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  • Pr(ouste!)

    9782363940841.jpgC'est fou ce que l'on peut changer quand même. Longtemps je n'ai pu supporter d’avoir un toit au-dessus de la tête, de me sentir prisonnier à l’intérieur avec des gens que cela ne gênait nullement, les fenêtres fermées, un silence confiné; voire du thé -tandis que la lumière du jour pouvait encore galvaniser tous mes sens. Question de musique et de mouvement. Peindre, selon Cézanne, c'est aussi écrire, danser, si j'en crois François Fédier et son admirable Ecouter voir (Ed. Les Belles Lettres/Archimbaud. Merci Dominique Sewane). Proust figurait un extraterrestre à mes yeux de sauvage de grand vent. Je ne savais qu'être dehors, au plus près du dur, loin de l'emprunt coincé, du commerce humain; de ses chinoiseries. Dans mon existence et jusqu'à ce jour, je n'ai par chance jamais souffert de l'obligation du corsetage de l'esprit comme du cou. Mon adolescence encaissa néanmoins la naphtalisation de mon temps et de mon oxygène (nous devions davantage accepter sans moufter qu'aujourd'hui). J'étais né fauve. La préciosité me faisait horreur et me glace toujours autant. La réclusion volontaire au lieu de la jouissance des beautés naturelles me révoltait donc –et je bouillais au moindre déjeuner dominical tirant en longueur. J'ai si souvent étouffé. À présent que l'envol d'un bouquet de sarcelles dans un marais inconnu des cartes ne parvient plus à m’émouvoir, le grain de beauté sur la lèvre supérieure d'Albertine me serre le cœur en lisant. Et il m'arrive de passer des journées entières seul et dedans. Je reprends Proust comme on picore des pistaches ou des Curly (en Points2, Seuil, cette fois –un format pour poche de poupée). De quelle capitulation serai-je devenu le nom? Avancer en âge, lorsqu'on a tant joui des beautés sauvages reviendrait-il à rétrécir sa vue et à penser avec Paul Valéry que regarder, c'est oublier le nom des choses qu'on voit...

     

  • Ombra mai fu, le prélude


    podcast

    Frondi tenere e belle

    del mio platano amato,

    per voi risplenda il fato.

    Tuoni, lampi, e procelle

    non v’oltraggino mai la cara pace,

    né giunga a profanarvi

    austro rapace.

     

    Douces et charmantes branches

    de mon cher platane,

    le destin vous sourit!

    Que le tonnerre, l’éclair et la tempête

    ne troublent jamais votre précieuse paix,

    et le rapace vent du sud

    ne vienne pas non plus vous violenter!

    Haendel, Serse. ©Gérard Lesne  

    Et, bis : 

    http://www.youtube.com/watch?feature=endscreen&v=Qyg0Ttx16uk&NR=1

    Cette sublime interprétation de Ombra mai fu, par ©Paula Rasmussen.

    Mode d'emploi : immédiatement après, cliquez sur le morceau qui ouvre le post suivant.

  • Ombra mai fu

     podcast

    Ombra mai fu

    di vegetabile

    cara ed amabile,

    soave più.

     

    Jamais l’ombre

    d’aucun arbre ne fut

    plus douce, plus précieuse,

    plus agréable.



     Je ne sais pas si un autre morceau de musique me bouleverse autant que cet extrait (les paroles, végétales*, sont d'un librettiste anonyme) du Serse, opéra de Haendel. Ce matin, je me sens totalement Ombra mai fu.

    Version interprétée par ©Gérard Lesne

     

     *Il s'agit quand même, avec ce Largo de Haendel,  d'un chant d'amour de Xerxés à un platane!.. La suite (ou plutôt le texte qui précéde) dans le post suivant.

     

     

  • La leçon de bonheur de Joël Dupuch

    images.jpegOubliez un instant Jean-Louis-le-gars-des-huîtres-des-Petits-Mouchoirs, la marionnette un brin moralisatrice des Guignols, et penchez vous sur la belle leçon de vie, de courage, de bonheur, que donne cet homme, Joël Dupuch, ostréiculteur archi passionné par son métier et par le Bassin d’Arcachon –son jardin, et en particulier par sa cabane qui ouvre sur le Paradis selon lui-, en lisant, ou plutôt en avalant comme je viens de le faire cul-sec, son livre intitulé Sur la vague du bonheur (Michel Lafon). Je ne tairai pas (ce serait mentir et je sais pas faire), que Joël est un ami depuis plus de vingt-cinq ans, que j’habitais (dans les années 87-92) à deux pas de son bistrot de l’huître, Joël D., qui trônait rue des Piliers-de-Tutelle dans le Vieux Bordeaux tandis que je créchais rue des Faussets, que ses Quiberon n°3 sont depuis lors et pour toujours mes huîtres préférées (il me faudra goûter un jour ses Perles), qu’il a eu l’extrême gentillesse de me donner la parole à la page 45 de son livre, en reproduisant ce que j’ai écrit sur le mot Gascon dans mon bouquin Le Sud-Ouest vu par Léon Mazzella (Hugo & Cie) ; et que voilà.

    Une belle personne

    Joël, que le succès du cinéma (c’est vrai qu’il joue bien, le bougre ! Et je l’ai déjà écrit ici même à la sortie du film -note du 21.10.10) ne saurait entamer d’un millimètre, est ce qu’il est convenu d’appeler « une belle personne ». Et je pèse ces trois mots en les écrivant. Humainement, c’est un champion. Sa droiture, sa fidélité, son bon sens de rugbyman amateur invétéré de vérité, habité par la simplicité et la franchise intérieure, en bref sa morale, devraient servir d’enseignement à chacun, surtout aux  pisse-vinaigre qui se réjouissent du malheur des autres et qui ne consentent à partager que leur morgue. En plus, il écrit bien, le gonze ! Il rédige direct, comme Cyrano ou Brassens balançaient des règles de savoir-vivre simples que l’on a tendance à oublier, dans ce monde peuplé de dupes occupés à s’enrichir matériellement au lieu de passer du temps, comme Joël sait le faire, à aimer, partager, vivre le bonheur lorsqu’il se présente, contempler la mer, sa fille, sa femme, ses amis, ses fils, ses parcs à huîtres, le temps qu’il fait et le vol d’un cygne qui lui rase la tête à l’heure où le jour décline et qu’il rentre sur son bateau, baigné par des teintes déchirantes de beauté. L’homme du Bassin qui est tombé par hasard dans le cinéma gardera toujours « les pieds sur terre et la tête dans les étoiles ». Ce mauvais coup-là –celui dit du « melon » (la grosse tête), on ne le lui fera pas.

    Une bonne vista

    Pas davantage que d’autres. Joël a une bonne vista. Sûre elle est, oui ! C’est celle qui sait lire l’océan et le ciel, l'exactitude des marées et la sincérité du regard. Celle qui sait distinguer l’homme de cœur de l’emmerdeur ; l’essentiel du futile. Son bouquin est bourré d’autant de bonnes formules qu’il est lui-même plein de bonnes ondes et de don de lui-même. Homme d’ouverture aux autres, il sait que « le prix du bonheur a flambé » et qu’il s’agit de savoir où il réside vraiment. Sa philosophie est simple : il est nature. Brut de décoff’. Soit lui-même, point barre. Sauf que c’est pas n’importe qui, cet homme qui compte parmi les rencontres d’une vie (et qu'une vie est faite de belles rencontres). Avec lui, ça passe ou ça casse. Les pages qu’il consacre à sa « Presqu’île du bonheur, une appellation d’origine méritée », à la mer son amante, à deux juments pottoks, ses premières amoureuses, à ses copains d’enfance devenus des amis, à ses enfants, à ses huîtres, à ses parents, sont parfois bouleversantes de justesse et de beauté dans l’hommage et le respect. Il sait décrire avec beaucoup de poésie son quotidien solaire et parfois bousculé par les aléas du métier, les caprices atmosphériques et la connerie humaine aussi. Et il a une sacrée dose d’humour, également, si bien que je l’entendais raconter ses histoires et émailler des blagues et des souvenirs cocasses en le lisant –tout en me marrant à haute voix, au bistro d’en bas où je viens donc de dévorer ce précieux bouquin (reçu ce matin et hop! le voilà là). C’est le livre de sa vie qu’il nous offre. Son auteur n’a que cinquante-sept ans, mais il en parle, ici ou là, comme si elle était déjà faite –et c’est le seul bémol que j’ai trouvé à cette vague de bonheur qui emporte le lecteur. Oh, Joël, c’est toujours devant que ça se passe !

    Douché-touché

    On sort douché et touché de cette lecture, et donc vivifié, comme lorsqu’on se fait copieusement rouler par le shore-break, à marée presque haute, à la plage de la Chambre d’Amour (Anglet). On en sort grandi aussi, un peu comme lorsqu’on relit des textes emblématiques, qu’il cite d’ailleurs (Tu seras un homme mon fils, de Kipling, la tirade du Panache de Rostand, plus quelques citations bien choisies et empruntées autant à Spinoza, Mauriac, Voltaire ou au dalaï lama, qu’à Brassens, à Philippe Lavil, ou bien à son ami Jean-Louis Aubert). Certains passages m’ont parlé davantage que d’autres. J’ai eu, par exemple, les mêmes nœuds aux tripes lorsque j’ai du m’arracher de Bayonne –comme lui du Ferret, pour aller étudier à Talence –ainsi qu’il dût le faire aussi dans cette ville proche de Bordeaux, la mort dans l’âme. Nous avons vécu des émotions fondatrices comparables à la chasse. Surtout, je partage à 200% son souci du partage et son incapacité « à prendre le moindre plaisir s’il n’est qu’égoïste ». Fondamental ! Et cela me rend mon ami encore plus proche, même si nous ne nous voyons pas assez. Car une vie est aussi faite de cela, du beau souci de faire passer. « Ai-je assez transmis, ai-je donné assez d’amour ? », se demande-t-il. En aurons-nous suffisamment donné au soir de notre vie ? Aurons-nous eu le temps nécessaire à la transmission des valeurs essentielles qui font un homme, une existence…

    Accent grave

    Sur la vague du bonheur a parfois des accents graves, lesquels sillonnent avec alegria un parcours fondé sur : 1- le précepte maternel selon lequel, tant qu’on a deux jambes et deux bras, on peut se relever et continuer d’avancer (en gros). Et, 2- son truc perso qui consiste à faire chaque fois que nécessaire trois pas en arrière et appuyer sur pause afin de mieux apprécier les choses en face. De sages principes. Certes, l’aventure des Petits Mouchoirs et le succès incontrôlable qui s’ensuivit ont quelque peu bouleversé sa vie, mais dans le bon sens. « Jean-Louis s’est retiré après quelques marées » et il est redevenu Joël. Pour le bonheur de sa tribu. C’est comme çà : Joël Dupuch continuera de tremper sa chocolatine dans son double café matinal pris au bistro de presque chaque jour en lisant Sud-Ouest, édition Arcachon. Même si sa vareuse délavée est devenue aussi célèbre que la pipe de Tati, ou peu s’en faut. Le gaillard sait que « pour briser la glace, dans toute relation, il faut d’abord briser la glace du miroir qui nous renvoie notre image en référence ». Et que « les choses sont faites pour appartenir à ceux qui les font vivre ». Dont acte, amigo.

  • matin

    La prairie prend l'aube 
    A pleine soif

    Il monte des odeurs 
    de cave et de pressoir
    Comme au temps 
    des pommes
    Derrière l'enfance

    Une rose assure le relais
    Entre l'absence et toi

    Hélène Cadou

    DSCF3693.JPG




    Photo : barthes d'Orist ©L.M.

  • San Diego

    IMG_7415.JPGPremière impression au retour d'une semaine de reportage dans cette grande ville de la côte californienne : ici, tout est plus grand : les avenues, les routes, les gâteaux IMG_7414.jpgindividuels, l'épaisseur des tranches de pain, l'embase des verres de margarita, la quadrature des lits, l'espace des chambres d'hôtel, la proéminence des ventres, la profondeur des fauteuils, la cuvette des toilettes, la visière des casquettes, la largeur des tables au restaurant, le volume des voitures et la hauteur des mugs... IMG_7176.JPG
    L'Européen s'y sent riquiqui, mais du coup très à l'aise.

    Je me trouvais dans cette immense cité, doublée d'une ville de garnison où l'armée -surtout la IMG_7138.jpgMarine- a établi ses quartiers les plus gigantesques des USA; avec trois autres confrères : une Italienne, un Espagnol et un Norvégien (invités par British Airways à tester la somptueuse nouvelle classe Premium à bord du vol Londres-San Diego. Cela est indécent, je sais).

    A chaud, je voudrais juste dire l'impression de neutralité, voire de fadeur qui se dégage de l'atmosphère d'une telle ville, comme lorsqu'on inspecte un établissement pour en vérifier sa propreté attendue et que tout y est IMG_7241.jpgbien rangé. Rien ne dépasse, à San Diego. L'ordre règne en silence et chaque activité a son espace dédié, y compris la promenade des chiens. Chacun cultive IMG_7334.jpgson corps comme un jardin, circule gadgetisé, soit hérissé d'accessoires comme un Marine's en Afghanistan -fut-ce pour effectuer un simple jogging, et respecte autrui en observant scrupuleusement les règles d'un code de savoir-vivre en société qui force le respect d'un Latin désordonné par nature. C'est la Californie, mais ce sont les États-Unis, et nombreuses sont donc les choses interdites en 

    IMG_7407.JPGpublic (rappelées sur d'omniprésents panneaux), comme fumer et boire. Ça sent la liberté totale mais tout est under control. C'est l'un des paradoxes de l'American way of life. Bien sûr il y a, à San Diego, du local fameux : des spots de surf mythiques, un zoo IMG_7329.JPGmondialement connu, une Université prestigieuse... Mais le voyageur cherche l'âme dans tout cela, et échoue à la trouver. Sauf peut-être dans Little Italy, où l'on assiste à des scènes qui semblent empruntées à la série The Soprano, dans Old Town aussi, le San Diego mexicain (la frontière est à quelques kilomètres seulement, Tijuana à un quart d'heure de route) et ce malgré IMG_7268.JPGles nombreuses boutiques de souvenirs et d'artisanat de pacotille, mais moins à Down Town, la ville moderne et son Waterfront garni de quelques gratte-ciel face à d'anciens bateaux, comme la goélette Star of India qui abrite un intéressant Musée de la Marine, deux ou trois sous-marins et le porte-avion Midway, reconverti en gigantesque musée. Pas davantage de supplément d'âme à La Jolla,IMG_7260.JPG sorte de zone ouvertement huppée collée à la côte. A peine à Balboa, où de nombreux musées (admirables musée des Beaux-Arts, et de la Photo) ont investi les bâtiments baroques (façon Prado) des Expositions universelles de 1915 et 1935. Torrey Pines est plus sauvage, avec ses falaises et sa côte déchiquetée, à quelques kilomètres du centre et
    IMG_7366.JPGjuste devant des bâtiments universitaires plutôt bien lotis, question environnement. L'avantage de San Diego est finalement d'être à la fois une immense ville aux dimensions suffisamment confortables pour que l'on ne s'y sente jamais oppressé (du coup, son côté suisse est moins palpable) est surtout sa proximité immédiate avec une côte sauvage et un arrière-pays qui l'est tout autant -lesquels procèdent du charme singulier de la cité. 

    Photos : ©L.M.


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    British Airways www.britishairways.com : Paris Orly ou CDG - Londres Heathrow
    Terminal 5, puis (du même Terminal), Londres - San Diego (10h de vol, 9h de décalage horaire). 

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