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  • C'est Arbois qu'il nous faut!

    roletexpressionduterroirarbois2007.jpgPierre et Eliane Rolet sont des vignerons de légende dans le Jura. Leur Arbois 2007 Expression du terroir (30% de Savagnin et 70% de Chardonnay) élevé en petits fûts trois années durant, donne un blanc caractérisé par une robe dorée et luminescente. Le nez envoie de la noix au cerveau, de l'amande à peine fumée, de la compote de pommes de maman et des épices douces, jamais agressives, comme la cardamome. La bouche est d'une fraîcheur rare. Droite, elle reprend les flaveurs perçues au nez -ou qui lui sautèrent dessus-, en y ajoutant un rien de fruits confits bienvenu, une pointe exotique comme un soupçon d'esprit de curry. Ce vin est formidable sur un vieux comté de Marcel Petite affiné 36 mois. Et sur des noix fraîches en saison, bien sûr. La ressemblance organoleptique de ce vin du Jura avec les blancs secs andalous : Fino (de Jerez de la Frontera) davantage que Manzanilla (de Sanlucar de Barrameda), permet de le fiancer bellement avec un grand (jambon) d'Espagne nourri aux glands (bellotas), ou avec un simple serrano. Notons que la rondeur du Chardonnay, prépondérant, assouplit ici la sauvagerie -pourtant séduisante- du Savagnin. Pour 10€, ce flacon est indéniablement une belle affaire.

  • Actualité d'Ellul

    images.jpegimages (1).jpegIl faut lire Jacques Ellul. La Table ronde poursuit la réédition de l'essentiel de son oeuvre dans son éclectique collection de poche, La petite vermillon. Derniers ouvrages : La pensée marxiste, L'illusion politique, Sans feu ni lieu, La subversion du christianisme... Le premier reprend le cours qu'il donnait à Sciences-Po Bordeaux lorsque j'y étais étudiant : je n'en manquais pas un (il l'arrêta en 1979). Relire Ellul, c'est se convaincre de sa pensée visionnaire, de son analyse décapante du pouvoir, de l'influence durable de la technique et des technocrates, et encore des menaces effrayantes de la propagande. Sans parler de son oeuvre théologique ou encore de juriste et d'historien des institutions... L'illusion politique fut publiée pour la première fois en 1965. En le reprenant (je l'ai étudié en 1980), je n'y décèle aucune ride. Certes, l'illustration de son propos colle à des faits historiques, comme toujours, mais la pensée est là, neuve, encore verte et d'une acuité aussi intense qu'inaltérable. La double illusion évoquée est celle de l'homme politique, qui veut croire qu'il peut maîtriser, par le pouvoir, la machine de l'Etat (-Providence), cette superstructure tentaculaire. De l'autre côté, l'autre téléchargement.jpegimages (2).jpegillusion est celle du citoyen, qui pense pouvoir contrôler le pouvoir politique avec son bulletin de vote. Ellul évoque un dialogue d'impuissants. A méditer, tandis qu'un nouveau Président français prend ses fonctions dans quelques jours. Si les grandes idéologies sont en crise, le marché de l'illusion se porte bien. Avant Bourdieu, Ellul prédisait également l'illusion, la mascarade même des sondages d'opinion (une vision très contemporaine). Pouvoir technicien, marketing, communication politique obligée, simulacre, démocratie de surface... Tout cela résonne en nous. Exister c'est résister, nous martelait Ellul en cours. Encore faut-il avoir certaines clés en main et en tête. Il nous les donne. Entre Nécessaire et Ephémère, il y a l'oeuvre d'Ellul. Sur ses livres, il ne figure aucune date de péremption. 

  • Le bec dans l'eau

    Papier paru dans Le Nouvel Observateur/CinéTéléObs du 7 avril dernier.

    Eau de Champagne

    La Champagne humide offre un patchwork de lacs qui constituent autant de sanctuaires pour les oiseaux migrateurs. Le bonheur ornithologique en famille.

    téléchargement.jpegIl n’y a pas que du vin en Champagne. Il y a aussi de l’eau. Il n’est qu’à citer le fameux lac du Der-Chantecoq, près de Saint-Dizier, l’un des plus grands lacs artificiels d’Europe avec près de 5000 ha en eau qui constitue un formidable réservoir de stockage des eaux de la Marne. Mais les lacs stars de Champagne, situés grosso modo entre Troyes et Saint-Dizier, occultent quelquefois des lacs et des étangs périphériques situées dans l’Aube, moins connus mais tout aussi riches en particulier d’une avifaune migratrice. Ainsi des lacs de la Forêt d’Orient et ceux du Temple-Auzon et d’Amance appartiennent-ils à ce patrimoine naturel exceptionnel. Cette « Champagne humide » a permis de constituer d’importants réservoirs de stockage de la Seine et de ses affluents, l’Aube et la Marne, afin de permettre aux Parisiens ne jamais manquer d’eau. Et lorsqu’ils manquent d’air, le Lac du Der et le Parc Naturel Régional de la Forêt d’Orient, avec sa maison du parc située à Pinay, les attendent. La chance de ces sites est de se trouver sur l’un des plus importants couloirs migratoires de France et de permettre à de nombreuses espèces d’oiseaux d’eau, à commencer par les grues cendrées  (la star des lacs de Champagne est surtout présente d’octobre à fin mars. Une « Ferme » lui est même dédiée, près du Lac du Der, à St-Rémy en Bouzemont), et à quantités d’anatidés et de limicoles, de stationner en toute tranquillité dans un sanctuaire d’une beauté saisissante à l’aube, en particulier au printemps. Les concerts de grenouilles sont relayés par les cris des poules d’eau et des canards dissimulés dans les herbes, et par les sauts des carpes, sandres et brochets. Le spectacle le plus saisissant est offert par les centaines, voire des milliers de grues cendrées en migration de retour. Avec la zone d’Arjuzanx, dans les Landes, celle du Der et de la Forêt d’Orient sont les plus grands sites d’accueil de ce grand échassier dont le passage fracassant est bruyant (la grue craque, comme la mésange zinzinule). À l’aube et au crépuscule, assister à leur déplacement vers les zones de gagnage dans le bocage est féerique. Parmi les endroits propices à leur observation, dans l’Aube, outre les grands lacs d’Orient, du Temple et Amance, il  y a des étangs tout autour qui réservent bien des surprises, lorsqu’on part en famille, avec bottes, vêtements camouflés et jumelles. Les étangs du Beaudet, de Beaumont, Saint-Nicolas, ou plus loin, ceux des Apargnes, des 15 Deniers, de Beaurepaire, du Prompt, Neuf, de la Verpile, du Parc aux Pourceaux et de Fort en Paille autour de cette belle Forêt d’Orient, riche encore d’autres promenades, à la recherche de cerfs, chevreuils et sangliers. Mais il n’y a pas que les grues et leur silhouette d’estampe japonaise. Autour des lacs du Der et de la Forêt d’Orient, au bord de leurs nombreuses anses, on aperçoit d’autres raretés comme la cigogne noire, le cygne de Bewick, le pygargue à queue blanche, le garrot à œil d’or, l’oie des moissons, le harle piette. Un observatoire spacieux et sur pilotis, à Chantecoq (lac du Der), près du « Gros Chêne » qui symbolise le lieu (Der vient d’un terme celtique signifiant chêne), permet d’observer confortablement. Mais rien en vaut une approche discrète et respectueuse, parmi les roselières des étangs proches du Der : ceux du Voisin, du Moyen, des Cloyes, des Banchets, de Bonnevais, et plus loin, d’Outines, d’Arrigny, des Landres, du Grand Coulon ou de la Forêt, ou bien depuis une digue aménagée à cet effet, afin d’éviter tout dérangement intempestif. La Maison de l’Oiseau et du Poisson et d’autres observatoires permettent avec de la chance, d’observer des hérons rares comme le butor étoilé et le blongios nain.

    L.M.

  • Rasades de rosés

    Ce sont des vins de barbecue, d’apéritifs dans la tiédeur d’une journée qui s’achève, baignée de parfums d’herbe coupée, de bitume chauffé par le soleil, de pluie soudaine et déjà oubliée et de brouillard léger. Ce sont des vins de conversations amicales, de rires francs, de sourires et de regards complices et de tapas que l’on mange avec les doigts, parce qu’avec les doigts c’est meilleur. Ce sont des rosés 2011, simples, qui ne se la jouent pas et qui sont bons, sur le fruit, la fraîcheur, le simple, le cru, le cuit, le bon; la bonté.

     

    images.jpegLes Palombières, de Rigal (château St Didier-Parnac) est un Côtes de Gascogne, 100% cabernet franc d’une franchise et d’une légèreté confondantes. Belle vinosité. Un rosé marqué par une grande fraîcheur aromatique. Nez délicat de petits fruits rouges. Jolie souplesse en bouche (2,90€ !).


    Chez le même Lotois Rigal, Libertine, en AOC Fronton (80% négrette, 10% syrah et 10% cabernet franc) a un léger sucré -limite désagréable. Grande souplesse, cependant. Robe profonde, nez de fruits trop mûrs peut-être. Un rosé de dessert, assurément, mais pas de grillades ni de charcurerie (2,90€ !).


    images (1).jpegChez Ogier (Rhône), un Côtes du Vivarais, le domaine Notre Dame de Coussignac, vin rosé Bio (80% grenache, 10% syrah, 10% cinsault), à la robe claquante, au nez pourvu d’une belle fraîcheur, attaque vive en bouche et assez persistante. Un rosé vineux comme on les aime, pourvu d’une légère acidité qui n’est pas un inconvénient (4,90€).

     

    Chez Anne de Joyeuse (Limoux), un Camas 100% pinot noir né en Haute-images (3).jpegVallée de l’Aude. Rosé de pressurage direct subissant une fermentation très courte à 15° (pour les curieux). Belle robe pâle, nez de framboise et de cerise, bouche légèrement grasse. Fraîcheur intense. images (2).jpegPour l’apéro avec du jambon espagnol.

    Un autre Camas, 100% syrah, légèrement plus capiteux –si l’on peut dire pour un rosé, exprime la même fraîcheur et la même générosité, mais plus soutenues, plus viriles (4,95€ chaque flacon).

     

    Le rosé des Riceys 2010 de Moutard (Champagne) est rustique, minéral, sec, avec un côté paysan au débouchage et à l’attaque au nez comme en bouche, qui ne sont pas déplaisants, et qui de toute façon se calme très vite, une fois le vin aéré. Un rosé de l’Aube racé, issu de pinot noir à 100%, légèrement épicé en bouche, pour des repas d’été (11,30€).

  • Rasades pour fins de repas

    Ce sont quelques vins de grande douceur : desserts, tablettes de chocolats,  tartes aux fruits, cigares, câlins. Ce sont des vins de soirées qui se prolongent...

    vignoblesetsignaturescauhapejuranconnoblessedutemps2009.jpgLe Jurançon de Cauhapé Noblesse du temps 2009 est une merveille de douceur et de vivacité, signée Henri Ramonteu. Le petit manseng s’exprime ici avec droiture et élégance, la palette aromatique va des fruits confits au miel et aux agrumes, c’est vigoureux et très long en bouche. La quintessence du jurançon comme nous l’aimons. Ni trop gras, ni trop liquoreux, juste vif et nerveux; équilibré en somme (28,50€). Gâteau basque à la cerise noire d'Itxassou, Robusto de Ramon Allones (Specially Selected).

    L’Altenbourg Gewurztraminer de Paul Blanck est l’un vignoblesetsignaturespaulblanckalsacealtenbourggewurztraminer2007.jpgde nos Alsace préférés. Il est ici présenté dans le millésime 2007. Puissance, épices, sècheresse, radicalité et finesse, harmonie, compoté, fleurs blanches, fruits croquants (poire) sont les mots qui viennent pêle-mêle à l’esprit en goûtant ce gewurztraminer d'une grande noblesse, assurément (15,70€). Lychees fraîches, éclair au chocolat.

    sudouestcahorsparadoxe2007maisoncantury.jpgEtonnants Cahors de la Maison Cantury ! Ils ne sont pas vraiment à la mode light, ces vins noirs d’une robe d’encre, profonde et d’une texture consistante, épaisse, capiteuse, voire lourde pour la cuvée Parenthèse. Les cuvées Paradoxe et Révélation sont à peine moins denses. Toutes expriment la richesse extraordinaire du malbec, sa plus pure expression, dans un souci de classicisme évident. Les trois terroirs –complémentaires- sont parmi les meilleurs de l’AOC. Les rendements sont faibles (le nombre de bouteilles est très limité) et la vinification millimétrée. Les tanins sont d’une rare finesse, le nez de ces trois vins est d’une grande expression : fruits noirs, moka, poivre, tabac, réglisse. L’identité minérale (délaissée) du malbec se révèle comme jamais sur Révélation. Quant à Parenthèse, cuvée ni collée ni filtrée, elle exprime avec vibration la puissance d’un vin vivant,  mais jamais brutal. Une expérience (env.16€). Fondant au chocolat, mousse au chocolat noir. Grand Havane (Montecristo A).

     

    roussillonmasamielvintageblanc2009.jpgLe Mas Amiel Vintage Blanc 2009  est d’une délicatesse confondante. Ce vin doux naturel remet le grenache gris au goût du jour. Sa robe blonde, son nez d’agrumes doux, sa bouche fraîche et minérale (sols schisteux), en font un vin qui a du claquant (16,50€). Salade d'agrumes (pomelos) et de pomme verte. 

     

    valleedurhonesudortascavederasteausignature2007.jpgLe VDN (vin doux naturel) de Rasteau Signature 2007, avec sa robe grenat, son nez de fruits rouges confits, de cacao, d’épices comme la cardamome et la muscade, exprime la grenache (100%, vieilles vignes) avec vigueur et douceur à la fois. C’est à la fois soyeux et frais (11,70€). Cigare de Honduras, chocolat 1848 aux noisettes entières.

     

    Le Cornas 2007 de la (formidable) Cave de Tainimages.jpeg l’Hermitage (Drôme), exprime d'exceptionnelles syrah. Nez frais, épices douces, tabac blond, olive noire, réglissé leger, puissance et souplesse et léger cacaoté en arrière-bouche (15,40€). Macarons au praliné, barre de Mars ou de Milky Way.

     

    alsacecremantbrutrosecavevigneronspfaffenheim.jpgLe Crémant brut rosé de la Cave des Vignerons de Pfaffeinheim, 100% pinot noir, doit être fier d’avoir été confondu avec des champagnes bruts dont nous tairons le nom, ici. C’était pour jouer, comme nous aimons le faire souvent avec des amis. Belle robe saumon, mousse fine, cordon délicat, fruits rouges frais en bouche, belle longueur, assez persistante. Une réussite (10€). Tarte aux fraises/framboises. 

     


    Par ailleurs, pour fiancer une botte d’asperges escortée d'une mousselineimages (2).jpeg légèrement moutardée, voici un vin surprenant et d’une fraîcheur magique : le Muscat première mise 2011 de la Cave de Pfaffeinheim (Haut-Rhin). Un miracle de fraîcheur, en effet, et de fruité délicat. Parfait, donc, sur de grosses asperges blanches des Landes, comme sur des petites vertes sauvages, maigres et tordues. Une alliance  imprévue et efficace (7,20€).

     

     

     

  • Partir

    images (6).jpegDe Nicolas Bouvier, L’Usage du monde (PBP) est devenue la bible, le bréviaire du voyageur et du travel-writer. Voici que Payot nous donne des voyages inédits, avec un titre magnifique : Il faudra repartir, dont Cendrars aurait pu être jaloux. J’y ai retenu les pages admirables sur l’Algérie, que Bouvier traverse en 1958. Sa perception fine du petit peuple d’Oran, très Espagnol, très Juif aussi, constamment mêlé aux Arabes, laisse à penser que d’aucuns, dans ces années-là, auraient été bien inspirés d’écouter un observateur comme l’auteur du Journal d’Aran, dire qu’ici, les choses peuvent s’arranger, à cause des sangs mêlés justement. Mais il s’agit de melting-pot davantage que de métissage. En cela, Jules Roy avait raison de dire que là-bas, on était tous frères, mais rarement beaux-frères… Très belles pages également sur la Chine, la Nouvelle-Zélande, le Canada et l’Indonésie.

    téléchargement (5).jpegDans la même veine de ces écrivains-reporters-observateurs, capables de décrire un simple fait divers, une scène de rue a priori ordinaire et d’en faire un moment de littérature, prenez Vu sur la mer, de Jean Rolin (La Table ronde / La petite vermillon), recueil de reportages donnés à Lui, Libération, Géo… L’auteur nous embarque sur le fleuve Congo et nous pensons au Cœur des ténèbres de Conrad, bien sûr, il nous propulse à Singapour parmi des pirates, nous fait voyager à bord d’un port-conteneur depuis St-Louis-du-Rhône, Camargue, ou bien d’un autre bateau semblable, le Ville de Bordeaux qui croise en Mer Rouge, il nous décrit « les voyageurs de l’amer »; et c’est chaque fois un ravissement. La prose de grand vent -salé, cette fois- de Rolin sonne juste, car elle est forte comme un rhum cul-sec.

    téléchargement (6).jpegCela n’a rien à voir, mais le Guide de poche des oiseaux de France (Seuil / Points2) est un microscopique ouvrage d’ornithologie très précisément illustré et qui est extrêmement fiable, car fondé sur les données irréprochables contenues dans les fameux guides du naturaliste des éditions Delachaux & Niestlé. 200 espèces d’oiseaux des jardins, des forêts, des bords de mer… y sont habilement décrits. Indispensable (à glisser dans le jean d'un gamin dont vous ne voulez plus qu'il vous dise : tous les oiseaux se ressemblent)...


     

  • Classiques

    images.jpegimages (1).jpegRelire Voltaire : le Dictionnaire philosophique (Actes Sud / Thesaurus) présenté par Béatrice Didier, l’inoxydable Candide ou l'optimisme –illustré par Quentin Blake (folio, édition anniversaire) est un bonheur auquel on ne s’attend pas. Génie, virtuosité, pensée leste et fine, phrase profonde et « enlevée », notre penseur des Lumières –à l’heure où l’on fête Rousseau- demeure un homme de polémique, de réflexion et de combat philosophique inévitable, encore aujourd’hui. Il faut lire son Dictionnaire comme un manifeste de la liberté de pensée. Il n’a pas pris une ride et si, par endroits, certains faits et commentaires semblent dater quelque peu, il faut les prendre comme on lit Saint-Simon ; en déconnectant le fil historique pour projeter le fait dans l’éternel. Jouissives lectures.

    images (4).jpegHomère ! Points nous offre l'édition en poche d'une nouvelle traduction de L’Iliade, absolument moderne. Replonger dans nos lectures (obligées) de l’enfance, avec un œil un brin vieilli, est un coup de fouet, un coup de jeune, un plongeon dans l’eau glacée de Biarritz un matin de décembre. L’immersion dans cette épopée unique de 15 500 vers en 24 chants, d’une architecture admirable, d’une immortelle poésie et d’un souffle romanesque à côté duquel même les grands auteurs Russes semblent avoir attrapé l’asthme de Proust -apparaît même nécessaire. Philippe Brunet est l’auteur de cette adaptation salutaire. Grâce lui soit rendue.

    téléchargement (3).jpegimages (3).jpegParmi les classiques modernes, citons les rééditions « collector » du Gatsby de F.S.Fitzgerald (dans la traduction inédite de Philippe Jaworski qui figurera dans l’édition de La Pléiade) et d’Exercices de style, de Queneau, dans une nouvelle édition enrichie d’exercices plus ou moins inédits (folio), parce qu'elles nous obligent avec tact et délicatesse à reprendre des textes enfouis dans notre mémoire. Idem pour La route, de Kerouac, sauf qu’il s’agit du « rouleau » original téléchargement (1).jpegtéléchargement (2).jpeg(adapté au cinéma : sortie le 23 mai), donc non censuré, que nous découvrons, histoire de se refaire un trip beat generation en essayant de retrouver des passages clés de ce gros road-novel mythique (folio) enrichi d'une floppée de textes de présentation (le roman ne débute qu'à la page 154!). A lire aussi Visions de Gérard, du même Jack Kerouac (folio), car il s’agit d’un texte très émouvant, qui évoque la mort du propre frère de l’auteur à l’âge de neuf ans. Méconnu et précieux.

    images (2).jpegEnfin, une note poétique avec les Chants berbères de Kabylie (édition bilingue, Points/poésie) qui fut concoctée par Jean Amrouche, poète algérien disparu en 1962. Il évoque avec justesse une parenté de cette poésie souvent anonyme, avec le chant profond (le cante jondo) andalou : l’appartenance ontologique à un peuple, une solidarité étroite de destin, et par conséquent une poésie forte. Essentielle. 

  • Expositions phares

    01071466564.gif01071555564.gif01017267333.gif01070610333.gifBeautés animales (Grand-Palais, à Paris, jusqu’au 16 juillet), donne A la gloire des bêtes un petit hors-série  plein de dépliants dont Gallimard/Découvertes a le secret. Signé Emmanuelle Héran, il montre des tableaux de Jeff Koons comme de Rembrandt, Dürer et Giacometti. De même, sur Degas et le nu (Musée d’Orsay, Paris, jusqu’au 1er juillet), un livre semblable, Les nus de Degas permet de voir de splendides reproductions du maître en les dépliant soigneusement. En parallèle, la collection Découvertes publie une très intéressante petite biographie illustrée : Degas, "Je voudrais être illustre et inconnu", signé Henri Loyrette (président-directeur du Louvre), à la plume alerte et vive. Un régal. Une autre exposition

    téléchargement.jpeg

    d’importance sur le chamanisme, le Vaudou…  se tient au Quai Branly, toujours à Paris et jusqu’au 29 juillet, Les maîtres du désordre, sous la direction de l'anthropologue Bertrand Hell, dont il faut lire aussi l'ouvrage quasiment éponyme : Possession et chamanisme. Les maîtres du désordre (Champs/Flammarion), et donne l’occasion à la précieuse collection Découvertes encore, de publier un ouvrage richement illustré sur Le chamanisme de Sibérie et d’Asie centrale, de Charles Stépanoff et Thierry Zarcone. Pour mieux comprendre la vie, l’amour des femmes et donc la peinture de Degas, la fascination de l’homme pour l’animal –à distinguer de l’anthropocentrisme et de la zoolâtrie ; et pour enfin mieux appréhender le monde invisible avec lequel les chamanes -ces étranges bardes thérapeuthes mystiques et démiurges- dialoguent de manière pour le moins ésotérique en faveur des hommes ordinaires.

  • En selle en forêt de Compiègne

    Papier paru la semaine dernière dans Le Nouvel Observateur/CinéTéléObs

    Un vélo vous attend en gare de Compiègne pour une escapade feuillue. La grande boucle version forestière.

    Une plaque à son nom est vissée à une table du Bistrot de Pays La Fontaine Saint-Jean, à Saint-Jean-aux-Bois, avec son nom et son surnom : Aigle IV, « parce qu’en Anglais ça donne Il gueule fort ! », précise-t-il. Luc Bison, Guide Nature à l’Office National des Forêts de Compiègne, est une figure locale. Bon vivant, conteur, il accompagne des groupes à longueur d’année pour leur faire découvrir les nombreuses richesses de cet espace qu’il connaît par cœur. Sorties au brame, aux champignons, reconnaissance végétale, sentiers botaniques, traces d’animaux, survie, contes et légendes, sorties de nuit… Tout est possible. Il suffit de réserver à l’Office du Tourisme.

    IMG_7058.JPGSi l’on souhaite seulement découvrir à vélo et seuls cette forêt de 15000ha, de 100 km de circonférence (comme Paris) et de 2000 km de chemins balisés, empruntez la Voie verte (ouverte donc aux rollers, poussettes et autres roulettes), soit une piste cyclable de 50 km, qui fait une boucle et sur laquelle on pédale tranquillou au milieu d’une splendide forêt.

    Arrivé en gare de Compiègne, il suffit de passer l’Oise (sauf si l’on décide de se diriger vers « L’armistice »), de traverser le centre ville et de longer l’hippodrome jusqu’au Carrefour Royal, point de départ de la randonnée à vélo. Le matin, il faut compter deux heures pour relier Saint-Jean-aux-Bois via Pierrefonds (12+8km). Puis une heure l’après-midi pour regagner Compiègne (8km). Cela laisse donc du temps pour le farniente.

    Le peuplement forestier est riche, qui comprend feuillus et résineux. Les espèces dominantes sont le hêtre, le charme, le chêne, le frêne et le pin sylvestre. La faune n’est pas en reste et la star de la forêt c’est le cerf, qu’il n’est pas rare de rencontrer au détour d’une futaie, traversant un chemin, seul ou en harde selon les saisons, de préférence à l’aube ou au crépuscule.

    Les attraits culturels principaux de cette forêt majestueuse sont La Clairière de l’Armistice et le wagon dans lequel elle fut signée en 1918 ; l’Allée des Beaux-Monts, large langue verte de 5 km qui part du Palais impérial (Second empire) de Compiègne ; et le château de Pierrefonds, construit par Viollet-le-Duc pour Napoléon III.

    En vélo en pleine forêt, prenez les chemins de traverse, car d’autres curiosités valent le « hors-piste » : la maison forestière de Saint-Corneille, signée Viollet-le-Duc, sa petite chapelle et son fameux Fau de Verzy, un hêtre tortillard –espèce rarissime. Le Pavillon Eugénie, devenu l’une des 30 maisons forestières de ce massif troué de quelques étangs, comme ceux de St-Pierre, autour desquels les « carpistes » (pêcheurs de carpes) campent, et ceux de Ste-Périne. L’abbaye du XIII ème siècle de St-Jean-aux-Bois et le Vieux chêne (800 ans). L’église du village du Vieux-Moulin.

    A l’aller, les carrefours balisés de fameux poteaux blancs indicateurs de chemins, sont ceux de l’Epinette, de Montmorency, du Saut du Cerf, des Sept Morts, et celui du Cerf. Au retour, ce sont ceux de la Bécasse, du Grand Ecuyer, d’Adonis, du Grand Marais, du Puits du Roi, du Val, du Moulin, de la Petite Patte d’Oie et enfin le Carrefour Royal. Détail d’importance : la pastille rouge sur chaque poteau indiquant la direction de Compiègne, il devient impossible de s’égarer.

    L.M. (texte et photo).

     


  • Waterville, Kerry

    Papier paru ce matin dans Le Nouvel Observateur-TéléCinéObs.

    Au cœur de la nature sauvage (de la côte sud-ouest de l’Irlande).

    images (1).jpegLa côte sauvage irlandaise, du côté du Ring of Kerry, a la magie des îles du Nord, vertes et pourtant si rudes. Cette côte déchiquetée qu’on longe en voiture et qu’une mer d’Irlande qui a englouti tant de navires bat froid, possède l’attirance violente des femmes renardes. Mi-ange, mi-démon, la côte irlandaise aimante. Rien n’est plus vivifiant que se réveiller de bonne heure et de partir marcher dans la campagne irlandaise, n’importe où dans les moors (étendues de bruyère), et les tourbières (prévoir des bottes) entre deux bushes (buissons épais), emmitouflé dans une veste  imperméable (la pluie irlandaise ignore les saisons). Le ring of Kerry est cependant bien ensoleillé et l’arrière printemps y est propice à toutes sortes d’activités de plein vent : équitation, golf, pêche à la mouche, observation des oiseaux…  L’idée est de séjourner à Waterville et de rayonner autour de ce village calme de bord de mer où Charlie Chaplin aimait passer ses vacances en famille, au Butler Arms Hôtel. Waterville est baignée, comme chaque village irlandais, par l’odeur âcre et légèrement goudronnée de la tourbe qui flambe lentement dans chaque cheminée. Les habitants de Waterville se retrouvent le soir au Pub, notamment au Lobster’s Pub, pour savourer un hot whiskey (avec un « e ») et disputer une partie de fléchettes, ou revoir un match de rugby en buvant lentement une pinte de Guinness. La bière brune symbolise cette Irlande « rough », taiseuse et sauvage. Sa mousse si douce, couleur ventre de bécasse, à la fraîcheur idéale (la servir glacée est une hérésie) et d’une onctuosité de chantilly, résume la sérénité d’une fin de journée passée à pêcher, à monter à cheval ou simplement à se promener le long de images (2).jpegla côte. Les nombreux lacs et rivières avec des pools (parcours de remontée) de la région sont réputés dans toute l’Europe. La pêche ouvre mi-janvier et ferme fin septembre. Les lacs comme Lough Currane, Lough Deriana, Lough Cloonaghlin ou Lough Namona sont riches de saumons et de truites de mer. Remonter la Cummeragh river est un autre plaisir de « moucheur ». On peut aussi pêcher en mer, ou bien depuis le rivage. Une sortie jusqu’à l’île de Valentia est conseillée. Là-bas, vous aurez l’impression d’être revenu au temps des Vikings. Autour de Waterville,  une virée à Killorglin –gros bourg traversé par la Luane river, riche en truites farios-, est souhaitable, au moins pour d’autres balades dans les bushes, sur les landes de tourbe infinies. Pour les amateurs de golf, c’est un paradis. Les lacs y sont nombreux et la pêche une activité courante. On peut aussi acheter son saumon fumé directement à la fumerie locale de Killorglin. A deux pas, le restaurant Nicks propose une cuisine marine et des bordeaux à prix plancher. Tralee Barrow et Killarney sont des destinations de la même eau : à fond nature et avec des pubs chaleureux pour les retours de balades « roots » et humides. Car un plaisir singulier est de s’exténuer dehors, puis de s’affaler devant un feu de tourbe, d’ôter ses bottes et de les regarder fumer tandis que nous nous repassons le film de la journée.

    L.M.