Francine Van Hove
Elle a le regard noir mais doux et lumineux comme le charbon prêt à rougir. Son jeans aussi est noir. Comme son chemisier. Et ses cheveux, noir jais. L’escalier en colimaçon qui transperce son appartement conduit à un atelier de peintre. C’est le temple du paisible. De la clarté des jeunes filles en fleur, calmes, sereines. Lascives comme on le dirait des Vahinées de Gauguin. Francine Van Hove peint des jeunes filles et a une vie rêvée : le matin, ses modèles posent pour elle dans l’atelier, et l’après-midi, Francine peaufine, met de la couleur, rehausse les traits, cisèle les regards, et remet sur la toile des objets fétiches (ses madeleines) qui apparaissent sur la plupart de ses œuvres : la vieille robe rouge, le petit sac rond en cuir, la théière, le bol ébréché, la chaise à moustaches de sa belle-mère, les chaises et les bancs du Jardin du Luxembourg (à Paris) –sa nature-, le vieux jeans 501 complètement délavé et qui a habillé, à l’instar de la robe rouge, presque tous ses modèles. Francine a un professorat de dessin, mais enseigner l’a vite ennuyée : c’était dans un lycée (de jeunes filles de Strasbourg, dans les années 1963-64). Alors elle peint pour le plaisir, sous contrat exclusif avec la galerie Alain et Michèle Blondel à Paris, depuis vingt-six ans. Sa production est restreinte : une douzaine de toiles par an. Cela suffit...
J’ai découvert son œuvre par les nombreuses cartes postales qui reproduisent ses dessins. L’une d’elles m'a servi à illustrer la couverture de mon livre Femmes de soie (Séguier). C'est la troisième du petit triptyque ci-dessus. Le modèle de cette couverture s’appelle Anne, toujours représentée de dos. L’œuvre s’intitule : « Ôte-toi de mon soleil ! ». Cela me fait penser à l’insolence magnifique de Diogène (voir la note intitulée « CrateSo, Yo ! »). Le style Van Hove ? Classique et résolument figuratif. Lorsque tous ses condisciples donnaient dans l’abstrait, elle peignait déjà ces jeunes filles d’une sensualité extrême, à demi nues, au corps de rêve et au regard tendre. Jamais nues, mais toujours infiniment désirables. Ne pas tout montrer mais suggérer pourrait être son credo. Son mari, artiste lui aussi, en supporter amoureux, l’a très tôt encouragée à peindre ce qu’elle voulait, sans se soucier de quoi que ce soit, fut-ce les tendances de l’art, et à n’écouter que son inspiration. Puis, l’expérience de la peinture sur tissu fut un détonateur. Un boulot de commande pour une styliste : Francine s’aperçut qu’elle pouvait peindre et en vivre. Son style propre, loin de l’école qui privilégie l’empâtement, l’épaisseur, est fait de légèreté, de fluidité, de silence et de douceur. Elle n’a jamais peint d’homme nu ou à peine dévêtu. Elle tourne avec cinq modèles, un par jour. Son premier, Marie-Odile, a posé en 1972. Elles se voient toujours, Marie-Odile, danseuse professionnelle, a 56 ans aujourd’hui. La doyenne peut avoir 40 ans, la plus jeune 18 ou 19 ans. Côté casting, la couleur de la peau est déterminante : « Je suis anti-bronzage. J’aime les peaux pâles ». Elle aime les corps architecturés, les filles pas trop minces, avec des formes pleines. Mais elles ont toutes un air de famille, à y regarder de près. Un modèle l’a marquée, il y a six ans : Alexandra, « une Tunisienne qui possède la beauté d’un Delacroix avec les couleurs de Rubens ! », me confia-t-elle. Ses peintures ne disent presque rien, et c’est ce qui les rend si attachantes. Ses personnages prennent le petit-déjeuner, lisent un livre, ou Le Monde, elles rêvent, dorment. Elles ne sont que relâchement. Elles sont imprégnées de cette lascivité qui ne ressemble à rien de pervers. Aucune invitation à la luxure. Aucune parenté avec Balthus, ni Bellmer bien sûr, ou tant d’autres. Les jeunes filles de Van Hove sont dans l’abandon progressif, le glissement, dans ce que Barthes nomme joliment le fading dans ses Fragments d’un discours amoureux (voir la note éponyme). C’est davantage du côté des photographes comme J.F. Jonvelle ou J.L. Sieff que Francine pourrait jeter des passerelles. La représentation pudique et sensible des jeunes filles se retrouve dans ses toiles, où le plaisir simple de l’après-midi, d’une sieste en été, sont là comme l'évidence du soleil…
Il y a comme une sensualité prude, silencieuse, qui se dégage de ses peintures. Un je-ne-sais-quoi de possible et d’interdit à la fois. Un charme fort. Et je pense que c’est un sentiment de paix qui domine chacune d’entre elles. Je me sens en affection forte avec l’apaisement immédiat, tonique et durable, que les peintures de Francine Van Hove me procurent.
Et vous ?..
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Commentaires
Pas le temps de lire... et puis un écran c'est pas aussi jouïssif que le papier et avec mes yeux de 48 ans... Mais bon la meuf que je vois est presque aussi jolie que moi !Bon Léon, je t'attends aux Sables d'Olonne pour une aventure hors du commun dans un monde invisible aux communs des mortels.
Zoubix.