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Lettre ouverte à mon proprio

Voici une nouvelle chronique donnée à Metro

Bonne lecture

(and a very special good luck to Chouch' for her searching)...


Lettre ouverte à mon proprio
Par Léon Mazzella, journaliste et écrivain. (03/05/2006)



Il faut se rendre à l’évidence : Paris est devenue trop petit : Paris débordé, Paris embouteillé, Paris saturé, mais Paris désiré !.. La preuve ? –Cherchez un appartement à louer et vous comprendrez l’angoisse du gardien de but au moment du pénalty. Vous reverrez à la baisse votre jugement sur la nature humaine. Vous n’aurez plus d’illusion sur la survivance du sauvage au fond de l’âme de vos congénères en quête d’abri.

Les visites, en général collectives, illustrent à merveille la crise parisienne, au-delà de celle du logement. Les prix sont stratosphériques, les prestations en chute libre, la concurrence sauvage, l’offre arrogante, la demande humiliée. Le regard de l’agent ou du propriétaire (selon la recherche), sont ceux d’un surveillant général : pète-sec, maître de la situation, sans concession ni espérance visible dans les regards, devenus vides comme la rubrique "offres de location" certains matins. La horde de locataires potentiels se bouscule à heure fixe dans des appartements qui ont peine à les contenir tous. Chacun serre son dossier sous le bras, qui comprend la base : salaires, impôts, identité, RIB, caution, certificat d’employeur... Les plus prévoyants se sont munis de la copie du test HIV2 de leur arrière grande tante. On ne sait jamais !

Méfiance et exigence n’ont plus de limites. Les visiteurs s’ignorent en se toisant : tout à trac, ce sont des chiens au poil hérissé sur l’échine, grognant sourdement, prêts à mordre : "c’est moi qui l’aurai, cet appart’, tu fais pas le poids, j’ai l’air le plus riche, le plus fiable. D’ailleurs, regarde comme tu es sapé, minus !..". Tout cela se lit sur les visages. Chacun y va de sa parole mielleuse à l’égard de la chef’taine ou du caporal-chef présent, impassible, exaspéré. La question technique est rare : même pourrave, il faut prendre ! Les cravatés sont téméraires : d’une voix très conseil d’administration, ils proposent un chèque tout de suite.

Le pouvoir grise surtout ceux qui en ont peu. La bonne gueule, les revenus, le dossier bardé, "tout doit faire sens". Souverain, l’agent, ou le propriétaire, se réserve un délai de réflexion avant de désigner l’élu. Chacun repart. Dans l’escalier, la rivalité demeure. Là, je pense aux paysages de l’Aubrac, à la Creuse, aux Landes aussi. Au silence, à la solitude, aux fermes spacieuses et pas chères. Et je baille.

Léon Mazzella, journaliste et écrivain. Dernier livre paru : "Flamenca", roman (La Table ronde). Blog : http://leonmazzella.hautetfort.com

Commentaires

  • Cet article est très beau, mais je ne comprends pas la comparaison entre le gardien de but et celui qui recherche un appartement à Paris. Car enfin, seul celui qui marque le but, c'est à dire le joueur, est content, autant que celui qui remporte la location, mais le gardien lui ne recherche rien. Merci de m'indiquer si je fais erreur.

  • Etre gardien de but, c'est aussi jouissif que de courir, de défendre ou d'attaquer. Loin d'être un "sous-joueur", le goal a le rôle capital que l'on sait. Je faisais aussi référence au titre d'un livre de Peter Handke, je crois ("L'angoiusse du gardien de but au moment du penalty"). C'est l'angoisse qui m'a dicté cette expression. Car enfin, c'est à chaque fois quitte ou double. Vous avez tout à fait raison, cependant : le but, c'est la location. Mais l'angoisse de prendre un but, c'est celle de passer à côté d'un bel appart' D'où le goal au moment "m"... Merci de votre sagace lecture, cher stephi !

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