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  • (écrans)

    Ce matin, je me suis levé tôt, j'ai bu du café, puis je suis sorti, j'ai acheté la presse, un croissant que j'ai aussitôt dévoré en mettant plein de feuilletage sur mon écharpe... C'est passionnant, n'est-ce pas? -Vous allez voir : J'ai alors observé mes congénères. Et bien figurez-vous que j'en ai vu plusieurs, deux-trois, si-si, qui ne regardaient pas et ne tapotaient pas sur leur téléphone en marchant. Je vous jure que c'est vrai. Bon, évidemment, j'ai évité pas mal de collisions avec tous les autres zombies, et je me suis dit : si je leur demandais quelle est la couleur du ciel aujourd'hui, ils ne sauraient répondre.

    Ci-dessous, sur des sujets voisins comme l'urgence de capturer au lieu de vivre, l'absorption de tout l'être par la bonde de l'écran, l'inquiétante addiction des jeunes à leur prison psychique (le smartphone), le curieux besoin d'être en public mais reclus avec son ordinateur portable, le côté si insolite (et bientôt très classe) de lire un journal, l'outrecuidance d'utiliser un ordinateur portable au restaurant (comme celle, honnie, de téléphoner dans les transports en commun), etc., voici des illustrations pathétiquement vraies de notre époque, signées du satiriste autrichien Gerhard Haderer, au regard acide, sans concession et un rien désabusé. L.M.

    Capture d’écran 2018-03-27 à 09.20.19.pngCapture d’écran 2018-03-27 à 09.20.54.pngCapture d’écran 2018-03-27 à 09.21.09.png

  • KallyVasco a 12 ans

    Capture d’écran 2018-03-26 à 18.35.52.pngCe matin, une douceur printanière semble vouloir prendre possession de la ville en dépit d’une grisaille et d’une humidité persistantes jouant à cache-cache avec un soleil généreux lorsqu'il se pousse du coude. J’aperçois un couple de mésanges bleues sur un acacia. Les deux boulettes fines volètent frénétiquement de branche en branche - les mésanges sont sans cesse à leur affaire, qui est de se nourrir. Elles m'évoquent (et ce n'est pas gentil pour elles), les rats de coquetèles, qui semblent affamés tant ils s'empiffrent comme des porcs, lors que la plupart sont des gens aisés et plutôt gras. 

    Cette simple observation d'un couple d'oiseaux fragiles et menus sur de frêles branches (à l'instar de cet arbre peint par Egon Schiele), m'emplit de bonheur. Une certaine forme de délicatesse inscrit ce début de semaine dans la paix. Me viennent des vers que j'ai souvent en tête, de Giuseppe Ungaretti : 

    La vie lui est d'un poids énorme

    Comme aile d'abeille morte

    À la fourmi qui la traîne.

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    La vita gli è di peso enorme

    Come liggiù quell'ale d'ape morta

    Alla formicola che la trascina.

    Je réalise tout à trac que le « chien » - je nomme ainsi ce blog, a déjà douze ans. Je me revois l'ouvrant sur les bons conseils de mon amie Alina Reyes, chez elle : T’embêtes pas à créer un site, un blog suffit. 26 mars 2006 - 26 mars 2018. Je ne découvre qu'à l'instant une funeste coïncidence avec l’anniversaire du massacre de la rue d'Isly à Alger (le 26 mars 1962, l'armée française tire sur la foule de ses compatriotes venus manifester pacifiquement. Bilan : 80 morts, 200 blessés. Je ne m'étendrai pas).

    Je pense surtout à ce chiffre devenu fétiche, puisqu’il désigne l'alphabet, et que sans ses 26 lettres je ne suis rien et nous sommes peu de choses. C'est un chiffre auquel je rends hommage chaque fois que possible : avec mon livre 26 villages pyrénéens par exemple. Voire avec Les bonheurs de l'aube, même si j'ai échoué à l’emplir de vingt-six nouvelles, car j'écrivis les vingt qui le composent en un lieu enchanteur, l'île de Formentera et que, de retour à la brutalité de la grande ville, mon bras bloqua et la plume sécha...

    Voici donc KallyVasco, 12 ans d’âge comme un single malt déjà fait, 1 627 articles, 3 835 commentaires. Des visiteurs toujours plus nombreux et des pages consultées par centaines, voire par milliers chaque jour. Avant l'irruption, l'invasion des réseaux sociaux, les commentaires abondaient, ici même. À présent, comme je reproduis mes articles insérés dans KallyVasco, à la fois sur mon compte Twitter et sur ma page Facebook, c'est sur cette dernière plateforme (sans doute plus simple d'utilisation), que ça réagit avec prédilection.

    Il y a ainsi dans le ventre de ce blog des archives à foison pour y flâner : nourritures terrestres et spirituelles, livres, vins, voyages, sensations, billets d'humeur, d'humour, amour, amitié, images, sons - soit des plaisirs simples en partage avec vous, dont je loue la fidélité. Tel est mon beau souci. Et puisque j'ai créé KallyVasco afin de « faire passer » l'émotion décrite davantage qu'écrite, the chien must go on. L.M.

     

     

  • De quelques vins rosés 2017 provençaux refusant de se déguiser en pamplemousse jaune

    Capture d’écran 2018-03-22 à 16.19.43.png01_Château Angueiroun_Virginie_rosé 2017_Côtes de Provence.jpg06_Domaine Clos Cibonne Cru Classé_Tendance_rosé 2017_Côtes de Provence.jpg32_Domaine des Sarrins_Rosé Secret_rosé 2017_Côtes de Provence.jpg48_Domaine du Loou_Terres du Loou_rosé 2017_Coteaux Varois en provence.jpg56_Aumérade Cru Classé_Marie-Christine_rosé 2017_Côtes de Provence.jpg57_Domaine Gavoty_Clarendon_rosé 2017_Côtes de Provence.jpg61_Château de Beaupré_Le Château_rosé 2017_Coteaux d'Aix-en-Provence.jpg63_Domaine la Gayolle_Syagria_rosé 2017_Coteaux Varois en Provence.jpg65_Domaine Croix-Rousse_Pierres Précieuses_rosé 2017_Côtes de Provence.jpg66_Domaine les Fouques_La Londe_rosé 2017_Côtes de Provence La Londe.jpg68_Clos Réal_Réal rosé_rosé 2017_Côtes de Provence.jpg70_Domaine des Hauts du Clos_rosé 2017_Côtes de Provence.jpg

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Vous ne trouvez pas qu’il y en a marre de ces rosés chargés de flaveurs d’agrumes, au nez comme en bouche ? Certains sont si rebutants qu’ils ne donnent pas envie d’aller au-delà d’un paresseux et dépité reniflage car, loin d’exposer au moins un nez de pomelo rose et mûr, plus sucré qu’acide, ils envoient une charge de pamplemousse jaune pas mûr et à la peau épaisse. C’est tout simplement désagréable, lorsque nous savons que nous tenons un verre de vin en main, et qu’il est issu de raisin. Même au petit-déjeuner, on n’en voudrait pas en jus pressé. Nous évoquons pourtant ici les rosés de l’été (millésime 2017, sauf exception précisée).

    Mais, cette tendance qui obéit à une mode (je m’interroge sur l’obscur objet du désir de retrouver de tels arômes lorsqu’on déguste un vin frais, mais bon…), s’impose et semble avoir l’oreille dure et le regard obtus.

     

    À LA RECHERCHE DU RAISIN PERDU

    Récemment, et grâce à la complicité hautement professionnelle de l'agence Clair de Lune, nous avons pu découvrir (au restaurant Baltard au Louvre, à Paris 1er, le 7 mars dernier), et donc déguster quantité de rosés (soixante-treize, pour être précis) de Provence 2017, dans les AOC suivantes : Côtes de Provence, Côtes de Provence Sainte-Victoire, Côtes de Provence La Londe, Côtes de Provence Pierrefeu, Coteaux d’Aix-en-Provence, Coteaux Varois en Provence. Beaucoup possédaient cette caractéristique qui, à mes papilles, constitue une aberration rédhibitoire. Nous ne les citerons évidemment pas. Ce sont ceux qui, sur mon carnet de dégustation, portent juste les trois lettres « agr. » pour agrumes, et qui me signifient non sans coup férir. Voire aaarrrghhh, soit aigre. D’autres comportent les initiales « b.a. » pour bonbon acidulé – une autre caractéristique au long cours, une résistante à oeillères, bien qu’aussi ringarde que la crème catalane au dessert et le couple de pompons sur les mocassins.

    Capture d’écran 2018-03-22 à 16.20.12.pngEn revanche, d’aucuns, les happy few, se révélèrent fidèles à une certaine vinosité, à une acidité juste, un fruité équilibré, un abord friand qui appelle les copains et la charcuterie ou les poissons de roche grillés à la rescousse. Bref, la plupart sentaient quand même l’apéro des beaux jours et le far niente d’un printemps et d’un été à conquérir au limonadier. Leurs flacons sont photographiées ci-dessus.

     

    SÉLECTION PARSÉVÈRE


    - Ainsi de la puissante cuvée Virginie du château Angueiroun (Côtes de Provence), une Réserve dotée d’un nouvel habillage, et dominée par la, ou le grenache (j’hésite toujours, et avec d’autres cépages aussi, que j’aime féminiser ou pas, c’est selon) : 13€.

    - La cuvée Tendance (?) du domaine Clos Cibonne (Cru classé, Côtes de Provence) possède une belle matière tant au nez qu’en bouche - assez longue cette dernière -, et son fruité ne fait pas semblant de l’être (15€).

    - La cuvée Le rosé secret, du domaine des Sarrins (Côtes de Provence), 23€ quand même – il faudra que j’écrive bientôt un papier sur le prix devenu dingo de certains rosés…-, est plaisant, herbacé, vert mais gras : allez comprendre des fois la magie des contraires, l’équilibre de la carpe qui tend sa nageoire au lapin !

    - La cuvée Terres du Loou, du domaine éponyme (Coteaux varois en Provence) exprime une vinosité idoine et salutaire par les bibines qui courent. C’est complexe, riche, opulent même en fin de bouche. Et ça ne coûte que 8€ : avis aux buveurs d’étiquettes !..

    - La cuvée Marie-Christine, du château de l’Aumérade (Cru classé, Côtes de Provence) est un vin doté d’un équilibre remarquable, aromatique à souhait, les fruits à chair blanche et jaune s’y fleurent à plein nez et s'y croquent à belle bouche (13€).

    - Parmi les « classiques », la cuvée Clarendon du domaine Gavoty (Côtes de Provence) séduit par sa légèreté florale, sa délicatesse de dentelle qu’un coup d’étrier corsé contredit en arrière-bouche : il y a de l’esprit Carmen dans le verre, et nous aimons cela (15€).

    - Le château Coussin de la famille Sumeire, 13€ (Côtes de Provence), ou une autre cuvée familiale, César à Sumeire Coussin, 22€ (Côtes de Provence Sainte-Victoire), comme la cuvée Rose et Or du célébrissime château Minuty, 22€ (Côtes de Provence), ont déçu. Mollesse ici, excès d’agrumes là. Et pas d'avantage à donner non plus à la cuvée Confidentielle de Figuière, 25,60€ (Côtes de Provence La Londe). Pour ne citer que quelques stars.

    - Le Château, cuvée du château Beaupré (Coteaux d’Aix-en-Provence) est d’une suavité rare (10,50€).

    - La cuvée Syagria du domaine La Gayolle (Coteaux Varois en Provence) est assez intéressant, car il retient avec l’amplitude de sa bouche, fraîche et généreuse en diable. Un point spécial pour l’originalité de la forme du flacon, laquelle se discute (9,50€).

    - La cuvée Pierres Précieuses, du domaine Croix-Rousse, - en biodynamie - (Côtes de Provence 2016, 17€), expose une jolie douceur lascive à la Gauguin, à peine troublée par des saveurs susurrées façon « La pie qui chante », vous voyez ?..

    - Le sérieux surgit tout à trac de la cuvée La Londe, du domaine Les Fouques (Côtes de Provence La Londe, 11,50€), en biodynamie lui aussi, vineux et léger à la fois : c’est un militaire en permission…

    - La cuvée Réal Rosé du Clos Réal (Côtes de Provence) possède une discrète complexité aromatique qui appelle la charcuterie au secours comme Roland à Roncevaux afin que cesse une certaine boucherie. C’est délicat, ça coûte à peine 8,70€ et c’est en biodynamie. Que demande le peuple ?

    - Et bien que le domaine des Hauts du Clos, biodynamique Côtes de Provence à 8€ soit à la hauteur. Mais non. Ceci est juste acidulé convenablement, doux et agréable : voici – néanmoins - le vin de l’apéro de l’été : sans chichis et amical à mort.

    - Quant au meilleur (selon notre jugement), gardé pour la fin, il se nomme Silice, cuvée67_Château Gasqui_Silice_rosé 2017_Côtes de Provence.jpg du château Gasqui, à la robe profonde, presque « clairet », au nez très soutenu, à la bouche charnue gourmande, à ce vin vrai qui se mâche, et pourvu d’une excellente nervosité jusqu'au bout de l'arrière luette. À ce stade de France, nous convoquons illico presto des rougets grillés comme s’il en pleuvait, ainsi que du canard laqué à hue et à dia – et pourquoi pas ? C’est là encore en biodynamie (Ecocert, Demeter), c’est en Côtes de Provence (2016), cela coûte 12,50€ et ça les vaut. Vraiment. L.M.

  • René Char et Alberto Giacometti à la Galerie Gallimard : UNE CONVERSATION SOUVERAINE

    IMG_20180320_220454_resized_20180320_100755413.jpgVernissage de l’exposition René Char - Alberto Giacometti ce mardi 20 vers 19 h. à la Galerie Gallimard, à deux pas de « la Banque de France de l’édition » (l’expression est de Philippe Sollers), soit au bout de la rue Gaston-Gallimard, puis juste à droite (*).

    IMG_20180320_192922_resized_20180320_100753371.jpgIMG_20180320_224954_resized_20180320_105017225.jpgIMG_20180320_220653_resized_20180320_100754535.jpgIMG_20180320_233643_resized_20180320_113709910.jpgIMG_20180320_220607_resized_20180320_100755144.jpgIMG_20180320_220634.jpgAllégeance.pngIMG_20180320_170316_resized_20180320_100754131.jpgIMG_20180320_194528_resized_20180320_100752950.jpgIMG_20180320_220508_resized_20180320_100754781.jpgIMG_20180320_220715_resized_20180320_100756151.jpgDu beau monde, de Christiane Taubira au grand poète Adonis en passant par Vénus Khoury-Ghata, est venu ce soir pour rendre hommage à l’initiative salutaire de Marie-Claude Char, qui est simplement de continuer  de faire vivre l’œuvre de René, en l'alliant comme avant avec les artistes qui entretinrent des amitiés fructueuses.

     

     

    LA GALERIE DES ALLIÉS SUBSTANTIELS

     

    Cette galerie a ouvert ses portes en novembre dernier avec une exposition consacrée à Patti Smith et ses affinités littéraires - rimbaldiennes avant tout. L'un de ses buts est de renouer avec l’indéfectible compagnonnage des peintres, ces « alliés substantiels », comme les nommait Char, et des poètes, et les écrivains en général.

    Voilà une cohérence qui fait plaisir à voir Gaston entretenait déjà commerce (au sens de Montaigne, pas des argentiers) avec les artistes autant qu’avec ses auteurs. Une galerie d’art, la Galerie de la NRF, ouvrit ainsi en 1931 au sein même des locaux de la maison d’édition, rue Sébastien-Bottin, et où Fautrier – entre autres - exposa. L’expérience dura trois années.

    La Galerie de la Pléiade prit le relais après la Seconde guerre mondiale, au 17 rue de l'Université. Prassinos, Masson, Dubuffet, d’autres, y accrochèrent leurs toiles, sous l’impulsion de Jean Paulhan, dont le flair et le goût étaient sûrs. L'aventure dura jusqu’en 1951.

     

    UNE TRADITION MAISON

    La Galerie Gallimard, sise au 30 rue de l'Université, constitue par conséquent le prolongement de cette formidable tradition aimant et sachant mêler, entremêler textes  et œuvres graphiques issues de l’art moderne, ou brut, et contemporain, ainsi que de la  BD et de la photographie de haut-vol.

    Antoine Gallimard le déclare lui-même : « Si le livre est notre métier, nous savons aussi que la création littéraire est plus que jamais liée à toutes les formes d’expression culturelle et artistique, comme l’a si bien montré Malraux ».

    Après une expo sur les romans de Camus (L’Étranger, Le Premier homme) illustrés par l’ami Jacques Ferrandez, voici donc – afin de célébrer les trente ans de la disparition de René Char, et les soixante-dix ans de la parution de Fureur et mystère, son recueil majeur et des plus lus, une exposition sur l’amitié forte et profondément sincère qui existât entre le poète de l’Isle-sur-la-Sorgue et le génial sculpteur et dessinateur transalpin.

    La collection Poésie/Gallimard, qui change de mains puisque André Velter a pris sa retraite en passant le flambeau à Jean-Pierre Siméon, publie une édition précieuse du Visage nuptial : il s’agit d’un fac-similé sur fond beige, enrichi des œuvres de Giacometti créées pour enluminer les textes (ici manuscrits) de Char. L'ensemble est suivi de Retour amont, recueil imprégné de nature, dédié aux abords des Busclats jusqu'à la frise des Dentelles de Montmirail, rehaussé également de dessins du même artiste, tandis que Le Visage nuptial est un poème d'amour majuscule.

     

    UNE AMITIÉ FORTE

    Notons que certaines oeuvres de Giacometti ont été  exécutées aux crayons de couleurs, ce qui fut rare, et détonne chez un aficionado de toujours de la mine de plomb, et du noir & blanc  par principe éthique et esthétique.

    Évidemment, en format de poche, cette lecture double n’est pas des plus confortables, mais bon… (le manuscrit original est détenu à la Bibliothèque nationale pour un temps... certain).

    Le thème de l’exposition s’intitule « Une conversation souveraine ». Celle-ci est logiquement proposée par Marie-Claude Char, en gardienne du temple infiniment bienveillante, et qui signe d'ailleurs la préface de cette édition du Visage nuptial. À noter qu'un bref échange de correspondance entre les deux artistes figure en annexe du petit livre, et que celui-ci est entre tous éclairant quant à leur amitié forte, et leur souci d'accomplir alors - avec le concours de Guy Levis Mano, premier éditeur de ces plaquettes aujourd'hui réunies - un travail exigeant, scrupuleux, et reposant sur une évidente connivencia.

    Voici donc un vrai cadeau pour tout ceux qui passeront par là avant le 14 avril : l’occasion - émouvante - de pouvoir contempler à loisir  des originaux d'Alberto  Giacometti, des poèmes manuscrits de René Char, comme le célèbre Allégeance, le délicat Effacement du peuplier, ou encore ce trait tragiquement génial qui signe la déclaration de guerre : 3 septembre 1939 (Le loriot entra dans la capitale de l'aube...), ainsi que des éditions rares, des estampes, des lettres, des hommages, quelques photos éparses et enfin des citations emblématiques (extraites de Fureur et mystère et des Feuillets d'Hypnos) que chaque familier de l’œuvre de Char a constamment sur le bout des lèvres. Une réussite. L.M.

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    IMG_20180320_220527_resized_20180320_100753767.jpg(*) Galerie Gallimard, 30/32 rue de l'Université, Paris 75007, www.galeriegallimard.com : Exposition Char/Giacometti du 22 mars au 14 avril, du mardi au samedi de 13 h à 19 h. Un coin librairie permet d'acquérir éditions courantes et pour bibliophiles. Le Visage nuptial en Poésie/Gallimard coûte 9 € seulement. Prochaine exposition : André Malraux, éditeur d’extraordinaire. 

    Nota Bene : le buffet fut arrosé par les côtes-du-rhône basiques en blanc et en rouge de la famille Perrin. Du classique mais solide. Cohérent, là encore, avec le voisinage des vins de l'appellation Ventoux chers à Char. Nous aurions été néanmoins sensibles à davantage de complicité, soit à déguster plutôt deux Vacqueyras (un rouge, et un rare blanc). Mais, bon... Là, nous exagérons.

    Addendum : je tombe sur ceci lors que je mets ce texte en ligne : http://lemde.fr/2ppZzma À suivre!.. Et ça aussi : http://www.fondation-giacometti.fr

  • Bordel

    Une fois n'est pas coutume : ce blog, dédié aux plaisirs littéraires et bachiques, aux voyages et à la gastronomie, s'ouvre exceptionnellement à un coup de calgon éprouvé hier soir à propos de Mayotte.

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    Capture d’écran 2018-03-05 à 22.32.15.pngQUEL BORDEL !
    Je m'interroge sur le bordel ambiant : Le quotidien italien Il Tempo titre ce 5 mars : "Che bordello", comme suite aux résultats des élections législatives de dimanche soir qui ont vu chuter Matteo Renzi et monter les mouvements populistes de Matteo Salvini (La Ligue) ou de Luigi di Maio (Cinque Stelle), sans parler de la toujours vivace momie du vieux caïman Silvio Berlusconi et son parti, en embuscade active (et soutien de Salvini)...


    De son côté, le quotidien Les Nouvelles de Mayotte titre (non sans espièglerie) sa Une et son édito de ce lundi dans les mêmes termes : "Le bordel En Marche". Car c'est vraiment le bordel dans le 101 ème département français (créé en 2011). La République semble délaisser sa population,Capture d’écran 2018-03-05 à 22.36.08.png laquelle souffre d'insécurité croissante, de précarité, de sous-équipement, de grèves depuis plus de deux semaines (des barrages bloquent partiellement l'île), de menaces lourdes de paralyser ses très prochaines élections législatives partielles (18 et 25 mars) ... En dénonçant "la brutalité" ambiante en Italie (dixit Emmanuel Macron aujourd'hui), l'exécutif semble assez peu se soucier de ses ressortissants vivant loin de métropole.


    Or, oui, ça chauffe, ça barde, l'atmosphère de guerre civile couve à Mayotte. Qui s'en soucie? Les Comoriens clandestins débarquant quotidiennement en terre de "welfare state" sont désormais bien plus nombreux que les Mahorais, ce qui engendre des tensions fortes, des débordements devenant insupportables (des enfants se rendent armés de "t'chombos" - machettes - à l'école : http://bit.ly/2Fpyo46), des actes de violence, des agressions, soit une délinquance ordinaireCapture d’écran 2018-03-05 à 23.57.51.png face à laquelle les autorités semblent ne pouvoir / ne vouloir faire face...
    Capture d’écran 2018-03-06 à 05.59.28.pngLes Français de métropole vivant dans ce département, et qui y travaillent, seraient clairement entre le marteau et l'enclume en cas d'insurrection générale.


    Ce climat délétère ressemble, par certains points, à la situation de(s trois départements de) l'Algérie en 1962, lorsque "la Grande Zohra" - le général de Gaulle - les lâcha. Nous avions "compris"... Mais qui s'inquiète de cela. Qui? Vu qu'à Mayotte, il n'y a guère de pétrole mais seulement des bananes. Et une situation géopolitique stratégique - mais, justement...


    Certainement pas Gérard Collomb qui envisage de faire de l'île une Zone de sécurité prioritaire (ZSP) comme on joue à l'apprenti sorcier en effectuant des tests de vivisection. Pas davantage Annick Girardin, la ministère de l'Outre-Mer, qui saupoudre timidement en envoyant, pressée d'agir, quelques policiers en renfort (sera-ce vraiment les deux pelotons de gendarmerie annoncés, ainsi que dix policiers de la PAF, la PoliceCapture d’écran 2018-03-05 à 22.35.57.png aux frontières?..).


    Lorsque l'on s'aperçoit que Mayotte constitue par ailleurs un véritable désert médical où presque aucun médecin spécialiste n'exerce/ne veut venir exercer, nous pouvons craindre que cette région ultrapériphérique ne devienne aussi un désert policier, sinon un territoire où le ratio forces de l'ordre/population serait cruellement insuffisant...


    Capture d’écran 2018-03-05 à 23.58.36.pngA la lecture de ces mesures jugées trop faibles par l'opinion publique de l'île, nous hésitons à qualifier ce bordel de grotesque ou bien de proie du mépris. L'édito excédé des Nouvelles de Mayotte évoque des errements, des atermoiements, une exaspération maximale qui ne sont pas des vues de l'esprit (nous nous sommes rendus sur place et avons donc pu voir, constater, un certain nombre de choses...). La Une de France Mayotte, bien que plus tendre, n'est pas en reste. Celle de Mayotte Hebdo est alarmiste.


    En attendant la visite espérée de M. Macron, Laurent Wauquiez est "opportunément" arrivé ce 5 mars sur l'île pour tenter de comprendre ce qui s'y passe... (Lire Le Figaro du jour : http://bit.ly/2FW6RFi).


    Malheureusement, dans l'Etat jacobin dans lequel nous vivons, le problème de la circulation sur les voies sur berges parisiennes et l'administration catastrophique de la capitale, placée sous la férule maladroite d'Anne Hidalgo - des sujets certes fort importants - monopolisent l'attention de mes confrères devenus de plus en plus rétifs au sacro-saint "terrain", se contentant d'infos peinardes faisant du buzz et se déroulant juste au bout de leur nez. Bordel!.. L.M.

     
  • Grands Caractères

    IMG_20180303_130639_resized_20180303_075620807.jpgMe voici donc, avec quatre consoeurs des merveilleuses éditions Passiflore - pilotées par les talentueuses Florence Defos du Rau et Patricia Martinez -, décliné en édition grand format, saisie en corps 18 à l'attention de ceux qui aiment lire mais qui ont la vue basse, comme on dit : il s'agit, pour mes consoeurs, de Fabienne Thomas, Marie-Laure Hubert Nasser, Pascale Dewambrechies, et Chantal Detcherry.

    Cette édition a la taille d'un cahier, avec des pages lisibles de loin, confortables à bout de bras, que l'on feuillette comme un tapuscrit ou presque. J'ai personnellement la joie d'y donner à lire (en bonus) une préface dont me gratifia Michel Déon en 1995, ainsi qu'une lettre de Pierre Moinot - autre académicien, auteur d'un inoubliable Guetteur d'ombre (Prix Femina 1979), datant de la parution de ce petit bouquin en 1992. C'est la quatrième version de Chasses furtives. Après ses éditions chez J&D, puis Gerfaut, chez Passiflore en version normale, voici - et chez le même éditeur donc -, celle en Grands Caractères, laquelle prolonge d'ailleurs la version numérique (e-book). Pour que continue de vivre la littérature, faites passer! L.M.

    Ci-dessous, la lettre de Pierre Moinot, et pour extrait, le début du livre : 

    IMG_20180303_202022_resized_20180303_082114625.jpgIMG_20180303_202332_resized_20180303_082420642.jpg

  • Cheng à l'âme

    Capture d’écran 2018-03-03 à 17.44.43.pngTon âme, tu la sais sans la voir, mais tu vois

    Celle d’un autre quand il s’émeut ou se confie.

    Miracle des regards croisés, fenêtre ouverte :

    Voyant l’âme de l’autre, tu vois la tienne propre. 

    Cet extrait de Enfin le royaume (Gallimard), recueil de quatrains de François Cheng, poète (et académicien) délicat, discret, subtil, qui nous a déjà donné des perles comme A l'orient de tout, ou La vraie gloire est ici (Poésie/Gallimard) est à recopier, à plier et à offrir, à glisser dans sa poche ou dans son sac, entre ses seins ou dans le creux de son oreille...

    Plus personne n'écrit de quatrains, aujourd'hui. Voilà un genre tombé en désuétude et ravivé par ce recueil profond, qui nous fait oublier le dépouillement tant aimé du haïku, et tout aussi essentiel, tout autant ouvert à la réflexion sensible, à la méditation épurée.

    François Cheng pense qu'un seul quatrain peut résumer toute une vie. C'est dire combien ce genre poétique strict (5-7-5-7 pieds) est une poésie en pensée figurant le concentré. Une contrainte vers l'essentiel. Une démarche vers l'irréductible.

    Ecrire un quatrain, c'est faire voeu de concision, de retenue, de condensation, de cristallisation, c'est émonder, épurer, dit-il. C'est consentir à la brisure. Soit renoncer au bavardage, faire voeu de silence et d'observation bienveillante du monde, du paysage, du regard et de l'âme de l'autre.

    Voici deux autres quatrains contenus dans ce précieux recueil, histoire de s'en convaincre davantage :

    Le sort de la bougie est de brûler.

    Quand monte l'ultime volute de fumée,

    Elle lance une invite en guise d'adieu :

    "Entre deux feux soit celui qui éclaire!"

    Et celui-ci : 

    Nous avons bu tant de rosées

    En échange de notre sang

    Que la terre cent fois brûlée

    Nous sait bon gré d'être vivants.

     

    Et nous aimons. L.M.

     

     

  • typoésie

    Capture d’écran 2018-03-03 à 09.28.10.pngFrancis Ponge passa sa vie à analyser la poétique des choses à travers les mots qui les désignent et son parti pris est indépassable.

    Jérôme Peignot joue quant à lui avec la forme des mots en proposant une lecture typographique ludique, érotique, humoristique. Ses Typoèmes (Actes Sud) sont une cour de récré où palindromes, anagrammes et esperluettes se bousculent comme des mômes espiègles.

    Cette invitation à la lecture typographique du monde à travers les jeux entre les lettres désigne une poésie visuelle précise réclamant une attention qui débouche sur une réflexion légère.

    A l'instar des mots-valises, la typoésie est communicative : elle donne immédiatement envie de créer des typoèmes, comme nous avons aussitôt envie de trouver des mots-valises lorsque nous en lisons quelques uns : nous nous prenons délicieusement au jeu...

    Il s'agit en somme de jongler avec les mots de différentes façons, mais avec une dimension poétique dans la seconde manière, faite de simplicité facétieuse, voire de douce grivoiserie. Avec la typoésie, nous jouons par conséquent davantage avec les lettres. Peignot nous invite ainsi à retrouver l'étymologie graphique des êtres et des choses. Amusons-nous. L.M.

    Trois exemples parmi tant : IMG_20171031_120844_resized_20180303_093039067.jpgIMG_20171031_120936_resized_20180303_093038299.jpgIMG_20171031_120848_resized_20180303_093038702.jpg

  • La poésie avec ardeur

    Capture d’écran 2018-03-02 à 18.50.49.pngL'ardeur est le thème du 20 ème Printemps des Poètes qui débute demain et qui s'achèvera le 19 mars.

    Sophie Nauleau, nouvelle directrice artistique d'une manifestation d'envergure nationale désormais, publie à cette occasion un petit manifeste charmant aux éditions Actes Sud : La poésie à l'épreuve de soi figure une sorte d'anthologie personnelle liée par les mots sensibles d'une femme habitée depuis son enfance toulousaine par le poème, le mot fulgurant, l'ardente urgence de dire l'émotion, le bonheur ineffable d'habiter poétiquement le monde, pour reprendre le mot fameux de Hölderlin. La couverture est signée Ernest Pignon-Ernest, qui montre un être ailé dans un élan ardent. Ardere, enCapture d’écran 2018-03-02 à 18.51.16.pngCapture d’écran 2018-03-02 à 18.51.36.png latin, signifie brûler, briller. (Zélos, en grec). Son anagramme est : durera. Ça parle. L'éclair me dure, nous chuchote l'immense René Char devenu classique, dont on célèbre le trentième anniversaire de la disparition, chez Gallimard, avec une édition collector de Fureur et mystère, l'un de ses plus fameux recueils paru il y a soixante-dix ans déjà, et une édition illustrée par Alberto Giacometti du Visage nuptial, suivi de Retour amont, ces deux volumes en Poésie/Gallimard. Tout comme Ajoie, du délicat et regretté Jean-Claude Pirotte, qui comprend aussi Passage des ombres et Cette âme perdue, ou encore Mathématique générale de l'Infini, du turbulent Serge Pey. Sophie Nauleau souligne dans son petit bouquin très intime que, contrairement au vin, l'ardeur poétique résiste aux siècles. C'est tellement vrai. Elle n'en finit jamais de résonner, ajoute-t-elle. Gronde en sourdine. Elle feule en solitaire. Elle sommeille en douce. Elle guette son heure - sereine en sa forêt de la longue attente. La poésie est comme le lait sur le feu. L.M.

    Printemps des Poètes