LES VOSGES COTE LACS (PAPIER PARU DANS LE NOUVEL OBS JEUDI DERNIER) Ne cherchez pas la ligne bleue, elle se trouve dans le regard de cette jeune femme qui vous apporte un jambonneau au foin à se damner ; et nulle part ailleurs. A l’instar de cette Taverne alsacienne de Gérardmer, les bonnes auberges typiques ne manquent pas dans les Vosges. Et d’Est en Ouest, et de la plaine forestière à la montagne, la nature regorge de propositions de randonnées cool. A pied, ou en VTT, les sentiers bien balisés sont nombreux. La plupart partent du centre des villages. Nous avons choisi la thématique aquatique pour un week-end dans le berceau des sources thermales comme Vittel et Contrexéville. Après avoir visité ces stations au charme désuet : l’établissement thermal historique et le casino y deviennent des monuments, traverser la plaine verdoyante, parsemée de prairies piquées de troupeaux de vaches, de champs de blé et de colza à perte de vue parfois, laisse augurer des perspectives bucoliques. Franchir un col plat comme la main (celui du Poirier) et se savoir néanmoins à 433 mètres, renforce notre appétit de marche et notre envie d’en découdre avec les nombreux lacs alentour, en nous rappelant qu’en plaine, les Vosges vous donnent déjà de la hauteur. Au départ d’Epinal (où l’on arrive depuis Paris), le lac du Bouzey, situé à proximité, et que l’on préfèrera au lac d’Epinal, trop domestiqué, possède le charme des petits lacs scandinaves aux formes imprécises et aux queues noyées dans une végétation lacustre et des lisières de forêts sombres. Si la baignade est interdite car le site est « envasé », les promenades en barque, canoë, et en pédalo sont proposées tout autour. La pêche y est autorisée mais règlementée comme partout dans la région. De petits chalets cachés dans les sapins émergent çà et là. Un club hippique (balades en poney et à cheval), un labyrinthe dans un champ de maïs –pour les enfants- , et un snack (chez Cathy) font de Bouzey un havre où la nature semble miniaturisée. Au-delà du couvert forestier des environs d’Epinal, sur la route de Colmar et Gerardmer, nous passons le col du Haut-Jacques, 606 mètres, près de Rouges-Eaux. Il faut pousser jusqu’à Saint-Dié, puis vers Raon-l’Etape, pour accéder aux fameux lacs de Pierre-Percée, situés en bordure (administrative) des Vosges, en Meurthe-et-Moselle. C’est un haut lieu du tourisme aquatique. Avec sa base de loisirs et son Aventure Parc, l’immense lac en forme de feuille d’érable, et aux allures de lac canadien –bordé de sapins, il nous donne immédiatement l’impression qu’un hydravion va surgir et qu’un ours va pointer son museau au bord de l’eau… On y pêche paisiblement la truite, l’omble, le brochet ou le sandre. Tout autour, l’environnement, formé notamment de la grande forêt domaniale des Elieux, est classé zone de silence. Les circuits pédestres autour du lac, par étapes ou dans sa totalité (30 km, 6 à 8 heures, dénivelé 50 mètres à peine), sont balisés avec précision. En VTT, le circuit se réduit à 27 km et nécessite 4 heures (dénivelé 453 mètres). Choisissez la balade de la Roche des Corbeaux (6 km en 1h45), ou bien celle des Trois Sapins (5,8 km en 1h40), ou encore la Vierge de Para (balade de 4,6 km en 1h 20), pour vous donner une idée de la beauté du site. A la base de loisirs, tout ou presque est possible. Plage surveillée en été, pédalo, tir à l’arc, canoë, voile, catamaran, aviron, surf-bike, sans parler du mini-golf, des tennis, et du stade situés à proximité du camping et des chalets en location. Après une journée riche en adrénaline trempée en eaux vives, cap sur Gérardmer pour une seconde journée en montagne, à la découverte de lacs glaciaires d’altitude et des fameuses cascades vosgiennes qu’il faut dénicher en pleine forêt. Gérardmer est une station étonnamment vivante à longueur d’année, qui contraste avec les villes thermales visitées la veille, et même avec Epinal, pourtant beaucoup plus grande. La rue François-Mitterrand, à elle seule, et la place qui la prolonge, sont un concentré de jeunesse et de vie nocturne. La ville est d’ailleurs le siège de nombreux événements (festivals en tous genres, notamment de cinéma et de musique, manifestations sportives…). Oubliez pour le moment le lac de Gérardmer, prenez le chemin de Sapois jusqu’au Saut de la Bourrique, où se trouve une rando sympa avec une cascade pour but. A votre droite, une halte casse-croûte est possible à l’hôtel-restaurant L’Echo de Ramberchamp. Le paysage devient magnifique, fait de petits vallons très verts entourés de forêts de sapins. Au fond, une vallée est baignée par les rayons de soleil qui ne vont pas tarder à darder sur vous. La brume matinale monte. De longues mèches d’air condensé s’effilochent entre les ramures des sapins et disparaissent en partant à l’assaut du ciel. A la fourche (à 8 km de Gérardmer), filez à droite vers le Haut du Tôt, où les ânes se louent pour une balade ! Arrivés à ce village très mignon –le plus haut des Vosges : 832 mètres-, vous avez le choix des randos : De dix minutes à 7 heures (jusqu’au col de la Schlucht). A partir de l’église, suivez, par exemple, le circuit de la Cascade de la Pissoire. La balade n’excède pas une demi-heure à l’aller (la cascade se situe à 720 m d’altitude), et une heure au retour, par un large chemin, celui de La Croix des hêtres. L’aller se fait en lisière de forêt, le retour en plaine. Revenus au village, une halte nous paraît obligatoire au Charrut, temple du sous-bock, pour l’accueil légendaire de la patronne, fervente « cervalobalophile » (collectionneuse de sous-bocks) : elle en possédait 4902, tous exposés, lors de notre visite à la mi-mai. Excellentes crêpes et omelettes revigorantes, avec une pinte de Bête des Vosges, la bière locale qui décoiffe. Une autre cascade fameuse vaut le détour, car c’est la plus haute des Vosges : vous la réserverez pour clore votre week-end, car elle se trouve sur la route du retour, en allant vers Epinal via Le Tholy. C’est la Grande cascade (il y a aussi la Petite, à 2 km à pied de là), juste avant le village de Tendon. 32 mètres de chutes d’eau entre les sapins : magnifique. Une auberge à proximité permet de se sustenter d’une truite (la spécialité locale), avant de regagner le flot des voitures. Le lac de Gérardmer est, comme tous les lacs sages et paisibles de ville, flanqué d’une aire de loisirs à toute épreuve. On a beau l’appeler « La Perle des Vosges », il a beau être le plus grand (115,5 ha), il lui manque ce côté sauvage que ses petits frères ont su garder. Préférez par conséquent partir à l’assaut des lacs alentour : Xonrupt-Longemer (paradis des pêcheurs et des véliplanchistes aussi). Et Retournemer. Notre préférence va à ce dernier, car il est situé au bout de la vallée des lacs, qu’il est tout petit (5,5ha), qu’il est propriété privée et que donc il ne propose aucune activité organisée, car seule la promenade y est autorisée, qu’il ressemble à s’y méprendre au lac où Jean-Jacques Rousseau aimait tend se promener en solitaire pour laisser cours à ses Rêveries, et qu’il oblige à un demi-tour, car « le lac de la mer en retour » s’achève au pied du Massif du Hohneck. Il convient d’y accéder obligatoirement par la rive droite (en laissant Gérardmer dans son dos), de loin la plus belle. Le lac est encaissé, sauvage, cerclé de forêts, et non loin de ses rives, La Mère Clotilde sert une délicieuse omelette en terrasse. On ne saurait imaginer endroit plus reposant dans les Vosges, après deux jours de rando, à pied, en VTT, et quelques heures de barque sur un lac, passées à réveiller des biscoteaux endormis… LEON MAZZELLA