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  • un folio salutaire

    RC:AC.JPGAu courrier, ce matin, une BD pédagogique sur les châteaux de la Loire signée Bamboo éditions, la très respectable revue Le Rouge & le Blanc, consacrée aux vins vivants. Et quelques livres de poche, dont ce folio infiniment salutaire, car il va permettre à encore plus de lecteurs de découvrir la lumineuse correspondance entretenue de 1946 à 1959, par de deux amis à la Montaigne et La Boétie : René Char et Albert Camus. Soit deux géants de la poésie et de la prose. Deux figures emblématiques de la Résistance : Camus avec les années Combat, Char avec Les Feuillets d'Hypnos, lorsqu'il s'appelait capitaine Alexandre. Ce livre, qui rassemble plus de 200 lettres (dont 8 inédites), est devenu un classique de la littérature épistolaire de haut-vol.

    Il s'agit de la conversation bienveillante, précieuse, de deux immenses plumes qui portent un regard sur l'homme, sur un siècle qui expose sa monstruosité, sur leur oeuvre en cours, la poésie simple du matin, les lectures, les amours sûres... Cet échange entre deux authentiques compagnons exprime aussi l'appui sur l'ami, quand il sait et comprend, et qu'il marche lui-même, du même pas (Camus à Char). C'est à lire piano, piano. C'est un recueil de pépites à déguster comme un grand bas armagnac. Mieux : un mouchoir dont on dénoue les quatre oreilles avant de plonger une main avide et gourmande dans un grouillement de binagates enfouies (billes d'agathe, en pataouète pied-noir)... Où l'on découvre que Char ne cessa jamais d'être poète, où l'amitié, leur rivière souterraine, se construit lettre après lettre et mûrit comme le miel durcit, où Camus s'expose comme il fut : d'une désarmante sincérité et d'une émouvante générosité d'âme. Un livre essentiel, en marge de nos relectures régulières, soit du commerce comme disait Montaigne, avec l'oeuvre de ces deux grands bonhommes qui vécurent aussi (peu de temps), en voisins dans le Luberon, jusqu'à ce qu'un matin, Camus quitte Lourmarin et prenne la route à bord d'une funeste Facel-Véga FV3B ... L.M.

    Lire aussi cette note publiée ici même le 29 novembre 2009 à propos de : La postérité du soleil

  • Vu au Mans (Salon Dico-Plaisir)

    Capture d’écran 2017-03-15 à 09.01.31.pngDimanche dernier au Mans, je signais les trois dicos que j'ai commis, puisque ce salon, Dico-Plaisir, est dédié aux dictionnaires en tout genre. J'ai surtout signé des Parler pied-noir à des nostalgériques (il en reste, et puis il y a désormais ceux qui ont envie de lire et donc de réentendre les mots de leurs parents disparus, avec l'accent que j'y ai mis, volontairement, phonétiquement), pas mal de Dictionnaire chic du vin, aussi, mais parce que j'y cause de Jasnières, et des coteaux du Loir!... Mais aucun Sud-Ouest vu par ma pomme. Les rillettes ne frayent guère avec le foie gras.

  • Kiefer / Rodin

    2017-03-13 16.22.09.jpg2017-03-13 16.23.25.jpg
    Evidemment, des photos prises avec un téléphone ne rendent rien. C'est l'une des toiles, avec un peu du plomb du toit de la cathédrale de Cologne que l'artiste a racheté, et l'une des sculptures sous vitrine de l'immense Kiefer, exposées au musée Rodin *. Il s'agit d'une interprétation par Kiefer des Cathédrales de France, de Rodin (le livre que le sculpteur fit paraître en 1914). De la matière épaisse, goudronnée, chargée de pigments, sur ses grands formats, et puis ces vitrines, toutes inédites, avec fleurs de lotus carbonisées, et toujours, le Livre... Transpercé par le végétal, ici. Ailleurs dans cette expo, des dessins érotiques et des moulages de Rodin, et puis des fragments, des lambeaux de tissus, des inscriptions, des empreintes, des traces, des esquisses, des accidents, des repentirs. Une émotion. L'alliance formidable de deux monstres. L.M.
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    * Rue de Varenne, à Paris. L'exposition s'inscrit dans le cadre du centenaire de la mort du grand sculpteur.
    Capture d’écran 2017-03-14 à 10.14.11.png 

  • La marche à l'amour

    Capture d’écran 2017-03-08 à 08.44.40.pngVoici le poème dont Jean-Louis Trintignant a lu un extrait (les derniers vers, en prenant la liberté de les prolonger un peu..) hier soir à la salle Pleyel - voir la note précédente, plus bas donc. Il s'intitule La marche à l'amour, et nous le devons au poète québécois Gaston Miron (1928-1996). Extrait du livre L'homme rapaillé  © Poésie/Gallimard : 

    La marche à l'amour
    Tu as les yeux pers des champs de rosées
    tu as des yeux d'aventure et d'années-lumière
    la douceur du fond des brises au mois de mai
    dans les accompagnements de ma vie en friche
    avec cette chaleur d'oiseau à ton corps craintif
    moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches
    moi je fonce à vive allure et entêté d'avenir
    la tête en bas comme un bison dans son destin
    la blancheur des nénuphars s'élève jusqu'à ton cou
    pour la conjuration de mes manitous maléfiques
    moi qui ai des yeux où ciel et mer s'influencent
    pour la réverbération de ta mort lointaine
    avec cette tache errante de chevreuil que tu as

    tu viendras tout ensoleillée d'existence
    la bouche envahie par la fraîcheur des herbes
    le corps mûri par les jardins oubliés
    où tes seins sont devenus des envoûtements
    tu te lèves, tu es l'aube dans mes bras
    où tu changes comme les saisons
    je te prendrai marcheur d'un pays d'haleine
    à bout de misères et à bout de démesures
    je veux te faire aimer la vie notre vie
    t'aimer fou de racines à feuilles et grave
    de jour en jour à travers nuits et gués
    de moellons nos vertus silencieuses
    je finirai bien par te rencontrer quelque part
    bon dieu!
    et contre tout ce qui me rend absent et douloureux
    par le mince regard qui me reste au fond du froid
    j'affirme ô mon amour que tu existes
    je corrige notre vie

    nous n'irons plus mourir de langueur
    à des milles de distance dans nos rêves bourrasques
    des filets de sang dans la soif craquelée de nos lèvres
    les épaules baignées de vols de mouettes
    non
    j'irai te chercher nous vivrons sur la terre
    la détresse n'est pas incurable qui fait de moi
    une épave de dérision, un ballon d'indécence
    un pitre aux larmes d'étincelles et de lésions
               profondes
    frappe l'air et le feu de mes soifs
    coule-moi dans tes mains de ciel de soie
    la tête la première pour ne plus revenir
    si ce n'est pour remonter debout à ton flanc
    nouveau venu de l'amour du monde
    constelle-moi de ton corps de voie lactée
    même si j'ai fait de ma vie dans un plongeon
    une sorte de marais, une espèce de rage noire
    si je fus cabotin, concasseur de désespoir
    j'ai quand même idée farouche
    de t'aimer pour ta pureté
    de t'aimer pour une tendresse que je n'ai pas connue
    dans les giboulées d'étoiles de mon ciel
    l'éclair s'épanouit dans ma chair
    je passe les poings durs au vent
    j'ai un coeur de mille chevaux-vapeur
    j'ai un coeur comme la flamme d'une chandelle
    toi tu as la tête d'abîme douce n'est-ce pas
    la nuit de saule dans tes cheveux
    un visage enneigé de hasards et de fruits
    un regard entretenu de sources cachées
    et mille chants d'insectes dans tes veines
    et mille pluies de pétales dans tes caresses

    tu es mon amour
    ma clameur mon bramement
    tu es mon amour ma ceinture fléchée d'univers
    ma danse carrée des quatre coins d'horizon
    le rouet des écheveaux de mon espoir
    tu es ma réconciliation batailleuse
    mon murmure de jours à mes cils d'abeille
    mon eau bleue de fenêtre
    dans les hauts vols de buildings
    mon amour
    de fontaines de haies de ronds-points de fleurs
    tu es ma chance ouverte et mon encerclement
    à cause de toi
    mon courage est un sapin toujours vert
    et j'ai du chiendent d'achigan plein l'âme
    tu es belle de tout l'avenir épargné
    d'une frêle beauté soleilleuse contre l'ombre
    ouvre-moi tes bras que j'entre au port
    et mon corps d'amoureux viendra rouler
    sur les talus du mont Royal
    orignal, quand tu brames orignal
    coule-moi dans ta plainte osseuse
    fais-moi passer tout cabré tout empanaché
    dans ton appel et ta détermination

    Montréal est grand comme un désordre universel
    tu es assise quelque part avec l'ombre et ton coeur
    ton regard vient luire sur le sommeil des colombes
    fille dont le visage est ma route aux réverbères
    quand je plonge dans les nuits de sources
    si jamais je te rencontre fille
    après les femmes de la soif glacée
    je pleurerai te consolerai
    de tes jours sans pluies et sans quenouilles
    des circonstances de l'amour dénoué
    j'allumerai chez toi les phares de la douceur
    nous nous reposerons dans la lumière
    de toutes les mers en fleurs de manne
    puis je jetterai dans ton corps le vent de mon sang
    tu seras heureuse fille heureuse
    d'être la femme que tu es dans mes bras
    le monde entier sera changé en toi et moi

    la marche à l'amour s'ébruite en un voilier
    de pas voletant par les lacs de portage
    mes absolus poings
    ah violence de délices et d'aval
    j'aime
               que j'aime
                                 que tu t'avances
                                                          ma ravie
    frileuse aux pieds nus sur les frimas de l'aube
    par ce temps profus d'épilobes en beauté
    sur ces grèves où l'été
    pleuvent en longues flammèches les cris des pluviers
    harmonica du monde lorsque tu passes et cèdes
    ton corps tiède de pruche à mes bras pagayeurs
    lorsque nous gisons fleurant la lumière incendiée
    et qu'en tangage de moisson ourlée de brises
    je me déploie sur ta fraîche chaleur de cigale
    je roule en toi
    tous les saguenays d'eau noire de ma vie
    je fais naître en toi
    les frénésies de frayères au fond du coeur d'outaouais
    puis le cri de l'engoulevent vient s'abattre dans ta 
               gorge
    terre meuble de l'amour ton corps
    se soulève en tiges pêle-mêle
    je suis au centre du monde tel qu'il gronde en moi
    avec la rumeur de mon âme dans tous les coins
    je vais jusqu'au bout des comètes de mon sang
    haletant
               harcelé de néant
                                        et dynamité
    de petites apocalypses
    les deux mains dans les furies dans les féeries
    ô mains
    ô poings
    comme des cogneurs de folles tendresses
    mais que tu m'aimes et si tu m'aimes
    s'exhalera le froid natal de mes poumons
    le sang tournera ô grand cirque
    je sais que tout mon amour
    sera retourné comme un jardin détruit
    qu'importe je serai toujours si je suis seul
    cet homme de lisière à bramer ton nom
    éperdument malheureux parmi les pluies de trèfles
    mon amour ô ma plainte
    de merle-chat dans la nuit buissonneuse
    ô fou feu froid de la neige
    beau sexe léger ô ma neige
    mon amour d'éclairs lapidée
    morte
    dans le froid des plus lointaines flammes

    puis les années m'emportent sens dessus dessous
    je m'en vais en délabre au bout de mon rouleau
    des voix murmurent les récits de ton domaine
    à part moi je me parle
    que vais-je devenir dans ma force fracassée
    ma force noire du bout de mes montagnes
    pour te voir à jamais je déporte mon regard
    je me tiens aux écoutes des sirènes
    dans la longue nuit effilée du clocher de 
           Saint-Jacques
    et parmi ces bouts de temps qui halètent
    me voici de nouveau campé dans ta légende
    tes grands yeux qui voient beaucoup de cortèges
    les chevaux de bois de tes rires
    tes yeux de paille et d'or
    seront toujours au fond de mon coeur
    et ils traverseront les siècles

    je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi
    lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme
    je marche à toi, je titube à toi, je bois
    à la gourde vide du sens de la vie
    à ces pas semés dans les rues sans nord ni sud
    à ces taloches de vent sans queue et sans tête
    je n'ai plus de visage pour l'amour
    je n'ai plus de visage pour rien de rien
    parfois je m'assois par pitié de moi
    j'ouvre mes bras à la croix des sommeils
    mon corps est un dernier réseau de tics amoureux
    avec à mes doigts les ficelles des souvenirs perdus
    je n'attends pas à demain je t'attends
    je n'attends pas la fin du monde je t'attends
    dégagé de la fausse auréole de ma vie.


    Gaston Miron (1928-1996), L’homme rapaillé (Poésie/Gallimard)
    Et, ci-dessous, un spectacle splendide à écouter et à regarder : Daniel Mille Sextet invite Jean-Louis Trintignant :
    https://www.youtube.com/watch?v=qTwcdyaPX5Y

     

  • je marche à toi

    Capture d’écran 2017-03-08 à 01.06.41.pngJ'ai écouté la voix de Jean-Louis Trintignant ce mardi soir, à la salle Pleyel (Paris). Il a lu de nombreux poèmes de Desnos, de Prévert, de Vian... Le plus émouvant, de loin, car il invoquait le souvenir de Marie sa fille, est de Gaston Miron, et ce sont les derniers vers du long poème intitulé La marche à l'amour, extrait du recueil L'homme rapaillé). J'ajoute que, sans les violoncelles, la contrebasse et l'accordéon (Daniel Mille) superbement mis au service de la musique d'Astor Piazzolla, ce spectacle formidable n'aurait rien donné ; ou si peu. Voici le poème majeur - arrangé, allongé par Trintignant :

    --- 

    je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi

    lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme

     

    je marche à toi, je titube à toi, je bois

    à la gourde vide du sens de la vie

    à ces pas semés dans les rues sans nord ni sud

    à ces taloches de vent sans queue et sans tête

     

    je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi

    lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme

     

    je marche à toi, je titube à toi, je bois

     

    je n'ai plus de visage pour l'amour

    je n'ai plus de visage pour rien de rien

    parfois je m'assois par pitié de moi

    j'ouvre mes bras à la croix des sommeils

    à la croix des sommeils

     

    mon corps est un dernier réseau de tics amoureux

    avec à mes doigts les ficelles des souvenirs perdus

    je n'attends pas à demain je t'attends

    je n'attends pas la fin du monde je t'attends

    dégagé de la fausse auréole de ma vie

     

    je n'attends pas à demain je t'attends

    je n'attends pas la fin du monde je t'attends

    je n'attends pas à demain je t'attends

    je n'attends pas la fin du monde je t'attends

     

    je t’attends…

     

     

  • Un 5 à 7 chez mon caviste

    J'ai récemment participé à une opération voisine, organisée par la même agence de comm° lyonnaise spécialisée dans le vin (mais pas que) Clair de Lune, et cela s'appelait Un sommelier dans mon canap'. Je fus ainsi, avec d'autres (cavistes, sommeliers, journalistes vins), le sommelier de quelques soirs en m'invitant chez des gens, et l'expérience fut formidable.

    Capture d’écran 2017-03-07 à 12.39.52.pngLà, ce sont des cavistes (parisiens), des vrais, et des bons, qui reçoivent dans leur boutique, et qui animent (du 27 mars au 24 avril) des ateliers Premier flirt (débutants) ou A la folie (initiés) au sujet de la grande palette des vins en AOC Languedoc de la grande région Occitanie. Tous les détails sont dans le lien ci-après. Parmi les cavistes participant à l'opération, je ne saurais trop recommander ma chouchou Elodie Cadiou, Et si Bacchus était une femme (rue Monge dans le 5è).

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