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  • Secs constats

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    Je me trouvais dimanche 23 en Baie du Mont Saint-Michel, sur les prés salés, partageant l'herbe que je foulais avec de réputés moutons aux saveurs singulières, pour une marche tiédie par un air étonnamment hors-saison. Justement, l'herbe. Celle-ci crissait sous la botte par endroits, et pas une goutte d'eau n'irriguait ni les canaux au fond craquelé, ni les mares des huttes de chasse. Tout était sec jusqu'à la lisière du Mont, l'eau retrouvée. Je levai en marchant quelques alouettes, des étourneaux picoraient les crottes de moutons, de rares goélands leucophores s'envolaient à regret à mon approche, des corneilles noires demeuraient; arrogantes - il faut s'y faire depuis un certain nombre d'années. Aucun bec plat, canard ou sarcelle, aucune bécassine, aucun autre limicole, et rien qui striait le ciel, ni pluviers, ni courlis, ni pieds-rouges (chevaliers gambette) - ah si, un vanneau égaré, esseulé sans doute, cria son désarroi en virevoltant à basse altitude, sur le chemin du retour. Pour un peu, je n'aurais pas été surpris de voir décoller une ganga cata. Non, j'exagère. Mais j'y pensais, car j'étais inquiet, voire attristé.

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    Hier matin, en randonnant du côté d'Etxalar, au Pays basque espagnol (pas loin de Zugarramurdi et Sare), je levai de rares grives sur un sol vert et dru, tandis qu'habituellement elles auraient dû fuser en bouquet de chaque buisson, fut-il d'ajoncs et de ronces. Des vautours fauves planaient en spirale, des milans royaux maraudaient. Quelques coups de feu signalaient un passage timide de palombes peut-être ; de grives plutôt. Le ciel était gris, l'atmosphère opaque, et comme ourdie par un silence inhabituel. Je me suis dit que la migration, qui devrait battre son plein, était en berne, ou bien en grève, ou alors à la messe.

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    Ce matin, du côté de Bidart, levé à l'extrême pointe de l'aube, café en main, j'eus la joie de voir passer trois maigres vols de palombes, et surtout d'observer des grives musiciennes en migration, mais stationnant afin de se refaire la cerise avant de reprendre leur route vers l'Espagne et au-delà. Elles étaient cependant là, à portée, allant d'une branche à l'autre tout autour, des hauts pins aux petits bosquets, de la haie garnie de lierre et de glycine au laurier rose qui perd peu à peu ses fleurs. J'en conçus une nouvelle et amère constatation. Les grives (musicienne et mauvis, surtout), avaient un peu déserté octobre et novembre ces dernières années, et je m'en étais inquiété. Les voilà qui réapparaissent, en nombre, et c'est tellement heureux. Mais, l'urbanisation et l'invasion du territoire péri-urbain, lequel gagne la campagne, l'espace sauvage, empiète sur le biotope animal, mange l'environnement de l'oiseau. Ainsi, la grive reprend-elle des forces dans les jardins, soit là où il y avait auparavant des haies riches en baies, et des prés sous-cutanés de lombrics gras. Aussi, l'espace vital animal se confond-il désormais avec l'expansion des besoins en logement de l'homme (sur la Côte basque, cela est criant, voire révoltant : où que l'on se trouve, il y a dans notre champ de vision un immeuble en construction ou une grue trônant au coeur d'un chantier). Les grives, donc, s'accommodent des villas, des maisons, des jardins, des rues et des routes bruyantes, où leur instinct les ramène comme un aimant les attirerait inexorablement ; à leur corps défendant. Ainsi se désensauvagent-elles, et c'est cela qui m'est douloureux. L.M.

  • Blanc, par Tesson

    Les premières pages du nouveau livre de Sylvain Tesson à paraître le 13 chez Gallimard, et intitulé sobrement "Blanc", émaillent quelques citations sur l'idée du départ, du voyage (ci-dessous), et donnent ainsi le ton, soit celui de la bougeotte. J'y ajouterai un vers célèbre de Blaise Cendrars : "Quand tu aimes il faut partir"...

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  • Avec Rimbaud, il suffit d'un vers...

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    ... pour être emporté. Exemple, ce matin, je relis le poème Ophélie, qui possède les accents du Dormeur du val, et ce vers, le trentième, me cloue : Tu te fondais à lui comme une neige au feu. J'en ai frissonné. Certes, c'est l'image, à la Gracq ou à la Giono (je suis en train de me régaler avec Le Chant du monde) qui interpelle, séduit. En littérature, il suffit souvent de l'usage de l'adverbe "comme" (à condition de ne pas en abuser et de lui trouver des remplaçants) pour créer immédiatement une sorte d'émerveillement. Les exemples sont nombreux. Et nous pourrions nous amuser à en collectionner une belle ribambelle... 

    Le poème de Rimbaud évoque l'Ophélie peinte par J.E. Millais (ci-dessus) et surtout le personnage de Shakespeare (dans Hamlet), qui devint folle, se suicida (?) en se noyant dans un ruisseau et dont le corps entouré de fleurs flottera mille ans sans être altéré. Un mythe naquit.

    Gaston Bachelard, dans L'Eau et les rêves, s'est penché sur "le complexe d'Ophélie". L'eau est la vraie matière de la mort bien féminine, écrit-il. L.M.

     

     

     

  • Amour du journalisme

    Cet extrait de Racontez-moi les flamboyants, de Christine de Rivoyre, m'est lumineux. Il parlera à mes confrères et consoeurs animés de l'intérieur par le métier. C'est tellement cela. À l'instar d'Albert Camus disant qu'il n'avait jamais été aussi heureux que sur les planches d'un théâtre, sur un stade de football et dans les salles de rédaction et de montage d'un journal, les bonheurs professionnels de mon existence se sont toujours produits au moment où je démarrais une voiture, entrais dans un wagon, montais dans un avion et partais en reportage, quel qu'il fut, où que ce fut. Puis, ils résidaient dans une rédac, soit là où je me suis toujours senti aussi bien que chez moi. Surtout les jours de bouclage... 

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