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  • le parler pied-NOIR

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    Face à la marée montante de la bêtise (Camus), à l'indigeste inculture ambiante, au manque abyssal d'intelligence, à la caricature de notre humanité, à la grossière et brutale, violente et radicale montée des ignares fiers de l'être, face à la barbarie, aux bipèdes proches des bovins rescapés de l'abattoir pour des raisons inavouables, face au mépris forcément assumé pour la sensibilité, le respect de l'Autre, le tact, l'écoute, le dialogue, face au péril de l'ensauvagement galopant de notre société des Lumières et de l'esprit, du trait, de l'humour, de la dérision, de l'autodérision, de l'ironie - arme suprême contre toute forme de bêtise -, de l'intelligence fraîche, tendre, lettrée, fine et directe, contradictoire et duettiste, provocatrice par goût de la diatribe, du pamphlet, du frottement des cervelles cher à Montaigne en voyage, face à notre Histoire, notre Culture pluri-millénaire, face aux connards qui sont Légion, qui nous étouffent par leur nombre et leur absence de savoir-vivre, leur irrespect fondamental, face aux violents qui prolifèrent et pratiquent leur activité gratuitement en vous cassant la gueule comme ça, pour rien, les fats, face aux terroristes en tout genre - du plus meurtrier, solitaire et malade mental, à l'extrêmement meurtrier, organisé, en bande, et/ou ayant fait allégeance à la lie de ce siècle -, face à face, je me demande bien comment, si je devenais sujet de soumission (ce mot étant devenu à mon esprit le plus important depuis la parution du livre éponyme, si clairvoyant, prophétique de Michel Houellebecq, et ce concept-là, je le précise haut et fort, n'a rien à voir avec un mouvement politique frelaté d'origine - récupérateur et bassement opportuniste -, terriblement stalinien, aux accents dictatoriaux, né en terreau bobo il y a quelques années)... Je me demande donc bien comment je devrais changer le titre de mon long-seller, constamment réimprimé depuis sa première publication en juin 1989, repris en format de poche en janvier 2017. Agatha, tu dois bien avoir une idée, non, avec tes 2x5 Petits nègres, qui viennent d'être contredits par ta pleutre descendance ? Et toi, Henry Beyle (Stendhal), est-ce que Le Rouge et le gris foncé, pour titre de ton oeuvre merveilleuse, te conviendrait-il ? (Je sais, je sais, tu réponds : c'est une blague, ou bien vous marchez tellement bien sur la tête que vous êtes devenus pathétiquement risibles). Si je continue en égrenant les exemples (seulement) de titres de livres sujets à caution face aux nouveaux censeurs, la liste va être très longue. Autant que celle de la monumentale connerie des nouveaux procureurs improvisés sur les réseaux sociaux, cette plaie purulente dotée d'un Q.I. d'huître tiède, mais au potentiel terrorisant explosant l'échelle de Richter, s'il s'agissait de secousse sismique. Mais c'en est une, et nous n'y prenons pas assez garde. L'alternative? Charles de Gaulle disait à son Président du Conseil, et donc indirectement aux Ministres (si sa ligne politique ne leur convenait pas. Autre époque, celle de l'État, c'est moi. Et ça avait de la gueule) : Soit on se soumet, soit on se démet. Là, le schéma est autre : soit on continue de se soumettre, soit c'est la guerre civile à l'horizon. Les cons, ça ose tout, et c'est d'ailleurs à ça qu'on les reconnait (Michel Audiard). Et nous n'avons plus beaucoup d'effort à faire pour les reconnaître tant ils sont nombreux, omniprésents, arrogants comme la corneille à l'égard du moineau domestique en milieu urbain, et même de l'homme devant une poubelle publique (ici, l'éthologie est éclairante, mais c'est un autre sujet. J'y viendrai). J'ai - donc - publié Le Parler Pied-Noir (Rivages, 1989, Petite Bibliothèque Payot, 2017). On fait quoi ? Moi, je garde le titre, évidemment. Et j'emmerde copieusement les cons, cela va de soi. L.M.

  • Fulgur

     

     

  • crissé

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    Le mot fusain, la craie, calcaire à l'envers, le crayon, le noir, le blanc, le grisé, le rayé, le son que cela fait, ça crisse, le crissé si ça se dit je ne pense pas, les vibrations dans les doigts, l'aspérité, l'aspect ridé, la révélation de la silhouette comme sortie des lignes, née de leur croisement, de leur pluie noire, le mystère, l'habit, l'époque, c'est daté, ça marche, c'est proustien, cadavérique, giacomettien un peu, ça fuit, ça vente, la main dans la poche empêche le rapprochement avec Don Quichotte - pourtant, ce que, tout ce qu'un simple crayonné peut suggérer... L.M.

    Illustration : Théophile Alexandre Steinlen.

  • Sensations furtives

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    Les lièvres bouquinent encore, ou bien ils s’amusent, se roulent même dans l'herbe comme des chiens, très tôt le matin, et moi-même je lis plusieurs heures par jour, sous le saule pleureur, ou bien sous les bouleaux, ou encore sous les tilleuls, où finira l'été... Bref, je suis la course du soleil, livre (ou bouquin) en main. Les perdreaux rouges et de beaux coqs faisans s’aventurent jusque devant la cuisine. Je « lève » des chevreuils dans les haies comme des grives, à deux ou trois mètres devant mes bottes, lors de mes longues marches quotidiennes. Le chant des grenouilles le soir, loin d’être entêtant, est envoûtant. Les tulipes jaunes et rouges, les jonquilles, la glycine, des centaines de pâquerettes, de pissenlits, de boutons d’or et d’autres fleurs bleues et jaunes aussi que je n’identifie pas n’illuminent plus la pelouse, devenue jaune ; brûlée. Résistent les roses, les marguerites, et un regain de glycine. Le chèvrefeuille embaume l'atmosphère lorsque je passe devant lui comme le font les belles parfumées au jasmin croisées dans les rues piétonnes. Les poires sont encore un peu dures, je les tâte tous les deux ou trois jours. Les cris de rappel des faisans, l’aboiement des chevreuils, le passage d’un renard, le vol rasant des hirondelles, celui du Saint-Esprit du faucon crécerelle, le piaillement des moineaux dans les roseaux au crépuscule à l’heure du rosé frappé et de la kémia, sont autant de marques de beauté simple. Ces deux étourneaux qui ont niché étrangement dans une meurtrière (l’entrée d’un ancien pigeonnier) au-dessus du bûcher, et qui s’envolent chaque fois que je passe devant, pour revenir quelques minutes plus tard, deviennent des amis. Un couple de colverts fait de même, sur la mare. Je les « lève », ils font un grand arc de cercle et reviennent en planant, mais ne se reposent pas tant que je n’ai pas disparu du cadre. Un couple de palombes a eu l’audace de construire son nid fait de branches grossières et a priori inconfortables entre deux poutres de la grange (dite) du renard. La seconde nichée progresse, la première est déjà volante. Les moro-sphinx et leur vol stationnaire d’une grâce inouïe disputent aimablement la lavande aux bourdons. Les lézards lézardent, les taons m’agacent, le silence est parfois oppressant et la chaleur, depuis quelques jours, légèrement étouffante. Cela pourrait être pire, je le sais. L.M.