Voeux à volonté!
que
2007
vous soit
sauvage
et belle
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que
2007
vous soit
sauvage
et belle
Un attentif m'indique ce site , "La Buvette des Alpages", http://www.loup-ours-berger.org/, à l'instant : j'en reviens.
Il y est question (c'est en première page, dite "d'accueil", en descendant un chouia), d'un article que j'ai publié dans Le Monde, en octobre 97!.. qui s'intitulait : "Un homme n'est pas un ours", et qui suscite encore des réactions. (A l'époque, j'avais même reçu une soixantaine de lettres, certaines de félicitations, mais beaucoup d'insultes, et de menaces, dont trois de mort, toutes anonymes bien entendu, émanant de ceux que je nomme les "khmers verts"...). Celle-ci date d'avant-hier. Elle est gentiment fielleuse, et avant tout caricaturale jusqu'au sourire (merci à l'auteur de ces "commentaires" sur mon papier, haché façon steak tartare, de me l'avoir procuré -ce sourire).
"J'adore les huîtres : on a l'impression d'embrasser la mer sur la bouche." Léon-Paul Fargue.
C'est çà même (tout est dit).
Sinon, les Lumières n'en finissent pas de briller. Voltaire n'est pas franchement mort. Ah, ça non! Regardez autour de vous! On ne parle que de çà. Et tant mieux. Les remparts contre la Barbarie tiendront encore bon longtemps, longtemps...
Et (par ailleurs), je vous recommande, d'urgence, la lecture des "Antimodernes", d'Antoine Compagnon (Gallimard/La Bibliothèque des idées). Plus vivifiant, plus tonique, plus intelligent aussi, tu meurs!
Sauf les matins, tôt, de ces derniers jours, dans les Landes et à Bayonne. Jusqu'à ce matin, plus doux. Plus banalement moderne... (et moins intelligent, du coup).
Entre temps, il y a eu une après-midi (celle d'hier), braconnière en diable, dans les barthes. Une après-midi unique. Empreinte de classe davantage que de chasse, de silence grand, de regards détachés, de sagesse déjà là. Une grande après-midi sauvage comme je les aime (qu'est-ce que je fous à Paris!), bottes aux pieds, avec un ciel bleu, un froid de bon aloi, et des oiseaux nobles, comme on dit. L'auteur de cet après-midi fut mon fils Robin. Il a fait oeuvre. D'une sorte d'art. Une nouvelle s'écrit à ce sujet. Patience...
Lisez ce livre subtil, drôle et extrêmement savoureux de Mark Crick (La soupe de Kafka, Flammarion), que La Bienveillante m'a livré par coursier (j'aime ces urgences que l'on accueille comme le verre d'eau tiède dans le désert)... La presse en parle beaucoup et bien, il s'agit d'une histoire complète de la littérature mondiale en 16 recettes "à la manière de" 16 écrivains. En prime, les textes ont été traduits par une pléiade d'écrivains français. Miam!
"Faut-il se soumettre aux exigences scélérates du repentir?"
Je ne sais pas où j'ai prélevé cette phrase, hier... Journal, radio, livre...
(La réponse va de soi -enfin, pour moi-).
La question donne l'occasion de réfléchir, en fin d'année -période propice!-, à ce désir de repentance qui resurgit comme la grippe aux premiers frimas, ainsi qu'au pardon bidon, à l'hypocrisie des religions; à l'hypocrisie tout court.
Déguster du 70% en compagnie de Pierre Hermé (nous faisions partie tous les deux d'un petit jury, avant-hier, pour un banc d'essai à paraître dans un magazine gastro), est un pur bonheur! Ce garçon est aussi simple que passionnant. Sa starisation ne l'a pas changé d'un iota. Et il parle du chocolat comme personne. Mieux que les sept tablettes à découvrir à l'aveugle, ses commentaires, touchants d'humilité, et qui dissimulent avec délicatesse une immense connaissance du sujet, furent -à mes yeux-, le réel intérêt de cette rencontre.
Allez! Je file à sa pâtisserie de la rue Bonaparte m'offrir un Ispahan. Ca me dé-downera (peut-être) le moral.
2007 sera l'année René Char (il est né en 1907) : grande expo en mai à la BNF (et jusqu'en septembre), publications diverses, notamment par Poésie/Gallimard, le Printemps des poètes aura pour thème : "Lettera amorosa" -sans doute le plus beau poème d'amour en prose jamais écrit au XXè siècle (avec "Prose pour l'étrangère", de Gracq), et qui sera réédité pour l'occasion, etc.
Il fait bon le relire tranquille, en ce moment, avant le grand chambardement.
Au hasard, et plutôt que d'inscrire des citations (c'est si tentant de citer une des nombreuses phrases-éclairs de Char!), voici un poème :
Allégeance
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima?
Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.
Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas?
Mon père m'aurait fait ce cadeau à Noël. Je suis allé me l'offrir à sa place, cet après-midi. Les poésies complètes de Federico Garcia Lorca en Pléiade. Sans attendre. Noël n'existe pas. Ou plus de la même manière.
Dès la première page (passée l'admirable introduction d'André Belamich, son meilleur traducteur, disparu il y a trois ou quatre mois), le premier poème de jeunesse, écrit en 1920 -Federico a 22 ans-, tout Lorca est là, comme dirait un critique littéraire qui se la pète (et ils sont légion). Extrait, en prenant du début :
Vent du Sud,
Brun, ardent,
Ton souffle sur ma chair,
Apporte un semis
De brillants
Regards et le parfum
Des orangers.
Tu fais rougir la lune
Et sangloter
Les peupliers captifs, mais tu arrives
Trop tard.
J'ai déjà enroulé la nuit de mon roman
Sur l'étagère!
(...)
Lorsque nous faisons l’amour, nous ne pensons pas gynécologie. Lorsque nous lisons des poèmes, nous ne supportons ni les notes en bas de page ni les annexes universitaires moins décortiqueuses qu’urticantes. Lorsque nous assistons à une corrida, nous avons envie de silence, pas de commentaires. La politique dans un roman, c’est comme un coup de feu dans un concert, disait Stendhal. C’est pareil pour le vin. Œuvre de l’homme dédiée au plaisir, le vin ne supporte pas le discours analytique que d’aucuns tiennent pour paraître savants. Le vin doit d’abord nous toucher, nous plaire ou nous déplaire, et sa dégustation ne devrait pas sacrifier à la recherche obstinée de tout, sauf du raisin ! Le sujet excite les papilles autant que les neurones, mais le discours, loin de se lover dans le sensible, se vautre ailleurs : il fait l’intéressant pour montrer qu’il en sait plus que toi, nananère ! C’est d’un ennuyeux. Au cours de dégustations chics, certains évoquent des vins « couillus » ou « qui ont du poil aux pattes ». Curieusement, les adjectifs féminins disparaissent, sauf à propos des « vins putes ». Avec de tels attributs, nous nous éloignons un peu de l’exposé abscons des chirurgiens du vin qui nous les cassent (les oreilles), et qui sont à des années lumières du principe de plaisir. Dans d’austères salons, on entend (avant de fuir) untel prétendre avec certitude, of course, que c’est la marque du verre qui assèche tel vin. Et l’autoproclamé connaisseur d’exiger tel autre verre dont nous tairons la marque… Laissons les prétentieux à leurs jeux tristes, et buvons un coup. Je préfère le discours sensuel d’un vigneron un peu fêlé, charnellement épris de sa vigne, le parler fleuri d’un poète du vin, à un laïus de poseur en stage de compta. analytique. Beauté, mon beau souci, titrait Valery Larbaud sur un de ses livres. Plaisir, mon beau souci, mon unique souci, devrait être le credo de l’amateur. Et : j’aime ou j’aime pas, l’expression de la liberté la plus nue. Buvez si vous aimez, puisque la vie est courte. Tour le reste est mauvaise littérature.
Dans Sud-Ouest, ce matin
http://www.sudouest.com/121206/vil_pba_bayonne.
asp?Article=121206aP172965.xml
un papier (une "nécro", dans le jargon du métier),
sur mon père décédé, avec mon nom en gros en titre.
Forcément...
" En disparaissant, nos parents emportent avec eux une part de nous-mêmes. Les premiers chapitres de notre vie sont désormais écrits."
"En les couchant dans la tombe, c'est aussi notre enfance que nous enterrons."
"Est-ce bien normal d'éprouver successivement ou simultanément une impression effroyable d'abandon, de vide, de déchirure, et une volonté de vivre plus puissante que la tristesse, la joie sourde et triomphante d'avoir survécu, l'étrange coexistence de la vie et de la mort?"
"C'est dans la solitude que chacun se retrouve (...) Chacun fait ce qu'il peut pour surmonter l'épreuve, bricole à sa manière, toujours bancale, malheureuse, conflictuelle, et se tait."
"Même après leur mort, ne cessons-nous jamais de vivre pour eux, à travers eux, en fonction d'eux ou contre eux? Est-ce une dette qui nous poursuit toujours?"
"Se séparer de nos propres souvenirs, ce n'est pas jeter, c'est s'amputer."
"Donner est un grand bonheur. Ce que j'offrais, ce n'était pas un objet."
"L'écriture naissait du deuil et lui offrait un refuge. Un lieu où se mettre à l'abri avant d'affronter de nouvelles vagues malaisées à contenir."
"Devenir orphelin, même tard dans la vie, exige une nouvelle manière de penser. On parle du travail du deuil, on pourrait dire aussi rite de passage, métamorphose."
"Les arêtes vives des premières douleurs s'émoussent, hébétude et protestations font place à une lente acceptation de la réalité. Le chagrin se creuse. Avec des moments de vide, d'absence, de tumulte. Plus tard se répand une tristesse empreinte de douceur? Une tendre peine enveloppe l'image de l'absent en soi. Le mort s'est lové en nous. Ce cheminement ne connaît pas de raccourcis. On n'y échappe pas. La mort appartient à la vie, la vie englobe la mort."
"Mail il est un temps pour le chagrin, et un temps pour la joie."
© Lydia Flem, Comment j'ai vidé la maison de mes parents, Seuil.
"A tout âge, on se découvre orphelin de père et de mère. Passée l'enfance, cette double perte ne nous est pas moins épargnée. Si elle ne s'est déjà produite, elle se tient devant nous. Nous la savions inévitable mais, comme notre propre mort, elle paraissait lointaine et, en réalité, inimaginable. Longtemps occultée de notre conscience par le flot de la vie, le refus de savoir, le désir de les croire immortels, pour toujours à nos côtés, la mort de nos parents, même annoncée par la maladie ou la sénilité, surgit toujours à l'improviste, nous laisse cois. Cet événement qu'il nous faut affronter et surmonter deux fois ne se répète pas à l'identique. Le premier parent perdu, demeure le survivant. Le coeur se serre. La douleur est là, aiguë peut-être, inconsolable, mais la disparition du second fait de nous un être sans famille. Le couple des parents s'est retrouvé dans la tombe. Nous en sommes définitivement écartés. Oedipe s'est crevé les yeux, Narcisse pleure".
Ainsi commence Comment j'ai vidé la maison de mes parents, de Lydia Flem (Seuil), un livre très émouvant et recommandable entre tous. En de telles circonstances ou pas, d'ailleurs. Que philosopher c'est apprendre à mourir, nan?!!...
Comme je porte le même prénom que mon père, décédé samedi dernier, certains de mes proches ayant lu un faire-part dans la presse, m'ont cru -ou me pensent- mort. C'est lourd. Cela m'est rapporté, au fur et à mesure. Comme si j'avais besoin de cela, en plus! La vie ne nous épargne pas, ni son au-delà-de-lui-même...
Et je résisterai à l'envie de réfléchir à ce phénomène.
Que sait-on de Julien Gracq ?
Ce qui est le plus couramment dit de lui : c'est un grand écrivain, entré de son vivant dans la collection de la Pléiade, et un maître de la langue, ce dont on se persuade aisément à le lire. Ecrivain « à part », il a toujours eu horreur des feux de la rampe, à contre-courant d'une époque radicalement médiatique. Beaucoup n'ont vu qu'orgueil dans son refus du prix Goncourt en 1951, se méprenant sur le sens de son geste : l'invitation pressante faite aux lecteurs à revenir au texte et à juger d'abord par eux-mêmes de la valeur d'un livre.
Cet écrivain si délibérément en retrait n'est pourtant en rien l'homme distant trop souvent décrit. Il a fait le choix -assez inhabituel - d'une vie saine et rangée, mettant à profit une tranquillité jalousement préservée pour lire et pour écrire, se promener et converser. Car Julien Gracq n'a jamais fermé sa porte à quiconque venu échanger avec lui, à la seule condition qu'il soit question d'écriture et de littérature.
C'est ce personnage à deux facettes - l'homme : Louis Poirier / l'écrivain : Julien Gracq - que 303 s'attache à présenter dans cet ouvrage grâce aux regards croisés d'une soixantaine de témoins privilégiés, célèbres ou inconnus (écrivains, traducteurs, visiteurs, lecteurs...) qui ont eu le privilège de converser ou de correspondre avec lui, d'être reçu dans sa retraite angevine des bords de Loire.
Funambule au bout de nos sexes
Lorsque nos âmes font l’amour
Elle déjoue les accents circonflexes du quotidien
Qui parfois nous éloigne
Lionne patiente comme la pierre
Elle est du bond et de l’éclair
Toi
Tu incendies ma vie
J'accueille ton feu
Comme un vin de jouvence
Un alcool de reconnaissance
Le bain vivifiant de l'aube est notre océan
Un lac de plénitude où nous lui apprendrons à nager
La sérénité rétablira peu à peu ses quartiers
Dans les territoires de l'amour en friche
Son visage pâle de planète
Se bronze les entrailles
Aux forces gigantesques
De nos sangs mêlés
C’est notre bonne étoile
Elle réside, pulvérisée, au fond de nos regards
Irradie le coeur de nos ventres
J'aime particulièrement cette définition que Roger Stéphane donne dans son Portrait de l'aventurier (Grasset/Cahiers rouges).
Elle revient de façon récurrente frapper à mon esprit.
La voici, ramassée (débarassée de ses digressions historiques sur Ernest Von Salomon, T.E.Lawrence et André Malraux) :
"J'appelle aventurier celui qui s'engage au service d'une cause sans y adhérer : qui engage sa vie plus pour son propre salut que pour la victoire. (...)
(de mémoire) : la vie, c'est une barque posée dans l'herbe du matin (françois bott),
et : la mort est une prairie émue par le silence (tahar ben jelloun).
jamais le cd comprenant le choeur des prisonniers (nabucco, de verdi) n'aura résonné aussi fort à ses oreilles et aux miennes, dans cette chambre aux fenêtres grandes ouvertes sur la montagne.
hier soir j'ai vu sombrer un long et beau navire, avec à son bord l'homme qui lui faisait corps.
pour la première fois, le navire et son capitaine n'étaient qu'un.
le sister-ship se nommait Douceur.
s'il faut le rebaptiser un jour, son nom sera Sérénité.
L'attente est le titre
que je donne
à cette peinture, Madeleine à la veilleuse,
de Georges de La Tour
que René Char commenta
si poétiquement, dans Fureur et mystère.