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Le temps des ferias

CE PAPIER EST PARU JEUDI DANS VSD. C'EST VRAIMENT CHIANT CETTE NEW VERSION DE HAUTETFORT : IMPOSSIBLE D'ENRICHIR AVEC DES IMAGES DÉSORMAIS!? OU BIEN -C'EST SANS DOUTE CA-, JE SUIS ENCORE PLUS MANCHOT QUE PINGOUIN (HELP!)... "Les distributeurs de billets sont à sec et la ville déborde. Les rues charrient un torrent de festayres. Tous ceux qui aiment faire la fête avec la plus grande simplicité sont là. Ils déambulent dans les rues d’une ville rendue aux piétons, en parlant, en riant, en buvant un verre –souvent offert par un inconnu-, se laissent aller à ce sentiment très hispanique de la feria, qui confine à celui de fiesta et qui mêle paseo (promenade) et bavardage, liesse et convivialité, allégresse et générosité. Avec le culte du taureau en fond d’écran. Le succès grandissant des ferias de villes et de villages, de Saint-Vincent de Tyrosse à Céret en passant par Bayonne, Dax, Nîmes et Alrles, ne se dément pas. Il obéit à des règles simples : la ville s’organise autour d’un ou plusieurs spectacles taurins, aménage ses terrasses, installe des casetas (barnums) pour accueillir des bodegas (restaurants, bars) qui ne désemplissent pas. L’on y mange souvent des menus connotés (paëlla, daube de queue de toro, chipirons, cœurs de canards, tapas). Sangria, vin et bière coulent à flots dans de petits verres en plastique (question de sécurité). Alors chacun marche, rigole, danse et chante avec les bandas (orchestres de rue). On boit un verre de plus en essayant de ne pas boire celui de trop. On s’assoit dans une peña (club), pour se remplumer l’estomac avec de la charcuterie. On achète une affiche de corrida, un petit foulard rouge. Et la nuit avance. La feria a ses méridiens de Greenwich. Ils sont au nombre de deux : la novillada du matin et la corrida de l’après-midi. Celle qui sent le café et celle qui sent le cigare. Chacun se rue à celle de l’après-midi parce que les figuras (les toreros célèbres) sont au cartel (à l’affiche). Celles du matin ont la préférence des connaisseurs. Des dégustateurs : il s’agit des corridas de novillos (taureaux de moins de quatre ans), qu’affrontent de futurs toreros (matadores de toros), les novilleros. Ces gamins fluets sentent encore le lait, leur voix n’a pas toujours achevé sa mue qu’ils se frottent déjà à des fauves plus haut qu’eux. Pour se faire un prénom. Alors, ils se jouent la vie, avec cette inconscience qui confine à la grâce, lorsqu’elle atteint l’art du temple (la lenteur contenue), du style et de la technique digérée. Ils luttent farouchement pour sortir du lot, être remarqués par un apoderado (impresario), chroniqués par la presse spécialisée. La gloire fulgurante est leur Graal. Cette quête vient du fond des âges sociologiques : malgré les écoles spécialisées et les « coachs » d’aujourd’hui, le mythe de la corrida qui tire de la misère tous les Cordobès, à l’instar de la boxe, est un Far-West de la propulsion sociale qui a la vie dure. La gamelle est enviable. Les jeunhes toreros à la carrière fulgurante, comme Sebastian Castella, le savent bien. Les novilleros qu’il faut absolument voir cette saison, sont l’Espagnol Cayetano Rivera Ordoñez, et l’arlésien Mehdi Savalli, désigné meilleur novillero 2005 par la Fédération royale taurine d’Espagne. Il prendra d’ailleurs l’alternative dans sa ville, pour la Feria du riz, en septembre. Toute feria gravite donc autour de ces rendez-vous quotidiens : 11h, 17h, qui imposent un silence de cathédrale aux rues de la ville soudain fantomatique. Les arènes absorbent. Puis rejettent la foule dans les rues, avec plus ou moins de joie et d’électricité. Selon que la course a été belle ou pas. L’aficionado, lui, sait que la plus belle des corridas de sa vie est toujours à venir. Il est devenu philosophe. Alors il ira discuter rituellement : cela s’appelle la tertulia, dans les bars de la ville. Depuis l’apparition, il y a trois ans, de la maladie dite de la langue bleue (due à un méchant moustique qui sévit en Andalousie), les grands élevages de toros ne passent plus la frontière pour des raisons sanitaires. Alors les ferias découvrent des élevages de Salamanque, de Madrid, du Portugal. Les ferias sont par conséquent davantage toreristas que toristas (plus toreros que toros, soit centrées sur l’homme et moins sur l’animal). Sauf dans les fiefs toro-toro comme Vic-Fezensac, où l’on déguste les fers des élevages comme des grands crus. Et à l’aveugle ou presque, désormais. Selon que l’on se trouve dans une feria du Sud-Ouest ou du Sud-Est, les à-côtés changent : à l’ouest, il y a des encierros de vaches landaises aux cornes emboulées (des lâchers dans les rues, comme à Pampelune avec les toros de l’après-midi). A l’est, ce sont les abrivados, avec toros camarguais, cornes en lyre, chevaux blancs des gardians galopant dans les rues. A l’ouest, l’uniforme est rouge et blanc. Une tradition navarraise. A l’est, l’habit ne fait pas le fêtard. Dans les rues, de Mont-de-Marsan à Béziers, les bars et les restaurants font venir des groupes de flamenco pour recréer l’atmosphère des tablaos andalous. On y danse la sévillane jusqu’au cœur de la nuit. Les pasos dobles passent en boucle, en particulier le fameux « Paquito chocolatero », devenu en quelques années l’hymne officiel de chaque feria. C’est un air de liesse qui clôt en général chaque corrida et qui a pour vertu de rassembler la foule avec la puissance de persuasion d’un hymne national avant un match. Lorsqu’une banda entame l’air de Paquito, la feria prend tous son sens : tout le monde chante, danse, la même langue ; celle de la joie, du bonheur simple. Et ¡mañana es otro dia ! (demain est un autre jour)." LEON MAZZELLA

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