L'Attente
Il est punaisé à l'intérieur d'un placard, chez moi, mais il est de sortie pour vous ce matin, ce poème du si peu connu André Marissel (1928-2006).
L'ATTENTE :
Le soleil insoumis terrorise les vents
Dont les rafales me divisent.
Loin de là, les animaux rassemblent
Dans le sommeil qu'ils apprivoisent
Longuement, pour durer,
Les fragments de mes veilles et de mes songes.
Je n'ai pas vécu, ma parole est une ombre
Qui prolonge une absence de feuille
L'amour se tait sous les troncs, et la honte
Prend mon visage pour témoin
Les odeurs du matin m'enlaidissent
C'est d'herbe sans saveur,
De sève durcie
Que j'essaie d'apaiser ma faim.
L'âme rejoint le corps de la femme visible
A l'instant du départ, printemps détruit
Arbres déracinés que le fleuve détourne
Des tourbillons où la vie coule à pic
Des rives qui supplient.
A l'écoute des pluies et d'un verger, je tisse
Des haillons de mendiants, mon attente
Est celle des pierres prises dans la tourbe
Immortel, transparent, j'ai mes assises
Entre le coeur et l'écorce du silence.