Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La forme empreinte qui en vivant se déplisse...

Les citations qui suivent ne sont pas là pour évoquer André Breton, le Surréalisme, ou même Julien Gracq, mais pour réfléchir à la liberté comme vertu à défendre, coûte que coûte. L'idée, que j'ai envie d'énoncer en paraphrasant Machiavel : la liberté comme fin justifie les moyens, est vieille comme le monde, le sujet "bateau", la dialectique connue, la réthorique attendue.

Mais la manière dont Gracq l'expose mérite qu'on y réflechisse, s'agissant d'Art, de création, de "mouvement"...

La liberté peut conduire à des situations paradoxales : c'est en son nom que, par exemple, la violence -vaut-elle privation de liberté?-, est utilisée comme recours.

Il n'est pas question ici d'Histoire (celle-ci regorge d'exemples qui illustrent l'usage de l'intolérance, voire de la force, pour défendre la Liberté), mais -ainsi que le souligne Julien Gracq, de l'histoire de la sensibilité...

 

"Cette vie si librement, si pleinement développée sans entrave dans son sens (vraiment "la forme empreinte qui en vivant se déplisse", selon la belle formule de Goethe)"...

"(...) La figure de Breton mérite de rester à un haut degré exemplaire. Elle reste celle -étrangement solitaire dans ce milieu de siècle- d'un homme entier, fondamentalement allergique à toutes les entreprises de restriction, à toutes les formes de résignation. Aux angles durs, aux aspérités inentamables. Adonné au besoin à l'intolérance comme à un principe d'hygiène, dès que son intégrité personnelle se sent en jeu; sachant de naissance que la vraie affirmation -celle qui enrichit les autres- ne peut être qu'affirmation de soi. Ne cédant jamais son terrain -repoussant la pression des autres au lieu d'en être repoussé. (...) L'époque a pu parfois sourire du ton avec lequel Breton, toute sa vie, a exercé la liberté comme une magistrature : elle n'a guère fait que montrer par là piteusement où elle en était, de quel rappel à l'ordre hautain elle avait besoin. Il est bon, il est très particulièrement sain aujourd'hui d'observer avec Breton une fois encore -qui sait? peut-être une des dernières- l'homme dans la plénitude d'exercice intransigeante de ses prérogatives : triant sans appel, comme si le monde était neuf, ce qui lui est bon de ce qui n'est pas de sa substance, et par là enseignant aux autres à le faire de la seule manière qui convienne : exemplairement. Sachant que toute revendication efficace de la liberté passe d'abord par l'exercice intégral de la sienne. Pleinement convaincu aussi, et le prouvant, et ne ressentant pas le besoin de s'en excuser, que, dans l'histoire de la sensibilité du moins, le monde appartient par droit légitime aux violents."

Julien Gracq, Plénièrement, Fata Morgana, avril 2006. L'éditeur de cette mince et précieuse plaquette tirée à 500 exemplaires, ne mentionne nulle part sa source! (car il s'agit d'une reprise d'un texte déjà ancien de l'auteur, mais lequel? Extrait de quel livre?). Je viens de passer près de deux heures à chercher dans ses oeuvres complètes : individuellement publiées par José Corti, collectivement rassemblées en Pléiade, et quelques sommes d'articles épars et publiés par des études et recueils collectifs (Cahiers de L'Herne, Actes de colloque, notamment), et je suis rentré bredouille. Mais je trouverai.

Gracq, encore, à propos du Surréalisme faisant corps avec Breton (et juste pour la somptuosité de la langue) : Il l'a porté "avec l'aisance parfaite d'un vêtement modelé sur lui, coupé et ajusté à sa mesure, dont il s'étonnait et s'agaçait, et parfois se colérait vite, que les autres y parussent engoncés et fissent tôt ou tard craquer les coutures".

 

De haut en bas : La liberté guidant le peuple, de Delacroix. André Breton et Julien Gracq : deux dessins de Hans Bellmer. Une femme "encielée" de Magritte entre eux deux, et puis pour finir, une autre oeuvre de Magritte; Le thérapeute...

 

 

Les commentaires sont fermés.