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Balade ensorcelante à Zugarramurdi

Papier paru dans TéléParis Obs (Le Nouvel Observateur)

de cette semaine (7-13 mai) 

Observez cette étrange et belle façon qu'ont les villages basques – à l'image parfaite d'Ainhoa –, de faire d'un accotement de maisons typiques un vrai village. Pour notre bonheur, Zugarramurdi n'échappe pas à la règle. Ici, le mot immeuble doit être rarement prononcé et l'etxe (la maison basque) vit épaule contre épaule. Autrement dit, chacune d'elles pourrait aussi bien vivre sa vie en plein champ. Zugarramurdi, au-delà de Sare et aux portes de la vallée du Baztán, est célèbre pour sa grotte (qui se visite) appelée Akelarren-leze et qui fut réputée comme refuge de sorcières jusqu'aux 7 et 8 novembre 1610, dates funestes qui virent trois cents personnes inculpées par le sieur de Lancre pour délits de sorcellerie dont une douzaine brûlées sur un bûcher.

Akelarre désigne l'aire plane située devant la grotte de Zugarramurdi. Le mot vient du basque ake : bouc et larre : pré et signifie réunion de sorcières. Zugarramurdi est donc le village des sorcières comme Lourdes est la ville de la Vierge. À chacun sa grotte. Celle de Zugarramurdi possède une sorte de fenêtre, d'où Aker, le diable à forme de bouc, convoquait sorciers et sorcières, soit ses dévots. Au bout d'Akelarren-leze, se trouve Sorguinen-leze : la grotte des sorcières proprement dite, un havre de fraîcheur au creux duquel coule un ruisseau, Infernuko Erreka (le ruisseau de l'Enfer) ; un lieu propice au laisser-courre de l'imagination.

À la venta-bar-tabac-épicerie et bricoles en tous genres située au centre du village, on évoque avec ravissement le calme de son village. Une sérénité certaine se lit sur le visage du « taulier ». Elle exprime un esperanto du regard et des traits : il suffit de regarder le taulier pour comprendre que la paix l'habite comme elle habite les lieux, même si l'on ne comprend pas un mot de son espagnol prononcé du bout des lèvres, car Pepe n'a plus de dents.

Et les sorcières, aujourd'hui, que sont-elles devenues ?

Pepe rit, dit qu'il n'y en a plus depuis longtemps, évoque ces agapes étranges du 15 août célébrées par les anciens du village, au cours desquelles deux moutons sont tués dans la grotte, puis grillés et mangés sur place, puis il réfléchit en silence, se ravise, sourit et lâche : les sorcières ? Chaque femme en est une, mais ce sont de bonnes sorcières, des fées ensorcelantes !

Son brujas de suerte, des sorcières de bonheur.

Nous marchons doucement jusqu'à sa maison. La vie paisible coule à Zugarramurdi comme le ruisseau de la grotte. C'est à peine si un écho parvient à troubler la surface des choses et l'enveloppe de l'atmosphère. On se prend à rêver d'un passage de sorcières comme d'un vol de palombes, pour réveiller les esprits et mettre le village en émoi. Le poulailler, plongé dans une obscurité à faire frémir les pinceaux d'un Georges de La Tour navarrais, sent le chaud et la paille usée par le cul des poules. Un âne bascule son long museau par-dessus les planches, souffle bruyamment et couche ses oreilles. L'oeil de Pepe s'éclaire soudain. Il se tait. Rêve.

À l'intérieur, sa sorcière de femme est en train d'achever de préparer le déjeuner. Una cocina de bruja buena. Me revient à l'esprit le nom d'une excellente table de San Sebastian, tenue de main de maître par un certain Pedro Subijana et qui s'appele «Akelare» (avec un seul r ). Y voir un signe n'est pas sorcier.

© L.M.

 

Si la visite des grottes de Zugarramurdi et de Sare ne vous suffit pas, faites une balade cool à pied (ou à cheval) autour de ces deux villages, et suivez une partie du long sentier des contrebandiers jusqu’aux cols de Lizarietta et de Lizuniaga, au cône de l’Ibanteli, en pensant à « Ramuntcho », le roman de Pierre Loti. Durée à la carte : 1, 2, 4 heures et plus. Carte IGN TOP25 n° 1245OT.

Autre rando possible : jusqu’à Etxalar, visite de la palombière aux filets verticaux (pantières), et halte à la « venta » Halty, en revenant vers Zugarramurdi, pour reprendre des forces à base de charcuterie espagnole et de vins de Navarre…

Y aller :

TGV jusqu’à Bayonne (env. 5 h depuis Paris-Montparnasse), puis route de Sare. Zugarramurdi est à 4 km du fameux village des contrebandiers.

Manger et dormir :

À Sare : Hôtel restaurant Arraya. Une institution au cœur du village. Formidable cuisine basque « reloaded », chambres cosy. Achetez leur gâteau basque en partant. Tél : 05 59 54 20 46.

À Zugarramurdi : auberge (hôtel-restaurant) Graxiana : belles chambres spacieuses, cuisine navarraise rustique et généreuse. Tél : +34 675 711 498 (Espagne).


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