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gastronomie

  • Chocolat

    Déguster du 70% en compagnie de Pierre Hermé (nous faisions partie tous les deux d'un petit jury, avant-hier, pour un banc d'essai à paraître dans un magazine gastro), est un pur bonheur! Ce garçon est aussi simple que passionnant. Sa starisation ne l'a pas changé d'un iota. Et il parle du chocolat comme personne. Mieux que les sept tablettes à découvrir à l'aveugle, ses commentaires, touchants d'humilité, et qui dissimulent avec délicatesse une immense connaissance du sujet, furent -à mes yeux-, le réel intérêt de cette rencontre.

    Allez! Je file à sa pâtisserie de la rue Bonaparte m'offrir un Ispahan. Ca me dé-downera (peut-être) le moral.

  • Le goût de la baie

    Lorsque nous faisons l’amour, nous ne pensons pas gynécologie. Lorsque nous lisons des poèmes, nous ne supportons ni les notes en bas de page ni les annexes universitaires moins décortiqueuses qu’urticantes. Lorsque nous assistons à une corrida, nous avons envie de silence, pas de commentaires. La politique dans un roman, c’est comme un coup de feu dans un concert, disait Stendhal. C’est pareil pour le vin. Œuvre de l’homme dédiée au plaisir, le vin ne supporte pas le discours analytique que d’aucuns tiennent pour paraître savants. Le vin doit d’abord nous toucher, nous plaire ou nous déplaire, et sa dégustation ne devrait pas sacrifier à la recherche obstinée de tout, sauf du raisin ! Le sujet excite les papilles autant que les neurones, mais le discours, loin de se lover dans le sensible, se vautre ailleurs : il fait l’intéressant pour montrer qu’il en sait plus que toi, nananère ! C’est d’un ennuyeux. Au cours de dégustations chics, certains évoquent des vins « couillus » ou « qui ont du poil aux pattes ». Curieusement, les adjectifs féminins disparaissent, sauf à propos des « vins putes ». Avec de tels attributs, nous nous éloignons un peu de l’exposé abscons des chirurgiens du vin qui nous les cassent (les oreilles), et qui sont à des années lumières du principe de plaisir. Dans d’austères salons, on entend (avant de fuir) untel prétendre avec certitude, of course, que c’est la marque du verre qui assèche tel vin. Et l’autoproclamé connaisseur d’exiger tel autre verre dont nous tairons la marque… Laissons les prétentieux à leurs jeux tristes, et buvons un coup.  Je préfère le discours sensuel d’un vigneron un peu fêlé, charnellement épris de sa vigne, le parler fleuri d’un poète du vin, à un laïus de poseur en stage de compta. analytique. Beauté, mon beau souci, titrait Valery Larbaud sur un de ses livres. Plaisir, mon beau souci, mon unique souci, devrait être le credo de l’amateur. Et : j’aime ou j’aime pas, l’expression de la liberté la plus nue. Buvez si vous aimez, puisque la vie est courte. Tour le reste est mauvaise littérature.

  • dans L'Expansion/Tendances de décembre...

    ...je publie ce papier sur le patron des "guides rouges" (en tant qu'ancien directeur des rédactions du magazine et des guides GaultMillau, ce fut amusant de réaliser cette interview).

    Jean-Luc Naret
    JE SUIS UN REVELATEUR DE TALENTS
    Le patron des fameux Guides Michelin était marchand de rêves dans une première vie. Il s’emploie aujourd’hui à développer la marque du « bib » à l’international. Analyse d’un succès.
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    medium_bib.jpeg Il est élégant, souriant, fringant, mince, sa voix a le juste timbre –clair et assez grave-, il a le sens de l’accueil et il porte ses 45 ans comme on soulève une plume. Jean-Luc Naret est un homme de tact. Passé par la direction de quelques-uns des plus beaux palaces du monde, il est depuis trois ans à la tête des guides Michelin : le fameux « Rouge » hexagonal et quinze autres éditions, c’est lui. Une première dans le système de l’institution séculaire, car le sixième directeur du guide est le premier à avoir été recruté à l’extérieur et à ne pas faire partie du sérail interne. Il rejoint le groupe du « Bib » en septembre 2003, et après avoir travaillé, six mois durant, en étroite collaboration avec son prédécesseur Derek Brown, il prend ses fonctions le premier juin 2004. Diplômé de l’Ecole hôtelière de Paris, Jean-Luc Naret a commencé fort, à 21 ans : En 1982, lui est proposée –comme premier job-, la direction du Venice-Simplon-Orient-Express, le fameux train de luxe. La suite est un enchaînement de rêves, et un enchantement : il fera son armée comme steward en Polynésie, et prendra la direction adjointe de l’hôtel Bora-Bora, composé de bungalows sur pilotis, en descendant de l’avion militaire. « C’est à partir de ce moment-là que je suis devenu marchand de rêves », dit-il. Retour à Paris, où il est sous-directeur du Bristol. « Mon directeur ma tout appris des subtilités du métier, en particulier le sens du détail, et l’art et la manière de parer à cet imprévu permanent qui rend le métier fascinant ». Il y restera quatre ans. Il a 29 ans, et se dit : « Dans la vie, on fait son éducation de 20 à 30 ans, sa réputation de 30 à 40, et ensuite on transmet de 40 à 50 ». Ambitieux, il se donne une mission : décrocher un poste de direction générale avant son trentième anniversaire. La timbale s’appellera One & Only Saint-Géran, à l’île Maurice. Là, l’expérience s’enrichit : « Au Bristol, je recevais des stars, la jet-set, à Maurice, il m’arrivait de recevoir les mêmes personnes, mais en vacances. À Paris, je leur créais du rêve. Sur les îles, je m’employais à ancrer ce rêve dans leur mémoire ». Pour le même groupe, il ouvrira le Palace de Lost City en Afrique du Sud, et l’Ocean Club aux Bahamas. La suite est édifiante : il ouvre Atlantis hôtel aux Bahamas, il rejoint une année Versailles et son Trianon Palace, repart à Maurice où il crée The Residence. Il refuse d’ouvrir le Burj Al Arab à Dubaï  -il est chassé régulièrement par des cabinets de recrutement. A 40 ans, il ré ouvre le Sandy Lane, à La Barbade, qui sera sacré « Meilleur Resort » du monde. La consécration ! Autant dire que pour Jean-Luc Naret, les Tropiques ne sont pas Tristes… C’est alors que Son Altesse l’Aga Khan lui propose de diriger les opérations de son groupe hôtelier, en Afrique et au Pakistan.
    Il serait aujourd’hui à un haut poste de direction pour le compte de l’Aga Khan, si un chasseur de tête, encore, ne l’avait dérouté vers Michelin. « Ma rencontre avec Edouard Michelin fut certes décisive, mais je pense que mon discours sur la nécessité d’une ouverture sur le monde, d’une marque majeure et leader en Europe, mon parcours dans l’hôtellerie de luxe bien sûr, et ma personnalité, ont plu ». Jean-Luc Naret n’a alors de cesse de faire évoluer la marque tout en consolidant son assise extraordinaire en France (375 000 exemplaires vendus de l’édition 2006 classent « le Rouge » très loin au-dessus de ses concurrents), et en Europe, où se situe 80% du chiffre d’affaires d’une marque déjà présente dans 11 pays. La volonté du nouveau boss : partir à la conquête des USA. Puis de l’Asie, en faisant des guides d’un nouveau genre. Ce sera le guide de New York : véritable succès de librairie (110.000 ex vendus en moins d’un an), c’est une sélection des meilleures adresses d’hôtels et restaurants selon Michelin, soit l’équipe locale de dix inspecteurs « full time » comme le sont tous les inspecteurs des guides rouges. Illustré, assorti de commentaires parfois longs (une à deux pages pour les étoilés), ce qui est nouveau dans la maison, où l’espéranto du pictogramme (permettant depuis toujours aux étrangers de « lire » le guide français), et la réputation de sécheresse, a effectué sa révolution culturelle en introduisant, en 2000, les fameuses deux phrases de commentaires ! Là, les guides de New York et de San Francisco (ce dernier, sorti ces jours-ci, est déjà en tête des ventes sur amazon.com), sont plutôt littéraires, vivants, hauts en couleurs. La notoriété de la marque, la rigueur de la sélection, la compréhension par l’Américain qu’il s’agit de guides pour les lecteurs et pas pour les chefs, ont conquis d’emblée le marché, pourtant occupé par « Zagat », et les pages du « New York Times » ou du « San Francisco Chronicle ». Le miracle est là : le capital confiance, l’image de Michelin, le fait qu’un étoilé de San Francisco ou de France, soit choisi sur des critères identiques, rend les « rouges »  universels, même si, grâce à leur équipe locale, ils sont suisses en Suisse, et espagnols en Espagne. (En Europe, chacun des 70 inspecteurs « full time », dont 10 pour la France, visite plus de 250 établissements par an). « Flattés, les chefs américains en redemandent, et d’autres vont s’installer à New York ou à San Francsico parce que le guide s’y trouve désormais », ajoute Jean-Luc Naret. La récompense est là. Du coup, le boss du rouge va partir à la conquête d’autres métropoles américaines, tout en préparant un ou deux lancements en Asie. Le sens du secret faisant partie de l’esprit maison, le nom de la ville est inconnu pour le moment : Hong Kong, Shanghai, Tokyo ?..
    Le directeur n’oublie pas pour autant la France, loin s’en faut : un guide de Paris (en deux versions : Française et Anglaise), et un autre de Londres vont bientôt paraître, à l’image des guides américains, soit plus modernes, avec des photos, et plus textuels. Le guide de Paris ne sera plus un simple extrait du « guide mère », lequel paraîtra pour la première fois en deux éditions : Française et Anglaise. Mais la philosophie restera la même pour les inspecteurs, bras armés des Rouges : révéler davantage que juger les chefs, à partir de rapports de plus en plus élaborés, précis, et d’une rigueur légendaire. Ce qui permet à Jean-Luc Naret de déclarer : « J’étais marchand de rêves. Aujourd’hui, je suis révélateur de talents. Et notre métier, chez Michelin, ce n’est pas de faire des guides, mais de publier des sélections de restaurants, d’hôtels –et de maisons d’hôte ».
    Face à la concurrence symbolique des autres guides (Michelin est leader dans chaque pays où il est présent), à la fausse concurrence de la presse quotidienne et magazine qui a une vocation croissante à « guider » son lecteur (« Michelin est annuel, la presse éphémère », répond M.Naret, « la presse annonce une nouveauté, quand nous prenons le temps de la jauger avant de l’inscrire si elle le mérite »), les guides choisissent de développer le multimedia. ViaMichelin.com, le site de la marque, traduit en cinq langues, avec ses liens sur les tables et les hôtels, est un succès colossal : 30 000 connections par jour, soit 10 millions par an, pour les seules demandes d’adresses de restaurants et d’hôtels ! Depuis 1996, viamichelin est présent sur la « navigation embarquée » (le GPS de votre voiture), sur les PDA (assistants personnels), et aussi, via Bouygues Telecom seulement  (pour l’instant), sur les téléphones portables : un clic, vous êtes localisé et un choix d’adresses vous est envoyé illico. Michelin a donc compris le nomadisme, et aussi les préoccupations de certaines clientèles : « Je suis fier de mon dernier bébé », déclare le directeur, « Main Cities of Europe ». Il s’agit d’une sélection de 3000 adresses dans 37 villes. Un guide (en langue anglaise), à l’adresse des businessmen qui sautent d’un avion à un autre, et de tous les gourmands et gourmets qui ne laissent rien au hasard, fut-ce pour une nuitée. Un guide transversal, thématique, le premier du genre. Mondialisation oblige ! S’agissant de la mondialisation de la cuisine (nul n’étant épargné), Jean-Luc Naret considère que la particularité de chaque cuisine demeurera. « Cependant, à ce propos, il faut mettre en garde les jeunes chefs qui vont faire leur tour chez Ferran Adria, puis chez Ducasse, et puis qui rentrent chez eux aux quatre coins du monde, et s’imaginent qu’ils sont devenus des Adria ou des Ducasse bis. L’humilité doit les guider. Et la mondialisation, ce n’est pas cela… Non, le positif dans cet univers, c’est la qualité des produits, qui ne cesse de croître depuis dix ans, ainsi que la technicité en cuisine, qui les sert mieux que par le passé. L’effervescence du milieu, aussi : ça bouge sans cesse ! C’est pourquoi, à la fin du guide de New York, il y a par exemple une page, « coming soon », sur les futures bonnes adresses annoncées, repérées, et qui ont ouvert après parution… ». Aujourd’hui à la tête d’une armée de 500 personnes, dont 350 au siège parisien, d’inspecteurs, traducteurs, rédacteurs, cartographes, éditeurs… Jean-Luc Naret ne regrette pas les palaces de sa première vie. Son lagon se trouve désormais avenue de Breteuil, dans le 7ème à Paris, et des canards barbotent parfois sur le plan d’eau, au milieu du jardin, à l’entrée. L.M.