriale du Patriote des belles années se retrouve : L’Eclair ne sera jamais un suppôt du clergé, mais il défendra des convictions, « un vrai courant de pensée » comme se plaisent à le souligner François et son frère cadet Bruno. L’Eclair étend rapidement son aire de diffusion aux « trois B » : Béarn, Basque, Bigorre et son lectorat demeure aujourd’hui encore rural et démocrate chrétien, tandis que La République est davantage située à gauche, et Sud-Ouest… au milieu sans être au Centre. Henri, qui a 35 ans à la création de L’Eclair dirige le quotidien (de directeur administratif, il deviendra vite PDG), et s’accroche, même s’il vend trois fois moins que « La Rép. » (7000 ex. contre environ 25000ex.). La Dépêche du Midi en Bigorre et La République en Béarn sont des concurrents sérieux du petit Eclair. Quant à Sud-Ouest, il est présent dans les « 3B » et au-delà. Le grand virage s’effectue au début des années 70, lorsque Henri se rapproche du groupe Sud-Ouest. L’empathie est immédiate avec le PDG Jean-François Lemoîne, qui soutient L’Eclair et garantit sa ligne éditoriale. Plus tard, Sud-Ouest rachètera La République pour ne pas la laisser au « papivore » Hersant ou, pire, à La Dépêche de la famille Baylet, et le Groupement d’Intérêt Economique Pyrénées Presse, qui englobe La République et L’Eclair, voit le jour en 1976. Ca se complique… On partage l’imprimerie, la régie publicitaire, deux journaux en guerre depuis toujours sont forcés de devenir des frères ennemis, les locaux sont communs, mais « au plomb », les ouvriers du Livre dressent des panneaux de séparation entre les tables de montage. François, ingénieur en électronique ayant déjà bourlingué, est appelé en 1984 par son père pour diriger le journal à ses côtés. Il en deviendra PDG, directeur de la publication par la suite (Henri meurt en 1998). Fidèle à la philosophie Loustalan, Henri et François développent les manifestations autour du journal, avec le Club des Amis de L’Eclair, l’Université de la Citoyenneté, le magazine Pyrène… Le jeune Bruno se destine à l’audiovisuel. Or, il effectue en 1978 un stage de 2 mois à L’Eclair, à la demande de son père, renonce à Sud Radio. Le « stage » durera 18 ans. Sa carrière se poursuivra jusqu’en 2009 au sein du groupe Sud-Ouest, à la direction du magazine Surf Session. C’est à la mort de J.F. Lemoîne en 2001 que les difficultés deviennent insurmontables : La République et L’Eclair sont désormais bonnet blanc et blanc bonnet avec une rédaction en chef commune. « Inconcevable! ». Bruno a déjà quitté le navire. François le fera en 2004. Aujourd’hui, les Loustalan brothers ont créé Valeurs du Sud qui édite un hebdo gratuit de 24 pages, L’Hebdo+, dont les caractéristiques sont d’être positif, « on ne parle jamais de ce qui fâche », d’être nourri d’infos qui remontent de la société civile et d’être alimenté  par un flux constant sur le Web. L’esprit citoyen, la circulation d’un courant de pensée désormais affranchi de connotations religieuses, se retrouvent « dans un média qui fait avancer le territoire, dans un contexte où la pluralité et la complémentarité, disparaissaient de la société française et renaissent sur la Toile », précise François. Et le fil d’Ariane est à nouveau tendu comme le zig-zag d’un éclair puisque, après les lancements de L’Hebdo+ Béarn et de L’Hebdo+ Pays Basque, L’Hebdo+ Bigorre a vu le jour en juin 2011. Revoilà  « les 3B » ! 

    Léon MAZZELLA

    (*) Sud-Ouest, La République des Pyrénées et L’Eclair des Pyrénées, propriétés du Groupe Sud-Ouest.

  • Une nuit au Pic


    IMG_4973.JPGJ'ai passé la nuit dernière au Pic du Midi de Bigorre, 2877 m. Au sommet, dans
    un silence infiniment pur, dans une chambre spartiate d'astronome qui tenait de la cellule monacale et de la
    cabine de marin. Auparavant, j'ai observé l'anneau de Saturne au télescope, puis un orage lointain qui zébrait les montagnes, en tirant surIMG_4931.JPG un havane et en buvant un verre de Montus 2007, vers minuit. Je m'y trouvais pour fêter les dix ans de l'ouverture du Pic au public (gros raout gastronomique, j'y reviendrai). Là, c'est juste une impression à chaud -il faisait d'ailleurs frais là-haut, le jour était donc bien choisi... S'y lever avant l'aube, ce matin, pour voir le soleil apparaître fut un bonheur ineffable. J'y reviendrai aussi. Ainsi qu'au Pic. Un livre m'accompagnait, que je relisais avec l'impression de ne l'avoir jamais lu : L'insoutenable légèreté de l'être, de Kundera. J'eus le sentiment que Tomas, Tereza, Sabina, les personnages du roman, étaient avec moi là-haut. Cela procède 
    aussi sans doute de la magie de l'altitude.

     

  • Costières, again

    094.jpg

    J'aime cette appellation. Les costières-de-nîmes sont à ma taille, à mon goût, à mes attentes, que je sais partagées par pas mal de monde heureusement. Vendredi 10 juin en milieu de matinée à Beaucaire, avec quelques confrères, et après une soirée de feria nîmoise endiablée qui suivait une corrida de respect (El Juli au top de sa forme et Castella qui imposa son temple au monde entier, le temps d'une série de manoletinas inoubliables, plus un jeune local, P.Oliver, qui prit l'alternative sans bruit. Deux toros de Victoriano del Rio bons, sur six, c'est beaucoup par les temps qui courent), je dégustais une trentaine de ces vins chauds, sélectionnés "sans bois" (pour la plupart...) en 2009 et 2010 surtout, plus quelques 2008. De loin, devant, se distingua Nostre Païs rouge 2008, du génial Michel Gassier (château de Nages). C'est un vin de pur plaisir, gourmand, sur le fruit, généreux, soyeux et riche, frais et équilibré, franc et corpulent, séducteur et souriant. Le bonheur! Grenache noir, carignan, mourvèdre, cinsault et un soupçon de syrah le composent.


    Puis, 
    immédiatement derrière lui, se distinguent les cuvées de la dynamique Diane de Puymorin, du château D'Or et de Gueules. Les Cimels (rouge 2009) possède un bel équilibre fruit-fraîcheur, des tanins soyeux et une belle présence en arrière-bouche. La cuvée Qu'es aQuo (rouge 09) composée de vieux carignans, est d'une grande douceur. La cuvée La Bolida (rouge 08), composée de vieilles mourvèdres, est un miracle de féminité, de rondeur et de suavité. C'est un vin de longue garde qui magnifie la mourvèdre, mais qui est déjà formidable à découvrir. Enfin, Trassegum (philtre d'amour, en Occitan), rouge 08, offre un équilibre parfait entre fruité et puissance, longueur et attaque vive mais douce, encore. La syrah domine, l'élégance le détache, l'épicé et une pointe d'olive noire l'arrondissent.

    Il y avait encore Mourgues du Grès (rouge 2009) cuvée Les galets rouges, pour la puissance de son attaque, et la cuvée Terre d'Argence, aussi, (en 2008), pour la présence charmante des fruits noirs en bouche.

    L'Ermitage (rouge 09) cuvée vieilles vignes, pour le velours bien ajusté du tandem syrah-mourvèdre. 

    La cuvée Confidence du château Beaubois, que nous avons préférée à la cuvée Elégance, trouvant que la première portait bien le nom de la seconde (rouges 09).

    La cuvée tradition du château des Bressades (rouge 2010) car c'est gourmand, doux, à fond sur le fruit et qu'une pointe de cinsault active le duo grenache-syrah, à la manière d'une série de passes inspirée de Sébastien Castella lorsque la corrida glisse vers l'ennui...

    Enfin, mention spéciale au rosé Les Cimels, de D'Or et de Gueules servi en magnum (c'est tellement mieux!), en 2010, rosé de pressée de mourvèdre et cinsault enrichi de saignée de syrah, à la robe délicate et au nez profond, avec des notes d'agrumes, de miel, de fleurs blanches et une longueur en bouche que nombre de rosés envient secrètement...

     

    Peinture : © Francine Van Hove 

    Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie. Aragon, Les yeux d'Elsa.

  • France Bleu Gascogne

    Pour les oreilles que cela intéresse, je tchatche une heure durant avec Thierry Simon, qui m'interviewe (le prétexte est mon livre Landes, les sentiers du ciel, avec des photos splendides de Frédérick Vézia, éd. Privat) dans le cadre de son émission A l'ombre des pins, dimanche prochain 29 mai de 18h à 19h sur ma vie (mes bouquins, mes papiers, mon enfance, Bayonne, mes projets, la mer, la Locale : la presse quot. régionale) -pas sur mes amis, mes emmerrrrdes, car il aurait fallu bloquer le studio toute la journée!.. Sur les ondes de France Bleu Gascogne : en direct sur le Net http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-bleu/?tag=gascogne ou bien, pour les veinards qui seront sur place, sur 100.5 (Pays basque + Nord Espagne), 98.8 (Landes) et 103.4 (Gironde).

  • Balade ensorcelante à Zugarramurdi

    Papier paru dans TéléParis Obs (Le Nouvel Observateur)

    de cette semaine (7-13 mai) 

    Observez cette étrange et belle façon qu'ont les villages basques – à l'image parfaite d'Ainhoa –, de faire d'un accotement de maisons typiques un vrai village. Pour notre bonheur, Zugarramurdi n'échappe pas à la règle. Ici, le mot immeuble doit être rarement prononcé et l'etxe (la maison basque) vit épaule contre épaule. Autrement dit, chacune d'elles pourrait aussi bien vivre sa vie en plein champ. Zugarramurdi, au-delà de Sare et aux portes de la vallée du Baztán, est célèbre pour sa grotte (qui se visite) appelée Akelarren-leze et qui fut réputée comme refuge de sorcières jusqu'aux 7 et 8 novembre 1610, dates funestes qui virent trois cents personnes inculpées par le sieur de Lancre pour délits de sorcellerie dont une douzaine brûlées sur un bûcher.

    Akelarre désigne l'aire plane située devant la grotte de Zugarramurdi. Le mot vient du basque ake : bouc et larre : pré et signifie réunion de sorcières. Zugarramurdi est donc le village des sorcières comme Lourdes est la ville de la Vierge. À chacun sa grotte. Celle de Zugarramurdi possède une sorte de fenêtre, d'où Aker, le diable à forme de bouc, convoquait sorciers et sorcières, soit ses dévots. Au bout d'Akelarren-leze, se trouve Sorguinen-leze : la grotte des sorcières proprement dite, un havre de fraîcheur au creux duquel coule un ruisseau, Infernuko Erreka (le ruisseau de l'Enfer) ; un lieu propice au laisser-courre de l'imagination.

    À la venta-bar-tabac-épicerie et bricoles en tous genres située au centre du village, on évoque avec ravissement le calme de son village. Une sérénité certaine se lit sur le visage du « taulier ». Elle exprime un esperanto du regard et des traits : il suffit de regarder le taulier pour comprendre que la paix l'habite comme elle habite les lieux, même si l'on ne comprend pas un mot de son espagnol prononcé du bout des lèvres, car Pepe n'a plus de dents.

    Et les sorcières, aujourd'hui, que sont-elles devenues ?

    Pepe rit, dit qu'il n'y en a plus depuis longtemps, évoque ces agapes étranges du 15 août célébrées par les anciens du village, au cours desquelles deux moutons sont tués dans la grotte, puis grillés et mangés sur place, puis il réfléchit en silence, se ravise, sourit et lâche : les sorcières ? Chaque femme en est une, mais ce sont de bonnes sorcières, des fées ensorcelantes !

    Son brujas de suerte, des sorcières de bonheur.

    Nous marchons doucement jusqu'à sa maison. La vie paisible coule à Zugarramurdi comme le ruisseau de la grotte. C'est à peine si un écho parvient à troubler la surface des choses et l'enveloppe de l'atmosphère. On se prend à rêver d'un passage de sorcières comme d'un vol de palombes, pour réveiller les esprits et mettre le village en émoi. Le poulailler, plongé dans une obscurité à faire frémir les pinceaux d'un Georges de La Tour navarrais, sent le chaud et la paille usée par le cul des poules. Un âne bascule son long museau par-dessus les planches, souffle bruyamment et couche ses oreilles. L'oeil de Pepe s'éclaire soudain. Il se tait. Rêve.

    À l'intérieur, sa sorcière de femme est en train d'achever de préparer le déjeuner. Una cocina de bruja buena. Me revient à l'esprit le nom d'une excellente table de San Sebastian, tenue de main de maître par un certain Pedro Subijana et qui s'appele «Akelare» (avec un seul r ). Y voir un signe n'est pas sorcier.

    © L.M.

     

    Si la visite des grottes de Zugarramurdi et de Sare ne vous suffit pas, faites une balade cool à pied (ou à cheval) autour de ces deux villages, et suivez une partie du long sentier des contrebandiers jusqu’aux cols de Lizarietta et de Lizuniaga, au cône de l’Ibanteli, en pensant à « Ramuntcho », le roman de Pierre Loti. Durée à la carte : 1, 2, 4 heures et plus. Carte IGN TOP25 n° 1245OT.

    Autre rando possible : jusqu’à Etxalar, visite de la palombière aux filets verticaux (pantières), et halte à la « venta » Halty, en revenant vers Zugarramurdi, pour reprendre des forces à base de charcuterie espagnole et de vins de Navarre…

    Y aller :

    TGV jusqu’à Bayonne (env. 5 h depuis Paris-Montparnasse), puis route de Sare. Zugarramurdi est à 4 km du fameux village des contrebandiers.

    Manger et dormir :

    À Sare : Hôtel restaurant Arraya. Une institution au cœur du village. Formidable cuisine basque « reloaded », chambres cosy. Achetez leur gâteau basque en partant. Tél : 05 59 54 20 46.

    À Zugarramurdi : auberge (hôtel-restaurant) Graxiana : belles chambres spacieuses, cuisine navarraise rustique et généreuse. Tél : +34 675 711 498 (Espagne).


  • 2 nouvelles balades très nature dans Le Nouvel Obs de ce matin

    Voici la première, consacrée aux grands lacs pyrénéens, du côté du Néouvielle, en plein Parc national. 

     

    Papier paru dans TéléParisObs daté du 7 au 13 mai :


    IMG_0543.JPGVoyage en altitude dans la réserve du Néouvielle

    Faune étrange et flore rarissime attendent le randonneur autour des grands lacs d’altitude, dans la réserve du Néouvielle, en plein Parc national. Les Pyrénées à l’état sauvage et beau.

     

    La forêt de pins à crochets, aux alentours du lac de Cap de Long, c’est Brocéliande revue et corrigée à la manière des estampes japonaises. Rares sont les oiseaux. Tous se taisent. Des branches craquent ici et là et sous nos pieds. Et toujours ce bruit torrentiel de cascades qui dialoguent d’une paroi l’autre…

    Le massif du Néouvielle expose ses grandes eaux : lacs d’Orédon, d’Aubert, d’Aumar, de Cap de Long et de l’Oule. Et ses laquettes. La plus grande conduit au barrage d’Aubert. Le décor est vaste et planté de pins à crochets pluricentenaires. Nous sommes au pays des marmottes. Les rhododendrons et les raisins d’ours, les gentianes, les anémones couvrent les landes aux airs de pelouses rasées de frais. Tout autour, des chemins sont des invitations à grimper. Les grands pics, de 3000 et plus, ou moins, qu’importe (lorsqu’on aime la montagne, on ne compte pas), semblent s’être donné rendez-vous. Néouvielle, Ramoun, Campbieil, Lustou, Batoua. Depuis le col d’Estoudou, via le GR10, le lac d’Orédon à ses pieds, le randonneur se sent pousser les ailes de Zarathoustra. Magie de la réserve du Néouvielle. Laquettes enchâssées. L’insouciance des paysages. Leur rudesse. Ces troncs tordus –certains très vieux pins à crochets des bords du lac d’Aubert ressemblent à des aussières aux torons serrés, nerveux, torturés à mort. Gris scintillant, presque métallisé. Massif granitique. Aiguilles de pierre. De la Hourquette d’Aubert, une forêt antique cache à peine le pic du Néouvielle. Aumar et Aubert sont à nos pieds. L’expression « grands espaces » saute comme un lapin, du stylo au carnet.

    Projet. Aller voir le Gourg de Rabas. Pour son nom étrange. Et rien d’autre. Lac d’Aubert, col de Madamète. Le Gourg est décrit poétiquement comme « un petit lac lové dans une cuvette de granit. » Le crapaud accoucheur y bat son record d’altitude : 2400 mètres. Deux bonnes raisons de serrer les lacets et de repartir. Arrivé dans la grande Réserve, par Orédon, un sentiment Canadien étreint le voyageur. La brume répugne à se dissiper, de surcroît, sur la nappe d’Orédon, augmentant ainsi ses mystères de Grand Ouest devenant Grand Nord. Le bruit sourd d’une cascade rappelle l’océan déchaîné, la nuit. Un vent tempétueux à la cime d’une forêt de plaine. Dans cette espèce d’obscurité blanche, un lac –deviné-, devient une fosse aux secrets, un abîme insondable. Une invitation au voyage au centre de la Terre.

    IMG_0553.JPGEuprocte. Et aussi desman, cincle plongeur... Les lacs engendrent du bizarre. À côté de cette faune rare qui se cache, la truite fario et la bergeronnette des ruisseaux deviennent des passants ordinaires. On prête moins attention au moucheté des flancs de l’une et au ventre jaune de la seconde. Nous recherchons l’exceptionnelle rencontre avec ces étranges petites traces de la Préhistoire, à ces jolis cadeaux endémiques. Un lac d’altitude est prodigue, exotique, surprenant, généreux. À ses abords, les cadeaux abondent. C’est un Cabinet de curiosités. Un cadeau de Noël peut surgir à chaque pas.

    Ici des renoncules à feuilles capillaires et des laiches des rivières. Là des grassettes, des droseras et des sphaignes, signalent la présence de tourbières près des grands lacs. Il est étrange de marcher sur le sol meuble, mouvant par endroits, des prairies tourbeuses « qui sont le résultat de la décomposition de déchets et de restes végétaux accumulés au fil du temps », lit-on sur un panneau du Parc. Nous passons du Canada à l’Irlande. De l’immensité du lac évoquant une mer intérieure à la spongiosité, à la sensation du gorgé d’eau qui happe le pied. Magie des lacs d’altitude. Prairies tourbeuses, végétation éponge, tourbières lacustres qui comblent peu à peu les lacs de faible profondeur. La tourbe gagne par le fond. Il ne manque que des bécassines égarées au bord de cette laquette. Envie légitime d’une Guinness pression…

    Montée vers Cap de Long. Tout à coup, le ciel s’ouvre, débarrasse la table, tire la nappe à lui, les nuages se dispersent plus vite qu’un troupeau de moutons effrayés, ils ouvrent la voie, découvrent en contrebas le lac d’Orédon et la forêt de pins à crochets aux troncs bandés comme des arcs, qui l’environne. Fourrure protectrice. Le mauve et le jaune des fleurs illuminent un paysage qui sort de l’ombre. Phares. Fleurs sauvages, granit sec, pentes anguleuses et coupantes. Comment ce pin-ci peut-il rester planter là ? Escarpement, hostilité, paysage en rasoir.

    Un grand corbeau traverse, royal, de part en part, le paysage suspendu au-dessus du lac, comme un funambule qui danserait sur son fil au-dessus d’un grand Canyon.

    Le brouillard nous enveloppe à nouveau, nous caresse, nous humecte les cils ; nous noie enfin. Englouti, nous devenons avion plongé dans un bain de nuages. Les phares blancs, cette fois, de pâquerettes tout autour, tremblent légèrement au passage d’une bise timide. Le soleil persiste à vouloir percer, qui plante la fine lance d’un rayon dans nos yeux.

    Une fenêtre de ciel bleu dans la brume, pointe Cap de Long du doigt. Il est tour à tour gris granit des origines, minier, et gris souris, puis gris étain, ou plomb fondu, gris noir enfin, de cette teinte trop mate pour un Pantonier que seuls les dieux pourraient dessiner, avec le recours de la lumière. Et la facétie de ses jeux et ballets incessants.

    IMG_0903.JPGLa surface du lac, vue d’en haut, à toucher presque Cap de Long, et un léger clapot provoqué par des langues de vent râpeuses, figurent un toit de grange ariégeoise, aux reflets d’ardoise, qui n’aurait pas de fin, comme on en trouve, assoupies par le temps, nichées au fond de la vallée de Bethmale, en Couserans ; leurs ailes grises étendues comme celles d’un albatros mises à sécher.

    Même mieux caché qu’un trésor par une épaisse purée de pois blanchâtre, un lac demeure une présence grande. Un quai des brumes. Nous l’entendons bruire, clapoter, couler, sourdre, cogner à ses bords. Bateau à quai. Alors nous le sentons, ce lac, nous éprouvons sa vérité de monstre assoupi. Nous le guettons en silence, par crainte d’éveiller sa tension en mode pause. Deviner le lac relève de la chasse à l’approche.

     

    ©L. M.

    Texte & photos.


    Pratique :

    - Y aller : Paris-Tarbes en TGV via Bordeaux. 5 h environ. Puis prendr el aroute desIMG_0576.JPG lacs, jusqu’à celui d’Orédon.

    - Manger et dormir : A Luz-St-Sauveur : Hôtel-restaurant le Montaigu, 0562928171

    Auberge du Lienz chez Louisette, à Barèges 0899022096

    Hôtel restaurant Le Viscos à St-Savin (gastro), 0562970228

    Refuge, sur place (aux portes du Parc, à 1820 m d’altitude) : celui du Lac de l’Oule, proche de Saint-Lary et sur la route d’Espiaube 0562984862

    - Carte IGN TOP 25 1748 ET

    - Lire : Lacs et barrages des Pyrénées, Privat, textes : ma pomme. Aquarelles de Philippe Lhez.

  • Pêcher à la mouche dans l'Allier

    Papier paru cette semaine dans Paris Télé OBS (Le Nouvel Observateur)

     

    Les rivières auvergnates de l’Allier offrent des spots d’anthologie pour la pratique de la plus noble des pêches.

     

    Le Massif Central propose de nombreuses possibilités aux amateurs de pêche en rivière, et l’Allier possède sans doute les plus beaux « parcours », notamment pour les « moucheurs». Ces puristes, esthètes, excellent dans l’art de pêcher la truite au moyen d’un leurre en plumes et en poil monté « maison » autour d’un hameçon, et sensé imiter un insecte tombé à l’eau. Ils sont nombreux sur les rivières d’un département aux paysages sauvages et d’une tranquillité absolue. La pêche sportive y a adopté le « no kill », qui consiste à remettre le poisson pris à l’eau. Le « fly-fishing » désigne un certain état d’esprit, fait de respect, d’observations infinies avant que de pêcher : on dit qu’il faut « lire la rivière », y deviner la présence d’une truite en chasse, à l’affût à l’ombre d’un arbre ; et aussi de poésie. Cette discipline halieutique est pratiquée par une « élite » pour laquelle l’éthique d’une pêche qui ressemble à une chasse à l’approche est primordiale, et la prise accessoire. Parmi les rivières de moyenne montagne du département, il y a l’Allier lui-même, sur lequel on pêche en canoë, au lancer, à roder le long des berges, notamment des silures. Mais les meilleures zones de pêche sont incontestablement les Gorges de la Sioule et de la Bouble (rivières de première catégorie, comme il se doit), pour la pêche à la mouche, ainsi qu’au leurre et au toc (appât naturel). Des séjours à thème assortis de stages à la journée ou à la carte permettent de s’initier ou de se perfectionner à la truite à la mouche ou au toc, au brochet au lancer, ou bien à roder, ou au poser, ou encore à la carpe à la grande canne. Dans cette zone réputée, la Sablière du Raduron, à Ebreuil, et le Plan d’eau de Bellenaves, sont célèbres pour la carpe et le brochet.

    La Besbre et le Sichon sont des hauts lieux de pêche à la mouche. Le complexe piscicole et halieutique de Venas, et le réservoir des Crochauds, proposent des parcours de pêche enviés. Enfin, dans le Val d’Allier, il est possible de pratiquer la pêche insolite de l’alose de remontée à la mouche dans le secteur de Moulins. Le réservoir de Fougères, à Saint-Christophe, au pied de la montagne bourbonnaise entre Vichy et Lapalisse, recèle des truites arc-en-ciel pouvant peser jusqu’à trois kilos. Autre zone valant le détour, le Moulin du Piat, à Ferrière, au cœur de la montagne bourbonnaise. Une pisciculture y ouvre son élevage à la pêche dans d’immenses bassins, ainsi qu’un parcours « mouche » sur 900 mètres de rivière, nécessitant quatre heures de pêche. Il y a encore le Plan d’eau privé de Villemouze, pour la pêche des carnassiers aux leurres en no-kill obligatoire. Plusieurs moniteurs-guides de pêche de renom, bardés de diplômes ad hoc, proposent leurs services : A Yzeure, Alain Gourin enseigne à tous sur la Sioule : débutants, chevronnés, enfants, petits groupes. Philippe Parrat, à Beaune d’Allier, propose un catalogue de stages pour tous niveaux, toutes techniques, tous environnements pour des pêcheurs de 10 à 77 ans. Ainsi que des stages aventure en rivière, et fournit la logistique, jusqu’aux chalets et aux repas au bord de l’eau. Cerise sur le gâteau, l’environnement de ces sanctuaires où la truite prospère en reine, est bordé par l’un des plus beaux villages de France : Charroux, et par le vignoble de la jeune appellation Saint-Pourçain, riche d’une vingtaine de propriétés viticoles qui se visitent toutes. 

     

    ©L.M.

     

    - Pour tout renseignement : www.federation-peche-allier.fr

    - Y aller : En voiture : 3H30 depuis Paris (Moulins est à 294 km).

    - Se loger : une telle activité privilégie les gîtes, sis à proximité des lieux de pêche. Pour toute réservation : www.allier-reservation.com

    Gîte le Mas de Bessat (3 épis) à Saint-Pourçain-sur-Sioule (au cœur du vignoble)

    Gîte Le Chatelard (3 épis), au dessus de la vallée de la Sioule.

    Gîte Villeneuve (3 épis), hameau du Val de Sioule.

    Hôtel Le Chêne Vert, à Saint-Pourçain-sur-Sioule 0470453273

    - Se nourrir :

    Restaurant Les Quatre Saisons, à Saulcet (spécialités du terroir bourbonnais). 0470453269

    La Grande Poterie, à Coulandon, Maison et table d’hôte de qualité. 0470443039

    Le Chêne Vert, à Saint-Pourçain (restaurant de l’hôtel précité).

     

  • Barcelone : en finir avec Gaudi

    Papier paru cette semaine dans Paris Télé OBS (Le Nouvel Observateur)

    C'EST PAR L'ART QU'ON  ENTRE ICI

    Un arbre cache la forêt de l’art dans la capitale catalane. Il se nomme Antoni Gaudi. Or, Barcelone sans Gaudi existe. Nous l’avons visitée.

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     Pour en finir avec l’omniprésent architecte, synonyme de Barcelone, et dont les reproductions figurent sur les casquettes et les porte-clés, au point qu’un certain tourisme se mue en terrorisme et « oblige » chaque visiteur à se rendre au Parc Güell, il suffit de penser Miro, Picasso et Tapies.  Idem pour la littérature : Manuel Vasquez Montalban, écrivain « officiel » de la ville, semble faire partie des produits touristiques, au même titre que les Ramblas et la Sagrada Familia. C’est oublier Eduardo Mendoza, Carlos Ruiz Zafon ou Francisco Gonzalez Ledesma d’un côté, et par exemple la tour Agbar, signée Jean Nouvel de l’autre.

    Tout Miro

    S’agissant d’art pictural contemporain, la Fondation Joan Miro, dans le quartier haut de Montjuic (la montagne des Juifs), au sud de la ville, recèle au bord d’un parc paisible, et à côté du plus important musée d’art de Catalogne (le MNAC), quatorze mille œuvres du grand artiste avant-gardiste, dont dix mille dessins, dans un somptueux édifice signé Josep Lluis Sert. L’œuvre protéiforme de Miro est là réunie, avec les nombreuses sculptures, peintures, céramiques, qui font écho à toutes les époques du créateur. La Fondation est également riche d’une aile en hommage aux « alliés substantiels » (l’expression est de René Char) de Miro, et donne ainsi à voir des œuvres de Marcel Duchamp, Alexander Calder, Antoni Tapies, Pierre Alechinsky, Fernand Léger, Wilfredo Lam, Balthus, Yves Tanguy, André Masson, Antonio Saura, Max Ernst ou encore Eduardo Chillida.

    Picasso jeune et Bleu

    C’est dans une rue piétonne du vieux Barcelone, juste avant Barceloneta, que se trouve le musée Picasso, dont la richesse n’a rien à envier à ses homologues de Malaga et de Paris. S’il ne possède pas certaines toiles emblématiques (le talent des musées Picasso est d’avoir « su » répartir l’œuvre), il comprend de nombreuses pièces maîtresses, comme l’interprétation des Ménines de Velazquez, soit une célèbre série de cinquante-huit tableaux. Et aussi Le Fou, et d’innombrables dessins – plus de mille sept cents œuvres au total, couvrant les années de jeunesse et la période Bleue, offertes par l’immense Pablo à la ville de ses attachements fondamentaux.

    Tapies tout neuf 

    Les lieux de l’art moderne les plus emblématiques de Barcelone sont par ailleurs le Musée d’Art contemporain (MACBA) et le Centre de Culture Contemporaine (CCCB), lequel fait partie du premier, au cœur du vibrant Barrio Chino, peuplé d’intellectuels et d’étudiants. On y trouve notamment des œuvres  de Jorge Oteiza, Miro et Tapies.

    La Fondation Tapies se trouve justement rue Aragon, en plein centre, à quelques mètres de la Casa Batllo, sans doute la plus subtile réalisation de Gaudi pour un client privé. L’extraordinaire musée dédié à Antoni Tapies, a rouvert en mars 2010 après deux ans de fermeture pour travaux. La façade du bâtiment, signée Lluis Domenech i Montaner, surmontée de « Nuage et chaise », structure géante en fil métallique signée Tapies, abrite l’œuvre du chef du file du courant Moderniste, les collections personnelles accumulées par l’artiste et des expositions temporaires des créateurs qui marquent leur temps. Louise Bourgeois y a exposé. D’importantes rétrospectives (Brassaï, Picabia, Andy Warhol), y ont eu lieu. Les Fondations Miro et Tapies sont les passages privilégiés de l’expression catalane de l’art contemporain ; dans la ville de Gaudi.

    ©L.M.

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    Tarragone, future capitale culturelle ?

    À quarante minutes de train du centre de Barcelone, par une voie côtière ravissante, se trouve une cité balnéaire riche de vestiges romains impressionnants, comme cet amphithéâtre qui mord le sable fin de la plage, en plein centre ville, une cité au passé médiéval entretenu, et une ville high-tech résolument tournée vers l’art contemporain. Tarragone, où se fabriqua jusqu’en 1989 la fameuse liqueur Chartreuse, est une cité déjà classée en 2000 au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco pour ses richesses archéologiques. Candidate à l’élection de capitale culturelle européenne 2016 (Cordoue et Malaga sont ses principales concurrentes espagnoles), Tarragone regarde devant elle, poursuit une vaste politique de grands travaux visant à renforcer ses structures d’accueil pour l’opéra et toutes les formes de musiques, la danse moderne, la peinture et la sculpture contemporaines. Elle transforme, entre autres, une gigantesque fabrique de tabacs et ses arènes en futurs lieux de rencontre culturels, destinés à faire de cette cité dotée d’un des ports les plus actifs de la Péninsule, un prolongement naturel à Barcelone. D’autant qu’ici, c’est un tapis de Miro qui capte l’attention du visiteur du musée d’art moderne de la ville, et que seul un élève de Gaudi, Jujol (Josep Maria Jujol I Gibert), signa discrètement mais efficacement le décor du théâtre Métropol, lequel figure un paquebot, le long de modestes Ramblas qui vivent intensément la nuit. L’empereur Hadrien vécut à Tarraco –nom romain de Tarragone (elle fut la capitale de l’Empire sous Auguste) et quitta la cité pour Tivoli, en déclarant que son cœur demeurerait « dans la ville où le printemps est éternel. » Joan Cavallé Busquets, écrivain, dramaturge, érudit local et artisan militant de la candidature de Tarragone, nous a confié qu’elle est « la ville de la culture de la paix ». Constamment détruite au fil des siècles, mais toujours debout, cette ancienne ville de garnisons sous Franco n’a-t-elle pas réhabilité ses casernes en départements de son Université...

    L.M.

     

    Pratique :

    Comment s’y rendre : Vols quotidiens depuis Paris et les principales villes de France, sur Iberia, Air France, et les compagnies low coast comme Vueling.

    Dormir à Barcelone : Chic & Basic Born. Hôtel archi design de très bon goût dans le vieux quartier (50, rue Princesa), à quelques mètres du Musée Picasso.

    Manger à Barcelone : Lonja de tapas, Place del Palau, et Celler de la Ribera, 6, Place de las Olles  : délicieuses tapas, vins catalans au verre.

    Dormir à Tarragone : Husa Imperial Tarraco, Passage Palmeres. Idéalement placé, devant l’amphithéâtre romain et la mer.

    Manger à Tarragone : aq restaurant, ou la modernité gastronomique dans sa belle expression (l’esprit d’Adria plane ici). 7, rue les Coques. Et L’Anap, bâti contre un mur du Forum romain (classé). Cuisine inventive, artistique. 14, rue Comte.

    Lire : Les romans « barcelonais » de Montalban et de Mendoza (Points/roman) et « Les Marana », roman de Balzac dont l’action se déroule à Tarragone (Albin Michel)

  • 3 randos dans Le Nouvel Obs de ce matin

    Je les signe les 3. Elles ont des thèmes distincts :

    la première, nature à fond, s'intitule Pêcher à la mouche dans l'Allier et ses affluents. Parce que le fly-fishing de truites sauvages dans un département aussi préservé vaut son pesant de mouches artificielles.

    La seconde est une balade littéraire : La Charente est un songe. Ses compagnons se nomment Chardonne, Loti, Vigny, sans oublier la BD, et Georges Monti, éditeur singulier à l'enseigne du temps qu'il fait

    La troisième touche à l'art moderne et contemporain à Barcelone : C'est par l'art qu'on entre ici, ou comment en finir avec l'envahissant Gaudi en allant directement voir Tapiès, Miro et Picasso.

    Télé Paris OBS du 9 au 15 mai, paru ce jeudi 7, pages 22-23 et 30-31.

     

    Voici la littéraire :

    LA CHARENTE EST UN SONGE

    La Charente a eu Vigny et son chantre se nomme Chardonne. C’est aujourd’hui le cœur du sujet BD. Promenade avec incursion maritime, pour saluer Loti, et la lumière de Ronce...

    « Pour moi, la Charente est un songe ; pays plus rêvé que réel. Pays marin par sa lumière, ses nuages lourds entre des percées d’azur, ses pluies qui ont tant de force. La mer est proche, même si l’on habite Barbezieux. » Difficile d’évoquer la Charente littéraire sans dégainer la prose douce et crémeuse et néanmoins envoûtante de Jacques Chardonne. En dépit de son passé collaborationniste qui lui valut d’être emprisonné à la Libération, et à condition de vouloir un instant distinguer l’homme de l’œuvre (comment lire Céline, sinon ?), l’envie est donc grande de citer « l’écrivain du couple » que François Mitterrand –un voisin de Jarnac, admirait et aimait tant lire, et qui décrivit la Charente avec la sensibilité d’un Vuillard peignant.

    Barbezieux ne serait qu’une ville de province banale sans l’aide de Chardonne. Son livre « Le bonheur de Barbezieux » la métamorphose : « Cette cité éphémère sur la place du Château, ses rumeurs, ses senteurs, ont contenu pour moi l’exotisme du monde. Plus tard, dans mes voyages, mes amours, je n’ai rien connu de plus brûlant ; et je sens toujours ce qui m’aurait manqué, quand le goût me vient d’écrire, si je n’avais pas été enfant dans une petite ville. » Notons que la maison natale de l’écrivain ne se visite pas et filons vers le Nord-Ouest.

    À Cognac, le festival de Littératures européennes, qui accueillera l’Espagne en novembre prochain, est devenu un rendez-vous capital. Né en 1988 à l’occasion du centenaire de la naissance de Jean Monnet, ce festival est devenu un véritable carrefour des littératures où l’on débat trois jours durant, où les Prix Jean-Monnet et Prix Bouchons de culture sont décernés, et où l’on discute avec de nombreux auteurs, car le festival se veut avant tout un « lieu de rencontres et de dialogue entre les écrivains et le public ».

    Cognac est aussi la ville d’un éditeur singulier, Le temps qu’il fait, créé par Georges Monti en 1981. Cet éditeur exigeant, de la trempe d’un José Corti, d’un Verdier ou encore de L’Escampette, que dirige son voisin (de Chauvigny, dans la Vienne) et ami Claude Rouquet, a des noms prestigieux à son catalogue riche de plus de 500 titres, tous joliment imprimés de surcroît :Il n’est qu’à citer Armand Robin, Jean Paulhan, Christian Bobin, Jean-Loup Trassard, Jean-Claude Pirotte, Jean-Pierre Abraham, André Frénaud, François Augiéras, Philippe Jaccottet, Georges Perros, pour se convaincre de la qualité d’un éditeur pour lequel la littérature est « cette science subtile de l’égarement », selon le mot d’André Dhôtel. Cap à l’Est, à présent.

    À Angoulême, c’est bien entendu le festival international de la BD qui se tient chaque année à la fin du mois de janvier, qui est associé depuis plus de trente ans à cette ville. La Cité internationale de la BD et de l’image, avec son musée, sa bibliothèque, sa maison des auteurs, ses expos, rencontres, colloques, projections, animations pour les enfants à longueur d’année a renforcé le prestige, et donné à la capitale de la Saintonge de solides galons en matière de 9ème art (après le cinéma et la télévision –l’expression fut trouvée par Morris en 1964).

    À Champagne-Vigny, situé à environ 20 km au sud d’Angoulême, se trouve une propriété viticole où l’on produit du cognac, du pineau et du vin, Le Maine Giraud, ou Logis Alfred de Vigny. Il s’agit d’un musée et d’un chai doublé d’une distillerie. La tour d’ivoire du poète de « La mort du loup » se visite. Vigny appelait sa propriété « ma sainte solitude ».

    Sauter par-dessus les limites administratives et se risquer vers la mer pour mieux revenir dans les terres, est le propre de l’écrivain. Ainsi, de Royan, Chardonne préfère évoquer la forêt voisine de Braconne plutôt que les plages surpeuplées l’été. Puis, il contourne, prend le lecteur par la main et le conduit à Ronce-les-Bains, « où la Seudre s’étale dans l’océan. La somptueuse route qui vient d’atteindre la Coubre à grands frais n’a pas encore déversé sa furie dans la forêt de Ronce. À Ronce, la mer se retire si loin qu’elle semble disparaître découvrant un désert mouillé, une étendue de sable et de vase mauve… » S’il n’avait pas signé tant de romans d’amour, Chardonne pourrait passer pour un écrivain régionaliste : « À Ronce, le soir, qui délaisse la côte pour l’intérieur, quand la mer est basse sur l’étendue de sable mouillé, palette brune, des reflets concentrés se déposent en taches huileuses, rouges, verts, ors violents, vite dissipés, et qui reviendront à l’aube prochaine, dilués dans les nuées de nacre et d’ambre. »

    Evoquer ici le Rochefort de Pierre Loti signifie carrément braconner en Charente-Maritime, mais la maison-musée (visites sur rendez-vous) de Julien Viaud, alias Pierre Loti, aussi somptueuse qu’extravagante car elle reflète l’exotisme des nombreux voyages du capitaine de vaisseau écrivain que fut l’auteur de « Pêcheur d’Islande » et de « Ramuntcho », vaut franchement que l’on pousse jusque là.

    Et c’est à 32 km de là, à Ronce encore que, feuilletant Chardonne, nous avons envie de retourner pour achever cette balade. « Ici, la lumière existe en soi, onctueuse, teintée de nacre, comme indépendante des choses qu’elle éclaire ; lumière vibrante des terres basses, pareille en Hollande ; un nuage brusquement s’ouvre comme une fleur bleue ; beauté indéfinissable, telles ces nuances de la vie, ces choses qui sont et ne sont pas, qui dépendent du regard… »

    ©L.M.

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    De Jacques Chardonne, sur la Charente, lire notamment « Propos comme çà », « Matinales », « Le Bonheur de Barbezieux » et « Le ciel dans la fenêtre » (Grasset, Albin Michel, Stock, La Table ronde).

    http://www.livre-poitoucharentes.org

    Cognac : http://www.litteratures-europeennes.com

    BD : www.bdangouleme.com

    http://www.citebd.org

    Vigny : http://www.mainegiraud.com

    Maison de Pierre Loti : http://www.ville-rochefort.fr Tél. 05 46 82 91 90

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    - S’y rendre :

    TGV Paris-Angoulême (2h30 env.)

    En voiture : A10 (4h env.)

    - Se loger :

    Angoulême : Le Palma, 0545952289

    Cognac : Héritage, 0545820126

    Rochefort : Palmier sur Cour, 0546995454

    Ronce : Le Grand Chalet, 0546360641

    - Se nourrir :

    Angoulême : Agape, 0545951813

    Cognac : La Courtine, 0545823478

    Rochefort : La Belle Poule, 0546997187

    Ronce : Le Grand Chalet, 0546360641 (restaurant de l’hôtel)

     

  • Nîmes Toquée

    aoc_costieres_de_nimes_medium.jpgL'initiative revient à l'agence Clair de Lune, qui se plaît à dire, avec Maupassant, que L'homme qui aime normalement sous le soleil, adore frénétiquement sous la lune. Il s'agissait de suivre un parcours dans la ville de Nîmes en suivant ses plus beaux endroits, où des barnums avaient été installés. Sous les vastes tentes et parfois à l’intérieur, comme au splendide musée taurin Pablo Romero ou à l’Hôtel Boudon, les chefs les plus talentueux de la ville proposaient des plats à déguster avec des vins des Costières de Nîmes. Plusieurs vignerons se trouvaient à chaque étape. Au départ, il fallait prendre un pochon contenant un verre, des couverts et un petit carnet-guide afin de rédiger commodément les commentaires de dégustations. Je noterai ici seulement mes coups de coeur à propos des nombreuses cuvées proposées par les vingt-neuf producteurs présents. Nîmes Toquée s'est tenu le 28 novembre dernier.

     


    Sur une tartelette de parmesan aux légumes confits et brandade de morue, signée Laurent Brémond (L'Imprévu) et dégustée au Temple de Diane, le Château des Tourelles, cuvée Le Grand Amandier, blanc 2009, bien que marqué par le bois, présentait une belle touche de viognier sous la dominante de roussanne et la pointe de marsanne. Le rouge 2008 Terre des Launes du Domaine de Gallician La Cave, avait des syrah bien évoluées et des tanins déjà correctement fondus.

     

    Sur un -excellent- tartare de saumon d’Ecosse à l’huile d’olive de Nîmes (AOC) signé Sébastienrencontre_vigneronne_feedback.jpg Granier (Aux Plaisirs des Halles) et devant le Théâtre de Nîmes, je retiens un rosé de repas, celui du Domaine de Donadille (60% grenache, 40% syrah) élaboré par les étudiants d’un Lycée agricole. Et surtout un rouge (2007) remarquable, en biodynamie, Les Grimaudes, du domaine éponyme (40% carignan, 40% grenache, 20% cinsault). Le Domaine Les Grimaudes propose d’autres cuvées (celle  que nous avons goûtée est l’entrée de gamme) que je me promets de découvrir : Perrières, et Ansata. La vigneronne présente (Emmanuelle Kreydenweiss, photo ci-contre) installée avec Marc, son mari, dans la région de Nîmes depuis 1999, possède aussi un domaine en Alsace.

     

    ambiance_bodega_thumb.jpgSur un filet de lotte rôti avec un beurre de sauge et châtaigne, avec un velouté de potimarron à la muscade et un champignon shitaké poêlé avec un trait de citron vert, signé Vincent Croizard (Darling), au temple taurin dédié à la dynastie des Pablo Romero, j’ai retenu le côté gourmand du Château de l’Amarine, cuvée de Bernis (blanc 2009), le nez intéressant, dominé par d’agréables roussannes, des Vignerons Créateurs : Château Font Barrièle (blanc 2009), le bon rosé (2009) d’apéro, de fiesta et de bbq, Moulin d’Eole de la Cave des Grands Grès, la remarquable élégance et le « fondu enchaîné » d’un rouge 2009 nommé Sébastien, du Domaine de la Patience. Pas de bois neuf, des syrah fines, une réussite.

     

    Sur un baluchon d’agneau confit et sa côte en croûte de sarriette, oignons doux des Cévennes caramélisés, jus de braisage aux baies, feuilles de choux de Bruxelles, signé Olivier Douet (Le Lisita), très bien exécuté d'ailleurs, et devant les Arènes, j’ai retenu l’originalité du Château Beaubois, cuvée Confidence (rouge 2009) : 95% grenache et 5% de syrah seulement. C’est rond et déjà très friand pour un vin si jeune. Le Domaine de la Cadenette présentait Siracanta (rouge 2009), qui nous est apparu comme une bête de concours (à Syrah). Le Domaine de Poulvarel, Les Perrottes (rouge 2008) est magnifique ! Complètement sur le fruit avec ses syrah douces, et c’est gourmand en diable : miam !

     

    Sur un duo de pélardons affinés et leur chutney aux fruits secs, proposés par Le Régal (traiteur à Marguerittes), à l’Hôtel Boudon, le toujours aussi splendide blanc (2009) de Michel Gassier, Nostre Païs, avec ses 95% de grenache et 5% de viognier et de roussanne, un élevage pour moitié en cuve et pour moitié dans de vieilles barriques, est tout en séduction, à l’instar de toutes les cuvées de ce vigneron « de respect ». Le Château L’Ermitage, cuvée Sainte Cécile (rouge 2007) est exceptionnel dans ce millésime : 60% syrah, 30% mourvèdre, 10% grenache. Enfin, Le Bien Luné, de Terre des Chardons (rouge 2009), en biodynamie depuis 2002, 60% syrah, 40% grenache, est tout simplement superbe, avec une attaque franche et une complexité qui associe force et douceur sans jamais abuser l’une ou l’autre.

     

    Sur un moelleux cévenol, crème de réglisse, signé Jean-Michel Nigon (Wine bar Le Cheval Blanc), au Carré d’Art, j’ai retenu seulement Scamandre, des Domaines Viticoles Renouard (rouge 2007), 50% syrah, 30% carignan, 10% mourvèdre, 10% grenache, car il m’est apparu magnifique de fraîcheur et de fruité, puis de confit et d’épicé « comme il faut ». Un vin à fond sur le fruit donc, sur la gourmandise et la fraîcheur : tout ce que l’on aime dans les Costières de Nîmes, qui sont une appellation de plus en plus chère à mon cœur. 

     

    En prime, et ça n'a rien à boire, ces vers holorimes (pour un poème homophone) de Victor Hugo (ou peut-être sont-ils de Marc Monnier...), qui m'ont toujours fasciné (essayez d'en faire autant avec le sujet de votre choix, et vous verrez vite que ce n'est pas facile...) : 

    Gal, amant de la Reine, alla, tour magnanime, 

    Galamment, de l'Arène, à la Tour Magne, à Nîmes.


    L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.


  • Bars Bayonnais

    C'est un livre qui paraît aujourd'hui, je ne l'ai pas encore vu, mais j'ai le plaisir -et l'honneur- de l'avoir préfacé. Son auteur, une amie et consoeur, Colette Larraburu, s'est livrée à une enquête historique et sociologique, étalée sur trente ans, du Café des Pyrénées, bar emblématique bayonnais. Dire que les cafés sont des lieux de vie, d'échanges, de socialisation et d'information est une tautologie. Etudiant à Sciences Po, j'avais eu le bonheur de pouvoir choisir, pour sujet de mémoire de fin d'études, le "décortiquage" sociologique (la mode était à Bourdieu, à l'époque), linguistique, économique, social, etc., une année durant, d'un bar de Bordeaux, L'Oriental, Place de la Victoire (il changea par la suite plusieurs fois de nom -il était déjà rebaptisé Le Central à la fin de mon enquête de terrain). C'est dire si la proposition de préfacer un tel livre m'a aussitôt séduit! L'Oriental, Les Pyrénées, je repense, une fois de plus, à la parole si juste, si profonde de l'écrivain portugais Miguel Torga : L'universel, c'est le local moins les murs... 

     

     Alors Bravo Colette! Il me tarde de recevoir le bouquin et de le lire! (J'y reviendrai donc). Il est publié aux éditions Elkar : Rendez-vous Place Saint-André. Et voici ce que Emmanuel Planes en dit ce matin dans le journal Sud-Ouest :

    http://www.sudouest.fr/2010/12/10/le-cafe-des-pyrenees-un-balcon-sur-saint-andre-263243-4018.php

     

  • Challenge millésime bio


    challenge-2010_0689b.jpg

    Lundi dernier, j'ai participé, à Montpellier, à un jury de dégustation de vins bio venus de toute l'Europe, et force fut de reconnaître, en dégustant des petites merveilles, que les vins bio -et bons- étaient plus nombreux, plus adultes, moins foireux qu'il y a peu et que les règles drastiques, nécessaires à l'obtention du label bio n'empêchaient plus la qualité. J'ai retenu, à ma table de dégustation, plusieurs costières-de-nîmes à suivre de près (décidément, mes rendez-vous gustatifs récents avec cette appellation sont formidables) et, une fois toutes les bouteilles démaillotées, de splendides vins italiens et espagnols notamment, ainsi que des côtes-du-rhône d'exception. Sur le site, se trouvent les infos sur cette grande dégustation et le Salon qui la suivra en janvier. Le palmarès de ce grand jury, avec les médailles d'or et autres métaux est ci-dessous :

    Palmares - medal winners - Challenge Mill Bio 2011.pdf

    Je regrette personnellement que Jardin secret, cuvée prestige 2009 de Cabanis à Vauvert, en appellation costières-de-nîmes, n'ait eu qu'une médaille d'argent, car il méritait l'or (selon mes papilles).

    http://www.challenge-millesime-bio.com/

    Mention spéciale à l'organisation minutieuse et irréprochable de AIVB-LR : association interprofessionnelle des vins biologiques du languedoc roussillon (merci à Cendrine Vimont) et special kiss to l'agence Clair de Lune (notamment Amandine Rostaing et Marie Gaudel) comme d'habitude parfaite dans son job d'agence de comm. spécialisée dans les (bons) vins, surtout ceux du Sud.

    Clin d'oeil au Bistro! Chez Boris, (Montpellier) où le pot-au-feu est excellent. Ah! L'os à moelle -et ce bouillon sans "yeux"!..  Surtout avec La Baronne Les Chemins, magnifique corbières (2008) délicatement "carignanné", ainsi que le Domaine des Carabiniers, côtes-du-rhône (2008) sis à Roquemaure, remarquable pour la fraîcheur de ses grenaches.

  • La Corse antifrime

    C'est dans Le Nouvel Observateur, supplément TéléParisObs, paru ce matin, que ça se trouve : j'y signe deux papiers sur la Bretagne : une balade ornithologique aux Sept-Îles, une autre en bateau (sans permis) sur les rivières. Et un troisième papier sur la Corse -enfin : sur un village que j'adore, Penta di Casinca, dans la région de Bastia. En voici un morceau :

     

     

    La Corse antifrime

    Ne cherchez pas à Penta di Casinca, dans la région de Folelli, la folie strass de Saint-Florent ou de Porto-Vecchio. Ici, pas de frime, mais une Corse authentique et forte.

     

    IMG_1509.JPGPenta di Casinca est le seul village corse entièrement classé, en l’occurrence comme « site pittoresque », depuis 1973. Perché sur un éperon rocheux à 400 mètres au-dessus de la mer, au bout d’une route  sinueuse qui grimpe sec, Penta se mérite. Une rue principale mais étroite –il convient de laisser votre véhicule à l’entrée du village, une église baroque, San Michele, un seul bar, tenu par deux frères, Roger et Gérard où l’on boit une Pietra (la bière corse à la châtaigne) à l’apéro, quelques moulins à huile et une ancienne forge. Basta cosi. Mais c’est d’un village d’une beauté rare qu’il s’agit, où l’on chemine lentement entre des ruelles et des maisons de pierre qui semblent toutes porter avec fierté le poids silencieux des légendes du maquis de la Casinca et de la Castagniccia. Le village ouvre sur une large vallée vert dru traversée par des pigeons, peuplée de sangliers furtifsIMG_1512.JPG sous les châtaigniers et dominée au loin  par le mont Sant’Angelo, 1218 m. Penta di Casinca, qui fait partie de l’agglomération de Folelli, est l'une des sept communes du canton de Vescovato, ou « Pieve de la Casinca ». Située dans la partie terminale du plus long fleuve de l’île de Beauté, le Golo, le village est fermé à l’ouest par une chaîne montagneuse, par un cours d’eau, le Fium’Altu au sud, et par la mer Thyrénienne à l’est. Parmi les villages voisins de la Casinca qu’il est agréable de relier entre eux, à pied et à la fraîche, ou bien en vélo pour les plus courageux  –ajoutons qu’en moto, c’est un pur bonheur-, il y en a sept vraiment splendides, Penta di Casinca y compris : Loreto di Casinca, Porri, Sorbo-Occagnano, Venzolasca, Vescovato et Castellare. Ce dernier partage avec Penta un territoire agricole et forestier commun, en vertu d’un découpage ancien (le Plan Terrier, 1770-90) lequel évoquait « une commune et deux communautés ». Mais un ruisseau joliment baptisé Noce les délimite clairement. Une des traditions du village, avec la procession du 15 août, est le gigantesque feu de Noël, installé au centre du village, après une collecte de bois et qui est alimenté nuit et jour, de la messe de 

    IMG_1464.jpgminuit du 24 au jour de l’An. Chaque soir, les habitants de Penta se retrouvent autour de l’immense bûcher. Pour parler. Une promenade simple est celle qui conduit au cimetière en passant sous une arche romaine, jusqu’à la chapelle romane San Michele. Le cimetière est ravissant car les tombes éparses semblent avoir été semées dans la nature et certaines sont partiellement ensevelies dans une végétation gourmande. La plupart regardent la mer depuis un promontoire juché donc à plus de 400 mètres d’altitude. Des randonnées à pied sont proposées par  l’association  Fiulm’Altu, à Penta, laquelle organise des sorties familiales, par exemple à la découverte de la flore du maquis, de la toponymie et de l’histoire des lieux sur le sentier botanique de Costa-verde, avec un pique-nique devant la ravissante chapelle San Mamilianu : 2h30 aller-retour. Il y a aussi le sentier San Pancraziu-Penta, à Castellare (2h30 de balade bucolique pure). La Castaniccia (châtaigneraie) est la grande région forestière d’alentour, trouée de vignes qui donnent des vins réputés, comme le Domaine du Musoleo (et le Domaine Pratali), proches, en appellation Vins de Corse. Notre chouchou est le Clos Fornelli, plus loin, à Tallone en vallée de la Bravone, notamment sa cuvée Robe d’Ange en rouge, et son rosé qui excelle sur les grillades de viandes ou de poissons. Une seule adresse pour se restaurer à Penta : « A Teppa », à l’entrée du village (pizzas formidables). À noter également : les généreux poissons grillés du Bar de la plage d’Anghione, « en bas », soit de l’autre côté de la RN 198 et du carrefour de Saint-Pancrace. D’autres plages, aussi sauvages et modestes, longent la côte jusqu’à Folelli, comme celle de San Pellegrino (avec un hôtel éponyme recommandable). Immédiatement en retrait d’Anghione, nous trouvons des exploitations agricoles entièrement dédiées à la culture fruitière, en particulier aux agrumes, très réputés. Bien sûr, on peut toujours aller louer un bateau à Bastia et filer le long du Cap Corse jusqu’au superbe petit port langoustier de Centuri (comptez la journée). Folelli n’est qu’à 10 km, Corte à 52 et Aleria à 39. Mais Penta et ses environs ont suffisamment d’arguments naturels pour donner envie de rester « là-haut », entre deux randos.

     

    Texte et photos : Léon Mazzella

     

    - S’y rendre : Vols Paris-Bastia sur Easyjet et Air France. Ou bien TGV Paris-Marseille, puis ferry-boat

    IMG_1214.JPG jusqu’à Bastia. Après, louer une voiture ou une moto. Bastia est à 34 km et Poretta, son aéroport, à 17 km de Penta di Casinca.

    - Se loger : Hôtel San Pellegrino : 04 95 36 90 61, sur la plage éponyme. Rien à Penta, excepté quelques rares chambres d’hôtes sur les sites dédiés.

    - Se restaurer : A Teppa, à Penta. 06 74 52 47 75
    Bar de la plage, à Anghione.

    - Vins : Domaine Musoleo : 04 95 36 80 12. Clos Fornelli (06 61 76 46 19).

    - Charcuterie : grand choix au Super U de Folelli. Oui !

    - Randonnées : Association Fiulm’Altu, 04 95 36 89 28.

     

     

     

     

  • Je retrouve un papier écrit pour Men's Health

    JAMES DEAN

    Vingt-cinq ans. Trois films. Deux pièces. Une Porsche 550 Spyder blanche, baptisée « Little Bastard ». A 160 km/h. Un 30 septembre 1955. Un destin. Un accident. Mortel, l’accident. Une légende est née.

    James Byron Dean a fait un jeune et beau cadavre. «Vivez jeune, mourez jeune et soyez un beau cadavre », se plaisait-il à répéter, reprenant ainsi une réplique d’un film de Nicholas Ray. C’est comme cela que, sans le savoir, lorsqu’on s’est appelé James Dean, on enfante un mythe dans lequel une jeunesse américaine s’est aussitôt reconnue. Cinquante-cinq ans après, le mythe perdure et a gagné depuis longtemps la jeunesse universelle. On ne compte plus les milliers de fan-clubs, les centaines de sites qui sont consacrés à James Dean, ni les dizaines de milliers de visiteurs annuels (pilleurs, au début) de sa tombe toute simple du cimetière de Fairmount, Indiana.

    index.jpgIl a la peau dure, ce mythe. Aussi dure que la peau de Jimmy l’écorché était fine. Le prince inconsolé par la disparition de sa mère alors qu’il n’avait que neuf ans, vivra toutes les expériences possibles de la vie en homme pressé, boulimique, libre, provocateur ; suicidaire. « La nuit, je sortais en cachette de chez mon oncle et j’allais pleurer sur sa tombe : maman, pourquoi m’as-tu laissé ? Dis, pourquoi m’as-tu abandonné ? J’ai besoin de toi ». La blessure restera ouverte.

    « La Fureur de vivre », titre de l’un de ses plus fameux films, comme celle de mourir à pleine vitesse, a sculpté une icône qu’Hollywood n’aura pas eu le temps de broyer. C’est à un carrefour californien on ne peut plus banal, situé à Cholame, au croisement de la highway 41 et de la US 466, sur la route qui le conduisait à Salinas pour une compétition automobile, que ses fureurs disparurent. Et c’est sur le volant de sa Porsche qui portait le numéro 130 que James a fracassé son beau corps de jeune premier, vers 17h45 ce jour-là. Sun Dean…

    Il est né un 8 février. 1931. Dans un coin de campagne de l’Indiana ; à Marion. Fils de Winton et Mildred Dean, James Byron (baptisé ainsi en mémoire du poète dandy), a grandi dans un paysage bucolique et sans histoires, parmi les vaches, les cochons et les poèmes d’Edgar Poe. Cela forme un jeune homme myope à lunettes, un rien chétif, raillé par ses copains d’école les plus bourrus. Ils sont nombreux dans le patelin qu’il quittera vite, pour aller tenter sa chance à New York. Non sans être passé avant par la Californie, le Santa Monica College Junior et la prestigieuse Université de Californie de Los Angeles (UCLA). « Pendant des années, je me suis entraîné à jouer Hamlet au milieu d’un champ de blé dans l’Indiana », dira-t-il.

    images.jpgTrès tôt, Jimmy a su. Il a su qu’il lui fallait s’exprimer avec le corps et la parole. Le théâtre autant que les sports casse-cou lui confirmeront son intuition. Sûr de lui, il n’aura de cesse de forger son esprit et son allure, ingurgitant les lectures, se donnant à pleins poumons dans la déclamation de pièces de théâtre, et prenant goût, déjà, à la vitesse sous toutes ses formes. « Je n’ai même pas envie d’être seulement le meilleur. Je veux devenir si grand que les autres n’arriveront pas à m’atteindre. Ce n’est pas pour prouver quoi que ce soit, c’est pour arriver là où on doit arriver quand on consacre toute sa vie et tout son être à une seule et même chose ».

    Jamais à l’heure, plutôt très en retard à ses rendez-vous, que ce fut avec Elia Kazan pour corriger un plan ou une scène, ou bien avec Liz Taylor, qui songea à divorcer pour lui, ou encore Ursula Andress –entre autres starlettes qui chavirèrent -, sa nonchalance procéda très vite de ce style propre, nouveau à l’aube des années cinquante aux USA. C’est l’image d’un beau gosse aux lèvres boudeuses et au regard mélancolique, éternellement vêtu d’un jean déchiré aux genoux (avant-garde !), d’un tee-shirt blanc ras de cou, de mocassins approximatifs et toujours maculés de la graisse de sa Triumph 500. Ce monstre fut la préférée des sept motos qu’il possédât (dont une Sarolea Typhon) et usa jusqu’à les exténuer. La Triumph, il la rangeait insolemment jusque dans les coulisses des studios d’Hollywood, ou celles des théâtres où il se produisit avec un prodigieux talent qui forçait immédiatement le respect des vieux briscards les plus retors et les plus exigeants de la profession.

    Au volant de sa première MG 53 rouge décapotable, il était aussi fou qu’en deux roues, dans les avenues de NYC, sur les hauteurs sinueuses de 2images.jpgMullholand Drive, ou sur toutes les autoroutes qu’il empruntait la nuit, pour la seule ivresse de lancer à fond les chevaux vapeur et sa voix. Jusqu’à l’extinction. « La famille Dean vient de s’agrandir. Je viens d’acheter une MG 53 rouge. Mon sexe s’évade dans les courbes pleines, les descentes vertigineuses, les embouteillages… Tu as de la concurrence. Ma moto, ma MG. Ca marche entre nous, ma chérie… », écrit-il, désinvolte, à une fille.

    No limit Jimmy.

    Il ne roulait pas seulement pour le plaisir de la vitesse mais aussi pour celui de la compétition. Avec talent, il remporta des courses automobiles, notamment une célèbre, à Palm Springs en mars 1955 (organisée par le Californian Sports Car Club) : il y rafla la première place. La course à laquelle il se rendait, à Salinas, Californie, le jour de sa mort, était un nouveau grand challenge pour « Little Bastard » et Jimmy.


    Il buvait beaucoup. Trop. Etait souvent saoul, et devenait alors agressif, violent avec ses nombreuses conquêtes. Pourtant, nous savons qu’il ne supportait pas l’alcool. Il buvait quand même. Il avalait aussi des litres de café. Et fumait. Chesterfield sur Chesterfield. Destroy Jimmy.

    Fulgurant. Tel était James Dean, qui eut une carrière concentrée sur quatre années menées à un rythme d’enfer , à côté de laquelle un Gérard Philippe pour les planches, et un Paul Morand pour la vitesse, font figure d’enfants sages.

    3images.jpgA l’instar d’un Albert Camus qui « ne se sentait jamais aussi bien que sur un stade de foot ou sur les planches », James Dean confia : « Le seul moment où je me se sens réellement moi-même, c’est lorsque je suis sur un circuit (automobile) ». Cela ne l’empêcha pas d’entrer dans la peau de ses personnages, que ce fut son propre rôle -guidon, volant ou rênes de cheval bien en mains-, ou dans des rôles d’emprunt. Dans la peau de Frankenstein, pour « Autant en emporte le vaurien », une pièce qu’il bricola au lycée, qui subjugua les parents d’élèves et médusa les profs réunis.

    Dans celle de Bachir, le jeune valet arabe et homosexuel de « L’Immoraliste », de Gide, qu’il campa au prestigieux Royal Theater de New York.

    Celle de Jim Starck, l’adolescent révolté de « La Fureur de vivre », au cinéma, ou encore celle de Caleb Trask –le tendre insurgé , modeste employé qui finira roi du pétrole et alcoolique-, dans « A l’Est d’Eden » (d’après le roman de John Steinbeck).
    Dans la peau de Jett Rink enfin, l’ambitieux désespéré de « Géant », son film posthume (d’après l’œuvre d’Edna Ferber).

    La sexualité de James Dean était double. Il a collectionné les femmes, il n’a connu l’amour qu’une seule vraie fois, avec l’actrice italienne Pier Angeli. Il a approché intimement nombre de vedettes comme Ursula Andress, mais il a aussi eu un certain nombre d’aventures homosexuelles. Avec son premier maître ès théâtre, d’abord, James DeWeerd.

    N’invoque-t-il pas son homosexualité (intox ?) et son objection de conscience en avril 1950 pour échapper à la conscription massive de l’US Army pour la guerre de Corée ?

    On lui connaîtra des conquêtes masculines au cours de ses folles années new-yorkaises , à une époque où il dévore tout : les jolies filles, les tragédies de Shakespeare, les textes enflammés de Tennessee Williams, la danse, l’hypnose, le saut en parachute, la théologie. Les beaux mecs itou.

    Certains célèbres dans le mundillo hollywoodien.

    Une curiosité dans le chapelet de ses passions est la tauromachie. Il fut très tôt initié par son gourou DeWeerd, avec les films de corridas, que celui-ci avait tournés en 16 m/m amateur à Santa Fe, Tijuana et Mexico.

    Jimmy devient aficionado au monde des taureaux de combat, davantage pour la chorégraphie du corps à corps du torero avec le toro et le goût de la mort (un mot qu’il souligne chaque fois qu’il apparaît dans les innombrables livres qu’il dévore), que pour le fauve combattu.

    Impatient de crever le grand écran, il envisagera un moment de tenter sa chance comme torero à Mexico.

    Il sera envoûté par un livre, « Matador », de Barnaby Conrad, qui relate l’ultime défi lancé par un vieux torero fatigué, à un plus jeune que lui, parce qu’il est sûr de mourir en le faisant.

    images4.jpgBavard, James Dean avait deux sujets de conversation favoris dont il soûlait ses auditeurs : les courses de moto et la corrida. Son appartement de la 68ème Rue Ouest, à New-York, avait les murs tapissés d’affiches de corridas, de capes et de cornes, et mangés par le bas par des piles de disques de musique africaine, afro-cubaine, de jazz, de Berlioz et Tchaïkovsky, et de livres bien sûr (Kafka, Lawrence, Baudelaire, Hemingway, Cocteau, Rimbaud et Verlaine…, Saint-Exupéry).

    Rêvant de Picasso et de Miro, il voulait aller à Paris, et il toréait « de salon », armé d’une cape rose, un manuel de tauromachie basique dans une main, comme le fit dans les années soixante-dix, le torero français Nimeño II, avec « Règles et secrets de la corrida », de Georges Lestié…

    Toujours Thanatos prenant parfois le pas sur Eros, ce goût du danger, de l’extrême, de l’expérience des limites ou, comme le dit si bien Edgar Morin, qui s’est intéressé en sociologue au mythe Dean (cité par Bertrand Meyer-Stabley, dans son admirable « James Dean ») : « Finalement, l ‘adulte des sociétés bureaucratisées et embourgeoisées est celui qui accepte de vivre peu pour ne pas mourir beaucoup. Mai le secret de l’adolescence est que vivre, c’est l’impossibilité de vivre. James Dean a vécu cette contradiction et l’a authentifiée dans sa mort ».

    Jimmy aura vécu davantage et plus vite que la plupart de ses pairs. Il aura fait en un temps record ce que d’autres accomplissent au cours d’une existence parfois fastidieuse. Pressé comme une roquette, ce surdoué du septième art, tête brûlée de vingt-quatre ans et demi avait, à la fin de sa vie, l’ambition de dépasser son jeu d’acteur. Il prétendait déjà avoir prouvé au monde son talent en devenant réalisateur. Et son rêve d’enfant trop tôt orphelin de mère (puis de père), était d’adapter « Le Petit Prince ». Jimmy no comment.

    © L.M.


  • Dans L'OBS paru hier

    Deux idées de randos données à TéléParisObs paru cette semaine. Une dans les Pyrénées, l'autre à Procida. Extraits.

    Randonnées à Procida

    Le Golfe de Naples offre trois îles au voyageur. Ischia, Capri et Procida. La plus petite n’est pas la moins charmante.

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    Capri est l’île de la Grotta Azzura, celle de la villa de Malaparte qui servit au tournage au Mépris de Godard et l’île luxueuse de la Jet Set internationale. Ischia est grande, ses plages nombreuses et certaines criques encore préservées, mais son port d’arrivée a été livré en pâture au tourisme de masse. Procida, dont l’architecture singulière des maisons de pêcheurs bigarrées vaut déjà le voyage, ignore le tourisme. C’est une île qui vit réellement, sur 4 km2 à peine et qui grouille de ses 10 000 habitants. Ils sont pêcheurs, petits commerçants, artisans, ou bien prennent le premier bateau du matin pour gagner leur pizza quotidienne à Naples et reviennent avec celui du soir. La traversée est d’une demi-heure avec le rapide et d’une heure avec le lent. Les Napolitains sont d’ailleurs nombreux à posséder une maison de pêcheur sur l’île, ou bien à venir déjeuner ou dîner d’un coup de hors-bord, dans les restaurants de Procida, surtout sur le splendide petit port de pêche de Corricella. À Procida, on se fiche donc du tourisme. Nul ne souhaite vendre son île ou hameçonner le voyageur. Procida n’est jamais fardée. Loin de la fourmilière napolitaine, l’île est marquée par la nature, la littérature et le cinéma. La littérature, c’est d’abord Graziella, bref et faible roman (folio) de Lamartine. Le poète eut une idylle avec jeune fille de l’île, promit à sa dulcinée de revenir, lorsqu’il dût repartir. Il ne tint pas sa promesse et Graziella mourut d’amour. Elsa Morante écrivit ici un grand roman L’île d’Arturo. L’intrigue, plantée sur l’île, est un hymne au monde insouciant et sauvage de l’enfance et de l’adolescence. Le lire ou le relire (folio) sur l’une des plages de l’île, au bout d’une balade à pied sur les chemins, peut virer à l’enchantement. Car comme Arturo est beau, Procida est belle et rebelle, peuplée d’anciens marins, de petits armateurs, de vieux qui rafistolent leurs filets, de femmes qui vendent leurs gros citrons difformes –la spécialité de l’île, avec le limoncello dont il est issu. Procida produit par ailleurs un vin blanc sec et humble, toujours « de la casa », peu titré, que l’on boit à chaque terrasse...

    © L.M. (la suite en kiosque).

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    Rando familiale au cœur de « L’Eden des Pyrénées »

    Cap sur le lac Suyen, en Val d’Azun, aux portes du Parc National.

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    8 heures. Barrage du Tech. L’heure idéale pour laisser sa voiture à proximité de la Maison du Parc National des Pyrénées. Le paisible lac du Tech, accessible par la route, au-delà d’Arrens-Marsous, est un éternel assoupi. Le brouillard empêche de d’envisager une randonnée de difficulté moyenne jusqu’au splendide lac Migouélou. Les semelles Vibram ne souffriront pas ce matin. L’arc onctueux du barrage adoucit l’espace. Un vautour fauve sort de la brume, à une vingtaine de mètres au-dessus de notre tête et vient se poser à flanc de falaise, juste devant le barrage qui vrombit. Altitude modeste : 1200 m. Nous sommes dans un sanctuaire : à l’entrée du Parc, au carrefour des vallons de Bouleste, de Poueylaïn et du Plan d’Aste. En vallée d’Arrens, en Val d’Azun, en Lavedan, en Bigorre. Dans les Hautes-Pyrénées enfin. Le mythique refuge Ledormeur est à deux heures de marche à peine. Cap sur le Suyen et la cascade de Doumblas pour une randonnée familiale.

    Devant nous, se dresse le premier « 3000 » en venant de l’océan. C’est le Balaïtous. 3144 m. En 1864, Charles Packe, montagnard célèbre, atteint son sommet et pense être le premier à le faire. Hélas !.. Un cairn (petit tas de cailloux faisant office de balise sur les sentiers de randonnée) témoigne d’une précédente ascension. Ce sont les géodésiens Peytier et Hosard, chargés en 1825 de tracer les premières cartes de cette zone pyrénéenne, qui ont gravi le sommet, aidés des montagnards et des chasseurs de la vallée voisine. Le grand pyrénéiste Henry Russell appellera plus tard le Balaïtous « le Cervin des Pyrénées ». Comme s’il fallait à chaque 3000 d’ici d’avoir le mérite d’être comparé à un sommet alpin ! Par beau temps, nous sommes cernés de merveilles pointues : les cols du Gabizos, de l’Aubisque, du Soulor, des Spandelles et par le Pic du Midi de Bigorre. Sentiment d’être invité au banquet des Splendides.

    Existe-t-il pente plus douce que celle qui touche le lac du Tech ? La forêt de sapins s’arrête, comme retenue, laisse de basse mer, pour laisser place à une prairie où paissent les vaches. Puis ce sont des pêcheurs de truites qui poivrent le liseré du lac.

    Un lac d’altitude nous apprend la flore. Et la poésie botanique aussi : la joubarbe à toile d’araignée, l’iris et le lis des Pyrénées, l’aconit vénéneux, le chardon fausse-couline, la saxifrage faux-Aizoon, deviennent des sujets de conquête visuelle. Et sémantique, ou poétique.

    Ramond de Carbonnières, autre pyrénéiste fameux, eut le nez creux, sous la Terreur. Il s’enfuit de Paris le 10 août 1789 pour effectuer un voyage scientifique aux Pyrénées. Naturaliste, géologue, écrivain, il donna son nom à une fleur, la ramonde, ou ramondia. Et baptisa le Val d’Azun « Eden des Pyrénées ». Chercher la ramonde devient un nouveau but de randonnée...

    © L.M. (la suite en kiosque).

    Photos : © L.M.

  • Balade rimbaldienne, suite (dans Le Nouvel Obs paru ce matin)

    Dans TéléParis OBS de ce matin :

    ARDENNES : A VÉLO VERS RIMBAUD

    Les Ardennes, autour de Charleville-Mézières, la ville de Rimbaud, offrent balades bucoliques et poésie en ville, à 1h30 de TGV de Paris.

    Sa tombe est sobre, à l’instar des relations que le poète entretint avec sa ville, mais une boîte aux lettres dorée des Postes, à son nom, recueille IMG_2183.jpgtoujours les messages de ses fans. Arthur Rimbaud n’aima guère les gens de Charleville, où il naquit en 1854, qui furent par conséquent peu nombreux à suivre la charrette qui portait sa dépouille jusqu’au cimetière de la ville, en 1891. Cependant Charleville entretient la mémoire juteuse d’Arthur. La grande librairie de la rue piétonne Pierre Bérégovoy s’appelle Rimbaud (La ville est encore épargnée par les grandes enseignes du genre). Au n°12 de cette rue, se trouve la maison natale du poète visionnaire. En face, il y a une bonne table de la ville et sa belle cave de vins à emporter, La table d’Arthur R. Passée la splendide place Ducale, sorte de mini-Place des Vosges parisienne, puisque ce sont deux frères architectes à l’inspiration partagée, qui érigèrent les deux : Clément Métezeau à Charleville et Louis à Paris, la même artère piétonne Bérégovoy conduit au Musée Rimbaud, au bord de la Meuse, au lieu et place du Vieux Moulin qui enjambe un bras de la Meuse et derrière laquelle la péniche restaurant La Bohême, offre un joli petit menu et propose des mini croisières jusqu’à Monthermé, situé à 20 km de là par la route.

    La scénographie des Ailleurs

    Sur ce quai Arthur Rimbaud, la Maison des Ailleurs (où Arthur vécut avec sa famillle), à la scénographie splendide, nous entraîne, au fil des treize pièces visitables, sur les chemins rimbaldiens à travers le monde, grâce à une animation visuelle et sonore d’une subtilité et d’un dépouillement d’une grande justesse. Le Musée quant à lui, expose de nombreux manuscrits –la plupart sont des copies, hélas, excepté le poème Voyelles-, des dessins d’Ernest Pignon Ernest (dont ce Rimbaud de pied, ci-contre) l’esquisse originale du fameux Coin de table de Fantin Latour, des photos, des sculptures, des livres bien sûr, et de nombreux objets ayant appartenu à l’homme aux semelles de vent. À leur vue, l’émotion est grande pour l’amateur. Même si celui-ci éprouve toujours quelque gêne à voir une poésie de grand vent muséifiée. À quelques mètres de la gare de Charleville, le premier 4 étoiles nouvelles normes de France a ouvert en septembre 2009. Il s’appelle Le dormeur du val et c’est d’un chef d’œuvre de design et de poésie entremêlés qu’il s’agit. Erigé au rang d’hôtel d’un luxe sans ostezntation de surcroît, il offre 17 chambres dont la décoration est d’une modernité qui subjugue dès le hall d’entrée. L’œuvre totale est signée Carlos Pujol. L’homme a tout fait de A à Z. Il a rendu cet hôtel confortable certes, mais avant tout absolument unique. La poésie d’Arthur figure, manuscrite, sur chaque mur. Métal, béton, tapisseries anglaises, couleurs vives, et le mobilier le plus contemporain du moment cohabitent en une harmonie qui relève de l’impossible équilibre. Enfin, Place Jacques Félix, du nom du fondateur en 1961 (décédé en 2006) de la principale attraction de la ville, le Festival international de théâtre de de marionnettes de Charleville-Mézières –lequel se tient désormais tous les deux ans (prochaine édition en septembre 2011), contre la médiathèque baptisée Voyelles, et à deux pas du Collège Arthur Rimbaud devant lequel trône l’une des deux statues du poète que compte la ville, se trouve la Bibliothèque municipale qui fut le collège où le jeune Rimbaud suivit les cours du professeur Georges Izambard, le déclencheur de la vocation de poète d’Arthur. (...) L.M.

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  • Dans L'OBS paru ce matin

    Balades littéraires en Corrèze

    Sur les traces de Simone de Beauvoir à Uzerche et de Colette à Varetz.


    images.jpgUzerche, en Corrèze, est traversé par la Vézère. Simone de Beauvoir y passa son enfance. Ses « Mémoires d’une jeune fille rangée » (folio), ne préfigurent en rien l’auteur emblématique du « Deuxième sexe ». Nous y découvrons l’enfant, puis l’adolescente, qui fait l’apprentissage de la vie à la campagne. Simone dévore les livres et s’immerge dans la nature apprivoisée d’une province douce, découvre les champignons, les oiseaux, les arbres et des sensations sauvages que l’on dirait empruntées à Colette. Le « Castor passa de nombreux étés dans le Parc de Meyrignac, demeure de son grand-père, à Saint-Ybard. La ville d’Uzerche propose une balade courte qu’il est bon d’emprunter, depuis la Place de la Petite-Gare, les « Mémoires » en main, pour passer devant les deux propriétés familiales de la famille de Beauvoir, qui appartiennent encore à ses descendants et qui ne se visitent que sur demande. La seconde fut celle de sa tante. Le chemin est balisé sur 6 km à travers la Garenne de Puy-Grolier jusqu’au Pont-d’Espartignac, au lieu-dit Les Carderies. Il suffit alors de franchir un petit pont et de longer la Vézère pour ressentir, aux abords de la base de la Minoterie, où Simone se baignait avec sa sœur, les après-midi de grosse chaleur, les sensations de la jeune Simone : « Chez ma tante, comme chez mon grand-père, on me laissait courir en liberté sur les pelouses et je pouvais toucher à tout. (…) J’apprenais ce que n’enseignent ni les livres ni l’autorité. J’apprenais le bouton-d’or et le trèfle, le phlox sucré, le bleu fluorescent du volubilis, le papillon, la bête à bon Dieu, le ver luisant, la rosée, les toiles d’araignée et les fils de la Vierge ; j’apprenais que le rouge du houx est plus rouge que celui du laurier-cerise ou du sorbier, que l’automne dore les pêches et cuivre les feuillages ; que le soleil monte et descend dans le ciel sans qu’on ne le voie jamais bouger. » Après, il faut prendre la rue de l’Abreuvoir qui monte vers la ville ancienne et le charme de ses ruelles, pour retrouver le pont Turgot et revenir au point de départ. Là, et si l’on s’efforce de s’y rendre à la fraîche, nous ressentons « le premier des bonheurs » de Simone de Beauvoir, qui fut, « au petit matin, de surprendre le réveil des prairies ; un livre à la main, je quittais la maison endormie, je poussais la barrière ; impossible de m’asseoir dans l’herbe embuée de gelée blanche ; je marchais sur l’avenue, le long du pré planté d’arbres choisis que grand-père appelait le parc-paysage ; je lisais, à petits pas, et je sentais contre ma peau la fraîcheur de l’air s’attendrir ; le mince glacis qui voilait la terre fondait doucement : le hêtre pourpre, les cèdres bleus, les peupliers argentés brillaient d’un éclat aussi neuf qu’au premier jour du matin du paradis ; et moi j’étais seule à porter la beauté du monde et la gloire de Dieu, avec au creux de l’estomac un rêve de chocolat et de pain grillé. »

    Colette, baronne de Castel Novel

    cimages.jpgColette vécut elle aussi en Corrèze à deux périodes de sa vie. De 1911 à 1923, lorsqu’elle fut l’épouse du baron Henri de Jouvenel des Ursins, au château de Castel Novel, là où elle se muait avec bonheur en fermière, architecte d’intérieur et en jardinière, puis au cours de l’été 1940, chez sa fille Colette de Jouvenel, surnommée Bel-Gazou, « fruit de la terre limousine », à Curemonte. Dans le maquis de son œuvre, il faut retenir les pages admirables des « Heures longues » pour savourer les descriptions que l’auteur de « Sido » fit de la campagne corrézienne. « Ici, dès l’arrivée, on sent le cours de la vie, ralenti, élargi, couler sans ride d’un bord à l’autre des longues journées. (…) Comme il resplendit, ce juillet limousin, aux yeux sevrés depuis trois ans de son azur, du vert, du rouge et de la terre sanguine ! Chaque heure fête tous les sens »… La communauté d’agglomération de Brive a ainsi créé en 2008 « Les jardins de Colette », un parc paysager de 4 ha qui retrace le parcours sensible de l’auteur. Situé à proximité du château de Castel Novel, nous y trouvons l’univers enchanteur d’un écrivain habité par le végétal, à travers plus de 10000 essences et 1200 arbres. Il y a le jardin de son enfance à Saint-Sauveur-en-Puisaye, les bois de Franche-Comté, la Bretagne de son amie Missy, la Provence de « La Treille-Muscate », à Saint-Tropez, le Palais-Royal de Paris et bien sûr la Corrèze de Varetz. (...) L.M.

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  • L'autre Pays basque

    Le Pays basque intérieur, ça change de la côte. Balade gourmande.
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    Aïnhoa passe pour l’un des plus beaux villages de France et il l’est. C’est sans doute aussi le plus charmant du Pays basque intérieur, n’en déplaise à tant d’autres ! Mais il faut parfois choisir. Ses maisons traditionnelles, sa rue principale, le respect scrupuleux de l’architecture originelle et l’absence de pollution visuelle, le rendent infiniment attachant. Autour du splendide fronton, deux institutions trônent depuis des lustres : Ithurria et Oppoca. Registre classique audacieusement revisité par les chefs Xavier chez Ithurria et Patxi chez Oppoca. Xavier cultive son jardin pour en cuisiner les herbes, les fleurs, les légumes et les fruits (cela devient à la mode chez les chefs), et propose une cuisine franche, avec des produits locaux judicieusement choisis. En témoignent les grosses asperges des Landes (dans les « ventas » proches, vers lesquelles 12 DSCF6114.JPG000 voitures se ruent chaque jour sans s’arrêter à Aïnhoa, des asperges made in China sont paraît-il vendues ! Ici, c’est du local pur jus). Avant le coup de feu, en saison, Xavier part cueillir les figues de son figuier, à Dancharia, pour le jambon aux figues « comme ça elles ne passent pas par le frigo ! », dit-il. Stéphane est en salle, Maritxu et Marion sont à la direction, et plusieurs petits-enfants prétendent à la succession, dont Louis, déjà étudiant au Lycée hôtelier de Biarritz.
    À Oppoca, les chambres, refaites récemment, splendides et aux noms évocateurs, accueillent des voyageurs exigeants en recherche d’un calme absolu : Argi (la lumière), Izar (les étoiles), Ametz (le rêve), Ortzi (le ciel), Mendi (la montagne), Arantxa (l’aubépine). La table de Patxi est claire : porc basque d’Oteiza, truite de Banka de Michel Goïcoechea, agneau de lait des Pyrénées. Du fiable.
    À Sare, Mecque de la contrebande, Arraya tient bon la barre, avec son restaurant classique, rassurant par les temps qui courent, et son hôtel charmant. Là aussi, l’entreprise est familiale : les Fagoaga, à la suite de Paul, retraité méritant, ses fils Jean-Baptiste et son épouse Laurence (hôtel, restaurant), et Sébastien et son épouse Laurentxa (boutique de produits maison, fabrique de gâteaux basques), avec René Dubès et le jeune Olivier Sautel aux fourneaux, perpétuent une tradition saratar. Celle du goût juste et du confort vrai.  En annexe, la maison d’hôte Dominxenea (« la maison de Dominique », qui date de 1505), au cœur d’Ihalar, le quartier historique le plus beau de Sare, est une maison d’hôtes à prix doux, plantée à une minute à peine de l’hôtel. On ne peut oublier le gâteau basque estampillé Arraya (le « pastiza », en Basque) de Sébastien Fagoaga, car il reflète le savoir-faire de l’association Eguzkia (Soleil), laquelle garantit une qualité extrême, via le respect d’une charte exigeante. Ce label réunit vingt-cinq pâtissiers de la région.
    Au restaurant Lastiry, qui fait face à Arraya, Pierre et Louise Etcheverria ont ranimé une maison emblématique du village, qui tombait à l’abandon. Hôtel, restaurant, retrouvent des couleurs : « Ca faisait mal au cœur de laisser ça comme ça », dit Pierre. Le peintre Mattin Partarrieu, un ami, orne les murs, et une cuisine gaie peint généreusement les assiettes : Saint-Jacques au xingar (ventrèche), ris de veau au Moscatel, charcuteries locales comme le tripotx, extraordinaire boudin lié au sang d’agneau !
    DSCF6154.JPGÀ Saint-Pée sur Nivelle, le décor change radicalement, du moins côté face. Pile, la grande Auberge basque étend toute sa splendeur, large, débonnaire, généreuse et classique. Face aux montagnes, la modernité impose un style épuré avec les baies vitrées des chambres et du restaurant. Cédric Béchade et son équipe distillent ici une atmosphère « no stress » qui se ressent à chaque instant et partout. Les cuisiniers, foulard rouge sur la tête, exécutent une gastronomie subtile sans cris ni chuchotements, sous les yeux des clients, comme si tout coulait de source. Le chef passe les plats tout en surveillant l’ensemble. Rare. L’Auberge basque a ouvert en avril 2007 et connaît depuis un succès serein. Des pros, comme Samuel Ingelaere, sommelier exceptionnel et directeur de la boutique générale, épaulent le chef. Des céramiques signées Cazaux font office de dessous de plats, l’art, la sobriété règnent partout, du parc à l’étage des chambres au design subtil et jusqu’au bar. Le minimalisme ne rejaillit pas dans l’assiette, à la faconde de conteur gourmet. Artistique. Comme peut l’être la table historique, qui appartient au panthéon des saveurs du Pays, d’Arrambide père et fils (Firmin et Philippe), à Saint-Jean-Pied-de-Port. L’hôtel-restaurant Les Pyrénées, à l’instar de l’Irouléguy Arretxea, de Rieuspeyrous, ou des eaux-de-vie de Martine Brana, du jambon de Pierre Oteiza ou encore de l’ardi gasna (fromage de brebis) de Maïté Goni (Xistu, à Arrosa), font partie du paysage culturel. L’équipe de « Fifi » Arrambide, avec Jean Etcheparre -quarante-six ans dont trente de maison et Patrick Fillatrieau, passe avec « alegria » des plats toujours irréprochables.
    Artistique, Ostapé l’est aussi. Cette auberge de luxe, mais qui a su garder une rusticité chic, nichée sur les hauteurs de Bidarray, crée par Alain DSCF6104.JPGDucasse et dirigée depuis son ouverture par un hédoniste, François Ricau, Ostapé donc, possède de nombreux atouts, dont un chef de talent : Claude Calvet. Avec des perles comme Julie en salle, une belle carte proposant un veau élevé sous la mère, acheté sur pieds à la ferme voisine de Suraya, de même que le « mamia » (caillé de brebis) du petit-déjeuner, provient d’une ferme que l’on aperçoit en le dégustant depuis la terrasse d’Ostapé ( : « sous la feuille de chêne »), ce lieu magique, qui offre des suites d’un raffinement rare, a tout compris de l’équation du plaisir. D’ailleurs, afin de pouvoir le prolonger sans risque, Ricau propose la nuit à moitié prix, après dîner. Histoire d’oublier les virages de la route d’un retour qu’il est bon de différer.
    Au fond, il n’est qu’un seul retour que l’on redoute de différer, ici. C’est celui qui arrête le train du plaisir, quand on zippe son sac, que l’on relit l’heure du ticket retour, au moment de se dire : bon, quand est-ce que je reviens pour me frotter à nouveau à la Côte, et explorer d’autres villages gourmands de ce Pays qui sait se donner à fond, pour peu qu’on prenne le temps de l’observer, de l’écouter, de le laisser nous parler. Car c’est lui qui nous apprivoise, s’il le désire. Et jamais l’inverse. ©L.M. La suite en kiosque (pages 60 à 65 et 118-119).

    Photos (LM) : C'est à partir d'eux que l'on fait de l'ardi gasna (fromage de brebis). L'auberge Ostapé, à Bidarray : le bonheur sur la terre basque. Un gamin qui sait déjà tout de l'art de faire le behi gasna (fromage de vache), à la ferme Oheta, à St-Martin d'Arosa.

  • British Bordeaux

    Papier d'ambiance. Hier, samedi 23 mai, dans l’après-midi, au hasard des places et des rues piétonnes de Bordeaux…
    (VSD m’avait envoyé spécialement couvrir le match des Girondins, car ils risquaient d’être sacrés champions de France à l’issue du match. Ils l’ont gagné mais dans le même temps, Marseille a gagné aussi, comme chacun sait : rendez-vous est par conséquent pris samedi prochain à Caen, pour Bordeaux).
    C’était l’été. Comme à Paris aujourd’hui. Les terrasses, pourtant nombreuses et longues comme la marée basse à Arès, au fond du Bassin, étaient bondées comme une plage au mois d’août. Mais rien, nulle part, à l’exception de rares maillots du club marine et blanc, chiffrés Kia, portés par des supporters calmes (sauf aux abords du stade, dès 18h), ne laissait deviner l’enjeu national qui s’ourdissait dans tous les esprits comme un complot.
    Prêter l’oreille nous convainquit que la fameuse retenue bordelaise et son british touch opéraient avec discrétion : on ne parlait que de ça, ici et là. Et si la plupart des conversations affectaient un tact local sur le mode rien n’est joué, une liesse communicative donnait à penser que le mot stress serait l’apanage du Rocher (Bordeaux affrontait Monaco). Et celui de confiance, le carburant girondin. Cette circonspection trahissait à peine un enthousiasme anticipé, dans l’évocation de cette nuit de mai 1999 qui vit s’embraser Lescure (le stade ne s’appelait pas encore Chaban-Delmas) et toute la ville, par contagion. Dix ans déjà…
    Vendredi, le président des Girondins, Jean-Louis Triaud, que je devais interviewer une heure avant le match, lâchait un « cool » pour résumer la situation. British jusque dans le refroidissement des esprits d’une équipe prête à en découdre, assise sur trois coussins –ses points d’avance sur Marseille (74 contre 71). La tension, légitime, fut trahie par les propos fugaces et un brin inconsistants de l’entraineur Laurent Blanc, qui avait choisi le mode dénégation, pour tiédir l’atmosphère du point presse : « les joueurs n’y pensent pas ». Tu parles, coach !
    A la veille d’une victoire qui aurait pu achever une saison splendide (10 victoires consécutives en championnat, des Girondins invaincus chez eux depuis le 7 octobre 2007, un troisième ticket en Ligue des champions : un millésime de garde), on évoquait, aux terrasses des bistros, les départs annoncés des stars : surtout ceux de Gourcuff et de Chamakh. Triaud me confia qu’il ferait tout pour garder une équipe cohérente, qui gagne et qui est dotée d’un esprit de groupe rare –comme on en rencontre au rugby…
    A observer tant d’effervescence contenue, nous en étions à nous demander si Bordeaux n’était pas en train de vinifier, à l’ombre fraîche et salutaire de ses chais, un champagne maison qui aurait explosé dans le ventre du stade à l’issue du match. La fête ne fut pas au rendez-vous, malgré le but de la tête de Chamakh. Les Girondins peuvent cependant être champions samedi prochain pour la sixième fois.

    La ville était donc tout foot, sans fanfaronner (bien lui en prit), comme Toulouse sait être tout rugby, version baroque.
    N’était la coiffure à la Chamakh : crête de coq et côtés ras, arborée par de jeunes fans, il n’y avait aucun débordement dans les rues de la ville, dont la rumeur mezza voce allait sereinement à la rencontre d’un compte à rebours. Sans fièvre. A l’image de cette 37ème journée de la Ligue 1. C'est tout Bordeaux, ça.

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    Lectures TGV. Les Onze, de Michon, sont décevants. Limite chiants. En revanche, Un an, d'Echenoz, c'est la littérature à l'état pur. Un grand bonheur de lecture, tandis que des paysages archi connus défilaient...

  • basquonneries

    DSCF6063.JPGreportage en pays basque intérieur.

    tout un programme, l'intérieur...

    surtout celui de ce pays.

    la tripe du sujet, zugarramurdi, urdax, derrière la rhune, en deçà de sare, de l'arraya (quel beau gâteau basque tu fais là, sébastien fagoaga!), de lastiry, du fantôme de popaul dutournier, de l'écho des pelotes contre le fronton, au-delà de l'arza mendi, d'iparla et même des vautours fauves qui planent en silence au-dessus des artisans de l'ardi gasna, et qui savent ce que nous, humains, ne saurons jamais.

    DSCF6072.JPGles oiseaux savent

    et planent

    en silence.

    somptueux dîners chez cédric béchade (l'auberge basque, à saint-pée : chambres sereines), claude calvet (ostapé à bidarray : nuit rare, petit-déjeuner de soleil), pintxos de fou au fuego negro à san seba, la gamba de goiz argi (à inscrire d'urgence au patximoine de l'humanitad de l'unescoloco), tapas classicas à la cepa et alentour, déjeuner DSCF6114.JPGgrrrand chez arrambide à saint-jean-pied-de-port (comme d'hab'), idem à oppoca et ithurria à aïnhoa, incursion intéressante chez philippe à biarritz, au kaïku de saint-jean-de-luz aussi, et la concha la nuit, devant le brouillarta, lorsque le clapot atlantique fait la pige à la méditerranée...

    DSCF6086.JPGun tiop de sagarno (cidre basque) à ostillopitz (sare) chez jean-élie, un tross d'ardi gasna chez maïté goni à saint-martin d'arrossa,

    les collines vertes qui mamellonent mieux que des seins adorés, une chapelle planquée à flanc de crête, derrière des hêtres qui se refont la cerise, en vert, la terrasse plus paisible (sans le flot des bagnoles qui vont aux ventas peio, lapitxuri, etc, acheter des asperges et des piquillos made in china sans le savoir) au café ezkurra perpendiculairement au fronton d'ainhoa (agur Yves!..), la tombe de roland barthes, à urt, juste aller-retour pour la photo (on est pas des DSCF6095.JPGboeufs), relire toulet au bar françois, à bayonne, se perdre les yeux dans le courant de la nive, se redire que sainte-barbe, à saint-jean-de-luz (bon, d'accord, l'intérieur devient ici largement extérieur, mais on n'est pas des veaux marins non plus) possède une vue qui permet, par beau temps (le cas, dimanche dernier) de réserver une tournée de txakoli au txantxangorri, à hondarribia (fontarrabie) quasiment à la voix,

    et

    se direDSCF6145.JPG

    demain

    ici

    je serai

    sûr,

    oui...

     

  • Tenerife

    VSD sort une nouvelle formule ce matin, plus claire, plus moderne, plus agréable. J'y publie un reportage effectué pour eux à Tenerife : "L'île enchantée". Extraits (le reste en kiosque!) :

    DSCF5794.JPG« C’est comme si nous marchions sur la Lune, vous ne trouvez pas ? D’ailleurs, les tests des robots qui iront sur Mars ont été effectués ici il  y a deux mois. Et c’est ici que des scènes de La Guerre des étoiles ont été tournées ». Mary Cabral, guide intrépide au mollet d’acier, de l’association Patea sus montes, saute comme un isard d’une roche volcanique à l’autre. Les sentiers balisés sont  nombreux dans la région phare du Teide, point culminant de l’île, des Canaries, d’Espagne et de l’Atlantique. DSCF5627.JPGAvec ses 3718 mètres d’altitude, le volcan endormi domine un parc immense, riche de concrétions et de rochers  aux formes étranges prisés des fous d’escalade, de coulées de lave couleur réglisse ou chocolat, et où vivent, parmi une flore incroyablement riche pour un paysage si sec, un lézard, le tizon (Gallota galloti) et un pinson (bleu) endémiques. Le refuge d’Altavista, à 3500 mètres, propose un confort spartiate et donne envie de le quitter tôt pour saluer l’aube au plus près du sommet (un téléphérique dépose à 3500 m, mais demande 25€ à chaque passager). Un parador se trouve aussi dans la Caldera (cratère géant produit par l’effondrement de la partie centrale des volcans), parmi les Roques de Garcia, à 2300 m d’altitude quand même. Tenerife ne plaisante pas avec la nature. Ici, on ne ramasse aucune pierre volcanique (leur tas à l’aéroport du retour, derrière le scanner, est néanmoins impressionnant), aucune fleur non plus, et on ne dévie pas d’une semelle : randonner hors-piste peut coûter 600€ d’amendes."

    DSCF5866.JPG




    DSCF5970.JPG"Du côté de Los Cristianos et de la plage de Las Americas (Puerto Colon), au Sud, le béton est heureusement circonscrit dans des complexes touristiques, sur un périmètre restreint. 65% du potentiel hôtelier de Tenerife y sont néanmoins concentrés. Au-delà, c’est aussitôt la campagne et la montagne, des vignes en terrasse qui grimpent à l’assaut du Teide, lequel ferme le paysage, et devant, passé le port de pêche « bio » et sa criée (ici, aucune pêche aux filets : même le thon rouge est pêché à la ligne !), il est possible d’embarquer pour aller observer les baleines (des globicéphales macrorynchus, en réalité), appelées baleines pilotes parce qu’elles guidaient les marins vers les eaux calmes. DSCF5960.JPGSédentaire, la colonie de cette partie de l’île, riche de 400 individus environ, se rencontre à un mille des côtes à peine, à la faveur du relief volcanique qui plonge immédiatement le rivage à des fonds vertigineux. Là où les baleines vont se nourrir de gros calmars la nuit. Le jour, elles se nourrissent de petits calmars en surface. Elles ne sont pas farouches, et nager parmi elles en masque, tuba et palmes, est un bonheur ineffable. Unique. Les baleines avancent lentement, en ligne, plongent suavement, disparaissent soudain dans le noir des profondeurs, puis réapparaissent pour respirer bruyamment à quelques mètres de vous. « Ailleurs, il faudrait faire 20 à 30 milles pour pouvoir en observer », précise Sergio Hanquet, spécialiste des cétacés, auteur d’ouvrages sur le sujet... "

    ©L.M. (texte et photos. Sur la première, en haut : Carlos Muñoz Yagüe, auteur des photos du reportage parues dans VSD).

  • PanaMa dans M (Le Monde)

    DSCF5110.JPGLisez "M", mensuel du journal "Le Monde", paru aujourd'hui à Paris et qui sera en province demain. Voici un extrait d'un reportage effectué au Panama, pages 38, 39 & 40 (ma chronique vins a encore sauté!.. Grrr... Vive la pub).

    L'ISTHME VERT

    DSCF5037.JPG« Nous avons fui en pirogue notre province du Darien parce que les guérilleros venus de Colombie nous pillaient et nous agressaient et que la réglementation du Parc national nous a subitement interdit de pratiquer l’agriculture et l’élevage. Ici, dans la province de Panama, nous sommes à l’abri et nous survivons de l’artisanat. » En écoutant Atilano, vêtu d’un simple pagne et la peau peinte de noir au hawa, le fruit d’un arbre local, nous avons l’impression de voir, en couleurs, les photos prises par Claude Lévi-Strauss, qui illustrent ses Tristes Tropiques. Atilano est le chef de la communauté Embera des bords du fleuve Gatun, non loin des écluses éponymes du canal de Panama. Embera Quera –du nom d’un parfum endémique, compte 23 familles totalisant 70 personnes sur les 800 que compte, dans la province de Panama, un groupe pacifique et allergique au progrès. Atilano Flaco n’est pas dupe : « Nous avons conscience d’être des Indiens de Réserve, mais notre peuple ayant toujours été rebelle à toute organisation sociale, nous disparaîtrons en résistant à notre manière. » Il sait que sa communauté participe d’un écotourisme de pacotille, « ethnique », en accueillant des groupes avec de rapides démonstrations de danses folkloriques en costumes de gala, fleurs d’hibiscus dans les cheveux et peintures tribales sur le corps. Atilano ajoute : « C’était ça, ou disparaître rapidement. Et nous tenons au maintien intact de notre culture. »DSCF5133.JPG
    La mélancolie des Tropiques

    Son discours est cohérent. « Le produit de l’artisanat réalisé par les femmes sert à payer le loyer de nos terres : 11 000 $ par an pour 6 ha, une somme considérable pour nos familles accrochées à leurs activités primitives. » En croisant le regard mélancolique d’une enfant, nous pensons au discours que J.M.G. Le Clézio a prononcé devant l’Académie Nobel : il a dédié son prestigieux prix à Elvira, conteuse de la forêt Embera, qui représente à ses yeux « la poésie en action, le théâtre antique en même temps que le roman le plus contemporain ». L’écrivain vécut plusieurs mois avec les Embera, dans la forêt du Darien, au cours des années soixante-dix. Cette communauté lui a procuré « l’une des plus grandes émotions littéraires de mon âge adulte », déclara le Nobel 2008.
    La communauté du fier Atilano se déplace en pirogue dans la lagune poissonneuse où prospère une multitude d’oiseaux. Les crocodiles cohabitent avec les caïmans, les singes capucins avec les paresseux, la nature est scrupuleusement protégée. « Si nous voulons couper un arbre, nous devons prévenir les autorités qui le feront à notre place et en replanteront aussitôt deux  autres », dit-il. L’arrivée au petit hameau de cases, niché dans la plus douce des solitudes, au fond d’un lac féerique, se fait aussi en pirogue. Celle-ci serpente sur le fleuve, parmi aigrettes, perroquets, aigles noirs, iguanes, tortues, d’immenses eucalyptus couverts de lianes, poules d’eau, canards, jacanas, et s’achève en se frayant un passage entre mangroves et nénuphars..."DSCF5076.JPG

    L.M. (©texte & photos)

    La suite en kiosque.

  • Villégiature à Saint-Jean-de-Luz

    DSCF4082.JPG"Martine a épousé la baie. Catalane de Perpignan, elle a récemment posé son sac au Grand-Hôtel, dont elle supervise le spa, après avoir passé plusieurs années en Sardaigne et n’envisage plus de reprendre la route des spas prestigieux du monde, sauf peut-être pour Bali, « mais dans longtemps », car sa fille y vit. Martine se baigne chaque jour dans cet océan maté par des brise-lames et des seuils de garantie qui en ont fait une maquette de Méditerranée au pays du surf.

    Les Luziens d’adoption possèdent la distance nécessaire au regard juste et à l’amour choisi –comme on le dit de l’immigration, qu’aucun natif ni aucun touriste ne porteront jamais. Ils partagent avec les voyageurs, ces passagers clandestins de l’émotion, la faculté d’immersion en délicatesse. Par mimétisme animal, l’étranger aborde la baie de Saint-Jean-de-Luz ou celle d’Along, muni d’un savoir se confondre. Il n’impose ni ne prélève, cueille selon ses besoins. (Ainsi les Blondes d’Aquitaine sont bien gardées). Le nouveau Luzien épouse sans dot. L’air de ne pas y toucher. D’ailleurs s’il touche l’autre, c’est avec le viatique de sa liberté. Sa carte de visite n’est pas un bristol. C’est une poignée de main en arrivant, l’offrande du récit d’un parcours, le brouillon de sa carte du Tendre en partant. 

    Martine Briu, donc. Orfèvre en aménagement et gestion d’un spa à partir d’un credo double : le sens du goût et celui du plaisir de l’autre. Cela passe par l’étude personnalisée de chaque client. Elle tutoie déjà Saint-Jean, qui, d’emblée, le lui rend bien.
    DSCF4077.JPGMyriam vient de Brest. Encyclopédie gracieuse de l’histoire luzienne, elle raconte mieux qu’un Basque –désolé, l’architecture des maisons d’armateurs, la pêche à la baleine, le mariage de Louis XIV, les Kaskarots, Agotak (cagots), Bohémiens et autres proscrits refoulés dans les faubourgs, à Ciboure, ou la lutte des hommes de Napoléon contre les éléments naturels. Antienne : le Parisien est celui qui connaît le moins bien le Louvre. Il en va des musées comme des baies. Celle de Saint-Jean a l’accent de celle de « San Seba » et de celle de Naples. Rhune, Monte Igueldo, Vésuve ont partie liée. Montagnes douces –volcanique la dernière, elles embrassent concha et baies dans un quotidien sans vagues, d’un mouvement curviligne, que seul le second baiser de Maman Proust réclamé par le petit Marcel peut égaler en soulagement. (...)

    DSCF4061.JPGMyriam Touati rappelle que de nombreux pêcheurs Bretons vinrent à Saint-Jean dans les années 1914. Leurs femmes travaillaient aux conserveries (la dernière a fermé en 1996). Ceci justifie d’une certaine manière la présence, jugée insolite par d’aucuns, d’une boutique à l’enseigne de La Belle-Iloise, sardines en boîte de qualité, dans la rue Gambetta, artère truffée de boutiques de produits basques. À Saint-Jean-de-Luz, on est Adam ou Pariès, c’est-à-dire macaron ou mouchou. Bar Le Suisse ou bar de La Baleine. J’ai un faible pour le second, planqué en retrait de la place Louis XIV. La Baleine, à la naissance de la rue éponyme, est ma querencia luzienne. Je m’y sens bécasse retrouvant sa remise de novembre, hirondelle de retour au nid sous cette poutre et aucune autre. J’aime le côté « pité » du bar, à l’affût, derrière les touristes aux terrasses des bars de la Marine et Majestic. J’aime son unique platane béquillé à la façon d’une toile de Dali et dont les racines soulèvent le goudron. J’y vois une expression dérivée de la force basque." ©L.M.

    Extraits. La suite, l'ensemble, dans le dernier n° de Pays Basque Magazine, pages 102 à 114. 

  • Passage à St-Jean-de-Luz

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    Les Luziens d’adoption possèdent la distance nécessaire au regard juste et à l’amour choisi –comme on le dit de l’immigration, qu’aucun natif ni aucun touriste ne porteront jamais. Ils partagent avec les voyageurs, ces passagers clandestins de l’émotion, la faculté d’immersion en délicatesse. Par mimétisme animal, l’étranger aborde la baie de Saint-Jean-de-Luz ou celle d’Along, muni d’un savoir se confondre. Il n’impose ni ne prélève, cueille selon ses besoins. (Ainsi les Blondes d’Aquitaine sont bien gardées). Le nouveau Luzien épouse sans dot. L’air de ne pas y toucher. D’ailleurs s’il touche l’autre, c’est avec le viatique de sa liberté. Sa carte de visite n’est pas un bristol. C’est une poignée de main en arrivant, l’offrande du récit d’un parcours, le brouillon de sa carte du Tendre en partant. LM (extrait d'un papier rédigé au Grand-Hôtel de St-Jean, en avril. Reportage à paraître dans quelques jours dans Pays Basque Magazine / Maisons Océan). Il en va des Luziens comme des Latignaciens, des Nambikwaras ou des Persans.

    Photos ©LM : En haut : la baie depuis ma chambre d'hôtel - En bas : tapas et fragments ont partie liée. Brefs, parfois piquants (banderilles, dit-on à San Seba), on les picore, on les note, les oublie...

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  • Macha Méril

    Papier qui paraît cette semaine dans le magazine "Maisons Sud-Ouest" :


    « Ma maison, c’est la Beauté »
    Le méridien de Greenwich de Macha Méril, comédienne, écrivain*, n’est ni en Italie, où elle chercha un temps la maison de ses rêves, ni à Paris où elle vit. C’est dans la campagne de Montréal du Gers qu’il fixe. Le hasard l’y a conduit une journée d’août 1999. Macha accompagnait un ami qui cherchait une maison à acheter pour lui. Le coup de foudre la saisit à la vue de cette imposante ferme du XVII ème siècle, modeste, généreuse, en pierre noble. Avec dépendances diverses : chai, bergerie. Arbres centenaires. Voisinage discret. Vue à 360° sur une campagne de douceur. Achat immédiat ! Neuf ans après, la propriété vit et remplit pleinement son office de maison de famille et d’amis. Le chai a été transformé en immense salle de fêtes et de réceptions. Macha adore faire la cuisine et recevoir. Il y a de nombreuses chaises, un piano à queue, une immense table, une baie vitrée qui ouvre sur un vrai pré. Les arbres veillent. Ce sont de vieux chênes noirs bien enracinés, épargnés par la tempête de décembre 1999. Les arbres du bonheur et de la sagesse. Macha les caresse, les embrasse. Une tradition russe. « Ils gardent ainsi leur pouvoir de vous aider à vivre ». Rappellent à Macha Méril les récits ukrainiens de sa mère. Le paysage environnant lui évoque ceux que Vinci, Giotto et Della Francesca ont peints. Rien de moins. Le Gers est sa terre élue. Macha Méril devait trouver sa maison en France, car c’est le pays qui a sauvé sa famille. Le Sud-Ouest la fascine : « c’est la dernière poche du pays qui a gardé son caractère rural et austère. La pauvreté l’a sauvé en lui épargnant les ors dont le Sud-Est a été chargé. Le développement industriel l’ayant effleuré, le Gers est resté modeste. Le boom des années cinquante lui a fait éviter la lèpre du béton. Ses routes sont sinueuses. Un fait exprès pour perdre le visiteur, lui signifier qu’arriver ici se mérite ». La paix, c’est ici qu’elle la trouve lorsque le théâtre lui laisse du répit. Le calme nécessaire à l’inspiration, à l’écriture, c’est ici qu’ils s’épanouissent ; à l’intérieur d’elle. Sa patte marque sobrement chaque pièce, chaque objet. Si elle l’a ouverte davantage à la lumière, elle a su respecter l’esprit d’une maison qui semblait l’attendre. « J’ai senti qu’elle me priait de la prendre en charge. Je l’ai transformée pour moi et pour ceux qui y vivront bien après. J’ai un discours d’immigré : j’éprouve le besoin de filiation générale, pas seulement familiale. Je transmettrai, mais à l’inconnu, au monde, une maison choisie librement, pas subie par un héritage ». Macha n’a pas cherché à tordre la maison vers elle. Elle s’est adaptée à l’esprit du Sud-Ouest qui se dégage de la région de Montréal et de cette propriété. « Ma chance est d’avoir pu rester longtemps pour les travaux de rénovation, avec les artisans du secteur. Il s’est établi un vrai dialogue avec ma maison. J’ai attendu qu’elle me dise ce qu’elle voulait, ne voulait pas . C’est la maison laïque du coin. Je ressens ses ondes positives. Elle a sans doute appartenu à un alchimiste, lorsque les caravanes de religieux italiens comprenaient savants, artistes et un être du Bizarre. Ce lieu a d’ailleurs correspondu avec ma soudaine fécondité littéraire et ma sérénité accrue ». Vous avez dit bizarre…

    L.M.
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    *Elle triomphe actuellement au Théâtre Antoine, à Paris, dans « L’importance d’être constant », d’après Oscar Wilde. En tournée dans le Sud-Ouest, elle se produira à Toulouse Blagnac (Odyssud) les 3 et 3 avril, à Mont-de-Marsan (salle François Mitterrand) le 7, à Biarritz (Atalaya) le 8 et à Bordeaux Mérignac (au Pin-Galant) les 26 et 27 mai.
    Elle vient de publier un récit émouvant et fort, « Un jour, je suis morte » aux éditions Albin Michel, et récemment un album délicat, « Sur les pas de Colette », aux Presses de la Renaissance.


  • Chants russes


    Je me trouvais dans la taïga russe pour plusieurs concerts exceptionnels, que devaient donner les coqs de bruyère, dont c’était la saison des amours ; et donc des chants nuptiaux. Ils sont abondants en Russie, aussi bien les grands coqs, ou grands tétras, que les petits, les tétras-lyre.
    C’était la fin du mois d’avril. J’occupais une petite cabane en forêt sans eau ni électricité, avec une table pour lit sur laquelle je déroulais un sac de couchage. Un guide venait me chercher à minuit et nous partions pour plus de quatre heures et demie de marche, à la rencontre de la première braise de l’aube. Nous marchions d’abord dans une épaisse forêt de bouleaux, au sol spongieux et même élastique par endroits, comme un matelas ondulant tout autour, une zone tavelée de mares et de trouées en friche. Puis c’était la colline, les bouleaux laissaient place aux sapins et le sol spongieux à un sentier enneigé. La colline devenait montagne. La neige illuminait la nuit noire sous un ciel d’aiguilles au bout des branches. Nous marchions en silence jusqu’à ce que l’on entende, vers quatre heures du matin, le premier grand tétras s’envoler au-dessus de nos têtes. Là nous nous arrêtions instantanément de marcher et presque de respirer. Le faisceau de la lampe de poche dirigé vers ce pas et le suivant était aussitôt éteint. Tout autour, il y a une neige molle, de faibles névés, une terre noire et grasse, une herbe haute que l’on devine jaune, un silence impeccable et un paysage qui évoque l’inconnu majuscule. Un paysage sauvage qui se situe entre les travellings de « La guerre du feu », le film d’Annaud, et ceux des films de Nikita Milkhalkov (« Les yeux noirs », « Soleil trompeur »…)…
    Il s’agit alors de suivre le vol du coq qui s’envole et de repérer l’arbre où il se branche à nouveau et d’attendre patiemment qu’il consente à entamer un nouveau chant nuptial. Ou d’en choisir un s’il y en a plusieurs et se diriger vers lui. La danse avec les coqs commence. Une danse dirigée par l’oiseau, qui est à la fois soliste et chef d’orchestre. : le grand coq, lorsqu’il chante amoureusement, entame un couplet : toc-toc-toc, qui ne l’empêche nullement de voir et d’entendre. Le mélomane qui assiste à cet étrange récital doit alors rester parfaitement immobile. Le coq connaît bien son territoire et il est doté d’une vue et d’une ouïe redoutables. Puis, c’est la seconde étape de son chant, qu’il faut guetter : le chant devient un long sifflement précédé d’un ploc qui doit agir comme un signal de départ pour l’homme qui souhaite l’approcher de plus près. (Tout le jeu consiste au fond à approcher l’oiseau le plus près possible et à voir ses yeux à l’œil nu ; sans l’aide de jumelles). C’est à ce moment très précis que le couple guide - photographe (ou simple observateur sans optique) entame sa danse particulière. Ils doivent parfaitement coordonner leurs mouvements et au besoin, se tenir par une manche, afin d’avancer avec une infinie prudence en propageant par la main chaque arrêt et chaque démarrage. Avancer, c’est faire deux pas tout au plus, tandis que le coq exécute cette dernière partie –extrêmement brève- de son chant d’amour, au cours de laquelle  on le dit sourd et aveugle.
    Pas de deux !
    Aussitôt après la note finale, l’homme doit impérativement s’immobiliser, même s’il a un pied en l’air, une jambe dans l’eau et le chapeau accroché à une branche. Souvent, il prend involontairement la position (plus ou moins) gracieuse d’un danseur étoile des Ballets du Bolchoï, les bras écartés, un pied en arrêt, la tête tendue… D’où la chorégraphie. Puis, le danseur attend que le coq chante à nouveau et le ballet recommence, en trois temps : immobilité, un pas de deux. Immobilité. Et ainsi de suite…
    Cette danse avec le coq que l’on a choisi d’approcher jusqu’à lui voir le blanc de l’œil en même temps que la tâche blanche du défaut de son aile ou épaule (ça, c’est le but suprême) est excitante,  car la moindre faute de synchronisation avec le chant et c’est la catastrophe. Rideau ! Le maître s’envole, le spectacle est interrompu. L’approche devra continuer plus loin, plus tard, avec un autre coq…
     
    Une nuit sur deux, nous contournions la place de chant des grands tétras parmi les sapins et nous partions à la rencontre des tétras-lyre. Pour cela, il faut marcher moins longtemps en forêt –environ deux heures -, et sortir en plaine jusqu’à un abri sommaire fait de branchages bas ; installé en plein milieu d’un champ. Arrivés là (il n’était pas trois heures du matin) nous nous installions pour dormir un peu,  recroquevillés dans ce mètre carré pourvu de suffisamment de paille pour nous chauffer ; en attendant la première pointe d’avant - aube. Il s’agit –pour les grands comme pour les petits tétras, d’arriver sur les places de chant longtemps à l’avance et le plus discrètement possible. Afin de se fondre dans le paysage, dans le premier cas, et pour faire corps avec la nature dans le second. Ceci afin de ne pas effrayer ni perturber les oiseaux à une période sensible  et sublimée de leur vie.
    Tout bruit, toute apparence qui trahit notre présence, compromet d’un seul coup la chance d’entendre les oiseaux parader : ils s’enfuient, dérangés et plus furieux que morts de trouille. Dans le meilleur des cas, ils se taisent, restent cachés, attendent ; s’abstiennent…
    Le signal de l’aube était donné par le premier chant du premier tétras - lyre. Les coqs de bouleau (une autre façon de les désigner) sortent des bois en quelques coups d’ailes, rasent la plaine en planant, puis se posent sur leur place de chant, et chantent pour défier les mâles et séduire une poule qui fait toujours celle qui n’entend jamais rien, mais qui voit tout et qui fait tranquillement son choix tout en picorant quelques larves dans les chaumes…
    Le premier coq chante bien avant l’aube, en pleine nuit, puis un autre renchérit, d’autres surenchérissent et tout à coup nous nous trouvons au cœur d’un salon de musique  en plein air, dissimulés au centre d’un chœur de solistes qui se toisent et se répondent, se défient et se menacent tout en tentant de charmer les femelles. Nous sommes à l’écoute d’un concert amoureux, nous ne voyons que rarement, à travers les branchages et à la jumelle, la tête noire avec la caroncule rouge vif du coq, dépasser d’un long peigne de tiges de céréales. Nous entendons surtout. Nous écoutons car ce qui compte, ici, c’est le son, c’est la stéréophonie entêtante des coqs qui se répondent et qui insistent à mesure que l’aube approche. Il s’agit d’un roulement davantage que d’un roucoulement. Un chant qui devient perpétuel, intense juste avant l’aube, et qui cessera d’un coup lorsque le jour sera complètement levé, étalé ; blanc. Les coqs chantent à tue-tête et l’acoustique –il n’y a pas d’autre mot possible- est parfaite. Jamais je n’ai autant joui de la stéréophonie. Jamais aucun son, aucune musique –sauf le brame d’un certain cerf bulgare et la Callas sur certains passages précis de Verdi -, n’ont autant réjoui mes oreilles, que les chants de ces tétras – lyre au cours de ces trois aubes russes.
    A la fin de l’aube, lorsque le jour s’est imposé, que le soleil commence à monter, jaune orangé, dans le ciel et que d’autres sons, des bruits quotidiens apparaissent, les coqs se taisent donc. Certains parviennent à s’accoupler, vite, avec les plus consentantes des poules. Les autres regagnent la forêt avant eux en quelques coups d’aile et en vol plané et rasant. Comme à l’aller. C’est la fin du concert. Nous sortons de notre cabane, hérissés de paille, avec nos courbatures et l’enregistrement parfait dans nos mémoires, de cette singulière musique amoureuse. L.M.


  • Grèce de canard

    A LIRE DANS "MAISONS SUD-OUEST" QUI PARAÎT JUSTE, LÀ, ce reportage que j'ai réalisé sur "Le Bordeaux de Xira". En voici les premières et les dernières lignes. Le reste? -en kiosque, té!..
     
     
    D’aucuns ignorent qu’il y a dakis derrière et Jean-Pierre devant, tant Xira est connu par son diminutif. Jean-Pierre Xiradakis, le moins Grec des Bordelais, le plus Bordelais des Grecs, le plus Gascon des hommes de goût (avec une poignée d’autres, de la trempe d’un Jean-Jacques Lesgourgues ou de celle d’un Jean Lafforgue), que la Gascogne ait engendrés depuis un bail, Jean-Pierre Xiradakis fait partie des meubles de sa ville, entrée au Patrimoine de l’humanité le jour où nous réalisions cette interview. L’Unesco, ça va donner 30% de tourisme en plus. La belle cité des 3M (Montaigne, Montesquieu, Mauriac) feint de n’en avoir pas besoin. Demeure British jusque dans ses moindres, ou planétaires, affectations. Avec son miroir d’eau, devant la Garonne et face à la somptueuse Place de la Bourse, que les pieds nus des Bordelais se sont immédiatement approprié et quantité de rafraîchissements et autres ravalements de façades, la ville a été refaite à neuf, briquée comme une pièce de cent sous, y compris sa rive droite, qui revit depuis quelques années. Le long des quais, à deux arrêts de tramway de la Gare St-Jean, se trouve une porte, moins impressionnante que l’une de ses voisines, la Porte-Cailhau, sous laquelle ont longtemps siégé les précieuses éditions de l’Orée, de Martial Trolliet (en voilà un autre, authentique Gascon !) : la Porte-de-la-Monnaie. À l’instar de la rue Vital-Carles que l’on pourrait rebaptiser rue Mollat en ajoutant librairies Vital-Carles, la rue Porte de la Monnaie pourrait être rebaptisée un jour rue Xira ; restaurants de-la-Monnaie. Une institution y trône au premier angle, c’est la Tupiña. Avec un tilde (prononcez « énié ») sur le « n ». Même s’il ne figure pas sur tous les documents et même si Xira lui-même s’en fiche un peu, que cette moustache capricieuse repose ou non sur le « n » du nom de ce restaurant, qu’il acheta pour une poignée de lentilles, comme le père Tari acheta château Giscours une poignée de pois chiches et comme Curzio Malaparte acheta sa fameuse maison à Capri une poignée de figues...
     
    ...Alors c’est vrai qu’une rando à pied en sa compagnie dans les rues méconnues du « Bordeaux de Xira », du côté des « Capu », de la rue Elie-Gentrac, de Saint-Michel dans les coins, peut ressembler à une présentation en règle de ses copains fournisseurs ou pas, d’ailleurs. Du genre : je vous amène des journalistes. C’est précisément là que réside la générosité du bonhomme, que d’aucuns (encore eux !) confondraient avec de l’opportunisme déguisé. Sous-genre : j’avance toujours, pedibus cum jambis, dans les rues de ma ville, chaque matin dès 8 heures, précédé de mon ventre (fais un peu gaffe, Jean-Pierre) et suivi d’une Cour « Pressée ». Après tout, l’Ambassadeur number one des produits authentiquement sud-ouest fait son boulot. Et bénévolement en plus. Sa ville le lui rend bien. Comme le Candide de Voltaire cultivait son jardin, le faux Candide Xira, en vrai bretteur gascon, sait cultiver ses connexions.  On le dit large avec « qui il faut ». Paroles de mauvaises langues, donc de mauvais palais. De buveurs d’eau. Xira a toujours su de quel côté la tartine était beurrée. C’est tout. Sinon, il n’aurait pas fait cuisinier. Mais taupinier.