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  • Retour à Taüll (Pyrénées catalanes)

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    Le clocher de l'église Sant Climent est l'arbre qui cache la forêt. Cette forêt est un village. Il s'appelle Taüll. Mais comme on n'échappe pas au penchant de la tour, à Pise, on n'échappe pas à cet incroyable campanile et à l'église romane somptueuse qui bornent l'entrée du village. Il convient seulement de s'y arrêter, puis de s'attarder au village. Autour du monolithe célèbre, un cimetière gagné par de hautes herbes ne semble pas envahi par les morts. Les croix de fer forgé, éparses, noyées, figurent d'autres herbes, moins folles, qui émergent comme des animaux qui se dressent du col. Soit on n'est pas mort depuis longtemps, par ici, soit c'est le jardinier qui a rendu l'âme parmi les premiers...
    Un bar-restaurant touche presque l'église. Il sent l'appeau à visiteurs. Celui qui sonne faux. Mieux vaut s'en détourner, d'autant  qu'un distributeur rouge d'une boisson gazeuse commune jusque dans les contreforts du Kalahari -bien qu'à demi dissimulé par des écorces d'arbres-, a l'audace de trôner en plein air, faisant ainsi un détestable écho au fameux campanile distant d'une petite trentaine de mètres.
    A Taüll, on ne peut pas mourir de soif. Le premier des bars situé à l'intérieur du village, le bar-restaurant "Sant Climent", arbore une maquette de l'église en guise de pancarte, témoin du culte porté par le village au monument qui l'a rendu célèbre. Au comptoir, des jeunes narguent un vieux à demi sourd et le beau sourire de la serveuse semble vouloir excuser leurs railleries, afin que je n'emporte pas un mauvais souvenir de son établissement et de son village. Leurs mains poudrées de ciment dévoilent leur activité. On retape ici, on construit là. Taüll bouge un peu. Je me souviens d'une phrase placée en épigraphe d'un film mexicain de Juan Antonio de la Riva, «Le village au-delà de la forêt» : Mon village est si petit qu'il entre dans mon coeur...  _La surprise attend le voyageur vierge d'informations sur Taüll au bout du village. Celui-ci est fermé  par la réplique, de dimensions plus modestes, de l'église Sant Climent située à l'entrée. C'est l'église Santa Maria. Même choeur extérieur arrondi et trapu, fessu est-on tenté d'ajouter. Même campanile carré mais moins haut. Même année de consécration, apprend-on : 1123, à un jour d'intervalle, en décembre, et par l'évêque de Barbastro et de Roda.On aborde Santa Maria de dos, tandis que Sant Climent nous est présenté de face.
    Les deux clochers de Taüll figurent deux doigts -dressés aux deux extrémités du village-, pour aider à filer une laine.
    Les maisons ont des balcons d'un bois très brun et des murs de pierres aux tons sombres, aussi gris-noir que l'ardoise et ocre foncé, aussi, qui les fait ressembler à des genettes...
     C'est ça : de loin, Taüll est une fourrure de genette lovée autour de deux monolithes emblématiques.
    Il convient toujours de se laisser aller jusqu'au bout de chaque village, au moins pour vérifier la vue dont chacun jouit. La vérification d'usage faite à Taüll permet de découvrir un étonnant balcon au bout du chemin. Dans cette partie de la Alta Ribagorça, les balcons s'imposent tellement à l'architecture des maisons couleur genette, en s'exposant dans les grandes longueurs, qu'on a envie de croire qu'ils en sont l'une des pièces principales. Ce balcon, donc, est si ancien, il semble si fragile que je me demande si une libellule qui viendrait s'y poser ne suffirait pas à précipiter sa ruine à bas. Il est magnifique. Abandonné, il résonne encore des pas qui l'ont usé et sous cet édifice en péril, ce plancher ajouré qui menace ruine, je m'obstine à voir une extraordinaire patine là où il n'y a qu'une fatale arthrose...
    Cet émouvant balcon est au bout de la Carrer La Santeta._La sinuosité ophidienne et l'étroitesse médiévale des ruelles empierrées qui montent, descendent et tricotent le village, mettent le passager à l'abri de toute surprise. Je veux dire qu'au bout d'une minute ou deux de marche paisible et néanmoins attentive, si j'avais croisé un homme tout droit sorti du Moyen-Age, vêtu de toile et coiffé de feutre, je ne m'en serais pas étonné et je l'aurais salué d'un ordinaire ¡Ola! N'était cette maison en train d'être bruyamment rafistolée avec force bois blond, le voyage aurait duré quelques instants de plus...
    La partie la plus haute du village, vers le restaurant "El Taliu", apprêtée pour un hypothétique développement touristique, est sans intérêt. Elle est en plus. Et comme tout ce qui est en plus, elle est en trop. Le voyageur apprend à se méfier du superflu car, s'il est flatté, il se répand vite et parvient à gâter l'essentiel.
    Redescendons (l'ennemi vient d'en haut).
    Une pluie soudaine doit être accueillie comme une chance, à Taüll. La chance d'assister en quelques minutes à la naissance d'un ruisseau de village et d'entendre la musique d'un torrent en pleine rue. La pluie, savamment canalisée d'une rue à une place et de là aux ruelles forcément pentues du village, ruisselle abondamment en chantant. Les ruelles deviennent en quelques minutes de véritables cascades, des canaux impétueux. C'est ce que l'on appelle si communément "une pluie torrentielle". Les chats, nombreux à Taüll, se blottissent alors à l'abri d'un poulailler, tenus à distance diplomatique par les plus grosses poules. Une odeur de feu de bois dispute l'atmosphère à l'humidité. Restent les bars, mais rare est celui qui ne diffuse pas une radio locale à plein volume. Retour à la rue-cascade. A ses pieds se trouve une grange ouverte où il fait bon s'arrêter en tous temps, assis sur une bûche, en compagnie des parfums domestiques,  surannés, de poussière, de paille sèche et de beurre rance.
    Par un mimétisme bien compréhensible, la plupart des maisons du village se font l'écho du choeur dodu des deux églises. Elles sont dépourvues d'angles et sont rondes comme une caresse. La pierre, adoucie par ces formes, prend un aspect ventru, replet, qui augmente la douceur de la promenade.
    Soudain, dans une ruelle, un parfum de lavande dénonce le passage récent d'une femme dont je ne parviens pas à entendre le pas. Sa trace occulte provisoirement l'état naturel et comme inchangeable du village jusque dans ses odeurs familières; comme le passage d'un avion impose l'interruption d'une conversation.

    ©Léon Mazzella

  • Retour à Cadaquès

    La lumière fait de l'ombre à Cadaqués.

    Le voyageur afflue du monde entier pour voir, saisir, comprendre cette étrange luminosité, dit le photographe -chasseur de lumières professionnel-, qui baigne cet aride village de pêcheurs. Cadaquès doit une grande partie de sa gloire à Salvador Dali. La lumière d'étain luisant de cette crique qui meurt sur le sable grisâtre de Cadaquès, est un miracle chromatique. Nous pouvons le capter plus souvent, heureusement, que le rayon vert à Etretat. Mais la lumière cache la forêt. Et Cadaqués est une forêt de signes. Le temps semble s'y être arrêté avec l'évanouissement du mouvement surréaliste, qui y planta régulièrement ses quartiers dès les années vingt. Longtemps le méridien de Greenwich de l'avant-garde artistique et culturelle, Cadaqués semble imprimée à la taille douce par une certaine vision esthétique et subversive du monde. Nombril de la création, Cadaqués ignore le temps passé depuis les grandes heures du surréalisme. Le voyageur sachant à peine cela et quelques bribes d'histoire locale, en oublie le port de pêche (qui entend le rester), deux ou trois autres choses estompées par cette fameuse lumière et d'autres formes d'expression picturale ou littéraire que celles brandies, à l'époque, par le commandant André Breton à ses troupes et au monde entier.
    Mythique Cadaqués où viennent tant de nostalgiques à la démarche nonchalante, aux vêtements d'une autre étoffe  -plus blanche, plus légère, plus fine et plus précieuse-, que l'on imagine aisément reprendre -sans même s'en apercevoir-, une démarche ordinaire sitôt ailleurs. Ceux-là affectent une fantaisie convenue jusque dans leur manière de commander un cocktail au garçon. Ils promènent en silence cette connaissance de la grande époque à l'heure du paseo, quand d'autres ne promènent que leur ventre.
    Or, la lumière. Adjectif obligé d'un village baigné de prestiges surannés, inondé de souvenirs extravagants dont l'écho parvient encore à l'oreille de celui qui écoute les survivants, jadis simples spectateurs et aujourd'hui promus au rang de gardiens assermentés d'une mémoire sans doute enjolivée; mais qu'importe. La lumière brandie par le dépliant touristique comme on hisse les couleurs. Elle inspire la méfiance du voyageur rompu à ce chant des sirènes.
    La lumière qu'il faut, une aube ou un soir, se résoudre à reconnaître tout en faisant sa connaissance. Magie de Cadaqués.
    Aussi vrai que l'architecture d'un village induit les comportements de ceux qui l'habitent, la lumière baisse le niveau sonore de Cadaqués. Excepté les pétarades des cyclomoteurs qui traversent  le village comme chacun finit par traverser le sien : sans plus le regarder, le silence habille l'espace à Cadaqués. Ici, on parle naturellement bas et s'il l'on n'y est contraint, on crie doucement. Le voyageur se met au diapason. Et la mer, aussi, chuchote inlassablement ses sourires d'écume sur le rivage, avec une discrétion qui s'apparente à l'excuse.
    Cadaqués, ton silence n'appartient pas à l'Espagne, se dit-on.
    Par moments, on souhaiterait presque les récriminations stridentes des goélands; un mouvement d'humeur venu de la foule. Certains jours, le ciel se charge et le vent remplit son office d'agitateur des paysages et des esprits. Cela aère.
    La lumière est  le repos, à Cadaqués. Les murs blancs n'exigent jamais le port des lunettes de soleil et la réverbération, loin d'être combattue, est recherchée pour sa douceur. Les rayons du soleil  frayent entre les nuages et donnent à la crique l'aspect et les tons métalliques des poissons bleus comme la sardine ou le maquereau.
    En retrait, il y a le lacis des rues étroites, pentues, empierrées pour aider la semelle dans l'ascension et la retenir dans la descente. Des rues qui semblent vouloir voler la vedette à la lumière à coups d'odeurs entêtantes. Bordées par les murs des habitations serrées, elles l'occultent de toute façon et aguichent le promeneur en débordant de fleurs et de branches d'arbres fruitiers engoncés, dont on se demande justement comment ils arrivent à pousser correctement. Parfumées à la figue, surtout, les rues de Cadaqués embaument l'espace et donnent au village sa fragrance et sa trace peut être la plus durable dans la mémoire. L'olfaction ne demeure-t-elle pas lorsque la lumière s'estompe. Mieux, les rues s'enrichissent, à heure à peu près fixe, des odeurs domestiques (celles des poissons a la plancha est la plus recherchée des narines d'amateurs), des parfums tièdes et sensuels du soir et de cette tisane froide, de ce mélange des parfums de la nuit qui s'imposent à l'esprit curieux, à l'heure où  la célèbre lumière de Cadaqués est au lit.
    ©Léon Mazzella


  • Ah, les anciens!..

    Si tu veux m’en croire, lecteur, ne hâte pas le plaisir de Vénus ; sache le retarder, le faire venir peu à peu, doucement.  Quand tu auras trouvé l’endroit sensible, l’organe féminin de la jouissance, pas de sotte pudeur : caresse-le, tu verras dans ses yueux brillants une tremblante lueur, flaque de soleil à la surface des eaux… Viendront alors les plaintes et un tendre murmure, de doux gémissements –et ces mots excitants qui fouaillent le désir…
    Ne va pas, voguant à pleines voiles, la laisser en arrière ! Evite, aussi, qu’elle ne te précède : qu’un même élan pousse vos navires vers le port. Quand, vaincus tous deux en même temps, l‘homme et la femme retombent ensemble, c’est là le comble du plaisir !

    Ovide, L’art d’aimer.

  • 10+10, première salve

    Voici vos premières réponses, auxquelles j’ai ajouté deux ou trois alternatives. On continue !


    Süskind : Le Parfum,
    Zweig : La Confusion des sentiments, et Amok,
    Sartre : La Nausée,
    Fitzgerald : Gatsby le magnifique, et :Tendre est la nuit,

    Kawabata : Les Belles endormies,
    Faulkner : Sanctuaire,
    Echenoz : Les grandes blondes, et : Je m’en vais,
    Cohen : Belle du seigneur, et : Solal,
    Gary : La vie devant soi, et : Les cerfs-volants,
    Vialatte : Les fruits du Congo,
    Brautigan : Mémoires sauvées du vent,
    Barrico : Novecento,
    Duras : L’après-midi de M.Andesmas,
    Tabucchi  : Tristano meurt,
    St-Exupéry : Le Petit-Prince,
    Hesse : Siddharta,
    Fante : Mon chien Stupide, et : Rêves de Bunker Hill,
    Gide : Les faux-monnayeurs,
    Cendrars : La main coupée,
    Modiano : Villa triste,
    Giono : Un roi sans divertissement,
    Camus : L’étranger,
    McLiam Wilson : Euréka est mort,
    de Luca : Montedidio,
    Capote : Petit-déjeuner chez Tiffany,
    Kadaré : Le général de l’armée morte,
    Blondin : Un singe ne hiver,
    Rouaud : Les champs d’honneur,
    Millet : La gloire des Pythre,
    Le Clézio : Le chercheur d’or, et : Désert,
    Kessel : La règle de l’homme, et : Les cavaliers,
    Cook : Le soleil qui s’éteint,
    Caldwell : La route au tabac,
    Greene : La puissance et la gloire,
    Le Carré : La constance du jardinier…

  • 10+10

    Cher amis bloggers,

    Vous êtes entre 100 et 800 (certains jours) à passer ici. Peu écrivent, je le regrette (âge 1 du blog...). 

    Avez-vous pensé, s'agissant des romans qui auront marqué le XXème siècle (et les suivants), à :

    Gracq, Le Rivage des Syrtes
    Simon, La Route des Flandres
    Proust!, Du côté de chez Swann
    Faulkner, Tandis que j'agonise
    Hemingway, lequel?.. (la plupart)
    Céline!, Voyage au bout de la nuit
    Harrison, Dalva

    Eliade, Noces au Paradis

    Et tant d'autres...

    En plus de :

    Gabo (Cent ans de solitude), Joyce (Ulysse), Kafka (Le Procès), Kipling, Musil (L'homme sans qualités), "le" Lowry (Sous le volcan), Hesse (Le Loup des steppes), un Vargas Llosa, un Fuentes, un Delibes, un Cohen, un Conrad!, un Sepulveda, un Hamsun (Pan), un Lampedusa (Le Guépard), un Pavese...
    Après, c'est selon notre carte du Tendre, notre géographie littéraire sentimentale : un Michon bien sûr, un Himes (La Reine des pommes), un T.E.Lawrence (Les Sept piliers de la sagesse), un Durrell (Le Quatuor d'Alexandrie), un Torga (Senhor Ventura), un McGuane, un Mauriac, un Morand, un Blondin, un Nimier, pas un Drieu, un Aragon (Aurélien), un Camus (pas forcément L'Etranger), un Malraux, un Nabokov (plutôt Ada que Lolita), un Ramuz, un Yourcenar (Mémoires d'Hadrien ou Alexis, ou Le coup de grâce), un Simenon (au choix)...

    Bref, je vous relance sur cette question quizz, posée il y a quelques jours, pour que vous ne vous cantonniez pas à vos lectures ultra contemporaines récentes. (Bien sûr Echenoz, Fante, Duras...). Mais élargissons. Le siècle commence en 1900 et s'achève en 1999. A vous lire. Tous, ou presque.

    10+10, je le sais, c'est drastique, contraignant, cornélien; chiant. Choisir l'est toujours. Si c'était facile, comme tout dans la vie, ce ne serait pas drôle. Alors...

     

  • la voila

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    Alain Robbe-Grillet, Robert Pinget, Claude Ollier, Claude Mauriac, Jérôme Lindon (M. Minuit, ça compte moins), Claude Simon, Samuel Beckett, Nathalie Sarraute, (Dondero, des éd. de Minuit, ça compte pas non plus) ... La photo date de 1959. Qui peut me dire si Claude Ollier est encore de ce monde? C'est la question du soir/bonsoir. Manque aussi, parmi les pontes du Nouveau Roman, Michel Butor.

    (bon, Marguerite Duras n'est pas sur la photo, elle est à tous points de vue hors-cadre, mais il n'empêche que!).
    En tout cas, leurs livres sont pour la plupart très chiants. D'évidence subjective. Sauf ceux de Claude Simon (immenses Route des Flandes, Jardin des PLantes, Acacia et ultime Tramway!) et de Marguerite Duras, pour les plus beaux (Le Marin de Gibraltar, Un barrage contre le Pacifique, Le ravissement de Lol V. Stein, et une poignée d'autres, plus tardifs, minces et précieux...).  Et Beckett, forcément. Beckett!!!...

  • Gommé

    d293249701d9f7e75bb091362dc52919.jpgRobbe vient de rejoindre sa dernière maison de rendez-vous.

    Mais qu'est-ce qu'il lui prend à la Faucheuse, ces temps-ci? Travailler plus pour... Ou quoi?! 

    Alain Robbe-Grillet éteint, le Nouveau Roman n'a plus de survivant. Ollier? Je n'ai pas encore vérifié.

    Parce que, voyons : sur la fameuse photo qui les rassemblait tous autour de Jérôme Lindon, devant les éditions de Minuit, il me semble qu'il n'en reste plus... ¡A ver!

     

  • Les 10+10 romans


    Bon, à la lecture de vos premiers "post", je vois que ça se complique. Il y a trop de monde à élire, trop de bonne littérature au fond. Il faut en rajouter : je propose que vous dressiez deux listes : les 10 romans français, et les 10 romans étrangers qui, selon vous, ont le plus marqué le XX ème siècle. A vous de jouer. Merci!

  • Reading on

    Lectures du moment. (Je m’aperçois que je picore toujours autant et que j’ai réellement besoin de commencer plusieurs livres à la fois ; d’en avoir une pile près du lit et une autre sur le bureau…). Tout d’abord les bouquins hebdomadaires du « Monde de la philosophie » (Platon, déjà évoqué, Aristote, Descartes et maintenant Voltaire!). La « bibliothèque de l'honnête homme » deviendra celle de mon fils lorsqu’il fera de la philo en Terminale. En attendant, je me sers une rasade vivifiante en diable d’ « Ethique à Nicomaque » (n'est-ce pas que c'est vivifiant, TiBo?) et je musarde dans Voltaire et Descartes, que j’avoue avoir toujours négligés, au prétexte imbécile qu’ils me paraissaient plus ringards que la plupart des philosophes. Tir en cours de correction, mon Capitaine !
    Lectures à rapprocher d’un petit bijou d’anthologie, qui paraît chez Arléa : « La Sagesse des Anciens » (auteurs grecs et latins) et qu’il faut avoir dans la poche arrière du jean’s avant de sortir.
    À côté, je lis la confession émouvante de Macha Méril, sur une fausse-couche subie jeune qui la rendit stérile. Cela s’appelle « Un jour, je suis morte » (Albin Michel). Je ne serais jamais tombé sur ce livre si je n’avais pas eu à interviewer son auteur longuement il y a une semaine (à propos de sa maison dans le Gers, pour le prochain n° de « Maisons Sud-Ouest »). Déjà rencontrée (nous étions tous les deux invités à l’émission « L’Académie des Grandes Gueules » sur Sud-Radio, elle pour sa « Biographie d’un sexe ordinaire »(Albin Michel), moi pour « Les Bonheurs de l’aube » (La Table ronde). Ce jour-là, mes préjugés à la con (pléonasme) sur les-comédiens-qui-se-piquent-d’écrire sont tombés… Cette femme  tient un discours profond sur le mal qui peut ronger un être, sur l’essentiel, l’amitié vraie, les paysages du Gers, la littérature. Et son dernier livre est bien écrit, de surcroît. C’est sec, direct, nerveux, laconique et fort comme une capsule de ristretto. A noter aussi, son « Sur les pas de Colette » (Presses de la Renaissance) qui comprend de jolies aquarelles.
    « La Route » de Cormac McCarthy (L’Olivier) est bien hard. Ce caddy-movie dans un paysage d’Apocalypse, d’après la fin du monde, avec un môme placé sous la haute protection de son père, est émouvant. Il tranche avec les précédents opus qui flinguaient les mômes à tout va. Mais je ne m’explique pas le style (ou la traduction) de « La Route » : c’est truffé de phrases courtes sans verbe et je me dis qu’un manuscrit comme celui-ci aurait été accepté par tout éditeur, pour son histoire, mais aurait dû être réécrit. En tout cas, cette Route est moins violente que le film des frères Coen (« No country for old man ») adapté d’un précédent roman bien glauque du même seigneur de Rhode Island (« Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme »). À propos, je ne retrouve plus « De si jolis chevaux ». C’est toi qui l’a, Marine?..
    « Marilyn dernière séance », de Michel Schneider, reparaît en folio. C’est touchant, parce qu’elle est touchante et son analyste, qui « se la rêve » est drôle. Leur complicité  déborde largement du cadre strict, à respecter, de toute analyse, mais le lecteur d’en fiche. Et puis Schneider étant lui même psy, il sait ce qu’il a -très bien- (d)écrit.
    « Le Baron perché » du grand Italo Calvino (Points/roman), repris (quelques pages chaque matin) pour le plaisir un peu enfantin de se laisser porter par un conte fantastique : du bonheur simple.
    « Eloge de l’énergie vagabonde », de Sylvain Tesson (les Equateurs), qui est notre Bruce Chatwin.  Ou un fils de Nicolas Bouvier, comme on veut. Il nous relate sa longue marche de l’Aral à la Méditerranée, par la Caspienne et le Caucase. J’ai un faible pour son chapitre sur les steppes kazakhes, sans doute parce que j’ai donné récemment un long texte sur le même sujet au « Journal des Lointains », que Marc Trillard dirige (ou plutôt dirigeait) chez Buchet-Chastel : il m’a appris tout récemment que sa belle revue-livre littéraire et vagabonde, disparaissait avec le dernier numéro, faute de moyens… (En revanche, « Choc » et « Entrevue » vont bien, merci).
    Mon pote Denis Tillinac publie un savoureux « Dictionnaire amoureux de la France » (Plon) qui fait semble-t-il un carton, où il est question de Montfort-en-Chalosse, de La Tupiña, le resto bordelais de mon autre pote Xira, de mousquetaires, de rugby, d’amitié, de sa Corrèze qu’il me fit connaître en 1984, et de bien d’autres lieux-dits d’une géographie sentimentale dont beaucoup de Tendres ont la Carte.
    Le chef-d’œuvre de Malcolm Lowry, « Sous le volcan », dans la traduction de Jacques Darras, reparaît en semi-poche (Les Cahiers Rouges/Grasset) et c’est salutaire. Relire ce monument alcoolisé, total, apocalyptique lui aussi, c’est reprendre confiance dans les piliers de la sagesse littéraire du XX ème siècle. Il faudrait… Tiens ! C’est la question du jour, friends bloggers (c’est usé, comme idée, mais ça fait toujours du bien, comme de refaire le questionnaire de Proust) : quels sont, selon vous, les 10 plus importants romans (pas livres, romans) du XX ème siècle. C’est parti !
    Donc, Lowry. Et ces quelques shorts, « Le Caïd et autres nouvelles » de l’immense Faulkner (folio 2€) extraites d’ « Idylle au désert ». Je suppose que Benoît a un avis sur la question. J’aime beaucoup celle intitulée « Neige ».
    Il y a cette curiosité, « Le Dîwân de Bagdad », qui paraît chez Sindbad/Actes Sud. Il s’agit d’une anthologie du Siècle d’or de la poésie arabe (fin du VIII ème – moitié du X ème). C’est splendide comme un conte des Mille et une nuits, sensuel et mielleux mais sans être mièvre, guerrier à l’occasion, toujours dense et fort comme un coup de cimeterre sous la lune (calembour à la Jeantet).
    À rapprocher de l’étude (elle en pond régulièrement sur le sujet) d’Henriette Walter (et Bassam Baraké), « Arabesques » : l’aventure de la langue arabe en Occident (Points/Le goût des mots). C’est de la linguistique soft et passionnante pour découvrir les centaines de mots arabes d’origine française et les centaines de mots français venus de l’arabe. Orient-Occident se sont au moins ainsi fiancés, depuis 1000 ans. Le résultat est toujours un enrichissement considérable des langues et l’apparition, peu à peu, d’une troisième langue issue des deux premières, génitrices. J’avais souligné cette sorte d’enfantement dans mon livre « Le Parler pied-noir » (Rivages). Et allez ! Un pet de promo !..
    En bref, pour finir, « Le démon de la théorie », d’Antoine Compagnon (points/essais) est un essai sur la littérature et le sens commun. Complexe, mais passionnant, à petites doses : bon... la théorie a ébranlé le sens commun, mais le sens commun a résisté à la théorie (l'Université et ses chirurgiens de la chose littéraire ont décortiqué, disséqué le corps du roman, notamment, à l'envi, mais la littérature, comme l'aluminium, résiste!). Il faut paraît-il assister à son séminaire du mardi au Collège de France, pour son discours sur Proust. A ver, a ver…
    Un petit Balzac pour la route ? Alors prenez ces « Histoires en rouge et noir » (titre de son éditeur-compilateur en poche, Pocket) qui reprend les fameuses nouvelles comme « El Verdugo », « Une passion dans le désert » et son inoubliable panthère, « Le Gilet rouge » (pas le pull-over !), « Le Grand d’Espagne », etc.  ATCHAO et à toute pour les 10 romans qui ont marqué le XX ème!



  • note du 26/09/06 (pour mm again)

    Je viens de retrouver la note évoquée précédemment dans les archives de ce blog : la voici (ça vous évite d'y aller) :
     
    Elle est en face de moi, étendue sur un poster, la photo est en noir & blanc, signée Bert Stern, elle masque son visage avec sa main droite comme une gamine espiègle qui sait qu'elle vient de faire une bêtise, elle est plus touchante que nue. Ses jambes ont le poids des ans, déjà, elle est jeune pourtant, si 36 ans sont jeunes (je le crois), elle ne sait pas qu'elle va mourir dans deux mois, elle semble shootée, ou ivre de vin de bordeaux (imaginez seulement que vous dégustez un 1959 ou un 1961 aujourd'hui!), elle pose, elle dépose, elle rend les armes, elle les a peut-être déjà rendues, elle est belle, elle est même très belle, au faîte, elle est accomplie, mûre et peut-être trop mûre comme on le dit d'un fruit, d'une figue prête à tomber. Nous savons sa chute imminente et cela obère complètement notre regard sur elle. Elle est affichée dans ma chambre, face à moi, face à mon lit, je suis couché, là, je la regarde -que dis-je : je la contemple, seul, trop seul, et cette affiche m'accompagne (pour diverses raisons inavouables ici). Marilyn est devenue -moi qui ne m'en souciait guère-, une compagnie, une sorte de confidente. Un papier glacé peu anodin. Mais glacé.

  • mm again!

    C'est étrange... Saharienne m'adresse celle-ci. Elle trône en poster dans ma chambre depuis pas mal de temps (je l'avais achetée au Musée Maillol, après avoir vu l'expo de Bert Stern, "Marilyn, La Dernière séance". Je me demande même si je ne l'ai pas déjà mise sur ce blog, à ce moment-là. Il faudrait fouiller les archives, dans la colonne de gauche... Merci Saharienne! L

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  • aimer n'est jamais vin

    Voici ce qu'un vieux pote m'a adressé hier. Peut-être l'avez-vous vu passer aussi, car il circule en ce moment sur nos boîtes @...

    Il m'est arrivé une histoire dont il faut que je vous donne, si je puis dire, la primeur...                                                                                                                                  

    C'était il y a quelque temps, au bal de la Nuits Saint Georges que j'ai rencontré la petite Juliénas , une fille drôlement Gigondas, un sacré beau Meursault, bien charpentée, et sous sa robe vermillon un grand cru classé, avec des arômes de cassis et de fraises des bois.

    On a dansé Anjou contre Anjou sur un Sylvaner à la mode et plus tard lorsque je lui ai proposé de l'emmener dans mon Chateauneuf-du-Pape, elle  est devenue toute Croze-Hermitage !!!

    Le temps d'aller chercher un Chablis au vestiaire, de mettre un petit Corton dans ses cheveux, on est montés dans ma Banyuls et on a roulé jusqu'au matin.


    Ah quelle belle journée ! On s'est baladé Entre-deux-mers, il faisait beau, on a Vacqueyras sur la plage, les pieds dans l'eau Clairette, on s'est Pouilly-Fuissé dans les dunes et puis comme le Mercurey montait sérieusement et qu'on commençait à avoir les Côtes-Rôties on a décidé de rentrer.                                                                 

    Mais voilà, en partant nous nous sommes retrouvé coincés dans les embouteillages, enfin les bouchons, quoi ! Je commençais à Minervois sérieusement et là, Juliénas et moi, nous avons commencé à nous crêper le Chinon .                                                                 

    D'un seul coup elle a claqué la Corbière de la Banyuls et elle est partie !

    Je me suis retrouvé comme Macon. Quoi, me suis-je dit, elle s'est déjà Sauvignon avant même que j'aie le temps de la Sauternes ! Mais je vous Jurançon, je l'avais dans la Pauillac, en effet, j'étais tellement Tokay que j'ai couru après elle dans Lalande et les Chardonnay pour la rattraper.


    Quand on s'est retrouvés, et que je l'ai vue devant moi en Gros-plant, je lui ai dit -' Ne fais pas ta Pomerol, et ne t'en va plus Gamay ! 'En pleurant, elle est tombée dans mes bras en Madiran

                                        
    - 'Ne m'en veux pas, je voulais juste être sûre que ton Saint-Amour était vraiment Sancerre'.