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St-Trop, le premier papier

EXPRESS 27 juillet 2011_Page_1 (1).jpgRetour de Procida... 

Au courrier, je trouve L'Express et le dossier que j'ai écrit dans l'édition datée du 27 juillet au 2 août. Il comprend 12 papiers, avec ses encadrés et ses manchettes. Voici celui qui ouvre l'ensemble :


De BB à Abramovitch

LOIN DU BLING-BLING

Les traces des années B.B. sont dans les mémoires. Elles ont sculpté un Saint-Tropez inaltérable, aujourd’hui davantage tourné vers une certaine conception de la dolce vita.

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IMG_5036.JPG« Et tard dans la nuit de cet été 1965, Margot ouvrit la porte de l’hôtel familial de La Ponche à Gunther Sachs et à Brigitte Bardot. Ils voulaient une chambre, urgemment : Ma petite Brigitte… Et monsieur Gunther, mais quelle surprise !, s’exclama Margot. Ce fut leur première nuit d’amour ». Simone Duckstein, veuve du peintre Jacques Cordier dont les peintures ornent tous les murs de l’hôtel de La Ponche et directrice historique du lieu, se souvient. Brigitte était déjà une habituée, qui disait de cet hôtel mythique qu’elle y était comme chez elle à La Madrague, « avec la même bande d’amis rigolos ». À deux pas du Port, l’hôtel le plus intime de Saint-Tropez, devant une plage enrochée de poche, la ravissante Grange Batelière et la côte de Sainte-Maxime au loin, a longtemps été l’annexe de Saint-Germain-des-Près. BB y passa des semaines entières, comme Françoise Sagan et la bande de son ami Jacques Chazot, ou avec ses maris successifs Guy Schoeller, Bob Westhoff, Bernard Frank. Les Trintignant, Romy Schneider, Maurice Ronet, Daniel Gélin, Juliette Gréco, Michèle Morgan (toutes deux vivent à quelques encablures), tout le monde est passé par ici, même Jack Nicholson il y a peu. Y compris, lorsque Simone était enfant, les Eluard, Picasso, Mouloudji, Pierre Brasseur, le peintre Dunoyer de Segonzac, enterré au splendide Cimetière marin, tout proche, non loin d’Eddie Barclay dont la tombe est ornée de disques en vinyle démesurés... Les Buffet, par exemple : Annabel a rencontré Bernard à La Ponche en 1958 ! Le petit hôtel semble ainsi être (à son corps défendant, mais pas longtemps), le méridien de Greenwich des amours naissantes et des réconciliations tardives : Simone Duckstein se flatte d’avoir entendue Catherine Deneuve lui dire, un jour de 2004 tandis qu’elle tournait Princesse Marie, de Benoît Jacquot, « c’est vous qui m’avez réconciliée avec Saint-Tropez. » Les larmes lui montent aux yeux à cette évocation. Si Maupassant parle de Saint-Tropez dans ses chroniques données au Gil Blas en 1884, si Colette séjourne fréquemment dans sa maison de la baie des Caroubiers, La Treille Muscate, acquise en 1925 et où elle écrivit plusieurs de ses livres, c’est à La Ponche que Claude Lanzmann situe un séjour avec Sartre et Beauvoir dans Le lièvre de Patagonie. Sagan ouvre un chapitre de Avec mon meilleurIMG_5032.JPG souvenir par ces mots : « Nous sommes à la mi-juin... Je suis assise sur la terrasse de l'hôtel de La Ponche, à Saint-Tropez, à six heures du soir, au seuil de l'été… Les deux pieds sur une chaise ». C’est La Ponche que Bardot désignait à ses amants comme l’endroit le plus romantique du monde… Jacques Laurent –ami intime de Simone, Michèle Perrein qui fut son épouse, Michel Mohrt, Sagan bien sûr, y ont souvent écrit, et nombre d’acteurs s’y sont reposés entre deux journées de tournage. Ce, depuis 1942, pour Le Soleil a toujours raison, avec Tino Rossi, jusqu’aux nombreux tournages des années 70 et 80, en passant par 1955 qui voit un Vadim  impuissant à lutter, l’œil rivé à sa caméra, contre un Trintignant amoureux de sa jeune épouse déjà sacrée « plus belle femme du monde », et la série des Gendarmes ou encore L’année des méduses, et La piscine… Cette maison d’artistes 4 étoiles est un bijou tenu par une élégante délicate et cultivée qui semble ignorer l’autre, les autres Saint-Tropez, lesquels ne la gênent nullement. « À chacun son Saint-Tropez, et tout le monde est heureux ainsi ! », dit Simone, en citant son amie Françoise Sagan. Chacune de ces stars a donné son nom  aux 18 chambres, y compris Georges Pompidou et Kenzo, fidèles de l’hôtel. Non loin, des yachts cathédrales immaculés pressent leur cul contre un quai envahi de badauds et de faux bling-bling facilement reconnaissables. Les terrasses de Sénequier, du Gorille, de l’Escale, du Quai, du Café de Paris et autres font leurs choux gras en quatre mois avec ceux qui passent et débarquent. Mais ce strass est circonscrit. Il a moins les dimensions d’un mouchoir de poche que celles d’un string, dont les mensurations auraient pour élastiques les quais, la Citadelle, la paisible place de l’Ormeau, la Place des Lices les jours de marché (mardi, samedi) et ses boulistes de l’après-midi, lesquels songent à Henri Salvador et à Lino Ventura, et enfin la Tour du Portalet qui ouvre sur le modeste sentier du littoral –qu’il faut emprunter. Oui, le carré des milliardaires, des oligarques, des m’as-tu photographié, est ridiculement minuscule et préserve, on ne sait par quelle magie, le village dans son ensemble. Le pouvoir d’achat de ce maillot de biens est certes considérable, mais le Tropézien, qui a la tête réellement froide, ne s’en laisse IMG_2257.jpgjamais compter. Il a oublié que Mick Jagger s’est marié ici avec Bianca en 1971, il se souvient en revanche qu’il a une autre affaire à faire tourner à Courchevel, en relais de celle-ci sur le port, en deçà ou sur une plage de Pampelonne. Car aujourd’hui, il convient de suivre le VIP à la trace, dans les sillages uniformément blancs comme la fameuse Soirée –et de son yacht et de son avion privé. Le nouveau visage de St-Trop’ est davantage cosmopolite, plus exigeant, plus arrogant aussi. Les maîtres du monde, s’ils possèdent encore, parfois, le tact et l’intelligence effacée, exposent plus fréquemment des attitudes d’enfants gâtés qui veulent tout tout de suite. « Le risque est qu’ils fichent le camp ailleurs, puisque les côtes de la planète leur sont ouvertes », dit Kaled, inquiet militant de l’avenir des plages de Ramatuelle. En attendant les suites d’un éternel imbroglio (voir plus loin), Abramovitch, Paris Hilton, tel Emir, tel rock-star ou king du basket, tel président d’un fonds de pension américain aussi influent qu’un Bill IMG_2248.jpgGates, mais transparent avec son tee-shirt imprimé et ses Havaïanas aux pieds, et dans une moindre mesure un Jean-Michel Jarre ou un Alexandre Jardin croisés ce 5 juillet au fil des quais et aux bras de leur dulcinée, fabriquent le Saint-Tropez d’aujourd’hui. Celui-ci tient du zoo, lorsqu’on se trouve devant ces yachts dont on ne sait pas qui sont les singes : ceux qui les occupent, là-haut, ou bien les humbles qui,IMG_2252.jpg menton dressé et appareil photo prêt à tirer, guettent leurs occupants et se photographient devant des pavillons de complaisance évoquant les îles lointaines ? Il relève de la réserve d’Indiens : les Bateaux Verts proposent pour 9€ une balade en navette à la découverte des « villas de célébrités ». St-Trop’ tient encore du hameau charmant, lorsque l’on emprunte, depuis les quais et jusqu’à la Place des Lices, cette ravissante ruelle Etienne Berny chargée du parfum des figuiers qui dégringolent, et où deux piétons ne peuvent se croiser. Le village magique tient de l’inaltérable enfin, lorsque, devant soi, au cœur de la nuit, à l’heure où l’on quitte hagard les Caves du Roy, un nanti indien proche de la famille Mital (propriétaire dans les environs), évoquant en Anglais son dîner au Polo Club (la cuisine, italienne, y est remarquable), achète, pour se refaire, un panini à 5,40€, ni vu ni reconnu. Record absolu.  

L.M.

PS : L'Express a signé à tort mon dossier du nom de Léon Mazzella di Borgo, or je m'appelle di Bosco. Pfff...

Photos (©LM) : vue du village depuis les abords du cimetière marin, des gosses qui plongent dans la crique de La Ponche depuis la Grange batelière, Tony Parker au VIP, la lampe Kalachnikov dorée qui trône sur le bureau de Grégoire Chaix (vigneron), le seau de mon rosé au Club 55.

 

Commentaires

  • poste de correctrice à pourvoir à l'express ?

  • Aucune idée : je n'y bosse pas à plein temps, mais seulement comme pigiste.

  • Comment ai-je fait pour rater toutes ces années de lecture de ce blog ?

  • merci tardif pour ce compliment (qui m'avait échappé)

  • hasard ? je reviens aujourd'hui sur ce sublime blog et vois ce commentaire.
    le retard est tout pardonné.. n'est-ce pas la saint Léon ?

  • C'est ma fête en effet... (Merci, y compris pour l'adjectif excessif qui qualifie ce blog dont la modestie et l'ambition sont placées sous le signe unique du partage).

  • justement "sublime" pour cette notion de partage !

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