Fulgur
... D'un romantisme impressionnant. Je retiens ces quatre mains agrippées aux barreaux glacés plutôt qu'aux peaux vives et brûlantes. Pudeur, respect, tact, savoir-être d'évidence. Le frôlement des lèvres avant le toucher des doigts. L'urgence tait. La suite appartient à l'ouragan. Ou à la pluie sèche. Le rempart protège davantage qu'il n'interdit, renforce et concentre plus qu'il n'empêche. Une telle barrière est inespérée pour des amants aiguisés, à vif, à cran, car il augmente, accroît, attise le désir jusqu'à son paroxysme. C'est juste beau comme tout ce qui est fulgurant. L'orage, le feu, le cri, l'instant qui précède l'explosion, la coupure de courant, la charge du taureau. Je pense au Verrou, de Fragonard, évidemment, sauf que l'homme de Fragonard verrouille la porte tandis qu'ici, les barreaux interdisent et autorisent... C'est en réalité atroce de pouvoir un peu mais pas totalement. Résister, me soufflent les stoïques et les épicuriens. Tu parles, Charles, répondent les hédonistes et les jouisseurs. L.M.
Antonio Ambrogio Alciati, "Un moment volé".