Drieu en Pléiade : l'homme ou l'oeuvre
Fallait-il panthéonniser un fasciste collabo, antisémite, xénophobe, misogyne, habité par une névrose de l'échec qui le conduisit au suicide en 1945 -doublé d'un admirable styliste dont les romans désabusés et les nouvelles désinvoltes écrites de la main d'un séducteur un brin nihiliste continuent de ravir de jeunes lecteurs?
Car l'oeuvre romanesque de Drieu La Rochelle est désormais disponible sur papier bible. On peut s'en indigner, comme on le fit pour la publication de son sulfureux Journal il y a vingt ans (toujours chez Gallimard, mais dans la collection Blanche, où fut également publié le non moins sulfureux Journal de Paul Morand). Soulignons que les essais de Pierre Drieu La Rochelle -la plupart fortement sujets à caution, et proches des idées de Jacques Doriot, du PPF auquel Drieu adhéra d'ailleurs-, sont justement oubliés. Poubelle. Ils n'intéressent aujourd'hui que quelques thésards et c'est tant mieux. Quant à la prose de Drieu, je confesse un attachement à mes lectures, étudiant, des romans, nouvelles, récits, fragments, d'un écrivain qui m'apparût infiniment sensuel, pourvu d'un regard lumineux sur la femme, le couple (dont j'ignorais encore tout, ou presque); éclairant en tous cas. Avec quelques amis, nous nous y retrouvions, ou nous tentions de nous y trouver -par cet effet miroir qui flatte tant les jeunes fous de littérature. Suivirent les Nimier, Blondin, Laurent, Frank -les Hussards dans leur ensemble : que des gens plus ou moins fréquentables auxquels nous avions pourtant plaisir à nous frotter en les lisant, tandis que nous aimions lire aussi Sartre, et que nous étions des baby-tonton : de jeunes hommes qui entraient dans l'âge adulte sous l'aile spirituelle et politique de François Mitterrand, dont nous partagions les idées -et le goût pour la chose écrite (les révélations sur ce passé qui ne passe pas de F.M. ne vinrent que beaucoup plus tard). Bobos avant l'heure, nous faisions Sciences-Po, votions PS en pensant au PSU de Rocard, dissertions de Gramsci en trouvant Marx un peu mou du genou. Nous lisions surtout avec gourmandise Char, Gracq et Cioran, plus quelques sucreries comme Stifter, Inoué, Toulet... Nous étions des petits cons avec un fond sympathique. Années 80.
En somme, je dis (répète) juste ici qu'il convient toujours de distinguer l'homme de l'oeuvre. Sinon, qui lirait Céline ou Hamsun?
Reprendre Récit secret, Le feu follet (et revoir le film qu'en fit Louis Malle, avec un Maurice Ronet bouleversant), L'homme couvert de femmes, certaines pages de Gilles, procure peut-être encore un plaisir simple de lecture. Il faudrait vérifier. J'avoue ne pas en avoir envie.
Le procès fait à cette édition des oeuvres de fiction de Drieu est le reflet d'un réflexe bien-pensant. "On est dans Pavlov", lâche Sollers à ce sujet (dans Le Nouvel Observateur). J'ai moi-même jeté à la poubelle nombre de livres de Drieu, un jour où je faisais un ménage mental sur les étagères : ouste, les romans de Matzneff, les bluettes de Chardonne, et quoi d'autre encore!.. -Oh, des trucs, plein de trucs. Ce jour-là, j'oubliais le précepte clairvoyant qui précède. Aujourd'hui, je persiste à penser que nous pouvons apprécier Dr Jekyll et détester M. Hyde. Ou le contraire. Si la littérature est schizophrénique, jouons son jeu et sachons séparer le bon grain de l'ivraie. Car se refuser à le faire serait faire preuve d'un ostracisme aussi obtus que les idées que nous récusons avec tant de véhémence. Et même si nous avons le goût du paradoxe, il en est qu'il ne faut pas cultiver mais au contraire laisser en jachère.

premier mai, de 11h à 20h. 









génie disparu en 2005. Ou bien en s’allongeant en pleine forêt sur un tapis d’aiguilles de pins et de fougères, le regard planté à la cime des arbres qui dansent. Il suffit alors de fermer les yeux pour confondre, comme le faisait François Mauriac, le bruissement permanent du vent dans les branches avec celui de l’océan. Le 
Bordelais Mauriac n’aimait rien comme planter ses fictions dans l’âpre lande : le village d’Argelouse est à jamais marqué par « Thérèse Desqueyroux », l’un de ses plus célèbres romans(Livre de poche). Montaigne, qui voyageait à cheval, a nourri ses « Essais » (Arléa) de centaines de chevauchées à travers les Landes. Il vante même les mérites des sources thermales de Préchacq-les-Bains dans son œuvre-vie. Jean-Paul Kauffmann a donné un livre magnifique, « La maison du retour » (folio), qui raconte comment il choisit justement de s’établir de temps à autre en forêt, à Pissos. Plus bas, on peut se promener du côté d’Onesse-et-Laharie, à la recherche de la maison des sœurs de Rivoyre, échouer à la trouver et relire « Le petit matin » (Grasset), de Christine, « la Colette des Landes », au café du coin. Les Landes, c’est la place centrale de Mont-de-Marsan à l’ouverture du premier café que l’on prend en pensant aux frères Boni : Guy et André Boniface, rugbymen de légende. Un stade porte leur nom à Montfort-en-Chalosse. Denis Lalanne, qui donna comme son ami Antoine Blondin des papiers « de garde » à « L’Equipe », écrivit un livre hommage 
aux frangins : « Le temps des Boni » (La petite vermillon). Il vit aujourd’hui paisiblement à Hossegor. Le lire, c’est retrouver le rugby rustique de village, où les déménageurs de pianos sont plus nombreux que les joueurs du même instrument. Un autre écrivain journaliste parti trop tôt (en 2004), Patrick Espagnet, de Grignols (plus haut dans les Landes girondines), possédait une plume forgée à l’ovale. Ses nouvelles : « Les Noirs », « La Gueuze », « XV histoires de rugby » (Culture Suds), sont des chefs-d’œuvre du genre. Les Landes, ce sont ces belles fermes à colombages avec leurs murs à briquettes en forme de fougère, qui se dressent
grassement sur leur airial. La plus emblématique se trouve au sein du Parc régional de Marquèze, à Sabres, où l’ombre tutélaire de Félix Arnaudin, l’écrivain photographe un brin ethnographe, plane comme un milan royal en maraude. Les clichés d’Arnaudin sont aussi précieux que ses recueils de contes (Confluences). L’un d’eux montre un 
jeune berger, Bergerot au Pradeou, dressé dans l’immensité plate comme la main. Et évoque le tendre roman de Roger Boussinot, « Vie et mort de Jean Chalosse, moutonnier des Landes » (Livre de poche).
enfin les inoubliables passages de Julien