Château Corbin 2020
Surgit au cœur de l’été un invincible hiver éphémère. Le pastiche camusien s’imposa. C’était hier. Le thermomètre dégringola jusqu’à la cave, d’où nous remontâmes un grand cru classé de saint-émilion, château Corbin 2020. Bras tendu, sa robe grenat, profonde, trancha sur le gris du ciel. Au nez, des flaveurs mises entre parenthèses par les rosés fluets de saison remirent le couvert avec force fruits rouges et baies sauvages où dominait la cerise noire. Le merlot, en majorité écrasante dans l’encépagement partagé avec un soupçon de cabernet franc sur treize hectares d’un seul tenant, livra sa caractéristique complexité aromatique. La bouche, suave et longue, ses soyeux tanins, sa force contenue et son élégance discrète signèrent la patte d’une femme de bon caractère.
Depuis 1999, Anabelle Cruse Bardinet (photo ci-dessous) est aux commandes de Corbin, épaulée par une équipe vécue comme une seconde famille. C’est toujours une femme qui a présidé ce domaine centenaire marqué par le souci de parfaire une sorte d’« artisanat de luxe », se dit-il entre les rangs de vigne comme au chai, où tout est fait main.
Nulle alliance solide cette fois, le temps n’ayant pas été assez frais pour une côte de bœuf de belle extraction. Juste une concentration exclusive de l’attention sur le verre et l’histoire qu’il nous raconta en trois temps et davantage.
En revanche, et comme toujours, quelques suggestions parallèles : Lord Jim de Joseph Conrad, Vie et mort de Jean Chalosse moutonnier des Landes, de Roger Boussinot, et Les Foulards rouges, de Frédéric H. Fajardie. Côté son, Au-delà du délire, album du groupe Ange, et enfin Ostinato, album d’Hesperion XXI dirigé par Jordi Savall. Qu’on se sentit bien... L.M.
40€ environ. Cavistes avisés.
Commentaires
De mon côté, je lis "Pan" de Knut Hamsun tout en buvant un remarquable Cornas de la Vallée du Rhône....Pensées à vous.
Et Tom Waits dans "Retour de Plage" sur France Musique....Revigorant!
Excellents choix ! "Pan" est mon Hamsun préféré. Pourtant j'ai lu beaucoup de romans de cet auteur, mais je reviens à "Pan" régulièrement. Ah, les cahiers du lieutenant Thomas Glahn... Ce personnage solitaire, reclus, un rien vagabond, chasseur, son chien Esope, ses déboires amoureux, Edvarda, Eva, l'omniprésence de la nature norvégienne, la rupture rousseauiste d'avec le monde, la civilisation urbaine. Tout cela m'envoûte depuis très longtemps. Cornas, AOC ambassadrice de la syrah dans les côtes-du-rhône septentrionales, produit des rouges puissants que j'apprécie sur le gibier à poil, au creux de l'automne... Merci cher André Boeuf, pour vos fidèles pensées et messages.
On pense presque immédiatement à "Feuilles d'herbe" de Walt Whitman et à "Walden..." de D.H.Thoreau... Tous ces écrivains profondément appréciés par mon cher Henri Miller.
Et, de nos jours, bien sûr, à Sylvain Tesson dans sa cabane de Sibérie, soutenu par la remarquable interprétation par les "Têtes Raides" de "Notre besoin de consolation. est impossible à rassasier" de Stig Dagerman. Par exemple et par simples associations de pensées, sans comparaisons ni jugements.
Oui, le "Walden" de Thoreau bien sûr, ainsi que "Le traité du rebelle, ou le recours aux forêts " d'Ernst Jünger. Je sais que Sylvain Tesson aime beaucoup "Pan". Ça reste en famille tout ça, avec Walt Whitman bien entendu. Envie d'ajouter Adalbert Stifter et ses "Grands bois", son "Homme sans postérité", Novalis et ses "Hymnes à la nuit", Kleist et plusieurs de ses contes. La liste pourrait s'allonger car le cousinage est large, et d'ailleurs assez peu sudiste. La peinture de Friedrich n'est pas loin, ni la musique de Wagner (Parsifal, surtout, que Gracq n'écoutait jamais sans pleurer)... Quant au précieux opuscule de Dagerman, aussi bref que son titre ou peu s'en faut, il faut le relire régulièrement. Question d'hygiène mentale, comme de revoir certains films. Manie de gosse, le plaisir de ressentir à nouveau...