Patience...
La correspondance André Breton, Julien Gracq couvrant les années 1939 à 1966 (année de la disparition du pape du surréalisme) paraîtra le 16 octobre. Gracq écrivit une seule biographie, celle de Breton, André Breton, quelques aspects de l'écrivain (José Corti, 1948). C'est ce dernier qui remarqua le jeune Gracq lorsqu'il publia son premier livre, le roman Au château d'Argol chez José Corti en 1938. Ils se rencontrèrent à Nantes en 1939 et leur correspondance commença alors. Breton considérait Argol - texte imprégné de romantisme allemand -, comme "l'aboutissement du surréalisme" (*), un mouvement dont Gracq se départit aussitôt. André Pierre de Mandiargues, compagnon de route du surréalisme et futur ami de Julien Gracq, évoqua un "château ardent" à propos de ce premier livre qui met en scène trois personnages, deux hommes et une femme, les deux amis Albert et Herminien et Heide venue avec Herminien, ou plutôt cinq si l'on compte le manoir que possède Albert depuis un mois à peine et où se retrouvent ces trois personnes, ainsi que la forêt omniprésente qui coupe du monde ce trio fasciné, et dans les méandres de laquelle le lecteur semble entendre le Parsifal de Wagner. Nous savons que Gracq fut littéralement envoûté par l'immense personnalité, le caractère, l'écriture de Breton, "l'intercesseur" disait-il, et ne se cacha jamais d'entretenir une amitié "un peu cérémonieuse" avec son aîné. Gallimard nous annonce donc pour l'automne un volume de leurs échanges. Il va falloir patienter. Mais, comme l'écrivit André Breton : "Indépendamment de ce qui arrive, n'arrive pas, c'est l'attente qui est magnifique." L.M.
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(*) Breton évoqua Au château d'Argol à la faveur d'une conférence prononcée à Yale en 1942 dans ces termes : "il s'agit d'un roman où, sans doute pour la première fois, le surréalisme se retourne librement sur lui-même pour se confronter avec les grandes expériences sensibles du passé et évaluer, tant sous l'angle de l'émotion que sous celui de la clairvoyance, ce qu'a été l'étendue de sa conquête."