Les platanes le long de l'arrêt Toulet
Dépêché dès potron-minet par une urgence relative consistant à glisser un recueil de poèmes dans une boîte aux lettres voisine, je chevauchais sur ma moto Brixton en me rêvant estafette par temps guerrier. Mission accomplie, je poursuivais au gré, chemin faisant. Et tombais, abasourdi devant le nid d'une fraîche promise, sur une aberration. Tous les arbres - de forts beaux platanes - de l'avenue qui mène à son adresse, avaient été réduits à néant. Cette castration en règle à ras le tronc, le long gauche de l’avenue Monseigneur Mugabure en la remontant ce matin sur le gravier de Guéthary, me fit l’effet d’une décapitation capitale, collective et injustifiée. Je remontais le cours d’une exécution générale. Je cessais de compter les victimes au-delà de neuf. Les merles, les rougequeue noirs, les mésanges charbonnières nombreux hier encore à passer d’un arbre l’autre, fussent-ils rabougris car étêtés de frais, se taisaient à présent, observant le deuil de leur comptoir, comme la tronçonneuse s’était tue par pudeur, voire honte. Le forfait accompli, il restait à compter dans le bleu du ciel quelques splendides indifférents, goélands leucophée, milans noirs en maraude depuis plusieurs semaines. Les passants croisés se rendaient-ils compte, j’en doute. Le paysage avait changé tout à trac. Un pan d’histoire était tombé comme après un coup de hache insensé du Malin. À l’arrêt « Toulet » de la navette estivale qui attend son panneau, sur cette même avenue emblématique du village, je pensais à Paul-Jean dont nous venons de fêter le premier Prix (je siège au jury) et à cette évocation tragique dans la XIVe de ses Romances sans musique : « Et des platanes d’or le long gémissement »... Je rebroussais chemin, car le Madrid est fermé le lundi, et m’allais songer sur le sable de Senix (je n'aime pas dire Cenitz) aux arbres dessinés par Georges Ribemont-Dessaignes illustrant ceux de Prévert, devant la grande bleue - à marée basse à l’instar de mon cœur. L.M.
Commentaires
J'ai connu çà dans les années 60, avenue Foch à Saint-Cloud. Tous les marronniers centenaires (?) cisaillés et déracinés. Un massacre et un déchirement (j'en avais écrit une nouvelle). Les superbes trottoirs pavés détruits dans la foulée et remplacés par une sorte de béton rougeâtre. Tout çà pour gagner 1,00m à gauche et à droite pour faciliter la nouvelle circulation croissante! Heureusement, plantation à l'identique de maigres tilleuls devenus depuis les vénérables piliers de l'avenue.
Si les tilleuls ont remplacé les marronniers, ça va. Là, une promesse de nouveaux platanes est annoncée. J'en doute, et dans l'attente, les oiseaux ont l'élégance, le courage, l'optimisme de continuer de chanter.