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Grand Seigneur n°2

images.jpegIl est paru ce matin. C'est le trimestriel gourmand de Technikart, Grand Seigneur, le magazine qui ne se refuse rien (based-line du n°1) devenu le magazine food et lifestyle (celle du n°2). J'ai la joie (durera-t-elle, la joie?) d'y signer trois papiers, dont le premier volet d'une chronique bien placée (en dernière page), "La cuisine interdite", qui ouvre avec l'ortolan (lire ci-dessous). Les deux autres papiers traitent du resto Le Baratin (Paris 20) et du resto du Pic du Midi de Bigorre (2877 m d'alt.). 
A lire, notamment (mais tout est à lire là-dedans, car dans le Grand Seigneur, tout est bon) : les papiers et dossiers consacrés à la cuisine des nonnes, à la passion pour les boulettes de feue Amy Winehouse, à la gauche truffée, aux apéros TV d'Aurélia, l'interview de Benjamin Bio(jo)lay et celui de Coffe, le duel Etchebest-Martin, les glaces, les fromages qui coulent, les vins en biodynamie, etc. En kiosque.

 

La cuisine interdite, par Léon Mazzella

Ortolans, le régime Dukan à l'envers

Espèces protégées ou recettes de braconniers... Léon Mazzella, le Jim Harrison des Landes, nous raconte ici l'histoire secrète des cuisines interdites. Et si on commençait par l'ortolan, le grand shoot de Maïté, Juppé et Mitterrand?

Il y a des clichés qui scotchent. Celui de Maïté, papesse de la bouffe gasconne gargantuesque des années 80,faisant une fellation au cul d’un ortolan, sur une vidéo qui circule sur YouTube, est délicieux. Une autre vidéo, où l’on voit Alain Juppé décrire  fugitivement la manière de déguster l’ortolan sous la serviette, ne dit pas que l’une des plus belles installations de chasse à l’ortolan se situait chez son père à Campagne, petit village Landais. Enfin, il y a une indécrottable anecdote selon laquelle François Mitterrand se serait gavé d’ortolans quelques jours avant sa mort, le 31 décembre 1995 chez lui à « Latché », dans le village Landais d’Azur. « L’affaire » fut rapportée dans un livre rédigé par un hâbleur, Georges-Marc Benamou. Car, renseignements pris auprès de bonnes sources (des amis présents aux côtés des Hanin, Lang, Bergé ou Emmanuelli, mais totalement inconnus du public : Jean et Yvette Munier), Tonton n’aurait pas eu la force de s’attabler ce soir-là, il goba une huître à peine et ne trouva pas l’envie de suçoter la minuscule cuisse d’un seul ortolan avant de quitter la salon. J’ai apporté moi-même ces précisions dans un courrier adressé au « Monde » daté 26-27 janvier 1997, car il fallait tenter de calmer un jeu grotesque. Reste que l’ortolan fait débat. Forcément, il est rare, cher, mythique et propice au fantasme.

Tué à l'Armagnac

Il fut longtemps interdit de le chasser aux matoles, ces cages-pièges qui le prennent vivant, entre la mi-août et la fin septembre, sauf si l’on était agriculteur Landais et que l’on respectait un cahier des charges kafkaïen. C’était la résultante d’une tolérance, autrement dit d’un presque vide juridique, jusqu’en 1999. Désormais, la capture de l’ortolan est totalement interdite. Piégé, l’ortolan est néanmoins (encore) engraissé jour et nuit et, ce bruant particulier (emberiza hortulana), le seul de la famille qui soit capable de tripler son poids en deux à trois semaines –c’est le régime Dukan à l’envers-, devenu gras comme un moine, achève sa vie tête la première dans un verre d’armagnac, où il est plongé, qu’il aspire et dont il inonde ses chairs. Ce qui ne gâche rien, honore l’oiseau et son bourreau. Plumé, non vidé, placé dans une cassolette à sa taille –comme un cercueil de luxe-, il est servi aux convives tandis qu’il « chante » encore tant il grésille. La serviette sur la tête, afin de ne pas laisser échapper son fumet et de masquer la grimace du dégustateur qui se brûle et se huile les babines, il est lentement dégusté avec les doigts jusqu’au bec. Tout le reste se mange, possède le goût de la noisette, du foie gras… et de l’ortolan. Et surtout, surtout, de l’interdit. Un goût indéfinissable. Autrement, ça se saurait et serait décrit ici.

300€ par tête

Sa commercialisation étant interdite, son prix unitaire atteint des sommets depuis quelques années. L’essentiel étant de ne pas se faire « choper », confient certains chasseurs et certains restaurateurs. Quant aux heureux consommateurs, ils figurent sur des listes d’attente, rareté des installations clandestines oblige (l’œil d’Allain Bougrain-Dubourg et des caméras de télé qui l’escortent veillent au grain, de surcroît !), et sont prêts à payer chaque oiseau une fortune. Sans parler des palais curieux, comme ceux des gastronomes japonais no limit, capables de casser la tire-lire et de supplier de grands chefs étoilés d’activer leur réseau et de leur en servir en catimini. 200, 300€ et plus l’oiseau ne leur font pas peur, mais calme la plupart des appétits. Il existe une Confrérie de l’Ortolan, à Tartas, dans les Landes. Y sont intronisés des gens de partout, puisque j’ai eu droit à cet honneur le 30 novembre 1996, aux côtés de Me Vergès, d’Alain Juppé et du cavalier olympique Jean Teulère. Les matoles réunies prenaient encore 20 à 50 000 oiseaux à ce moment-là. Invérifiable. Sur un total de un à douze millions de couples nicheurs en Europe. Difficile de savoir. Dans le doute, abstiens-toi. A ce prix-là, ce n’est pas difficile. 

LM

Merci à Pascal Quantin (de Tartas) de m'avoir prêté la photo qui illustre l'article, et où l'on voit 14 convives, serviette sur la tête, déguster leur ortolan à la façon d'un réu. du Ku Klux Klan.

 

 

 

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