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  • ALERTE !

    je vois avec stupeur, à l'instant même, dans la colonne "derniers weblogs mis à jour" (c'est le cas de le dire), le blog des élus front national de lorraine... je clique et je referme aussitôt pour écrire cette alerte :

    comment se fait-il que sur hautetfort, a priori fréquenté par du littéraire notamment, nous ayons ce genre de voisins nauséabonds?

    je m'interroge sur le principe modérateur des blogs.

    existe-t-il sur hautetfort?

    qui peut me répondre.

    car si le fn s'invite avec tant de facilité ici, moi je me casse fissa de hautetfort.

    "pas de liberté pour les ennemis de la liberté"...

  • La forme empreinte qui en vivant se déplisse...

    Les citations qui suivent ne sont pas là pour évoquer André Breton, le Surréalisme, ou même Julien Gracq, mais pour réfléchir à la liberté comme vertu à défendre, coûte que coûte. L'idée, que j'ai envie d'énoncer en paraphrasant Machiavel : la liberté comme fin justifie les moyens, est vieille comme le monde, le sujet "bateau", la dialectique connue, la réthorique attendue.

    Mais la manière dont Gracq l'expose mérite qu'on y réflechisse, s'agissant d'Art, de création, de "mouvement"...

    La liberté peut conduire à des situations paradoxales : c'est en son nom que, par exemple, la violence -vaut-elle privation de liberté?-, est utilisée comme recours.

    Il n'est pas question ici d'Histoire (celle-ci regorge d'exemples qui illustrent l'usage de l'intolérance, voire de la force, pour défendre la Liberté), mais -ainsi que le souligne Julien Gracq, de l'histoire de la sensibilité...

     

    "Cette vie si librement, si pleinement développée sans entrave dans son sens (vraiment "la forme empreinte qui en vivant se déplisse", selon la belle formule de Goethe)"...

    "(...) La figure de Breton mérite de rester à un haut degré exemplaire. Elle reste celle -étrangement solitaire dans ce milieu de siècle- d'un homme entier, fondamentalement allergique à toutes les entreprises de restriction, à toutes les formes de résignation. Aux angles durs, aux aspérités inentamables. Adonné au besoin à l'intolérance comme à un principe d'hygiène, dès que son intégrité personnelle se sent en jeu; sachant de naissance que la vraie affirmation -celle qui enrichit les autres- ne peut être qu'affirmation de soi. Ne cédant jamais son terrain -repoussant la pression des autres au lieu d'en être repoussé. (...) L'époque a pu parfois sourire du ton avec lequel Breton, toute sa vie, a exercé la liberté comme une magistrature : elle n'a guère fait que montrer par là piteusement où elle en était, de quel rappel à l'ordre hautain elle avait besoin. Il est bon, il est très particulièrement sain aujourd'hui d'observer avec Breton une fois encore -qui sait? peut-être une des dernières- l'homme dans la plénitude d'exercice intransigeante de ses prérogatives : triant sans appel, comme si le monde était neuf, ce qui lui est bon de ce qui n'est pas de sa substance, et par là enseignant aux autres à le faire de la seule manière qui convienne : exemplairement. Sachant que toute revendication efficace de la liberté passe d'abord par l'exercice intégral de la sienne. Pleinement convaincu aussi, et le prouvant, et ne ressentant pas le besoin de s'en excuser, que, dans l'histoire de la sensibilité du moins, le monde appartient par droit légitime aux violents."

    Julien Gracq, Plénièrement, Fata Morgana, avril 2006. L'éditeur de cette mince et précieuse plaquette tirée à 500 exemplaires, ne mentionne nulle part sa source! (car il s'agit d'une reprise d'un texte déjà ancien de l'auteur, mais lequel? Extrait de quel livre?). Je viens de passer près de deux heures à chercher dans ses oeuvres complètes : individuellement publiées par José Corti, collectivement rassemblées en Pléiade, et quelques sommes d'articles épars et publiés par des études et recueils collectifs (Cahiers de L'Herne, Actes de colloque, notamment), et je suis rentré bredouille. Mais je trouverai.

    Gracq, encore, à propos du Surréalisme faisant corps avec Breton (et juste pour la somptuosité de la langue) : Il l'a porté "avec l'aisance parfaite d'un vêtement modelé sur lui, coupé et ajusté à sa mesure, dont il s'étonnait et s'agaçait, et parfois se colérait vite, que les autres y parussent engoncés et fissent tôt ou tard craquer les coutures".

     

    De haut en bas : La liberté guidant le peuple, de Delacroix. André Breton et Julien Gracq : deux dessins de Hans Bellmer. Une femme "encielée" de Magritte entre eux deux, et puis pour finir, une autre oeuvre de Magritte; Le thérapeute...

     

     

  • Tantration

    L’avantage du tantrisme, c’est de cultiver la rétention pour sublimer le plaisir. Ce n’est pas seulement faire en sorte que ça dure le plus longtemps possible (ce qui est déjà une fin en soi), mais de faire de la sexualité un aventure spirituelle. C’est d’une extase amoureuse qu’il s’agit, par d’une technique de performance. Le tantrisme vient de l’Inde ancienne, tantra signifie tissé ensemble : le couple ne connaît pas de dominant. Partie du Bouddhisme tibétain, le tantrisme est fondé sur la maîtrise de soi. L’homme y apprend notamment l’orgasme sans éjaculation. Le but est d’atteindre un nirvana sexuel, en poussant le désir jusqu’aux extrémités. Cet érotisme paroxystique procure aux initiés des plaisirs incroyables, à côté desquels nos orgasmes occidentaux paraissent bien instinctifs. Mais le tantrisme est une doctrine qui va bien au-delà de la sexualité : proche du yoga, il s’agit d’une philosophie complexe, avec ses dieux fondamentaux : Shiva et sa déesse Shakti (qui signifie énergie). Ombre et lumière, création et destruction. L’initiation au tantrisme polit l’ego, pacifie le mental, pour parvenir au maïthuna, le rituel de l’union sexuelle sacrée.
    Retiens-moi !..

    Photo du bas : Maïthuna

  • Le regard ailleurs

    Bernard est un photographe de talent. De caractère. Il a donné dans la pub, pour bouffer. Il n'en tire aucune gloire, quand d'autres (faux) frères en ont fait leur fond de commerce. Normal, c'est un artiste de verdad. Un poète argentique. Il est ailleurs : surtout dans l'ouverture, enfin, de cet hôpital de Kaboul qu'il a vu pousser. Et dont il a retiré un émouvant album de pudeur en noir&blanc, plein d'humanité dans la douleur dite, dans la tendresse, dans l'évidence de l'amour en dépit du malheur. Dans ses reportages aussi, d'auteur, à Cuba (Mésaventures à Cuba, avec Erik Orsenna -Points/Seuil-, son acolyte de bourlingue), en Chine, au Japon, bientôt...

    Nous déjeunons au "Ribouldingue", clône du "Comptoir" d'Yves Camdeborde (avec moins d'attente et d'outing : top! Nous y découvrons avec une gourmande curiosité mâtinée d'une méfiance légitime, les tétines de vache en salade... ). Paris 5ème. Nous attendons Véronique, l'iconographe de nos aventures éditoriales. Bernard regarde ailleurs quand je lui parle. Comme toujours. Si je ne le connaissais pas, je pourrais m'en offusquer. Mais il est bien là. Présent. Ami. Il a l'oeil fuyant, car il photographie le monde, capte, recherche, interroge la lumière ou la supplie, guette le regard. C'est plus fort que lui...
    Pas comme ce rosbif qui, cet après-midi, à la belle journée ICEX des meilleurs produits espagnols, organisée chaque année avec maestria, par Jeannine Coureau, à l'hôtel Bristol (Paris 8ème). Il représente des vins espagnols puissants, comme je m'aventurerais à dire la messe dimanche prochain à Saint-Médard... Ce regard fuyant-là, est un non-regard. Un regard franc comme un âne qui recule. Je m'en méfie. Je n'irai pas lui adresser un mot. Mi-clos, ses yeux disent la couardise et l'arnaque mentale. Je l'observe de loin, depuis le stand si accueillant des vins Marqués de Riscal, en compagnie de Jean-François, de La Guildive (importateur, notamment, du meilleur jambon du monde : le 5J, "Cinco Jotas", de Sanchez Romero Carvajal, propriété d'Osborne, la marque du fameux toro noir).

    Deux regards. Deux façons d'être au monde. Au fond, il suffit de savoir décoder. Et après, c'est le bonheur : une complicité peut s'installer d'un côté, un surcroît de vie peut se poursuivre ailleurs, en évitant l'écueil. Et c'est ainsi qu'en observant d'un oeil (distrait) la fausseté du regard du rosbif sus-cité, je savoure davantage le verre de blanc sec de Rueda, en compagnie de mon pote Jeff. E la vida va...

    Photos : un nu, de Bernard Matussière, et le fameux toro de Osborne, qui balise les routes d'Espagne.


  • Le rêve de la nuit dernière

    L’Afrique est une odeur avant d’être un continent. Le souvenir de ce parfum de paille sèche et de poussière me tient, ailleurs, plus sûrement qu’une image, un récit ou une musique. Il me permet d’attendre le prochain départ pour la Tanzanie ou le Burkina Faso.
    Ce matin, c’est le parfum de ma veste qui me tient lieu de protection rapprochée et de certitude, alors j'imagine : l’aube africaine qui pointe n’existe pas. Le jour va se lever insensiblement, sans bouleversement de couleurs, mais au chant des petits calaos, aux cris des singes, à l’écho de l’envol d’un pygargue et de tourterelles à la cime d’eucalyptus noyés de nuit ; et à celui des plongeons discrets des crocodiles dans le marigot proche. Le café brûlant vite avalé dans le Lodge, le guide me presse. Le moteur du Land ronronne. Je referme ma vieille édition des romans africains de Papa Hemingway, boucle mes Pataugas, ma veste bourrée de films et ajuste mon vieux chapeau. La brousse n’attend pas.

    De retour d’une journée de safari épuisante, mais lesté de cette saine fatigue qui grise le corps et l’esprit, avec de la poussière au fond des oreilles, des narines et entre les orteils, l’idée d’une longue douche réparatrice, devinée dans ma case, attendra néanmoins. C’est l’heure du thé, et du point. Les souvenirs frais affluent. Nous avons partagé des émotions rares, comme le regard de ce lion surpris à l’ombre d’un baobab, qui nous fit tressaillir. Dans les jumelles, il m’a explosé au visage. Je ne l’oublierai jamais. Le soleil se couche doucement sur un lac remué par les hérons et les sauts des poissons. La magie de l’Afrique réside dans ce délicat changement de tons, cet effacement progressif des bruits qui laissent leur place aux sons ténus. Je défais mon chech qui était blanc ce matin… Je vide ma veste pleine de souvenirs argentiques de format 24x36. Magoulba, le cuisinier, apporte un apéritif épicé. Il est temps de laver la journée de sa poussière. Après cela, allongé sur mon lit de camp, je relirai la dernière lettre d'Ileana, qui se trouve entre deux horizons argentins.
    « Kally,
    « La Pampa est plate comme la main. Trouée d’étangs et hérissée d’éoliennes, nous y avons atterri –avec Fisso, pour ce voyage entre filles-, la tête pleine de rêves emmêlés de cerfs de la Cordillère, de pumas et de milliers de bernaches de Magellan, ces belles oies blanches au ventre strié de noir qui volent à présent au-dessus de nos têtes enchantées. Comme les cygnes au-dessus de la Marne, tu sais… Fisso m’a raconté ses chasses aux perdreaux rouges dans le sud de l’Espagne. Tu vois, nous croyons connaître les gens et je découvre une amie en Diane chasseresse !.. Curieusement, cela ne m’a pas choquée. Bien au contraire. J’ai été fascinée par son récit. Peut-être à cause de ce que tu m’as souvent dit à propos de ton « ex-passion »… Elle avoue (elle aussi) répugner à tirer et préférer contempler le paysage du campo frisé d’oliviers et admirer le travail des chiens. Je crois donc pouvoir dire que nous partageons une sensibilité identique. Les chasseurs d’émotions se retrouvent toujours, dans une estancia argentine ou sur le territoire infini d’une finca andalouse. Si tu me voyais : j’ai la tête recouverte d’un bandana, une théière à portée de main pour dessécher ma gorge. Je suis au bord d’un paysage infini balayé par un vent tiède, entre deux horizons, et je lis des passages de Luis Sepulveda (le livre que tu as subrepticement glissé dans mon sac juste avant mon départ !). Tu es incorrigible… Mais bon, comme c’est le premier que tu m’incites à lire et qui me plaît, tu es pardonné. Encore que… Non, c’est grâce à la Pampa, pas à toi, que je l’aime, ce vieux qui lisait des romans d'amour !.. (lol).
    Au crépuscule de cette journée passée au bord du Parana, dans la province d’Entre Rios, je pense à toi, à l’Afrique imaginaire où tu plonges si souvent lorsque tu rêves de lions, depuis ton appartement parisien... Nous serons à Buenos-Aires dans une semaine.
    Je t’adresserai une dernière carte avant d’embarquer.
    Je t’embrousse
    Ileana ».

    Je l’imagine, gantée, vêtue d’une veste Safari dépourvue de manches –du plus bel effet sur son bronzage délicat-, ayant déjà bouclé son sac. Devant elle, la plaine d’herbe drue et d’arbres secs scintille par endroits sous un soleil mûr. Une compagnie de petites perdrix, des colins de Californie, explose en bouquet sous la truffe du setter de Pepe…

    Ileana sera là ce soir. En France, sur cette terre où la brousse est autre. Où les rêves de Savane et de Pampa se croisent et décantent.
    Jusqu’au prochain départ. J’ai le cœur léger, car je sais que nous aurons à peine le temps de reprendre Paris ensemble et à bras le corps : Ileana m’a glissé en post-scriptum à sa lettre argentine, qu’elle souhaitait que je lui fasse découvrir l’Afrique…
     
    (Fin du rêve).


  • Christian Authier Prix Roger-Nimier

    Prix Roger-Nimier

    Ca va s'arroser!

    Et moi je suis content pour mon ami.

    Son roman ("Les Liens défaits", Stock), le mérite.

    Et ce prix va comme un gant à son auteur.

    Nous avons bien eu raison de nous réciter, tous les deux, la semaine dernière en dînant, les premières et les dernières phrases des romans de Nimier que nous aimons : "Les Enfants tristes", "Le Hussard bleu", "Les Epées", "L'Etrangère", "D'Artagnan amoureux"...
    A la manière des Tintinomanes qui s'envoient des bulles en forme de devinettes!

    Et j'ai eu raison d'avoir l'audace de trinquer au finaliste!

    ¡Suerte y un abrazon fuerte, amigo!

  • Le peintre au couteau

    en lisant le beau roman de ollivier pourriol, "le peintre au couteau" (le livre de poche), je me dis : jamais livre aussi mince n'aura contenu autant de citations en exergue de chacun de ses très courts chapitres.

    certaines sont claquantes :


    "son oeil, à l'horizon de lumière gorgé" (stéphane mallarmé)

    "...se lier, c'est passer la corde autour d'une lame" (edmond jabès)

    "par gros temps en mer je pense toujours à ce peintre dont je ne sais plus le nom, qui se faisait attacher au mât de misaine pendant la tempête pour voir et garder la vision de tous ces déchaînements d'écume" (nicolas de staël à rené char)

    lui-même (pourriol) a des moments touchants : "quel marchand de couleurs osera vendre un jour un tube de "Bleu des yeux de ma femme qui me trahit"? " . entre autres exemples.

    le peintre (c'est l'un des personnages), est gravement malade.

    il est entre les mains d'un chirurgien (le couteau, le narrateur), qui découvre la peinture.

    le peintre se confie : sa femme tant aimée a disparu. lui même n'en a plus pour longtemps.

    ollivier pourriol a visiblement une connaissance suraiguë de la peinture et des peintres, ses amis, son univers.

    son texte est magnifique. il m'évoque (je n'en suis qu'au début), le livre de tracy chevalier, "la jeune fille à la perle" (folio).

    (à suivre...)

    illustrations : trois peintures emblématiques de nicolas de staël 

  • Terrassé

    en bas

    le bruit des voitures m'étreint

    j'écris je bois du thé

    je pense à elle que j'aime

    si loin, si proche, à portée

    de ma main je fabrique

    un livre j'irai jusqu'au frein

    je le lui offrirai comme un bouquet

    du nom de la rose

    ça crissera le papier plastique

    sur ma prose

    je ne serai ni bien


    ni mal au fond

    je lui dirai tiens

    fébrile

    y a t-il plus profond

    qu'un amour sans île?


  • ECOUTE, C'EST SIMPLE

    La première fois que j'ai vu Ileana, je l'ai trouvée franchement sexy.

    Ceci est la première phrase de mon nouveau roman.

    Je l'ai commencé la nuit dernière, après une soirée passée avec mon ami Christian Authier, dont le troisième roman paraîtra en septembre (chez Stock, comme les deux excellents précédents).

    Dîner délicieux à "L'Ourcine", rue Broca (Paris 13), un bistro sans chichis, avec de beaux produits, des vins judicieusement choisis et un service très souriant.

    A une heure du matin, et jusqu'à quatre heures, d'un coup d'un seul, "ça" m'est (re)venu. Je me suis (enfin) débouché. J'en avais un besoin vital.

    J'ai saisi mon petit Mac comme on reprend un bon bouquin très prenant, qu'on a laissé toute une journée sur la table de chevet : avec cet étrange, formidable et si jouissif appétit, que seule la littérature -la lecture, l'écriture-, procure.

    J'ai écrit une vingtaine de pages d'un trait. Le titre (provisoire) est "Ecoute, c'est simple". La première phrase a un indéniable accent de l'Aurélien d'Aragon. Mais à l'envers, car Aurélien trouve Bérénice franchement laide, lui.

    (à suivre)

  • Dans Le Nouvel Obs paru le 11 mai

    Oxygène – 3h30 de Paris

    UN WEEK-END EN THONGUE!

    Le mieux est d’arriver à Béziers par le train et de laisser paradoxalement le Sud pour filer droit vers Pézenas. De là, au Nord, direction Servian. L’aire de notre randonnée oenophile est traversée par la Thongue, la rivière qui prête son nom aux vignobles.
    Le charme de l’arrière-pays de l’Hérault opère immédiatement. Villages ventrus et frais, ombragés à la faveur de platanes salutaires sur des places où l’on joue à la pétanque, et des terrasses à pastis. Et aux vins locaux : Faugères n’est pas loin, mais nous entrons dans une aire bénie des Dieux : les Côtes de Thongue. De simples vins de pays qui ne regrettent pas un instant de n’avoir pas décroché l’AOC, jugée liberticide. Ici, on joue avec les cépages les plus étranges, on expérimente à qui mieux mieux, on fait du vin de table, du vin de pays de l’Hérault, du vin de pays d’Oc… et du vin de pays des côtes de Thongue. Rouges, rosés, blancs, moelleux, ils sont tous à des prix défiant toute concurrence. Puissants ou gouleyants, ce sont pour la plupart des vins de soif, un rien canailles, des vins de copains en terrasse et de jardin en famille. En un mot, les côtes de Thongue, ce sont des vins de plaisir (lire encadré).
    Partir à leur découverte, en allant fureter chez les vignerons, c’est s’exposer à des balades en vélo ou à pied des plus bucoliques. Nous sommes loin du Lubéron et de l’arrière-pays provençal devenus trop touristiques. La marée humaine préfère mouiller au Cap d’Agde. Alors la campagne, plate, un rien mamelonnée avec ses « puechs » (collines, qui sont souvent des cheminées volcaniques), est ombragée avec bonheur par des bouquets d’arbres qui parsèment un paysage extrait d’un roman de Giono.
    L’avantage du relief de la région, plat comme la main, c’est que l’on y circule en vélo (préférez le vtt), surtout à la fraîche, sans aucun effort. Cela permet de surprendre des perdreaux au pied des sentiers, et d’écouter le silence, qui y est puissamment apaisant. À croire que les avions ont déserté cette part de ciel et que les voitures vivent au parking...
    Les circuits pédestres sont légion, notamment au nord, du côté de Pouzolles, où se concentrent les propriétés vigneronnes (la plupart se trouvent dans les villages) et la randonnée procure une saveur supplémentaire à cette balade à thème (marcher entre deux dégustations est on ne peut plus salutaire !).
    Une intéressante rando est celle qui part de la mairie de Margon, où se trouve un très beau château, car il passe justement à proximité de Pouzolles. Balisé, il correspond à un topoguide sous presse, qui paraîtra l’été prochain, mais déjà disponible par internet en téléphonant à Cyril, au Pays Haut Languedoc et Vignobles (0467893354).
    Le village de Puissalicon est l’objet d’une balade « patrimoine » : village construit « en circulade », château à l’entrée, tour romane en plein cimetière, plusieurs producteurs intra muros, comme Bassac, La Croix belle et, à l’extérieur, les Capriers.
    La plupart des circuits de randonnée dans les vignes sont publics, qu’ils soient balisés ou pas. Le sentier du Travers, au départ de la cave coopérative d’Alignan-le-Vent : 7 km, 3h de balade, avec le topoguide que l’on prend à la mairie : le sentier est balisé. Outre la cave, plusieurs producteurs comme les domaines Deshenrys et Bourdic vous y attendent.
    Chaque vigneron rencontré au hasard de notre randonnée nous apparaît convaincu qu’il faut encore et toujours améliorer la communication sur les côtes de Thongue, et développer l’accueil à la propriété. Comme s’il s’agissait d’un déficit : or, il apparaît au cours de n’importe quelle balade que cela est déjà bien réel : les chambres d’hôtes ne manquent pas (comme « La Maison », à Tourbes, où la nuitée est à 35€ !), les tables généreuses (et heureusement sans étoiles), non plus, comme cette hétéroclite et très kitsch « Boucherie », à Magalas.
    L’accueil et la dégustation chez le vigneron sont formidables où que vous vous arrêtiez à l’improviste. Il y a toujours quelqu’un pour vous recevoir et vous faire comprendre qu’ici, le plaisir est une façon d’être au monde.

    Léon Mazzella

    Encadré/ les vignerons du plaisir
    Les vins dégustés sur place, outre leurs qualités indéniables, sont tous « sur le fruit ». Ce sont des vins qui flirtent avec le bon goût originel du raisin. Ni trafiqués, ni concentrés, ni flatteurs, ils sont au contraire francs, directs, souriants et gorgés de soleil. Les rouges sont puissants, excellents tout de suite et néanmoins de garde, les rosés ne sont pas vineux mais faciles à boire, les blancs ont une grande tenue pour la région.
    - Louis-Marie Teisserenc, patron d’un cru, qui fédère une soixantaine de domaines, est aussi fier des côtes de Thongue et de ses « vignerons de respect », qu’il peut l’être de son domaine de l’Arjolle, à Pouzolles, dirigé de main de maître avec la complicité de Charles Duby. Ils gèrent aussi la gamme impressionnante des vins du domaine de Margan (à Pouzolles également). C’est à l’Arjolle que l’on trouve par exemple la seule parcelle française de Zinfandel, le cépage cher aux Californiens. Des expérimentations qu’autorise la grande liberté des vins de pays. Déguster au chai les cuvées Synthèse et Paradoxe devient un safari oenologique des plus décontractés.
    - Au domaine Bassac, à Puissalicon, les trois frères Delhon, champions de la discrétion, font des vins bios (certifiés ecocert), notamment un muscat petit grain qui est un miracle de douceur : ni gras, ni trop fruité, c’est le blanc moelleux d’apéro et de dessert par excellence.
    - Au domaine Saint-Georges d’Ibry, à Abeilhan, Michel Cros partage avec chaque visiteur, son enthousiasme et sa joie de vivre en faisant de jolis vins d’assemblage – en agriculture raisonnée –, gouleyants et de belle tenue, en particulier l’Âme des pins (rouge et blanc).
    - Au domaine Magellan, aux étiquettes design, le savoir-faire d’un homme de Meursault, Bruno Lafon, et celui d’une toulousaine ancrée à Magalas, sa belle-sœur Sylvie Gros, font de cette superbe propriété l’un des fleurons de la région. La cuvée Fruit défendu est connue des cavistes parisiens, et le superbe Alta, comme leur gamme de Vieilles vignes, n’ont pas à rougir de la concurrence extra régionale.
    - Au domaine Montrose, à Tourbes, Bernard Coste tient un discours décapant et moderne : il a su résister au défaitisme en sauvant la propriété familiale. On lui a dit : laisse tomber le vin, il en a fait. Avec succès. Son rosé, « mon rosé de montrose » est une star. Homme de marketing, il prouve que l’on peut produire et donc vendre du bon vin pas trop cher. Convaincu qu’avoir l’un des fonciers les moins chers du monde est un atout, il n’est pas de ceux qui se plaignent et manifestent.
    L.M.


     Lire la première réaction à cet article sur : www.berthomeau.com , lien "le pire et le meilleur".

     

  • Paralysie

    Une semaine sans internet (déménagement) et tout est dépeuplé

    (pas l'impression d'avoir trop manqué quand même...)

    C'est fou le nombre de choses qui peuvent se passer en une semaine...

    Là, en retrouvant mon blog -comme on retrouve son chien, qui nous fait la fête-, j'ai le sentiment de rouvrir la lourde porte de la maison de campagne (toiles d'araignée, gravier coincé dessous, serrure rétive, odeur de renfermé).

    Je vais ouvrir tout en grand, car le soleil doit entrer et pénétrer, faire plisser les yeux des murs. Après je ferai un bon feu pour absorber l'humidité qui a eu le temps de se pacser avec l'absence. Puis un thé.

    Le ciel envahit mes nouvelles fenêtres.

    Je sais que je ne laisserai plus jamais fuir le bonheur.

    Lorsqu'il réapparaît, nous devons lui faire toute la place, et rester vigilant.

    Je le serai.

    Toujours.

    Et que l'Enfer m'accueille avec des cris de haine si j'échoue.

  • Lettre ouverte à mon proprio

    Voici une nouvelle chronique donnée à Metro

    Bonne lecture

    (and a very special good luck to Chouch' for her searching)...


    Lettre ouverte à mon proprio
    Par Léon Mazzella, journaliste et écrivain. (03/05/2006)



    Il faut se rendre à l’évidence : Paris est devenue trop petit : Paris débordé, Paris embouteillé, Paris saturé, mais Paris désiré !.. La preuve ? –Cherchez un appartement à louer et vous comprendrez l’angoisse du gardien de but au moment du pénalty. Vous reverrez à la baisse votre jugement sur la nature humaine. Vous n’aurez plus d’illusion sur la survivance du sauvage au fond de l’âme de vos congénères en quête d’abri.

    Les visites, en général collectives, illustrent à merveille la crise parisienne, au-delà de celle du logement. Les prix sont stratosphériques, les prestations en chute libre, la concurrence sauvage, l’offre arrogante, la demande humiliée. Le regard de l’agent ou du propriétaire (selon la recherche), sont ceux d’un surveillant général : pète-sec, maître de la situation, sans concession ni espérance visible dans les regards, devenus vides comme la rubrique "offres de location" certains matins. La horde de locataires potentiels se bouscule à heure fixe dans des appartements qui ont peine à les contenir tous. Chacun serre son dossier sous le bras, qui comprend la base : salaires, impôts, identité, RIB, caution, certificat d’employeur... Les plus prévoyants se sont munis de la copie du test HIV2 de leur arrière grande tante. On ne sait jamais !

    Méfiance et exigence n’ont plus de limites. Les visiteurs s’ignorent en se toisant : tout à trac, ce sont des chiens au poil hérissé sur l’échine, grognant sourdement, prêts à mordre : "c’est moi qui l’aurai, cet appart’, tu fais pas le poids, j’ai l’air le plus riche, le plus fiable. D’ailleurs, regarde comme tu es sapé, minus !..". Tout cela se lit sur les visages. Chacun y va de sa parole mielleuse à l’égard de la chef’taine ou du caporal-chef présent, impassible, exaspéré. La question technique est rare : même pourrave, il faut prendre ! Les cravatés sont téméraires : d’une voix très conseil d’administration, ils proposent un chèque tout de suite.

    Le pouvoir grise surtout ceux qui en ont peu. La bonne gueule, les revenus, le dossier bardé, "tout doit faire sens". Souverain, l’agent, ou le propriétaire, se réserve un délai de réflexion avant de désigner l’élu. Chacun repart. Dans l’escalier, la rivalité demeure. Là, je pense aux paysages de l’Aubrac, à la Creuse, aux Landes aussi. Au silence, à la solitude, aux fermes spacieuses et pas chères. Et je baille.

    Léon Mazzella, journaliste et écrivain. Dernier livre paru : "Flamenca", roman (La Table ronde). Blog : http://leonmazzella.hautetfort.com

  • Palimpseste

    Il lit en soupirant un livre faible, puis un autre : Le temps des séparations, de Roger Grenier, et Août, de Sophie Lasserre : de l’ennui bien épais récemment paru. Des livres inutiles. Il laisse les livres sur la banquette du train, attrape L’été où il faillit mourir, de Jim Harrison, et ça part aussitôt, ça cingle, ça respire ! (Règle de base : pour n'être jamais pris de court, avoir toujours des munitions sur soi : plusieurs livres pour viatique).
    Le voyage se poursuit. Il rentre de reportage.
    Tout à l’heure, il a un peu écrit dans le carnet Moleskine chiffré Salon du livre, qu’elle lui a offert.
    Par la fenêtre, un paysage de marais surgit.
    Les seuls paysages qui l’émeuvent vraiment sont ceux des marais à la lumière reflétée de la lune.
    Non, rien ne peut davantage l’émouvoir, excepté le regard de C., ou bien son corps nu lorsqu’elle sort du lit pour disparaître dans sa salle de bains.
    Cette lame de scie en morceaux brisés de joncs, que forme l’eau d’un étang marécageux, cette brillance métallique, le mystère du monde des marais, tout cela le fait chavirer.
    Il aime l’émotion sauvage procurée par ce cadeau de la nature : la beauté s’offre à son regard, à ses cinq sens tendus, comme une nymphe endormie dans l’herbe grasse d’un pré…
    Le lendemain, il est chez lui. Tandis qu’il écrit ce qui précède, un mot est glissé sous sa porte. Il reconnaît sa signature. Derrière les hiéroglyphes de son écriture piquante, il déchiffre, en palimpseste, l’affiche d’un amour grand comme ça.
    Il sort aussitôt, guette alentour, s’interdit l’usage du téléphone portable. Il va marcher au jardin du Luxembourg. Le temps est très beau. Il se sent beau aussi. Il chante.

  • Le soleil de Camus

    "Nous sommes partisans après l'incendie d'effacer les traces et de murer le labyrinthe. On ne prolonge pas un climat exceptionnel". René Char

    Je feuillette le dernier "Magazine littéraire" , consacré à Albert Camus, et je me souviens de l'obsession du soleil, dans "L'Etranger" bien sûr (si Meursault tue, c'est à cause du soleil). Je repense à "Noces", à "L'Eté" -et en particulier au "Minotaure ou la halte d'Oran" et à "La mer au plus près"-, au "Malentendu", enfin... A cette omniprésence d'un soleil planté comme un personnage de roman.
    A ce soleil dont Camus écrivain est toujours flanqué.
    Le soleil ne coulait pas de sa plume, non, mais comme il signifie à la fois le bonheur et le risque, dans son oeuvre, le "Magazine" a raison de préciser que dans chacun de ses livres, le bonheur n'est si précieux que parce qu'il côtoie toujours la tragédie.

    Je reprends les deux Pléiades, cherche "L'Eté", tombe sur cette dernière phrase de "L'Enigme", dont je ne me souviens absolument pas : "Oui, tout ce bruit !.. quand la paix serait d'aimer, et de créer en silence. Mais il faut savoir patienter. Encore un moment, le soleil scelle les bouches".

    Je poursuis le feuilletage : "A midi, sous un soleil assourdissant, la mer se soulève à peine, exténuée. Quand elle retombe sur elle-même, elle fait siffler le silence. Une heure de cuisson et l'eau pâle, grande plaque de tôle portée au blanc, grésille. Elle grésille, elle fume, brûle enfin. Dans un moment elle va se retourner pour offrir au soleil sa face humide, maintenant dans les vagues et les ténèbres" ("La mer au plus près").

    "La Méditerranée a son tragique solaire qui n'est pas celui des brumes. Certains soirs, sur la mer, au pied des montagnes, la nuit tombe sur la courbe parfaite d'une petite baie et, des eaux silencieuses, monte alors une plénitude angoissée" ("L'exil d'Hélène").

    "Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres. A certaines heures, la campagne est noire de soleil" ("Noces à Tipasa").

    Relire Camus... Au lieu de l'abandonner, de le ranger. Au lieu de le bouder de façon idiote, voire snob, en pensant superficiellement qu'il est ce "philosophe pour classes terminales" (dixit feu mon ami Jean-Jacques Brochier, dont c'est le titre d'un de ses essais les plus marquants), qui ne mérite aucun égard, d'autant qu'il est par ailleurs un auteur classique. Donc devenu sujet (de bac et) à caution. Comme St-Ex. et Hemingway, avec "Le Petit Prince" et "Le Vieil homme et la mer" : les chefs d'oeuvre finissent par nous faire l'économie de la lecture de l'oeuvre dont ils sont issus; extraits. Aussi efficacement que l'adaptation cinématographique d'un roman nous empêche d'aller -ou de retourner-, au texte.

    Vivre à l'ombre de "L'étranger" quand on s'appelle "Noces", suivi de "L'été", est difficile. (C'est pourtant le meilleur de Camus).

    Relire Camus pour le soleil, l'humanisme, la belle prose de l'essayiste ("L'Envers et l'endroit", "L'homme révolté"), l'efficacité du novelliste au vocabulaire simple ("La Chute", "L'Exil et le royaume"), l'épaisseur du romancier ("La Peste")...

    Et se souvenir de son ami Char : "La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil".

    (Photos : Tipasa, le théâtre. Albert Camus. Plage en Méditerranée).