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  • Les Dissidents et Les Païens de Ventenac

    IMG_20180412_153322_resized_20180413_040913752-1.jpgIMG_20180412_153306_resized_20180413_040913357.jpgCe domaine audois, dirigé depuis 2010 par le couple Stéphanie Maurel et Olivier Ramé (130 ha), a un pied dans l’AOC Cabardès et un autre en IGP Pays d’OC.

    Il propose quatre nouveautés parmi ses micro-cuvées (de 2 500 à 6 000 bouteilles) baptisées « Les Dissidents » : Paul, Candide, et « Les Païens » : Le Paria et L’idiot.

    Trois rouges et un blanc, volontairement déclassés en « Vin de France » afin de s’amuser davantage avec les cépages, en vigneron anticonformiste et expérimental.

    Olivier Ramé aime les vins « sans maquillage, vibrants, tendus, témoins de leur endroit ».

    Paul 2016 (100% cabernet franc, élevé en jarres de terre cuite de 125 l) se définit comme une cuvée de tendresse à l’instar de celle que des parents prodiguent à leur enfant. C’est en effet frais et concentré, tendu même, avec un beau nez de cassis, légèrement mentholé, et pourvu d’une jolie longueur (18€).

    Candide 2017 (100% chenin, vieilli en foudre de 20 hl) est un blanc vivifiant et bien présent en bouche. Ample, avec de la chair, mais aussi légèrement minéral et augmenté d’une pointe subtile de salinité (18€).

    Le Paria 2017 (100% grenache, vinifié en cuve béton), est un « Païen » (60 000 cols pour cette gamme moins confidentielle), soit un vrai vin de copains des fins d’après-midi d’été : gourmand, friand, juteux, fruité à souhait, soit sans chichis – il appelle la charcuterie et les rires (9€).

    L’idiot 2017 (100% merlot) : sans soufre, levures indigènes, cuves en béton, n’est pas un vin dostoïevskien, mais plus modestement un jus de merlot qui « envoie » du croquant et de la fraîcheur à gogo. Joli nez de fruits noirs, bouche longue et complexe. Allumez le barbecue et envoyez les côtelettes ! (9€). L.M.

  • En passant chez Gayda

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    Deux nouvelles cuvées en édition limitée (30 000 bouteilles, dont 2/3 en rouge) au domaine Gayda (sis dans l’Aude) : « En Passant », rouge (80% syrah, 20% cinsault) et blanc (70% macabeu, 30% viognier). Deux vins légers et sans autre prétention que celle de désaltérer sans prendre le chou. Les vignes dont ils sont issus proviennent du Roussillon et du Minervois. Gourmandise,Capture d’écran 2018-05-19 à 14.46.11.png fraîcheur, et simplicité sont au rendez-vous dans les deux couleurs.

    Inspirée de « The Passenger », hymne rock d’Iggy Pop, cette paire nomade signe des vins de soif à vocation éphémère, car Gayda  se livrera chaque année à ce type d’essais dans son « labo » à l’esprit aventurier plus qu’expérimental.

    9€ la bouteille, en rouge ou en blanc.

    L.M.

  • Un Saint-Estèphe comme on les aime

    Capture d’écran 2018-05-12 à 12.18.18.pngChâteau Cos Labory est un Saint-Estèphe (5è Cru Classé en 1855) comme on les aime : corpulent mais pas bodybuildé, gentleman-writer davantage que farmer. Distingué, opulent, bien présent en bouche, à la suite d'un nez d'une finesse remarquable, il représente une espèce de synthèse médocaine, car c'est équilibré et possède souvent le ton (soit le goût) juste, précis, ciselé même.

    Propriété familiale de 18 ha sise sur la colline de Cos, le domaine jouit d'un sous-sol de graves quaternaires des plus accortes. Bernard Audoy dirige ce beau terroir dont on prétend que c'est la meilleure croupe du coin...

    Cos Labory 2012 (40% merlot, 60% cabernet-sauvignon) est suave, son nez vif, de fruits rouges et noirs de sous-bois, est persistant. Belle longueur en bouche également. Un vin charmeur (30€).

    Cos Labory 2011 (39% de merlot), élevé dans des fûts neufs pour moitié, est très Saint-Estèphe, soit souple et puissant à la fois. Plus terrien que le précédent, il présente un peu d'épices douces en bouche et des saveurs boisées d'arrière-automne au nez. Un vin sincère (32€).

    Capture d’écran 2018-05-12 à 12.18.28.pngCôté second vin (30% de la production totale, laquelle est de 100 000 bouteilles), Charme de Cos 2015 (un peu moins de merlot que de cabernet-sauvignon) est encore un peu rugueux, les tanins fondront bientôt. Il convient de l'attendre. (16€).

    Tandis que Charme de Cos 2012 (28% de merlot) offre une belle gourmandise en bouche. C'est friand de bout en bout (15€).

    Ces vins ont été dégustés - notamment - sur une belle selle d'agneau préparée par Mathieu Pacaud, du restaurant Apicius (Paris 8è), table qu'il possède depuis peu (à la suite de Jean-Pierre Vigato). L.M.

  • Les Bastions

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    Plaimont (AOC Saint-Mont), exemplaire « cave coop’ », offre un nouveau rosé estival plein de franchise et qui ne se la joue pas « modeux ». Les Bastions 2017 possède une robe claire sans être diaphane, voire translucide. Pas de clientélisme outrancier, en terre gersoise. Cela est issu de Tannat, Cabernet-Sauvignon et Pinenc pour la couleur locale. Le nez est frais, les fruits rouges croquants et un rien acides – framboise, groseille, excitent tendrement les narines. La bouche est totalement dénuée de ces arômes de pamplemousse jaune qui nous font fuir en cette saison et avec les vins de cette couleur. C’est franc de fruit, acidulé à la marge, avec un brin de gourmandise qui signe une volonté généreuse. La paroi du verre s’orne d’un léger perlant absent en bouche. C’est délicat, assez long, et fort bienvenu pour escorter un poisson de rivière à la chair fragile, augmenté d’un zeste citrique et d’un demi-tour de moulin à poivre (6,90€). Envoie le riz! L.M.

  • Cheminée noire et Barbe bleue

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    Il est toujours émouvant de tomber sur un vieux cliché jauni, écorné, maltraité par le temps et sur lequel nous peinons à distinguer des détails, mais qui nous parle. Cette photo m’a été adressée (dans le corps d’un e-mail) par mon pote Jacques Ferrandez lorsqu’il travaillait à l’adaptation en BD du « Premier homme » d’Albert Camus (paru chez Gallimard l’an passé), car il me demandait si les cargos de l’armement familial, dont le port d’attache était alors celui d’Oran, avaient pu transporter Camus depuis le port d’Alger à un moment ou à un autre. Je signale en passant le très émouvant livre autobiographique de Jacques, « Entre mes deux rives », paru au Mercure de France : l’Algérie natale, Alger, le quartier de Belcourt où vécurent Camus, Sansal, Ferrandez !, Nice, l’exil, Boualem Sansal à Tipasa, Catherine Camus à Lourmarin, l’adaptation en BD de l’œuvre de son illustre(é) père, Ferrandez le camusien habité est entièrement là, et c’est écrit avec un grande sensibilité et une humilité qui forcent le respect.

    Je ne connaissais pas cette photo. Je fis par conséquent appel à mon cousin Gérard Bengio, mémoire familiale vive de ce qui touche à la Méditerranée et à tout ce qui navigue sur elle, car un détail m’intriguait : la cheminée noire. Chaque cheminée des navires familiaux étant barrée d’un beau bleu ciel serti d’un grand « M » blanc, je m’interrogeais.

    Gérard leva aussitôt l’énigme : l’armement Léon Mazzella & Cie avait repris l’armement Yaffil, à cette époque (aux alentours de la Seconde guerre mondiale?) et la cheminée de leurs navires était noire. Mais pourquoi alors « un » Léon Mazzella (il y en a toujours eu un pour en chasser un autre, et ce jusque dans les années 1980), parait-il ainsi sa cheminée de la couleur du deuil, et non pas de son bleu ciel et blanc maison ?.. Il me faudra rappeller Gérard.

    « La photo a été prise sur le Quai du Sénégal, au port d’Oran, puisque nous devinons la colline de Santa-Cruz en arrière-plan, ainsi que le môle de l’Amirauté, à l’arrière port », précise mon petit cousin. Et comme il s’agit d’une cargaison de billons (tronçons d'arbres), cela ne fait aucun doute : seul ce quai en avait la charge... La date ? – J’ai un indice : l’homme au costume (plein centre) est mon grand-père Léon, décédé le 9 août (le jour de la St-Amour) 1951 d’une crise de cœur que l’on dit cardiaque dans une chambre d’hôtel faisant face à la gare Saint-Lazare, Paris huitième. Il se trouvait là « pour affaires » maritimes, mais les mauvaises langues familiales disent qu’il périt à la manière de Félix Faure d’une fatale fellation peut-être, à tout le moins d’une union pénétrante et adultérine, fait qui fit dire au facétieux Clémenceau à propos du Président Faure : Il a voulu vivre César, il est mort Pompée. Puis-je ajouter que l'abbé dépêché sur les lieux s'enquit de la vigueur du premier personnage de l'État en ses termes :  Le Président a-t-il encore sa connaissance? Et qu'il lui fut répondu in petto : Non, elle vient de s'enfuir en empruntant l'escalier de service... Le trait, délicieux de galanterie et de finesse espiègle, est depuis consigné dans les annales élyséennes... 

    Bien plus simplement, l'épouse de Léon, ma grand-mère prénommée Orabuena car elle était née Juive de Tétouan, puis rebaptisée Bonheur, sa traduction, en se mariant à l’église avec son Procidien de mari (de Procida, l’île méconnue – qu’elle le reste! - du Golfe de Naples), en fut marrie, mais point brisée. Il fallut tenir bon, en femme de caractère bien trempé. L’apparence demeura ferme, flegmatique, voire fondue dans du métal point mou et propre à empêcher toute armure de se fendre un jour, une nuit. Ni étain ni plomb dans la famille, sauf l'un pour le decorum des tables, et l'autre pour la chasse. Du fer, de l’acier, et que le cœur se bronze et jamais ne se brise. Elle sortit d’ailleurs mon père Léon du Lycée Lamoricière, où il passait ses deux bacs, afin de sculpter un armateur de dix-sept ans, flanqué contre sa mère expert-comptable et véritable patronne de la modeste entreprise, comme un daguet (il n’était plus faon tacheté, ses bois donnaient de l'avant) constamment à apprendre le métier contre sa biche de mère courage. L'époque était au privilège de masculinité, au droit d'aînesse et, in situ, au devoir de respect absolu à la culture et aux traditions méditerranéennes ancrées dans un melting-pot culturel bigarré, métissé jusqu'à plus soif et dénué de toute arrière-pensée raciste, comme on dit.

    L’omerta à propos des circonstances du décès du grand-père Léon demeure, car lorsqu’il m’arrive encore de titiller ma vieille tante Thérèse, sa fille (la sœur de mon père), celle-ci glisse aussitôt sur l’affaire de ses géraniums qui fleurissent tardivement – c’est bizarre, tu ne trouves pas?.. Ou bien sur celle du mur de sa terrasse bayonnaise, côté jardin en pente, lequel menace ruine. Évoquer - fut-ce de loin - la sexualité du père ne sera jamais chose aisée, me souffle Sigmund Lacan.

    C’était un « coureur » au fond, selon l’expression d’alors, un inoffensif Barbe bleue comme son frère Giacomi, et aussi l’autre, rescapé des tranchées de 14, Antoniuccio je crois... Juste bon à trousser les femmes de ménage successives de la propriété de Pont-Albin, à Misserghin, sise sur « les hauteurs de la ville » (d'Oran)... Cette page d’histoire familiale me séduit par son côté bovaryen à sa marge, doté d’un accent à la Maupassant dans ses haltes aux auberges de campagne, mâtiné d’une dose de machisme napolitain (totalement anachronique en ces temps d'une pruderie de Quaker), mais à l'effet immédiat sur les saintes nitouches déguisées en vierges effarouchées, et faisant aussitôt rire à gorge déployée tout ce qu’un quai peut compter de marins rayés et un zinc d’amis soiffards...

    Gérard, fin connaisseur, précise que ce bâtiment (je reviens au cliché), est le bateau « souche » des futurs navires de la classe Victory, Empire, puis Liberty ship américains, caractérisés par la mâture en forme d’arche portée. J’affectionne ce type de détail parfaitement inutile au commun des mortels, surtout s’il est sujet au mal de mer, mais qui possède le claquant d’un poème, mâture en arche portée... Et grise l’oreille à la manière de ce qui agace actuellement ma vue, et qui se nomme joliment « les corps flottants » (des fantômes en forme de mouches qui passent devant l’œil, produisant des sous-ensembles flous, dirait Jacques Laurent, et ne laissant pas les corps tranquilles... Mon « vitré » se distend avec l’âge, mais je n’envisage pas encore de double vitrage pour le blanc de mes yeux, pas plus que mon aïeul ne pensa à porter des lunettes... à double foyer).

    Or, donc, cette photo. Je la regarde et je rêve. D’une Algérie où je naquis et où je passai trois années y pico– et demie pour être précis. Je n’y suis pas encore retourné, malgré mes velléités lorsque, par exemple, je fis paraître chez Rivages « Le parler pied-noir » en 1989. Le FIS y montrant déjà le bout de sa sinistre morgue, il fut préférable d’attendre un peu. Sauf que un peu me dure.

    Cette proue droite me fascine. Mon regard a toujours été attiré par ces navires façon brise-glace, l’arrondi à leur base en moins, car ce tranchant de lame, cette rectitude de col amidonné, comme celui que porte (sans la prothèse rigide) Erich Von Stroheim dans « La Grande illusion » (celui de Karl Lagerfeld ne parvient pas à m’émouvoir), lorsque le commandant Von Rauffenstein s’adresse à Pierre Fresnay : « Monsieur de Boëldieu... », sont infiniment émouvants. À quai comme en pleine guerre. L.M.