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Les suffisants

J’en ai assez de croiser des gens satisfaits d’eux-mêmes, qui s’autoproclament exceptionnels, se félicitent tous seuls, s’envoient constamment des fleurs, s’écoutent parler, et ne sont jamais à l’écoute de l’Autre. Ils passent le plus clair de leur temps à cirer leur ego et à gérer leur misérable carrière personnelle. Ceux-là sont tellement sûrs de leur (maigre) savoir, de leur opinion (hâtive) sur tout et de leurs certitudes, qu’ils ne s’aperçoivent jamais combien ils sont pitoyables et agaçants. Ils effectuent un voyage immobile dans le paraître, qui va du miroir de leur salle de bains au déballage de leur absence de doute, à qui veut bien les entendre. Les écouter est au-dessus de mes forces. Ce ne sont même pas des sophistes, car pour l’être, il faut un certain talent –condamnable certes-, mais un talent quand même. Untel me sert une psychologie à deux anciens francs, en poseur, avec le ton emprunté d’un consultant, déclarant ce qui est bon pour moi. Un autre affirme à longueur de phrases, ignore la confrontation et la remise en cause, et s’imagine toucher au sublime en reproduisant du ringard. Celle-ci veut m’attirer dans le champ de ses convictions, au mépris de ma liberté de jugement. Celui-là prétend connaître tout de moi et s’invente une mission réparatrice à mes côtés, quand je ne souhaite que solitude et recueillement au bord de la mer. Ce manque de tact m’effare. L’autosuffisance et son cortège de négligence, d’irrévérence, m’afflige. J’ai le sentiment de ne croiser que des êtres boursouflés de narcissisme, des bouffeurs de ma liberté. Au secours Socrate, qui savait seulement qu’il ne savait rien ! Devenu avare du temps que je souhaite consacrer aux autres, je décide de ne plus prêter attention à ceux qui m’enquiquinent avec leur jargon, leurs leçons, leur être bouffi d’égoïsme et leur vide ; en somme. Je préfère la compagnie d’un mauvais livre à une rencontre qui sonne creux, et préfère aux deux, un paysage que j'observe tranquillement. Fuir, esquiver, me cacher des raseurs, ces parasites qui ne vivent qu’aux dépens de ceux qui leur servent de chambre de résonance. Je n’ai pas cette vocation, ni celle de perdre mon temps. La vie enseigne chaque matin qui se lève, qu’elle sera de toute façon trop courte pour pouvoir croiser tous ceux qui valent la peine parce qu’ils nous correspondent. Alors la paix ! Que ces gens, vilipendés ici, passent à côté de ce qui me paraît être une vie plus vraie –ou moins futile-, ne me gêne guère. Mais quand ils se transforment en pompes aspirantes posées en travers de mon chemin, ils constituent un délit d’entrave à ma liberté. Et je vois rouge, n’étant pas toujours à l’aise pour contourner l’obstacle quand il m’impose son indélicatesse, ni suffisamment leste pour sauter d’un seul bond par-dessus...
Ces rencontres involontaires me font penser à Henri Calet, le délicat auteur des Grandes Largeurs et de Peau d’ours, ce journal intime qui s’achève, la veille de la mort de son auteur, par ces mots : « Ne me secouez pas, je suis plein de larmes ». Calet écrivit, en observant des célébrités à son corps défendant : «  En quelle école enseigne-t-on ces manières de dédain ? Comment acquiert-on cet inimitable regard vide ? »…
Voilà. Ce trente novembre bleu et (enfin) froid, comme j’aime les journées de novembre sur la Côte basque, m’a fait buter sur deux raseurs, en ville. Par bonheur, je suis parvenu à m’en défaire et à rejoindre la plage de la Chambre d’amour, ma querencia entre toutes les querencias, où je parviens toujours à me laver du gris de la vie, sans le recours à un crawl dans les vagues, mais en contemplant ces filles de l’horizon qui meurent si bellement, le ventre creusé par un modeste vent d’Est.

Commentaires

  • comme ici la côte bretonne n'est pas mal non plus en cette saison, je ne vous emmerderai pas mais je vous comprends bien.

  • Je te comprends, moi aussi, ho combien!
    Et tu as raison de préférer la solitude et le vent d'Est à la bêtise humaine.

  • C'est moins la bêtise humaine en général que certains aspects de celle-ci (décrits dans ma note) qui me font préférer m'asseoir sur le sable de la Chambre d'amour. Je sais que tu raisonnes ainsi, oh combien!..
    Merci de ta lecture.

  • Je vous rencontre à peine, je vous lirai. Pareille bataille de mots pour pourfendre l'envahisseur m'a régalée. Pour un peu, je m'apaisais.

  • Merci de votre lecture. Avez-vous un blog? Ces machins servent avant tout à échanger d'un blog l'autre.

  • Je n'en ai pas, j'y penserai, je suis lectrice, je me régale des mots des autres. Grace aux blogs, je peux me repêtre moins égoïstement, et rendre un peu par un commentaire de ce que j'y ai pris, du moins, essayer. Je me sers, je consomme, sans rien construire, ou pas encore, qui sait...

  • Lancez-vous! Cela prend 5 minutes top chrono. Même pour un manchot comme moi. (hautetfort.com, et hop!)

  • C'est noté. Mais patienteriez vous de me lire sur un blog si je me contentais de réagir à vos notes avant que d'en proposer en pature aux regards anonymes ?

  • no problem!

  • Banco ! On arrose ça d'un limoncello ? C'est moi qui invite, en attendant que vos citronniers ne forcissent, c'est la bonne heure. A la votre ! Votre air est iodé d'océan, le mien plus mare nostrum, qu'à cela ne tienne, le soleil est dans le citron sans point cardinal, c'est donc égal.

  • Cela risque d'être un peu compliqué pour votre limoncello, ces prochaines semaines ou prochains mois. Mais je suis sensible à l'ivitation.
    Quant au (futur) mien, il est strictement réservé, comme indiqué.

  • être à l'écoute de l'autre , être fidèle à soi même , au prix du doute ,
    pas facile de mastiquer en choeur , ah une percée dans l'opacité , un livre qui surprend , un visage qui émeut , un paysage comme un pressentiment ,

  • Merci pour la belle citation d'Henri Calet, que je ne connaissais pas.

    Je suis d'avis, comme toi, que "La vie enseigne chaque matin qui se lève". Elle est de fait une sage et fine enseignante, même si elle nous semble, par moment, cruelle.

  • Merci, ça fait du bien de mettre des mots sur un sentiment de révolte et de ras-le-bol.
    Si vous saviez le nombre de personnes à qui votre texte m'a fait penser. Grace à cette lecture je les repousse encore d'avantage et consolide ma liberté...

  • Marie-Josée, Quelle ne fut pas ma surprise de voir que Miossec (le chanteur, que j'aime beaucoup, surtout pour ses paroles) a eu l'audace de s'approprier cette belle phrase de Calet dans l'une de ses chansons! (La facture d'électricité). On lui pardonnera cette faute de bon goût, non?

    krinounk, Je suis heureux si écrire cela vous permet au moins de trouver davantage de force pour repousser les raseurs et autres prétentieux creux et parfois visqueux! Préservez votre liberté. Tout le reste est accessoire.

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